Palais d'Antiochos
Le Palais dâAntiochos (en grec : Ïᜰ ÏαλΏÏÎčα Ïáż¶Îœ áŒÎœÏÎčÏÏÎżÏ )[1] fut un palais de Constantinople (aujourdâhui Istanbul en Turquie) dont certaines ruines sont encore visibles de nos jours et Ă©tait situĂ© prĂšs de lâHippodrome de Constantinople. Construit au Ve siĂšcle, il subsista jusquâĂ lâĂ©poque palĂ©ologienne. Au VIIe siĂšcle une partie du palais fut convertie en Ă©glise, plus spĂ©cifiquement en martyrium qui abrita les restes de sainte EuphĂ©mie de lâHippodrome (áŒÎłÎŻÎ± ÎáœÏÎ·ÎŒÎŻÎ± áŒÎœ Ïáż· áŒčÏÏοΎÏÎżÎŒÎŻáżł, Hagia EuphÄmia en tĆ HippodromiĆ). Chaque annĂ©e du sang sâĂ©panchait des reliques qui Ă©tait recueilli et distribuĂ© aux fidĂšles dans des ampoules de verre.

Emplacement
ExcavĂ©es dans les annĂ©es 1940 et 1950, les ruines de la structure palatiale sont situĂ©es au nord-ouest de lâhippodrome de Constantinople dont les vestiges sont visibles sur la place du Sultan-Ahmet (« Sultanahmet Meydanı », Ă©galement appelĂ©e « At Meydanı » â place aux chevaux) Ă Ä°stanbul.
Histoire
Le palais dâAntiochos

Le palais fut bĂąti pour Antiochos (en grec áŒÎœÏÎŻÎżÏÎżÏ, fl. 404â421), eunuque dâorigine perse qui exerça une grande influence pendant le rĂšgne de ThĂ©odose II (r. 408 â 450). ArrivĂ© Ă la cour byzantine vers 404, il devint l'un des servants de la chambre impĂ©riale (cubicularius; litt : cubiculaire). Ayant obtenu la confiance de l'empereur Arcadius (r. 395 - 408), il obtint le poste de prĂ©cepteur (baioulos) du jeune ThĂ©odose. Vers 421, alors que la sĆur de ThĂ©odose, PulchĂ©rie, voulut diriger elle-mĂȘme le jeune homme, il fut nommĂ© praepositus sacri cubiculi (prĂ©posite de la chambre sacrĂ©e), avec rang de patrice [2]. Toutefois, son attitude condescendante et la domination quâil entendait continuer Ă exercer sur le jeune empereur lui firent perdre ses fonctions. Il se retira alors dans le palais quâil sâĂ©tait fait construire tout en demeurant actif dans la politique de la capitale. Vers 439, il tomba finalement en disgrĂące; ses propriĂ©tĂ©s, incluant son palais, furent confisquĂ©es, et il fut forcĂ© de se retirer dans lâautre Ă©glise dĂ©diĂ©e Ă Sainte-EuphĂ©mie, en ChalcĂ©doine celle-lĂ , en tant que moine; il y il mourut quelque temps plus tard[2].
Les ruines du palais furent dĂ©couvertes en 1939 lorsque des fresques reprĂ©sentant la vie de sainte EuphĂ©mie furent retrouvĂ©es au nord-ouest de lâHippodrome. De nouvelles excavations permirent Ă Alfons Maria Scheider de dĂ©couvrir en 1942 une salle hexagonale ouvrant sur un portique semi-circulaire. Reprises en 1951-1952 par R. Duyuran, de nouvelles excavations permirent de trouver la base dâune colonne sur laquelle Ă©tait inscrite « du praepositus Antiochos », permettant ainsi dâidentifier le site[3]. Se basant sur les poinçons apposĂ©s sur les briques trouvĂ©es sur le site, Bardill Ă©mit lâhypothĂšse que la construction ne devait pas ĂȘtre antĂ©rieure Ă 430[4].
