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Paul von Derwies

Paul Grigoriévitch[1] baron[2] von Derwies, ou mieux, von der Wiese[3], ou Derviz[4], (né le à Lebedian (gouvernement de Tambov, et mort le à Bonn) est un pianiste virtuose, un magnat des chemins de fer et un célèbre financier russe ; il est aussi connu comme hivernant[5] russe de la Côte d’Azur du XIXe siècle.

Paul von Derwies
Biographie
Naissance
Décès
(à 55 ans)
Bonn
Activité
Famille
Père
Grigori von Derwies (d)
Fratrie
Dmitri von Derwies (d)
Mikhaïl von Derwies (d)
Nikolaï von Derwies (d)
Enfants
Sergueï Pavlovitch von Derwies (d)
Павел Павлович Дервиз (d)

Milieu familial

Blason de la famille von Derwies

Origines

Fils de Grégoire[6] Ivanovitch (1797-1855), conseiller d’État[7] et directeur de l’orphelinat de Gatchina (ru) (1847-1854), et de Barbara Nikolaïévna Makéïeff (1798-1848).

Issu par son père d’une famille de la noblesse de service[8], d'origine hambourgeoise : l'ancêtre Heinrich Dietrich von Wiese, descendant de bourgeois et de pasteurs hambourgeois, fut bourgmestre de la ville de Hambourg du au 1er février 1728 ; son petit-neveu, Johann-Adolf († 1762), juriste, passe du service des Suédois à celui du duc de Holstein-Gottorp (de), et, ce dernier devenant empereur de Russie en 1762 sous le nom de Pierre III, au service de l’Empire russe en 1740, où il enseigne le droit à l’École de la magistrature de Saint-Pétersbourg. Chargé des archives secrètes du duché, il est élevé à la dignité de noble héréditaire du Saint-Empire romain germanique en 1759[9], et prend désormais le nom de von der Wiese.

La famille s’illustre à nouveau en la personne de Johann Georg (en russe : Ivan Ivanovitch[10]) Derwies ou Derviz († 1806), qui finira major-général au 8e Régiment de dragons d’Astrakhan (1798)).

Famille

Paul Grigoriévitch était marié à Véra Nikolaïevna Tietz[11] (1832-1903[12]), elle aussi d'origine allemande et fille de l'intendant de l’orphelinat de Gatchina[13]. Ils eurent six enfants, dont quatre vécurent : Vladimir († 1872), Serge (1863-1943), Barbara (1864-1881) et Paul (1870-1943).

A la suite de ses infidélités conjugales, son épouse se sépara de lui en 1874[14] et il installa à Lugano[15] sa maîtresse Marie Hélène Riznitch[16] (1828-1895), comtesse Keller Kleinmichel, nièce de Ewelina Hańska et future épouse d'Alexandre Saint-Yves d'Alveydre.

Carrière

Dans l’administration impériale

  • 1847 : après de brillantes études de droit à Saint-Pétersbourg (médaille d’or), il intègre l’administration du Sénat (Département des titres et de l’héraldique) ;
  • 1850 : assesseur de collège ;
  • 1852 : conseiller de tribunal ;
  • 1855 : affecté au Département des fournitures des armées ;
  • 1857 : directeur de bureau ; démobilisé avec le rang de conseiller d’État (il passera conseiller d’État actuel en 1866).

Dans le journalisme

Parallèlement à ses débuts dans l’industrie, il participe comme journaliste à la Gazette boursière et à Moscow News, où il fait paraître des articles enthousiastes[17] sur le développement du réseau ferré dans l’Empire russe.

Aux chemins de fer

  • 1859-1863 : secrétaire général du président de la Société des chemins de fer Moscou-Saratov (société fondée en 1856 ; concession accordée en ) ;
  • 1863-1868 : président du conseil d’administration de la Société des chemins de fer Moscou-Riazan ;
  • 1865-1868 : président[18] de la Société des chemins de fer Riazan-Kozlov. Il intègre cette société en 1865 et, grâce à ses utiles relations dans l’administration, obtient la concession d’exploitation le . Les travaux sont lancés en 1866 et durent jusqu’en 1868 ;
  • 1866-1867 : président du conseil d’administration de la Société des chemins de fer Koursk-Kiev (travaux lancés en 1868 et réceptionnés en 1870) ; son frère Ivan G. lui succède, jusqu’en 1887.

