Participant Ă une infraction
Dans le droit pénal des pays de common law, un participant à une infraction (appelé accessoire (accessory) dans certains pays) est une personne qui aide à la perpétration d'un crime, sans le commettre directement. La distinction entre un accessoire et un acteur principal (principal) est une question de fait et de degré :
Histoire
William Blackstone, autorité anglaise en matiÚre juridique, dans ses Commentaries on the Laws of England, a défini un accessoire comme :
« II. Un accessoire est quelqu'un qui, sans ĂȘtre le principal acteur d'une infraction, ni ĂȘtre prĂ©sent lors de sa perpĂ©tration, est en quelque maniĂšre impliquĂ© dans celle-ci, soit avant soit aprĂšs le fait commis. » (Livre 4, chapitre 3)
Il poursuit en définissant un accessoire avant le fait en ces termes :
« Pour ce qui est du second point, qui peut ĂȘtre qualifiĂ© d'accessoire avant le fait ; Sir Matthew Hale dĂ©finit cette notion comme Ă©tant quelqu'un qui, bien qu'absent au moment oĂč le crime est commis, fournit, conseille ou commande un autre Ă commettre le crime. D'oĂč il suit que l'absence est nĂ©cessaire pour en faire un accessoire ; car si une personne est prĂ©sente, pour fournir ou autre, alors celle-ci est coupable du crime au mĂȘme titre que l'acteur principal. »
et un accessoire aprĂšs le fait comme suit :
« Un accessoire aprĂšs le fait pourrait ĂȘtre une personne qui, sachant qu'un crime a Ă©tĂ© commis, reçoit, soulage, rĂ©conforte, ou assiste le criminel. Par consĂ©quent, pour qu'une personne soit dĂ©signĂ©e accessoire ex post facto, il est tout d'abord requis qu'elle sache que le crime a Ă©tĂ© commis. En un autre endroit, cette personne doit recevoir, soulager, rĂ©conforter, ou assister [le criminel]. Et, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, toute forme d'assistance fournie Ă un criminel, pour empĂȘcher qu'il soit apprĂ©hendĂ©, jugĂ©, ou subisse son chĂątiment, fait de l'assistant un accessoire. Par exemple, lui fournir un cheval pour Ă©chapper Ă ses poursuivants, de l'argent ou des victuailles pour le sustenter, une maison ou autre abri pour le cacher, ou encore faire ouvertement usage de force et de violence pour le secourir ou le protĂ©ger. »
Droit par pays
Canada
Le Code criminel comporte plusieurs articles qui traitent des participants aux infractions :
« 21 (1) Participent à une infraction :
a) quiconque la commet réellement;
b) quiconque accomplit ou omet dâaccomplir quelque chose en vue dâaider quelquâun Ă la commettre;
c) quiconque encourage quelquâun Ă la commettre.
21 (2) Quand deux ou plusieurs personnes forment ensemble le projet de poursuivre une fin illĂ©gale et de sây entraider et que lâune dâentre elles commet une infraction en rĂ©alisant cette fin commune, chacune dâelles qui savait ou devait savoir que la rĂ©alisation de lâintention commune aurait pour consĂ©quence probable la perpĂ©tration de lâinfraction, participe Ă cette infraction.
23 (1) Un complice aprĂšs le fait dâune infraction est celui qui, sachant quâune personne a participĂ© Ă lâinfraction, la reçoit, lâaide ou assiste en vue de lui permettre de sâĂ©chapper. »
Notons qu'en vertu de l'article 21 (2), les mots « aurait dĂ» savoir », indiquant une connaissance objective, ont Ă©tĂ© jugĂ©s inconstitutionnels par la Cour suprĂȘme du Canada dans les cas oĂč l'infraction principale exige une prĂ©vision subjective des consĂ©quences, comme le meurtre (R v Logan, [1990]) 2 RCS 731).
Les arrĂȘts Dunlop et Sylvester c. La Reine et R. c. Briscoe[1] sont des arrĂȘts de principe de la Cour suprĂȘme en matiĂšre de participants Ă une infraction.
France
Le droit pénal français utilise le terme « complice » plutÎt que participant à une infraction ou accessoire. L'article 121-6 dispose que : « Sera puni comme auteur le complice de l'infraction, au sens de l'article 121-7 ». L'article 121-7 distingue, dans ses deux paragraphes, la complicité par aide ou encouragement, et la complicité par instigation. Il déclare ainsi que :
« Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.
Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre. »
Il suit de cet article que pour ĂȘtre jugĂ© responsable en tant que complice, la personne doit avoir participĂ© Ă l'action illĂ©gale de l'acteur principal et avoir souhaitĂ© que l'acteur principal rĂ©ussisse. La thĂ©orie de la criminalitĂ© prĂ©sumĂ©e requiert que la participation d'un complice soit liĂ©e Ă un crime effectivement commis par l'acteur principal.
NorvĂšge
Chaque disposition pénale du code pénal norvégien spécifie s'il est criminel d'aider et d'encourager. De plus, lorsque la tentative est criminelle, participer à cette tentative est criminel.
