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Pharsale (Lucain)

La Guerre civile, plus connue sous le nom de Pharsale, est une épopée latine inachevée, écrite en hexamètres dactyliques, et l'œuvre principale du poète stoïcien Lucain. Son titre exact est Marci Annaei Lucani de bello ciuili libri decem (Les Dix Livres de M. A. Lucain sur la guerre civile). C'est du chant IX, v. 985, que la tradition a tiré le titre apocryphe de Pharsale — car c'est là que César a vaincu Pompée —, mais il ne figure pas dans les manuscrits.

Pharsale
Pharsalia, 1740
Titre original
(la) De Bello Civili
Langue
Auteur
Genre
Jean Fouquet, La Fuite de Pompée après la défaite de Pharsale, Histoire ancienne, vers 1470-1475. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, RF 5271 RMN

Contexte historique

Lucain vit et écrit sous le principat de Néron. Si le début du règne du princeps promet de grandes choses, on parle de renouveau néronien, il devient bientôt un cauchemar pour quiconque s'oppose au prince. Néron, comparé très tôt à Apollon, est plus un artiste qu'un prince et écrit des poésies, interprète des tragédies sur scène. Son règne dure quatorze ans, pendant lesquels il fera preuve d'une violence inouïe envers ses ennemis et ses propres conseillers. Ainsi, il invitera au suicide Sénèque, son précepteur. Lucain sera, lui aussi, contraint à se suicider sur l'ordre de Néron.

Dans l'Antiquité, les biographes attribuent la disgrâce de Lucain à son talent, trop grand pour que Néron puisse le supporter. Il est également probable que Lucain, entraîné par la chute progressive de l'influence de Sénèque, ait décidé de participer à la conjuration de Pison contre Néron ; en tout cas c'est parce qu'il est accusé d'y avoir participé qu'il est condamné au suicide par Néron[1].

Tradition Ă©pique

Dans cette épopée, qui retrace le début de la guerre civile que se livrèrent Jules César et Pompée, entre 49 et , Lucain se rattache à la tradition d'Ennius en refusant d'écrire une épopée mythologique et participe aux préoccupations scientifiques de son temps : géographie, astronomie, histoire naturelle. Dans son épopée, les dieux n'interviennent pas, mais on trouve des rêves prémonitoires et des monstra (des « présages » ou « oracles »).

Par rapport à la grande épopée qu'est L'Énéide, le texte de Lucain présente une réelle originalité. Elle ne décrit pas un passé lointain et légendaire, mais s'attache à des événements historiques datant de moins d'un siècle, ainsi que l'avaient fait Naevius dans son Bellum Punicum ou encore Quintus Ennius dans ses Annales de la République Romaine, racontant tous deux les épisodes contemporains des guerres puniques. Une autre de ses particularités, liée à la première, est le refus du merveilleux. C'est une œuvre pessimiste et profondément marquée par le stoïcisme. La sagesse de Caton d'Utique y est opposée à l'ambition et à l'intempérance de César, responsable d'une guerre dont l'horreur est peinte avec une particulière vivacité.

Résumé

Cette œuvre devait sans doute comporter originellement douze chants et s'achever sur le suicide de Caton ou l'assassinat de César, constamment fustigé par Pompée. Dans les trois premiers livres, Lucain tient la balance égale entre César et Pompée. Mais après sa disgrâce auprès de Néron, il soutient Pompée.

Livre I

  • Éloge de NĂ©ron.
  • Causes de la guerre.

Livre II

  • Longue lamentation des Romains.
  • Première apparition de Caton Ă  qui Brutus demande ce qu'il faut faire pendant la guerre.

Livre III

  • Dans un songe, Julie prĂ©dit Ă  PompĂ©e les malheurs Ă  venir.
  • Description de CĂ©sar qui s'empare du trĂ©sor public.
  • Siège de Marseille.

Livre IV

  • Bataille d'Espagne : CĂ©sar est maĂ®tre des PompĂ©iens.

Livre V

  • Le SĂ©nat romain, en exil, siège en Épire et donne le commandement suprĂŞme Ă  PompĂ©e.
  • CĂ©sar revient Ă  Rome pour calmer ses lĂ©gions : il est nommĂ© dictateur et consul et dirige ses troupes au-delĂ  de l'Adriatique.

Livre VI

  • PompĂ©e se fait enfermer dans Dyrrachium.
  • CĂ©sar gagne la Thessalie, rejoint par PompĂ©e.
  • La fin du livre est consacrĂ©e Ă  Sextus PompĂ©e, le « fils indigne » de PompĂ©e (ainsi nommĂ© parce qu'il devint pirate après la dĂ©faite de son père et vĂ©cut de brigandages.) Celui-ci dĂ©cide d'aller consulter la magicienne Érichto qui lui prĂ©dit la mort de son père et des pompĂ©iens.

Livre VII

  • Songe de PompĂ©e : nombreux prĂ©sages de mauvais augures qui annoncent la catastrophe finale.
  • PompĂ©e est vaincu et s'enfuit Ă  Larissa : le livre se termine sur la vision du champ de bataille du lever du soleil.

Livre VIII

  • Fuite de PompĂ©e Ă  Lesbos oĂą le rejoint sa femme CornĂ©lie.
  • Fuite en Égypte chez PtolĂ©mĂ©e : CĂ©sar punira les meurtriers de PompĂ©e.