Ăglise de Sainte-EuphĂ©mie
LâĂ©glise Sainte-EuphĂ©mie de lâHippodrome, fut crĂ©Ă©e en amĂ©nageant une salle hexagonale attenant au palais et jouxtant le palais de Lausos vers le dĂ©but du VIIe siĂšcle lorsque la premiĂšre Ă©glise construite en lâhonneur de sainte EuphĂ©mie, en ChalcĂ©doine, fut dĂ©truite au cours des invasions des Perses sassanides et que les reliques furent rapportĂ©es Ă Constantinople pour y ĂȘtre mises en sĂ©curitĂ© [5] - [6]. Ă lâorigine la chapelle ouest abritait des fresques reprĂ©sentant le martyre de la sainte jetĂ©e aux bĂȘtes et le sanctuaire Ă©tait couvert dâun dĂŽme[7]. Durant la pĂ©riode iconoclaste de lâEmpire byzantin, lâĂ©difice fut converti semble-t-il en un dĂ©pĂŽt dâarmes et de fertilisant[8]. Si on en croit la tradition, les ossements de la sainte auraient Ă©tĂ© jetĂ©s Ă la mer soit sous lâempereur LĂ©on III (r. 717 â 741) ou sous son fils Constantin V (r. 741 â 775). Toutefois, deux frĂšres les auraient rĂ©cupĂ©rĂ©s et les auraient transportĂ©s Ă lâile de Lemnos dâoĂč ils auraient Ă©tĂ© rapportĂ©s en 796 aprĂšs la fin de lâiconoclasme dĂ©crĂ©tĂ©e par lâimpĂ©ratrice IrĂšne (r. 797 â 802). LâĂ©glise survĂ©cut jusquâĂ la fin de lâempire byzantin et fut dĂ©corĂ©e vers 1280-1290 par un cycle de fresques illustrant la vie de la sainte[5].
Architecture
Architecture originale du palais

Ă lâorigine, le palais comportait deux sections, lâune au nord, lâautre au sud. Celle du sud, qui nâest pas ouverte au public de nos jours, comportait une vaste salle *absidiale [N 1] hexagonale qui devint par la suite lâĂ©glise Sainte-EuphrĂ©mie; celle-ci Ă©tait reliĂ©e Ă un vaste *portique en demi-cercle dâun diamĂštre de quelque 60 mĂštres entourant une cour pavĂ©e de marbre[9].
La salle hexagonale servait probablement de salle de rĂ©ception ou de salle Ă manger (triclinium). Cette salle a un diamĂštre dâenviron 20 m chacun des cĂŽtĂ©s de lâhexagone mesurant 10,4 m. Chacun des cĂŽtĂ©s comporte une *niche absidiale polygonale Ă lâextĂ©rieur et semi-circulaire Ă lâintĂ©rieur mesurant 7,65 m de largeur sur 4,65 m de profondeur permettant ainsi dây loger un banc semi-circulaire (sigma ou stibadium) et une table Ă diner[9] - [10]. Chacune des *absidioles disposait Ă©galement dâune porte communiquant avec de petites salles circulaires situĂ©es entre elles. Au centre de la salle se trouvait un bassin en marbre comme sâĂ©tait la coutume dans lâAntiquitĂ© tardive. Le triclinium hexagonal Ă©tait entourĂ© dâautres piĂšces situĂ©es sur le pourtour extĂ©rieur du grand portique, y compris un grand vestibule ayant une piĂšce circulaire en son centre[9].