Angleterre et Pays de Galles
La loi rĂ©gissant la complicitĂ© d'infractions pĂ©nales est originaire de la Common law, mais a Ă©tĂ© codifiĂ©e Ă l'article 8 de la loi de 1861 sur les accessoires et les complices (Accessories and Abettors Act 1861), telle que modifiĂ©e par l'article 65 (4) de la loi de 1977 sur le droit pĂ©nal, qui stipule : « Quiconque aide, encourage, conseille, ou permet matĂ©riellement la perpĂ©tration d'une infraction passible de peine, qu'il s'agisse d'une infraction Ă la loi commune ou constituĂ©e par une loi promulguĂ©e ou sur le point d'ĂȘtre promulguĂ©e, doit ĂȘtre passible de jugement, de condamnation et de peine au mĂȘme titre qu'un acteur principal. »
Signification de la présence
La simple prĂ©sence sur les lieux d'un crime ne suffit pas, mĂȘme lorsque l'accusĂ© reste sur les lieux pour voir le crime en train d'ĂȘtre commis. Dans R v Coney (1882) 8 QBD 534, oĂč une foule a assistĂ© Ă un combat illĂ©gal, il a Ă©tĂ© jugĂ© qu'il devait y avoir un encouragement actif et non pas simplement passif. Ainsi, mĂȘme si le combat n'aurait pas eu lieu sans des spectateurs prĂȘts Ă parier sur l'issue, les spectateurs ont Ă©tĂ© acquittĂ©s car leur prĂ©sence Ă©tait accidentelle. Cela aurait Ă©tĂ© diffĂ©rent s'ils s'Ă©taient rendus sur les lieux d'un crime par accord prĂ©alable car leur simple prĂ©sence aurait Ă©tĂ© un encouragement. De mĂȘme, dans R v JF Alford Transport Ltd (1997) 2 Cr. App. R. 326, il a Ă©tĂ© jugĂ© raisonnable de considĂ©rer qu'une entreprise, sachant que ses employĂ©s agissaient illĂ©galement et ne faisant dĂ©libĂ©rĂ©ment rien pour empĂȘcher que cela se rĂ©pĂšte, entendait en fait encourager la rĂ©pĂ©tition. Cela est dĂšs lors une infĂ©rence naturelle dans toute situation oĂč l'accessoire prĂ©sumĂ© a le droit de contrĂŽler ce que fait l'acteur principal.
Mens rea
Une mens rea est requise pour l'accessoire mĂȘme lorsqu'elle n'est pas requise pour l'acteur principal (par exemple, lorsque l'auteur principal commet une infraction en termes de responsabilitĂ© stricte ). Le dĂ©fendeur doit avoir l'intention de commettre les actes qui, selon lui, aideront ou encourageront l'acteur principal Ă commettre un crime d'un certain type. Dans l'affaire R v Bainbridge (1960) 1 QB 129, le dĂ©fendeur a fourni du matĂ©riel de coupe sans savoir exactement quel crime allait ĂȘtre commis, mais a Ă©tĂ© condamnĂ© parce que l'Ă©quipement fourni n'Ă©tait pas utilisĂ© de la maniĂšre habituelle, mais Ă des fins criminelles. Le complice doit Ă©galement connaĂźtre toutes les questions essentielles qui font de l'acte un crime, mais n'a pas besoin de savoir que l'acte constituerait un crime parce que « ignorantia juris non excusat » (« nul n'est censĂ© ignorer la loi »). Dans National Coal Board v Gamble (1959) 1 QB 11, l'exploitant d'un pont-bascule Ă©tait indiffĂ©rent quant Ă savoir si l'acteur principal avait commis l'infraction, ce qui n'est gĂ©nĂ©ralement pas considĂ©rĂ© comme une mens rea suffisante, mais la National Coal Board a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e coupable parce que l'acte de l'employĂ© Ă©tait un acte de vente (voir responsabilitĂ© du fait d'autrui).
Gillick v West Norfolk and Wisbech Area Health Authority (1986) AC 112 est un exemple d'un type de cas oĂč les incertitudes sur la signification prĂ©cise de l'intention confĂšrent effectivement un pouvoir discrĂ©tionnaire parfois bienvenu sur l'opportunitĂ© d'imposer la responsabilitĂ©. Cette affaire concernait la question de savoir si un mĂ©decin donnant des conseils ou un traitement en matiĂšre de contraception Ă une fille de moins de 16 ans pouvait ĂȘtre tenu pour accessoire d'une infraction subsĂ©quente de rapports sexuels illicites commis par le partenaire sexuel de la jeune fille. Les Lords ont soutenu que ce ne serait gĂ©nĂ©ralement pas le cas puisque le mĂ©decin n'aurait pas l'intention nĂ©cessaire (mĂȘme s'il se rendait compte que ses actions faciliteraient les rapports sexuels). Une des raisons de la dĂ©cision serait qu'un jury ne dĂ©duirait pas l'intention dans de telles circonstances s'il pensait que le mĂ©decin agissait dans ce qu'il considĂ©rait ĂȘtre le meilleur intĂ©rĂȘt de la jeune fille.