Livre IX

  • Caton prononce l'Ă©loge de PompĂ©e et dirige ses troupes dans le dĂ©sert de Nubie.
  • CĂ©sar se rend Ă  Troie et pleure devant la tĂŞte tranchĂ©e de PompĂ©e.

Livre X

  • ArrivĂ©e de CĂ©sar Ă  Alexandrie et rencontre avec ClĂ©opâtre.


Les héros de Pharsale

Les figures dominantes de Pharsale sont Caton d'Utique, Pompée et César. Ces trois héros peuvent être rapprochés de la triade originelle romaine : l'organisation de la cité autour de trois divinités originelles : Jupiter, Quirinus et Mars. Selon Dumézil et Jean Soubiran, ce rapprochement est tout à fait envisageable et pertinent[2].

  • Caton d'Utique est prĂ©sentĂ© dans Pharsale comme le modèle de raison, il est d'ailleurs la reprĂ©sentation du stoĂŻcisme dans l'Ĺ“uvre. Il est donc associĂ© Ă  Jupiter, autoritĂ© supĂ©rieure et sage, par DumĂ©zil et J. Soubiran.
  • PompĂ©e, le sauveur de Rome, l'homme politique tant aimĂ© des Romains, est associĂ© Ă  Quirinus, dieu originel de l'agriculture et de la fĂ©conditĂ© (par extension, dieu de la citĂ© et de la prospĂ©ritĂ©). Il s'oppose Ă  CĂ©sar.
  • CĂ©sar, militaire endurci par les conquĂŞtes, est l'incarnation du furiosus, l'homme qui est contaminĂ© par le furor, elle-mĂŞme Ă  l'origine du bouleversement cosmique et du chaos qui ruinera la RĂ©publique. Il est associĂ© Ă  Mars, le dieu guerrier.

Postérité

Depuis Quintilien — et son Institution oratoire â€” jusqu'Ă  Jules CĂ©sar Scaliger — et ses Poetices libri septem de 1561 â€”, une accusation de mauvais goĂ»t pèse sur le « long poème » de Lucain : « Virgile chante ; Lucain aboie. » Mais ce poème hĂ©roĂŻque est en adĂ©quation avec « l'âge baroque » : Agrippa d'AubignĂ©, Robert Garnier, Dorat, Guillaume du Bartas, BrĂ©beuf, Corneille et, dans une moindre mesure, Du Bellay, lui empruntent une langue colorĂ©e qui frappe l'esprit par la vertu de l’enargeia. Montaigne Ă©crit : « J'aime aussi Lucain, et le pratique volontiers, non tant pour son style que pour sa valeur propre, et vĂ©ritĂ© de ses opinions et jugements. » (Essais, II, 10). Il le fait figurer dans le palmarès des « cinq poètes latins sur la louange de Caton » (I, 37) et le mentionne trente-sept fois.

Cette œuvre, d'un baroque exacerbé, trouvera encore un fidèle continuateur en Christopher Marlowe, poète élisabéthain admiré de Shakespeare, qui traduira le premier livre du Bellum civile .

Le chevalier de Laurès, poète languedocien, tenta une imitation de La Pharsale de Lucain, publiée en 1773.

Notes et références

  1. Jean Pierre Néraudau, La Littérature latine, Paris, Hachette supérieur, , 287 p. (ISBN 201145321-6), Le renouveau néronien, pages 201-202-203.
  2. Jean Soubiran, « Encore sur les héros de la Pharsale », Revue d'études antiques,‎ , p. 59-68 (www.persee.fr/doc/palla_0031-0387_1967_num_14_3_1017)

Voir aussi

Bibliographie

  • Lucain, La Guerre civile. La Pharsale (deux tomes : livres I-V et livres VI-X), texte Ă©tabli et traduit par Abel Bourgery, avec la collaboration de Max Ponchont, Paris, Les Belles Lettres, Collection des UniversitĂ©s de France, 1927 (tome I) et 1930 (tome II). Florian Barrière dans l'Ă©dition du second chant (Les Belles Lettres coll. Commentario, 2016) indique qu'une nouvelle Ă©dition du texte dans la C.U.F. est en cours de conception, afin d'ĂŞtre adaptĂ©e aux normes modernes de traduction et d'annotations.
  • Jacqueline Brisset, Les IdĂ©es politiques de Lucain, Paris, Les Belles Lettres, 1964.
  • Eugen Cizek, L'Époque de NĂ©ron et ses controverses idĂ©ologiques, Leyde, Brill, 1972.
  • Jean-Christophe de NadaĂŻ, RhĂ©torique et poĂ©tique dans « La Pharsale » de Lucain, Louvain, Peeters, 2000.
  • Berthe-Marie Marti, « La structure de La Pharsale », in Entretiens sur l'AntiquitĂ© classique, volume 15 : « Lucain », Genève, 1968.
  • Jean-Claude Ternaux, Lucain et la littĂ©rature de l'âge baroque en France - Citation, imitation et crĂ©ation, Paris, Champion, 2000.
  • Jean-Pierre NĂ©raudau, La LittĂ©rature latine, Paris, Hachette supĂ©rieur, 2000.

Articles connexes

Liens externes

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