Il fut utilement secondé dans tous ses projets ferroviaires par l’ingénieur en chef Karl Fédorovitch von Meck (1821-1876).

La qualité des équipements utilisés, la rentabilité des concessions[19], les avantages financiers garantis par le Gouvernement impérial aux investisseurs, tant russes qu’étrangers, les besoins immenses de l’Empire dans ce domaine, ainsi que la grande expérience de communicant[20] de Paul v. Derwies, y compris à l’international (il parlait parfaitement, outre le russe, l’allemand, le français, et l’anglais), tout concourut à créer rapidement un climat de fièvre boursière en Europe pour le développement du train en Russie, connue comme la fièvre des concessions[21].

Évergétisme et mécénat

Derwies se constitua ainsi, en une dizaine d’années, une solide fortune dont il consacra une partie à l’un de ses rêves d’enfance : devenir un grand propriétaire terrien[22]. Ainsi, il acheta d’abord un grand domaine d’environ 3000 acres à Starojilovo[23], près de Pronsk (ru) (gouvernement de Riazan), sans compter d’autres propriétés dans la capitale, ainsi qu’à l’étranger (Suisse, France).

Valrose

Le château de Valrose (propriété de l’université de Nice)
Enfants du baron von Derwies

Ayant confié les rênes de ses entreprises à ses proches (à son frère Ivan G., notamment), Derwies était désormais libre de revenir vers ses passions profondes, la musique, les voyages, l’évergétisme, etc. Il obtint dès 1868 l’autorisation des Autorités de s’installer principalement[24] à Nice, où il acheta un domaine au début de l’année 1867[25] où il se fit construire un palais d’inspiration gothique : le domaine de Valrose, dont, pourtant peu porté lui-même sur les mondanités, il fera rapidement l’un des centres les plus courus de la présence russe hivernante sur la Côte d’Azur, y attirant de nombreuses personnalités tant russes que non russes, et y organisant régulièrement des concerts de très haut niveau, sélectionnant avec soin les artistes en mélomane averti qu’il n’avait jamais cessé d’être. Pour cela, il dota le château d'une salle de concert[26]. L’argent récolté lors des soirées musicales est reversé à des œuvres caritatives. Près de Valrose, il fera aussi édifier une salle d’asile devenue l’école primaire et maternelle Von Derwies.

Musique

Derwies avait hésité, à ses débuts dans le monde, alors qu’il servait encore l’Empire, entre une carrière artistique et le monde des affaires ; il avait d’ailleurs payé une partie de ses études - sa famille n’était pas riche - en donnant des répétitions de piano, instrument où il excellait.

Il organisa régulièrement dans son domaine de Valrose[27] des concerts et des récitals (1870-1881), pour lesquels il invita certains des artistes les plus célèbres de l’époque, dont le violoniste hongrois Joseph Joachim (1831-1907), le pianiste français Francis Planté (1839-1934), la cantatrice italienne Adelina Patti (1843-1919), le violoniste belge César Thomson (1857-1931), etc.

Parallèlement, il composait et a laissé quelques œuvres chantées (la Comtesse de Lascaris (opéra), des chansons sur des poèmes de Pouchkine et de Lermontoff[28], etc.) et des œuvres instrumentales.

Hôpital pédiatrique municipal Saint-Vladimir

Paul Grigoriévitch, homme généreux et philanthrope, consacra une bonne partie de sa fortune aux malheureux de Russie, notamment aux enfants.

Heureux en affaires, Derwies fut un père malheureux : deux de ses enfants moururent jeunes de tuberculose osseuse[29], tout d’abord son fils aîné, Vladimir, en 1872, puis, bien plus tard, sa fille Barbara en 1881[30].

