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Peinture corporelle

La peinture corporelle (en anglais : body painting [ˈbɒdiˌpeÉȘntÉȘƋ][1]) est une des premiĂšres formes d’expression plastique pratiquĂ©e par l'humanitĂ©, qui connaĂźt une renaissance sous forme modernisĂ©e Ă  l'Ă©poque actuelle. À l'aube de l'humanitĂ©, les humains dĂ©couvrent la terre colorĂ©e, le charbon de bois, la craie, le jus des baies colorĂ©es, le sang des animaux et bien d'autres couleurs qui servent peut-ĂȘtre Ă  impressionner l'ennemi, sous forme de peinture de guerre, ou de signe reconnaissance Ă  l'intĂ©rieur d'une tribu. Cette technique de maquillage primitif a pu aussi servir de camouflage pour la chasse.

Jeune femme avec un papillon peint sur la poitrine.

Probablement mĂȘme avant que la premiĂšre pierre ne soit gravĂ©e, l’homme applique ainsi des pigments sur son corps pour affirmer son identitĂ©, l'appartenance Ă  son groupe et se situer par rapport Ă  son entourage. Cette pratique picturale devient un instrument de transformation. Les dessins et les couleurs permettent de changer d'identitĂ©, de marquer l'entrĂ©e dans un nouvel Ă©tat ou groupe social, de dĂ©finir une position rituelle ou de rĂ©affirmer l'appartenance Ă  une communautĂ© dĂ©terminĂ©e, ou servent tout simplement de parure.

La peinture corporelle, ressurgie en Occident Ă  l'Ă©poque contemporaine, y est devenue objet de crĂ©ation. Art Ă©phĂ©mĂšre, le peintre crĂ©e une Ɠuvre picturale sur son modĂšle. Plusieurs festivals lui sont consacrĂ©s, dont celui de Seeboden en Autriche World bodypainting festival et celui de Bruxelles en Belgique lors du Festival international du film fantastique, The International Body Painting Contest, ainsi que celui d’Épinal en France, la Rencontre bodypainting France (RBF).

Peinture corporelle et sociétés traditionnelles

Chactas matachés en guerriers, par Alexandre de Batz, Nouvelle-Orléans, 1732.

Presque toutes les sociĂ©tĂ©s tribales ont pratiquĂ© la peinture corporelle Ă  l'aide d'argile ou de charbon. UtilisĂ©e le plus souvent durant les cĂ©rĂ©monies, elle se pratique encore dans certaines rĂ©gions du globe comme l'Australie, les Ăźles de l'ocĂ©an Pacifique, certaines parties de l'Afrique telles que les collines du Nuba soudanais : dans certaines tribus du sud-est, les couleurs des peintures et les coiffures indiquent l’ñge des hommes comme chez les Himbas de Namibie. Les jeunes hommes des villages de Kau, de Nyaro et de Fungor ont Ă©levĂ© l’art de la dĂ©coration corporelle et faciale Ă  un haut niveau d'exĂ©cution. Ces peintures ne sont pourtant pas rĂ©alisĂ©es que par des artistes, mais par tous les hommes de dix-sept Ă  trente ans. La peinture corporelle devient une sorte d’uniforme pour chaque classe d’ñge. De l'Inde jusqu'au Maghreb, les femmes pratiquent une forme de peinture corporelle plus durable Ă  l'aide de hennĂ©, souvent lors de fĂȘtes religieuses ou de mariages. Les dĂ©cors au hennĂ© produisent des tons de l'orangĂ© au noir. Il est utilisĂ© Ă  la fois pour les soins et la parure corporelle. Les motifs reprĂ©sentĂ©s ont tous une symbolique relative aux croyances populaires.

En Nouvelle-France, on utilise le verbe matacher et le nom de matachias pour désigner la peinture corporelle[2] (illustration ci-contre). Les peuples autochtones d'Amérique du Sud utilisent le huito ou genipapo (genipa americana), l'annatto ou le charbon pour leurs décorations corporelles. Le huito est, à l'instar du henné, assez durable et sa teinte noire met quelques semaines à s'effacer.

Couleurs : utilisation et symboliques

Main peinte au henné, léchée par un chameau
La danseuse Uliana Selezkaja portant une peinture corporelle de Lucia Jantos et dansant sous une lumiĂšre noire Ă  Munich en 2012.