La partie nord que lâon identifie gĂ©nĂ©ralement au Palais de Lausus Ă©tait situĂ©e entre la rue qui longeait le mur ouest de lâHippodrome et la grande avenue, dite Mese[9]. Elle comprenait une vaste *rotonde de 20 m de diamĂštre comprenant des niches dans les murs et elle semble avoir servi de salle dâaudience pour Antiochos. Elle Ă©tait rattachĂ©e Ă un *portique semi-circulaire ouvrant au sud-est sur la rue longeant lâHippodrome. Une petite maison de bains, Ă©galement accessible Ă partir de la rue, se trouvait au sud de ce portique[9]. Au Ve siĂšcle alors que le palais devint propriĂ©tĂ© impĂ©riale, une salle oblongue fut ajoutĂ©e Ă lâouest de la *rotonde, Ă laquelle on accĂ©dait par un vestibule en forme de double *abside. Sa forme semblerait indiquer quâelle Ă©tait destinĂ©e Ă servir de triclinium. Originellement dâune longueur de 52,5 m et dâune largeur de 12,4 m et se terminant par une *abside, on lui ajouta au VIe siĂšcle six *absidioles le long de chaque cĂŽtĂ©[9].
Transformation en Ă©glise

Plusieurs modifications furent faites lorsque la salle hexagonale fut transformĂ©e en Ă©glise. Le *bÄma fut placĂ© Ă la droite de lâentrĂ©e originelle, dans lâ*abside dirigĂ©e vers le sud-est, et une autre entrĂ©e fut ajoutĂ©e dans lâ*abside opposĂ©e. La porte originelle fut conservĂ©e, mais fut rĂ©duite. Deux autres portes dâentrĂ©e furent pratiquĂ©es dans les deux piĂšces circulaires au nord, auxquelles deux *mausolĂ©es furent par la suite rattachĂ©s.
Les recherches ont permis de dĂ©couvrir les restes du *synthronum, le socle sur lequel reposait lâautel, le *chancel et un *solea. On nâa pas trouvĂ© trace de lâ*ambon, mais celui-ci devait exister Ă lâinstar des autres Ă©glises byzantines de lâĂ©poque. La plupart des dĂ©corations murales sont typiques du VIe siĂšcle, comme des sculptures de marbre encastrĂ©es de verre, mais lâ*architrave date de la restauration de lâĂ©glise en 797[10].
Fresques
Une sĂ©rie de fresques, datant de la fin du XIIIe siĂšcle, est conservĂ©e sur le mur sud-ouest de lâĂ©glise que lâon peut voir Ă travers une vitre de protection. Quatorze panneaux forment un cycle dĂ©crivant la vie et le martyre de sainte EuphĂ©mie; une autre fresque dĂ©crit le martyre des Quatorze martyrs de SĂ©baste, sujet que lâon ne trouve dans aucune autre Ă©glise de la capitale[10].
Glossaire

- Abside : Partie dâune Ă©glise arrondie ou polygonale derriĂšre le chĆur.
- Absidiole : Chacune des chapelles construites autour dâune abside.
- Ambon : Pupitre, placĂ© Ă l'entrĂ©e du chĆur, dans une Ă©glise, oĂč est posĂ© le lectionnaire ou la Bible; il dĂ©signe aussi une tribune fixe dâoĂč sont lus les textes sacrĂ©s.
- Architrave (ou Ă©pistyle): Partie de l'entablement qui porte horizontalement sur les colonnes.
- BÄma (ou sanctuaire) : Zone situĂ©e Ă l'extrĂ©mitĂ© orientale de l'Ă©difice, devant l'abside, oĂč est placĂ© l'autel. Il est en gĂ©nĂ©ral surĂ©levĂ© par une plateforme et clos par une barriĂšre de chancel puis par un templon. Son accĂšs est rĂ©servĂ© aux membres du clergĂ© qui cĂ©lĂšbrent la liturgie.
- Chancel : ClĂŽture basse en bois, en pierre ou en mĂ©tal qui sĂ©pare la nef d'une Ă©glise chrĂ©tienne oĂč sont rĂ©unis les fidĂšles du chĆur liturgique rĂ©servĂ© au clergĂ©.
- Mausolée : Riche monument funéraire.
- Niche : Enfoncement dans lâĂ©paisseur dâun mur destinĂ© Ă recevoir une statue ou objet.
- Portique : Galerie couverte dont la voute repose sur des colonnes ou des arcades.