Profondément affecté par les souffrances et le décès de Vladimir, très sensible à la cause des orphelins depuis sa jeunesse[31], il contacta par lettre[32] en 1872 le maire et le gouverneur militaire de Moscou, les princes Alexandre Alexéïévitch Chtcherbatoff (1829-1902) et Vladimir Andréïévitch Dolgoroukoff (1810-1891), afin d’obtenir leur appui pour la construction d’un hôpital destiné aux enfants, notamment aux plus démunis.

Grâce à l’appui chaleureux des édiles de la ville, il mène à bien son projet[33] et l’hôpital-fondation ouvre ses portes le 1er août 1876.

Conformément aux volontés de Derwies, l’hôpital fut consacré au saint protecteur de son fils aîné, saint Vladimir[34] ; il reprenait les principes de l’hôpital pédiatrique de Saint-Pétersbourg ouvert en 1867 par le duc d’Oldenbourg[35] (1812-1881), hôpital dont il devenait le correspondant moscovite ; enfin, 100 lits devaient nécessairement y être réservés aux enfants démunis (l’hôpital fonctionne toujours, et la délicate église de la Sainte-Trinité[36], construite en 1881-1883 par l’architecte religieux Alexandre Pétrovitch Popoff (1828-1904), a été re-consacrée en 1995).

L’église de la Sainte-Trinité en 1883[37].

Honneurs

Entrepreneur célèbre, homme du monde et mécène, Paul von Derwies était membre honoraire et très généreux de plusieurs sociétés savantes et philanthropiques, dont :

Hommage

  • L’école primaire et maternelle Von Derwies porte son nom à Nice[38].
  • Une rue de Nice porte son nom[39].

