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PĂšre Pamphile

Le PĂšre Pamphile est un personnage de L'AbbĂ© Jules (1888), roman de l’écrivain français Octave Mirbeau.

Pamphile
Personnage de fiction apparaissant dans
L'Abbé Jules.

Sexe Masculin
Activité Moine
Caractéristique Renoncement

Créé par Octave Mirbeau

Son parcours

Bien qu’il n’apparaisse que marginalement dans le cours du rĂ©cit, le PĂšre Pamphile n’en est pas moins un personnage extraordinaire et fascinant, dont le parcours est retracĂ© par le romancier au cours d’un long retour en arriĂšre.

Religieux de l'ordre des Trinitaires, qui s’employait jadis Ă  racheter des prisonniers chrĂ©tiens aux pirates barbaresques, ce prĂȘtre vit seul, depuis la dispersion des moines, dans l’abbaye du RĂ©no en ruines, dans le Perche, et se met bientĂŽt dans la tĂȘte des idĂ©es complĂštement folles : « À vivre sur lui-mĂȘme et de lui-mĂȘme, loin de tout contact intellectuel, hantĂ© d’une pensĂ©e unique, dans cette solitude morte, dans ce silence que seuls troublaient des chutes soudaines de murailles, et les craquements sourds des poutres Ă©branlĂ©es, il advint qu’un Ă©trange travail de cristallisation s’opĂ©ra dans le cerveau du PĂšre Pamphile. AprĂšs des hĂ©sitations, des doutes aussitĂŽt combattus, des objections d’autant plus vite rĂ©futĂ©es qu’il Ă©tait seul Ă  les discuter, le PĂšre Pamphile s’était convaincu irrĂ©missiblement qu’il y avait encore des captifs chez les infidĂšles. » Il entreprend dĂšs lors de trouver l’argent nĂ©cessaire Ă  la reconstruction de la chapelle de l’abbaye, indispensable Ă  la poursuite de l’Ɠuvre du rachat de prisonniers. Dans ce but, il part donc mendier sur les routes d’Europe et les arpente pendant plusieurs dĂ©cennies, acceptant avec humilitĂ© privations, souffrances et humiliations, et revient rĂ©guliĂšrement au RĂ©no pour entreprendre des travaux. Mais ils sont toujours Ă  recommencer, et, grugĂ© de surcroĂźt par les entrepreneurs auxquels il a recours, il dilapide en pure perte, mais sans s’en soucier outre mesure, les sommes si douloureusement amassĂ©es pendant ses annĂ©es d’errance et de mendicitĂ©.

L'abbé Jules et le pÚre Pamphile, par Hermann-Paul, 1904

Quand l’abbĂ© Jules tente de lui soutirer de l'argent pour monter sa bibliothĂšque, le PĂšre Pamphile l’envoie promener avec indignation. Peu aprĂšs, Jules trouve son cadavre en voie de dĂ©composition avancĂ©e, victime d’un Ă©boulement. Il l’inhume lui-mĂȘme au milieu de son abbaye et prononce son oraison funĂšbre : « Sois tranquille, pauvre vieille carcasse, aucun ne t’arrachera Ă  la paix de ces lieux que tu chĂ©rissais
 Tu dormiras dans ton rĂȘve, doux rĂȘveur ; tu dormiras dans cette chapelle que tu voulais si impossiblement magnifique, et dont tu auras pu faire, au moins, la sĂ©pulture
 Et personne ne saura plus rien de toi, jamais, jamais, charogne sublime ! »

Folie ou sagesse ?

InspirĂ© d’un moine de l’abbaye de Cerfroid rencontrĂ© jadis par Octave Mirbeau, le PĂšre Pamphile est Ă  la fois le double et le contraire de l’abbĂ© Jules. Comme Jules, il aspire Ă  un absolu et rĂȘve de chimĂšres ; comme son confrĂšre, il a un comportement incohĂ©rent. Mais, tandis que Jules est douloureusement dĂ©chirĂ© par ses contradictions, Pamphile semble s’épanouir dans toutes les misĂšres qu’il s’inflige Ă  lui-mĂȘme dans le chimĂ©rique espoir de rĂ©aliser son Ă©merveillant projet. Nulle vilenie en lui : les sacrifices qu’il consent sont le prix qu’il accepte volontiers de payer pour faire triompher sa foi aveugle.

DĂšs lors le jugement du lecteur devient dĂ©licat Ă  formuler. Car, s’il est clair que Pamphile est complĂštement fou, il n’en reste pas moins vrai qu’il en est arrivĂ©, au cours de son interminable ascĂšse, Ă  un niveau extrĂȘme de renoncement et Ă  un total dĂ©tachement, ce qui constitue le summum de la sagesse, non seulement pour tous les philosophes de l’antiquitĂ©, stoĂŻciens, Ă©picuriens et sceptiques, mais aussi pour Schopenhauer[1], ou encore pour les bouddhistes[2]. Et c’est prĂ©cisĂ©ment Ă  cet idĂ©al d’anĂ©antissement de la conscience, Ă  ce Nirvana – qui Ă©tait prĂ©cisĂ©ment le pseudonyme symptomatiquement choisi par Mirbeau dans ses Lettres de l’Inde de 1885 – que l'abbĂ© Jules, rĂ©voltĂ© et trop passionnĂ©, est totalement incapable de parvenir.

Alors la question se pose : le comble de la folie ne serait-il pas aussi, paradoxalement, le comble de la sagesse ?

Notes et références

  1. Voir Anne Briaud, « Mirbeau et Schopenhauer », Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, 2001, pp. 219-227.
  2. Voir Christian Petr, « L'ĂȘtre de l'Inde », Cahiers Octave Mirbeau, n° 4, 1997, pp. 328-337.

Liens externes

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