- Rotonde : Ădifice de forme circulaire, gĂ©nĂ©ralement recouverte dâun dĂŽme.
- Solea : Podium surélevé.
- Synthronon : Banc semi-circulaire qui, dans les Ă©glises palĂ©ochrĂ©tiennes, est amĂ©nagĂ© dans ou devant l'abside, derriĂšre le bĂȘma, et oĂč prend place le clergĂ©.
Bibliographie
- (en) Ball, Amanda. "Church of St. Euphemia", 2008, Encyclopaedia of the Hellenic World, Constantinople. [en ligne] http://www.ehw.gr/l.aspx?id=10897.
- (en) Bardill, Jonathan. Brickstamps of Constantinople, Volume 1. Oxford, Oxford University Press, 2004. (ISBN 978-0-19-925524-5).
- (en) Bogdanovic, Jelena. The Framing of Sacred Space, The Canopy and the Byzantine Church. Oxford, Oxford University Press, 2017. (ISBN 978-0-190-46518-6).
- (en) Cameron, Averil; Herrin, Judith. Constantinople in the early eighth century: the Parastaseis syntomoi chronikai. Brill Archive, 1984. (ISBN 978-9-004-07010-3).
- (en) Greatrex, Geoffrey & Jonathan Bardill, « Antiochus the "Praepositus": A Persian Eunuch at the Court of Theodosius II », Dumbarton Oaks Papers, vol. 50, 1996, pp. 171â197. (DOI 10.2307/1291743, JSTOR 1291743).
- (en) Kazhdan, Alexander, ed. (1991). Oxford Dictionary of Byzantium. Oxford, Oxford University Press, 1991. (ISBN 978-0-19-504652-6).
- (en) Kostenec, Jan. "Palace of Antiochos", 2008, Encyclopaedia of the Hellenic World, Constantinople. [en ligne] http://www.ehw.gr/l.aspx?id=12504.
- (en) Mango, Cyril. Byzantine Architecture. Milano, Electa Editrice, 1978. (ISBN 0-8478-0615-4).
- (en) Martindale, John R.; Jones, A.H.M.; Morris, J. The Prosopography of the Later Roman Empire, Volume II: A.D. 395â527. Cambridge, Cambridge University Press, 1992. (ISBN 978-0-521-20159-9).
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Palace of Antiochos » (voir la liste des auteurs).
Notes
- Les termes prĂ©cĂ©dĂ©s dâune astĂ©risque sont dĂ©finis dans le glossaire en fin de texte.
Références
- Voir Jean SkylitzÚs, Romanos II, 2.9 : « Romanos was urged by his own wife to try to expel his mother, Helena, and his sisters from the palace and to banish them to the palace of Antiochos »,
- Martindale (1992) pp. 101-102
- Bardill (2004) p. 56
- Bardill (2004) pp. 107-109
- Kazdhan (1991), « Euphemia of Chalcedon », vol. 2, pp. 747-748
- Cameron & Herrin (1984) pp. 22, 63
- Bogdanovic, Jelena (2017) pp. 190-193
- Cameron & Herrin (1984) p. 22
- Kostenec (2008)
- Ball (2008)
Voir aussi
Liens internes
Liens externes
- (en) Byantium 1200. « Palace of Antiochos », [en ligne] http://kassiani.fhw.gr/ehw/l.aspx?id=125045.
- (en) Livius.org. Constantinople, Palace of Antiochus. [en ligne] https://www.livius.org/articles/place/constantinople-istanbul/constantinople-photos/constantinople-palace-of-antiochus/.
- (en) Mathews, Prof. Thomas. « Hag. Euphemia en to Hippodromoâ (in) The Byzantine Churches of Istanbul. [en ligne] http://www.nyu.edu/gsas/dept/fineart/html/Byzantine/index.htm?http&&&www.nyu.edu/gsas/dept/fineart/html/Byzantine/12.htm. (plans architecturaux du palais).