Notes et références

  1. Certains auteurs utilisent parfois l'otchestvo (= patronyme en russe) erroné de Gueorguevitch.
  2. Titre porté par Paul Grigoriévitch en France, et qu’il a signalé sur ses armoiries (visibles sur les vitraux de son château de Valrose, à Nice) d’un tortil. Titre non confirmé (c'est-à-dire jamais enregistré, que ce soit dans l'Empire russe ou dans le Saint-Empire) : en effet, la famille von Derwies a fait enregistrer ses armes par le Sénat (demande vraisemblablement effectuée après le décès du sujet de cette fiche), qui les a inscrites - sans aucune référence à un titre quelconque - dans le volume XIII, entrée 90 (année 1885), de l’Armorial général de la noblesse de l’Empire russe.
  3. En russe : Павел Григорьевич фон Дервиз.
  4. Ce dernier nom étant la transcription moderne de son nom en russe (Павел Григорьевич фон Дервиз), russification du nom originel, allemand équivalent du français du Pré). Mais le vrai nom familial est Weise (en hamburgeois : Wiise), le savant.
  5. Il passait l’été à Lugano et l’hiver à Nice.
  6. Équivalent russe de l’allemand Heinrich; il s'agit donc de la reprise du prénom de l’ancêtre bourgmestre, et d’une affirmation des origines germaniques de la famille au moment même où elle se russifiait tout à fait (passage de von der Wiese à (von) Derviz) et acquisition d’une terre de rendement noble (= avec des serfs).
  7. Reçu au sein de la noblesse pétersbourgeoise le 10 août 1855
  8. Enregistrée dans l’Armorial général de la noblesse de l'Empire russe, volume 13-90 (volume non publié).
  9. Par le duc de Holstein-Gottorp (concession d’armoiries valant noblesse). La fortune de Johann-Adolf proviendrait, en fait, de son mariage avec la nourrice du duc.
  10. Grand-père de Paul et le premier de la famille à vraiment adopter un nom russe. La famille est toutefois restée de confession luthérienne, semble-t-il.
  11. Ou Titz.
  12. Décédée à Nice mais enterrée dans le caveau familial, à Moscou. À la mort de Paul Grigoriévitch (1881), Véra Nicolaïevna poursuivit la mission philanthropique de son époux.
  13. Ils devaient vraisemblablement se connaître depuis longtemps.
  14. Page Wikipédia en russe sur von Derwies.
  15. (ru) Victor V. Antonoff, « La famille Derviz à Saint Pétersbourg et en Russie », Fontanka, 2009 - numéro 4, A partir de la page 31
  16. Portrait de Marie Hélène Riznitch, sur Wikimedia Commons
  17. Et publicitaires.
  18. Son frère Ivan Grigoriévitch le remplace à ce poste en 1868 et y reste jusqu’en 1887.
  19. Derwies et son associé v. Meck furent toutefois accusés plusieurs fois d’avoir créé des sociétés fictives afin de dégager plus de profit.
  20. La noblesse, notamment celle de Riazan, investit en masse la soulte gouvernementale (libérée lors du rachat par le gouvernement des serfs privés) dans les actions des concessions ferroviaires.
  21. En russe : концессионная горячка (1860-1870).
  22. C’était alors l’objectif de tous en Russie pré-industrielle, notamment des nobles sans terres (noblesse de service) : acquérir un domaine de rapport. Les Derwiz auraient toutefois possédé un domaine de 10 âmes dans le gouvernement de Kostroma.
  23. En russe : Старожилово. Le domaine a été ensuite converti dès 1893 par son fils Paul Pavlovitch Lougovoï - l’une des personnalités les plus attachantes de la célèbre famille - en un haras voué à la préservation des races russes. Le haras a survécu, tant bien que mal, aux aléas de l’histoire soviétique (c.f. http://allhorses.narod.ru/WEB/4.1.3.htm).
  24. Il séjournait aussi régulièrement dans sa propriété de Canobbio, près de Lugano, le Castello di Trevano (démoli en 1958), où il fit aussi organiser des concerts mémorables.
  25. Afin de donner à faire bénéficier ses enfants, de santé fragile, d’un climat plus sec et moins froid que celui de la Russie.
  26. Université de Nice: Le passé musical
  27. La salle de concert, construite par l’architecte suisse Bernardin Maraïni, peut accueillir 200 auditeurs.
  28. Les Derwies et les Lermontoff étaient d'ailleurs alliés familialement.
  29. Certaines sources parlent d’une chute de cheval à Lugano pour sa fille Barbara.
  30. Décédée à Bonn dans sa 16e année ; Paul Grigoriévitch en fut si affecté qu’il mourut d’apoplexie dans le train qui le ramenait de l’enterrement, le 2 juin 1881.
  31. On se souviendra que son père Grégoire Ivanovitch avait dirigé l’orphelinat de Gatchina durant sept années et son beau-père y avait été intendant.
  32. Il résidait la plupart du temps à Nice.
  33. Auquel il affecte un capital de 400.000 roubles.
  34. Cette condition ne fut pas respectée durant la période soviétique : l’hôpital devint laïc et rebaptisé Hôpital pédiatrique municipal I. V. Roussakoff (1921-1991), du nom du célèbre pédiatre bolchévique Ivan Vassiliévitch Roussakoff (1877-1921). Il a repris son nom en 1991 et son caractère religieux en 1995.
  35. Quoique issus de milieux très éloignés, Derwies et Oldenbourg se ressemblaient beaucoup : une passion commune pour la Russie, une immense fortune (qu’ils entendaient chacun consacrer aux laissés-pour-compte de la société), un grand souci de l’équité, la passion de la musique (tous deux jouaient parfaitement du piano et composaient) et une grande affection pour l’empereur Alexandre II ; tous deux le suivirent rapidement dans la mort, à l’annonce de son assassinat (13 mars 1881).
  36. Qui contient, dans sa crypte, le caveau familial des Derwies.
  37. Photographie de Nicolas Alexandrovitch Naïdenoff (1834-1905)
  38. 137, avenue Saint-Lambert
  39. Les rues de Nice

Bibliographie

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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