Oró Sé do Bheatha 'Bhaile
Oró, Sé do Bheatha 'Bhaile ( [ˈoːɾˠoː ʃeː d̪ˠə ˈvʲahə ˈwalʲə], Oh, te voilà revenue) est une chanson traditionnelle irlandaise, qui a été connue comme chanson de rebelles irlandais au début du XXe siècle.
Notes linguistiques
Sé do Bheatha (mot-à-mot « il ta vie ») est une expression gaélique qui sert à reconnaître la présence de quelqu'un. Elle peut signifier plus ou moins « c'est ta vie », « te voilà » ou encore « je te salue » : on la trouve par exemple dans la version irlandaise de l'Ave Maria: « Sé do bheatha, a Mhuire, atá lán de ghrásta » (Je vous salue, Marie, pleine de grâce). En revanche, « bienvenue » se traduit généralement par « fáilte ».
Sé do Bheatha est une construction typique irlandaise où la copule is est omise. Le pronom sé devient normalement é quand il est placé derrière la copule: « is é ». Toutefois, on omet souvent la copule, et dans ce cas, on utilise le pronom sous sa forme normale.
Sé do Bheatha est un tutoiement. Le pluriel serait « Sé bhur Bheatha » et le vouvoiement n'existe plus en irlandais. Il existait en vieil irlandais et existe encore en gaélique écossais où « 'S è do Bheatha » (de rien à toi) est la réponse à « tapadh leat » (merci à toi) tandis que « 'S è ur Bheatha » (de rien à vous, vouvoiement ou pluriel) est la réponse à « tapadh leibh » (merci à vous).
Dans les langues gaéliques, l'élision est souvent utilisée pour éviter les hiatus. Ainsi, « Bheatha 'bhaile » évite la répétition de la voyelle que causerait le a de « abhaile » (ag+baile). Abhaile (mot-à-mot « à la ville ») signifie « chez soi », « à la maison ». On la retrouve dans d'autres expressions comme "Slán abhaile" (mot-à-mot « sain à la ville ») qui signifie « au revoir » quand on s'adresse à une personne qui rentre chez elle.
Histoire
La chanson sous sa forme d'origine, Séarlas Óg (signifiant "le jeune Charles" en irlandais), fait référence à Bonnie Prince Charlie et est contemporaine de la deuxième révolte jacobite, durant le règne de George II de Grande-Bretagne en 1745-6.
Au début du XXe siècle, de nouveaux couplets sont composés par le poète nationaliste Pádraig Pearse. Il était républicain et souhaitait évoquer le fait que l’insurrection de Pâques 1916 devait rester une affaire intérieure. Il décida donc de remplacer la figure royale étrangère de Bonnie Prince Charlie par celle d'un Gael rebel, insoumis aux différentes couronnes européennes. Il choisit donc Granuaile, pirate de la côte ouest irlandaise à l'époque d'Élisabeth Ire, cheftaine du clan Ó Máille (anglais: O'Malley). L'un des couplets, en particulier, souligne que les soldats de Granuaile ne sont ni des Français ni des Espagnols, mais des Gaels, référence directe à l'ancienne version jacobite où Bonnie Prince Charlie était accompagné de soldats français et espagnols. La version de Pádraig Pearse était souvent chantée par des membres de l'IRB et leurs sympathisants. Elle a aussi beaucoup été chantée comme une marche rapide pendant la guerre d'indépendance irlandaise.
Depuis 1916, cette chanson a aussi porté d'autres titres, notamment Dord na bhFiann (Appel aux combattants) ou An Dord Féinne, (à ne pas confondre avec l' Amhrán na bhFiann, hymne national de la République d'Irlande) qui est particulièrement associé à Patrick Pearse.
Paroles de la version de Pádraig Pearse
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Interprétations
Óró Sé do Bheatha 'Bhaile a été chantée par de nombreux artistes, parmi lesquels des groupes habitués aux ballades comme The Clancy Brothers and Tommy Makem, The Dubliners, The Casidys, Noel McLoughlin, The McPeake Family, Thomas Loefke & Norland Wind et les Wolfe Tones. Cette chanson a aussi été interprétée par le chanteur sean-nós Darach O'Cathain, Dónall Ó Dúil (sur l'album Faoin bhFód) et par Nioclás Tóibín. Sous une forme modernisée, elle a été interprétée par John Spillane, The Twilight Lords, Cruachan, Tom Donovan, et Sinéad O'Connor. Elle a également été chantée par les Irish Tenors accompagnés d'un orchestre classique. Óró Sé do Bheatha 'Bhaile a aussi été utilisée pour la bande originale du film Le vent se lève.
Le nombre et la variété des interprétations montrent à quel point la chanson est répandue (elle était souvent apprise dans les écoles primaires publiques d'Irlande au début et au milieu du XXe siècle). C'est aussi le signe que, pour de nombreuses personnes, l'air, et peut-être les paroles, sont une source d'inspiration.
L'air ressemble beaucoup à celui de What Shall We Do with a Drunken Sailor?. Le boxeur Steve Collins a utilisé la chanson comme musique d'accompagnement lors de son entrée sur le ring lors de ses sept match WB au milieu des années 90.