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Outlines

Outlines est l'unique recueil publié par le poète franco-marocain d'origine corse Jean Venturini, en à Casablanca, alors qu'il n'était âgé que de 20 ans.

Outlines
Image illustrative de l’article Outlines
Couverture de l'édition originale d’Outlines (1939)

Auteur Jean Venturini
Pays Protectorat français du Maroc
Genre recueil poétique
Éditeur Éditions du Moghreb
Date de parution
Nombre de pages 80, in-16

Historique

Quelques mois avant son décès prématuré (en ), dans le naufrage d'un submersible de la Marine française[1], dû à un accident assez absurde[1], Jean Venturini se sent poussé à mettre en forme un recueil de ses poèmes, qu'il publie aux éditions du Moghreb[2], pour exprimer les prémices d'un talent dont Outlines se fera pourtant paradoxalement le testament, comme par l'effet d'une prémonition poétique[Note 1].

Structure et contenu

Outlines est un recueil de quarante-huit poèmes, répartis en quatre sections.

« Vents »

C'est la section la plus étoffée (vingt-trois poèmes, dont « Sang » et « L'Appel »), centrée sur les grands éléments, l'attrait de la mer, l'appel de l'aventure et la tentation de la révolte[4].

« Maroc »

Cinq poèmes (dont « Saisons » et « Marrakech »), qui chantent l'attachement à la terre marocaine de l'enfance[5].

« Elles »

Section comportant dix-neuf poèmes (parmi eux « Farewell ») et dont la thématique principale interroge le mystère de l'amour et le rapport du poète aux femmes[6].

« Renouveau »

Section qui s'identifie avec l'unique poème homonyme, élan palingénésique autant que testament[7].

Analyse

Au-delà de ses sympathies surréalistes assumées[2], Jean Venturini, loin de cacher sa dette envers Rimbaud, la revendique haut et clair[8]. Sa fascination pour la révolte et la transgression se ressent de la lecture des Illuminations et d’Une Saison en enfer[6]. Il n'est même que de se replonger dans nombre des incantations du recueil Outlines pour s'en convaincre: « J'ai brisé ces chaînes que l'on croit éternelles/ Et j'ai durci mon âme et tué les souvenirs/ Famille, amour, amitié, haine, j'ai tout vendu,/ J'ai tout renié. J'ai étranglé les joies tranquilles/ Et les bonheurs monotones... »[9] La violence des imprécations, le recours à l'apostrophe directe au lecteur et une certaine fascination pour la mort et son travail de corruption de la chair ne sont pas sans rappeler le Baudelaire d'Une Charogne ou le Lautréamont des Chants de Maldoror[10]: « Pourquoi / Me regardez-vous ainsi ? / Pourquoi ? / Avez-vous peur ? / Les voyez-vous aussi / Les hideuses bêtes qui grouillent / Et fouillent / Les chairs molles des cadavres avec leurs dents ? / Voyez-vous dans l'ombre leurs yeux ardents ? »[11]

Ses pièces amoureuses ou érotiques montrent un poète en lutte contre lui-même, à la poursuite d'une impossible synthèse entre sensualité primale, tendresse angélique et violence charnelle mâtinée d'un lyrisme doux-amer[6] - [12].

Pierre Seghers présentant dans son anthologie le poème « Sang » extrait d'Outlines, dit de ce recueil qu'il est « révolté, rimbaldien » et qu'il annonçait un grand poète[2]. Ce recueil est également jugé rimbaldien dans les Annales politiques et littéraires qui évoquent longuement « ce recueil chargé de textes étranges et savoureux »[13].

Le dernier mot revient à Max-Pol Fouchet (l'un des tout premiers admirateurs de Jean Venturini), qui a su exprimer les contradictions et toute la complexité d'un recueil se résolvant dans le silence : « Nous qui nous épuisons en plongées au plus obscur du monde et de la vie, et qui en revenons si souvent désappointés et les mains vides, comment oublierions-nous Jean Venturini, ce camarade demeuré, avec son secret, dans un silence plus vrai que nos paroles ? À cet enfant du silence, gardons, pour ne pas trahir, le meilleur du nôtre. »[1].

Éditions

  • Outlines, Casablanca, Éditions du Moghreb, , 80 pages, format in-16
  • Outlines, Casablanca, Éditions du Moghreb, 1942, 80 pages, fac-simile en in-4 de l'édition originale de 1939
  • Outlines : réédition avec postface biographique relative au naufrage du sous-marin Morse, Paris, Vaillant, , 112 p. (ISBN 978-2-916986-06-7)

Pour approfondir

Bibliographie

  • Pierre Seghers, Le Livre d'or de la Poésie française, vol. 1 : des origines à 1940, Paris, Éditions Marabout, , 488 p. (ISBN 978-2-501-02635-2)
  • Collectif, Dictionnaire des lettres françaises, vol. 6 : Le XXe siècle, Paris, LGF-Le Livre de Poche, coll. « La Pochothèque », , 1174 p. (ISBN 2-253-13109-1)
  • Collectif, Anthologie des écrivains morts à la guerre, 1939-1945, Paris, Albin Michel, , 808 p. (ISBN 978-2-226-04512-6)

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Max-Pol Fouchet commente ainsi sa mort : « Il est l'un des morts de cette guerre: le submersible où il servait disparut de la surface. Peu de jours avant, il nous écrivait : « En route pour la poésie des fonds marins ». Prescience. Singulière prescience… »[3] - [1].

Références

  1. Madeleine Kérisit, « Jean Venturini marin mort pour la France et poète », sur le site de l'Association aux marins (consulté le ).
  2. voir Pierre Seghers, Le Livre d'or de la poésie française, des origines à 1940, Paris, Marabout, 1998, p. 451.
  3. Revue Fontaine Numéro 10, août-septembre 1940.
  4. René Guillot, préface à Outlines dans l'édition de 1939.
  5. « La mémoire engloutie », avant-propos de Jean-Luc Falco à la réédition d'Outlines aux Éditions Vaillant en 2009.
  6. Analyse de Jacques Geoffroy dans le Dictionnaire des Lettres françaises, volume 6, Paris, 1998, p. 1135.
  7. Cf Pierre Seghers, op. cité, p. 451 : « Comment ne pas penser, le lisant, que le poète est un voyant, qu'il est doué d'une extraordinaire prescience ? »
  8. Pierre Seghers, op. cit., p. 451 : « Révolté, rimbaldien, son unique recueil annonçait un grand poète. »
  9. Outlines, section « Vents », poème L'Appel
  10. Rapprochements opérés par René Guillot dans sa Préface de 1939, op. cité.
  11. Outlines, section Vents, poème Chanson de fou.
  12. À cet égard, la comparaison entre les poèmes « Sang » et « Farewell » est particulièrement éclairante.
  13. Les Annales politiques et littéraires, 1962, p. 17-18.
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