Les matiĂšres utilisĂ©es pour fabriquer une couleur sont d’origine vĂ©gĂ©tale, minĂ©rale et animale. Les pigments sont trĂšs variĂ©s : charbons, cendres, sucs et graines de fruits, etc. Les couleurs universellement les plus importantes sont le rouge (ou brun), le noir, le blanc, et l’ocre.

Les couleurs les plus utilisées par les Amérindiens sont :

  • Le rouge trĂšs vif extrait de l’UrucĂč (Roucou (Bixa orellana) ou rocouyer).
  • Le noir verdĂątre qui vient du jus de jenipapo (fruit de l’arbre Genipa americana).
  • Le blanc d’argile.

En Amérique du Sud, Les couleurs principalement utilisées sont le rouge, le noir et le blanc.

  • Le rouge et l’orange sont obtenus en mĂ©langeant de la poudre de graines de rocouyer (Bixa orellana) avec de l’huile de palme ou avec de l’eau[3].
  • Le noir s’obtient Ă  partir de la pulpe du fruit genipapo (Genipa americana) ou du charbon de bois[3].
  • Le blanc, d’utilisation plus rare, est une couleur minĂ©rale, de l’argile blanche.

Les couleurs minĂ©rales (rouge, jaune, noir et blanc) mĂ©langĂ©es Ă  de l’huile de tortue, sont employĂ©es comme symbole de protection par les Onges, pygmĂ©es des Ăźles Andaman[3].

Dans toute l’Afrique, les racines du padouk (grand arbre de la famille des PapilionacĂ©es originaire du Gabon dont l’épaisse Ă©corce sĂ©crĂšte une rĂ©sine rouge sombre) sont rĂ©coltĂ©es pour fabriquer une poudre rouge vif, frĂ©quemment utilisĂ©e comme peinture corporelle lors des cĂ©rĂ©monies traditionnelles. De mĂȘme, le kaolin, argile blanche au grain grossier, est frĂ©quemment utilisĂ© lors des rites. Le blanc, tirĂ© de la poussiĂšre d’argile, est gĂ©nĂ©ralement associĂ© au deuil ou Ă  la purification. L’ocre rouge, tirĂ©e de la terre fertile, couleur de sang, est souvent symbole d’énergie vitale et de fĂ©conditĂ©. Enfin, le noir, Ă©vocateur de la nuit et du chaos primordial, symbolise le nĂ©ant.

Peinture corporelle et représentation de soi

Le caractĂšre dĂ©finitif des scarifications et tatouages conditionne leur usage, qui se distingue radicalement de celui de la peinture corporelle. Celle-ci postule moins une idĂ©e fixĂ©e dans un passĂ© glorieux que les prĂ©misses d’une identitĂ© Ă  conquĂ©rir. Le caractĂšre fugace de la peinture permet son renouvellement autant de fois qu’on le souhaite, avec autant de motifs existants et de signes riches de sens Ă  crĂ©er.

Si la mode contemporaine affaiblit considĂ©rablement les significations de la peinture corporelle et la dĂ©sacralise pour la rĂ©duire Ă  une maniĂšre comme une autre d’embellir le corps, il serait dommage de limiter sa pratique actuelle Ă  ces seules fonctions. Retenons par exemple celle qui en fait l’expression d’une profonde rĂ©volte, le symbole de la rĂ©sistance et de l’indĂ©pendance. On peut se souvenir en effet du musicien nigĂ©rian Fela Anikulapo Kuti (1938-1997) qui, Ă  travers sa musique et ses peintures tribales, contestait les autoritĂ©s morales et politiques de son pays. La dĂ©marche artistique de Fela permet de comprendre le rapprochement avec l’art de la peinture corporelle et le discours des luttes contre toutes sortes d’oppressions de l’artiste.

La peinture du corps fut sans doute le premier geste ornemental de l’humanitĂ©. « Il fallait ĂȘtre peint pour ĂȘtre homme » note C. LĂ©vi-Strauss. C’était surtout pour se dĂ©marquer des autres ĂȘtres vivants. La peinture corporelle affirme l’identitĂ© avec ses couleurs symboliques et ses motifs traditionnels. Le corps “identitĂ©â€ devient un corps -discours.