Ăcosse
En Ăcosse, en vertu de l'article 293 de la loi de 1995 sur la procĂ©dure pĂ©nale, une personne peut ĂȘtre dĂ©clarĂ©e coupable et punie pour une contravention Ă tout texte lĂ©gislatif, mĂȘme si elle Ă©tait coupable d'une telle contravention en tant qu'art et partie seulement.
Ătats-Unis
Les lĂ©gislatures des Ătats-Unis (c'est-Ă -dire le gouvernement fĂ©dĂ©ral et les diffĂ©rents gouvernements des Ătats) en sont venus Ă traiter les accessoires avant le fait diffĂ©remment des accessoires aprĂšs le fait. Toutes les juridictions des Ătats-Unis ont effectivement Ă©liminĂ© la distinction entre accessoire avant le fait et acteur principal, soit en supprimant entiĂšrement la catĂ©gorie « accessoire avant le fait », soit en prĂ©voyant que les accessoires avant le fait sont coupables de la mĂȘme infraction que les acteurs principaux. La dĂ©finition donnĂ©e par le Model Penal Code de la responsabilitĂ© des complices inclut ceux qui, selon la Common law, Ă©taient appelĂ©s accessoires avant le fait ; en vertu du Model Penal Code, les complices encourent la mĂȘme responsabilitĂ© que les acteurs principaux. Il est dĂ©sormais possible d'ĂȘtre dĂ©clarĂ© coupable en tant qu'accessoire avant le fait mĂȘme si l'acteur principal n'a pas Ă©tĂ© condamnĂ©, ou (dans la plupart des juridictions) mĂȘme si l'acteur principal a Ă©tĂ© acquittĂ© lors d'un procĂšs antĂ©rieur[2].
Cependant, les juridictions modernes aux Ătats-Unis punissent les accessoires aprĂšs le fait pour une infraction pĂ©nale distincte du crime sous-jacent, et assortie d'une peine diffĂ©rente (moins sĂ©vĂšre). Certains Ătats utilisent encore le terme « accessoire aprĂšs le fait » ; d'autres n'utilisent plus le terme, mais ont des lois comparables contre l'entrave Ă l'arrestation ou aux poursuites, l'entrave Ă la justice, la falsification de preuves, l'hĂ©bergement d'un criminel, ou autres. De tels crimes exigent gĂ©nĂ©ralement la preuve (1) d'une intention d'entraver l'arrestation ou les poursuites et (2) une aide effective consistant Ă (a) hĂ©berger le criminel, (b) fournir des moyens spĂ©cifiques (comme un dĂ©guisement) pour Ă©chapper Ă l'arrestation, (c) falsifier des preuves, (d) avertir le criminel d'une arrestation imminente, ou (e) utiliser la force ou la tromperie pour empĂȘcher l'arrestation[3].
La loi fĂ©dĂ©rale a suivi ces deux tendances. Le Code des Ătats-Unis traite effectivement comme acteurs principaux ceux qui auraient traditionnellement Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme accessoires avant le fait en Common law[4] :
« (a) Quiconque aide, encourage, conseille, induit, ou permet matĂ©riellement la perpĂ©tration d'une infraction, est passible de peine au mĂȘme titre qu'un acteur principal.
(b) Toute personne causant dĂ©libĂ©rĂ©ment l'accomplissement d'un acte qui, s'il Ă©tait directement commis par elle-mĂȘme ou une autre, serait considĂ©rĂ© comme une infraction, est passible de peine au mĂȘme titre qu'un acteur principal. »
Cependant, la loi fĂ©dĂ©rale traite les accessoires aprĂšs le fait diffĂ©remment des acteurs principaux. Les accessoires aprĂšs le fait risquent au maximum la moitiĂ© de l'amende et la moitiĂ© de la peine d'emprisonnement qu'encourent les acteurs principaux. (Si l'acteur principal encourt la peine de mort ou la rĂ©clusion Ă perpĂ©tuitĂ©, les accessoires aprĂšs le fait encourent jusqu'Ă 15 ans d'emprisonnement.) La loi fĂ©dĂ©rale dĂ©finit les accessoires aprĂšs le fait comme des personnes fournissant aux criminels une certaine aide afin d'empĂȘcher leur arrestation ou leur poursuite[5] :
« Quiconque, sachant qu'une infraction Ă la loi des Ătats-Unis a Ă©tĂ© commise, reçoit, soulage, rĂ©conforte, ou assiste l'auteur des faits, pour entraver ou empĂȘcher son arrestation, son procĂšs ou sa peine, est accessoire aprĂšs le fait. »
Voir Ă©galement
Notes et références
- [2010] 1 RCS 411
- Wayne LaFave, Substantive Criminal Law § 13.1(e) (2d ed. 2003).
- Wayne LaFave, Substantive Criminal Law § 13.6(a) (2d ed. 2003).
- « 18 U.S. Code § 2 - Principals » (consulté le )
- « 18 U.S. Code § 3 - Accessory after the fact » (consulté le )