Dans les diffĂ©rentes cultures amĂ©rindiennes et africaines, les signes corporels, sorte d’alphabet du corps, doivent ĂȘtre lus comme des signifiants ou des messages. Les peintures corporelles peuvent s’apparenter Ă  une carte gĂ©ographique qui identifie chaque individu dans leur univers socioculturel : montre-moi comme tu peins et je te dirais d’oĂč tu viens et qui tu es. La peinture corporelle est une volontĂ© de communication qui passe par une dĂ©marche crĂ©atrice et artistique. C’est en quelque sorte l’esthĂ©tisation de la vie dans ses moindres gestes.

La pratique moderne de la peinture corporelle

Manifestation cyclonudiste Ă  Londres en 2009.

La peinture corporelle d'aujourd'hui, telle qu'elle est de nouveau pratiquĂ©e dans les sociĂ©tĂ©s occidentales, a un but surtout ludique et ornemental. Son caractĂšre spectaculaire en fait une activitĂ© Ă©vĂ©nementielle trĂšs prisĂ©e. De plus, le cĂŽtĂ© « ni nu, ni habillĂ© » du modĂšle peint permet une exposition du corps sans que cela choque la pudeur prĂ©valant dans lesdites sociĂ©tĂ©s : on voit trĂšs frĂ©quemment des modĂšles « habillĂ©s » de vĂȘtements en trompe-l’Ɠil. Cet aspect permet ainsi Ă  des personnes presque entiĂšrement nues de circuler dans des lieux publics en ne provoquant le plus souvent que des sourires amusĂ©s.

Le thÚme animalier est aussi fréquemment traité : les modÚles sont ainsi transformés en félins dans la plupart des cas, mais aussi en chiens, zÚbres, ou vaches
 Lorsque d'autres animaux apparaissent, ils sont le plus souvent intégrés dans un décor peint sur la peau du modÚle : serpents dans la jungle, araignée sur sa toile


Un autre thÚme favori des artistes est le fantastique : des créatures multicolores, écaillées, pourvues d'ailes, d'antennes, de griffes parcourent les festivals dédiés au genre.
On rencontre également le camouflage : le corps est intégré à son environnement, arbres, papier peint ou murs décrépis. Voir à ce sujet le travail de l'actrice et modÚle Veruschka sur son propre corps.

On notera aussi la popularité croissante des « tatouages éphémÚres », que des artistes forains exécutent à l'aide de henné ou d'encres pas toujours inoffensives. De plus petite taille, ils s'appliquent en des endroits choisis, biceps, cheville, reins, par exemple, et reprennent les motifs populaires des vrais tatouages, tout en étant moins douloureux, moins onéreux, et bien sûr, non définitifs !

La peinture corporelle dans l'art contemporain

  • World Bodypainting Festival, , Autriche
  • Le Français Bertrand Orsal[4] est un photographe spĂ©cialisĂ© dans les clichĂ©s de corps peints. Il organise rĂ©guliĂšrement des expositions

Précautions à prendre

Peinture corporelle aux couleurs fluorescentes

Quelques rÚgles élémentaires sont à prendre en considération :

  • Utiliser une peinture spĂ©cialement formulĂ©e. Les peintures pour les beaux-arts, le bĂątiment et autres sont Ă  proscrire, sous peine d'allergies, voire d'intoxication. De mĂȘme, certaines encres pour « tatouage temporaire » et mĂȘme le hennĂ© peuvent entraĂźner des effets indĂ©sirables.
  • OpĂ©rer sur une peau propre et parfaitement saine. Éviter les zones lĂ©sĂ©es par des irritations et les cicatrices rĂ©centes.
  • Nettoyer pinceau et Ă©ponges aprĂšs usage, dans le but d'Ă©viter la propagation d'Ă©ventuelles maladies


Notes et références

  1. Prononciation en anglais britannique standardisé retranscrite selon la norme API.
  2. « Activités - Apprentissage : », sur champlain.rpfo.ca, (consulté le )
  3. Quels pigments les différentes civilisations utilisent-elles pour leurs peintures corporelles rituelles, et quelles sont les origines de ces pigments ? sur le site Rezoscience
  4. Philippe Lesaffre, « Orsal, l'homme qui visait les corps nus », sur Le Zéphyr, (consulté le )

Voir aussi

Liens externes

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