Ombre est lumière
Ombre est Lumière est le deuxième album studio du groupe de rap français IAM, sorti en novembre 1993 sur le label Delabel. Bénéficiant de moyens plus importants que pour le précédent, le groupe enregistre l’album à Aix-en-Provence. Le mixage a lieu à New York. Après la sortie de Je danse le mia, tube de l’été 1994, le groupe connaît un succès considérable. Premier double album de l’histoire du rap, Ombre est lumière est considéré par Akhenaton comme « l’album emblématique de l’esprit IAM ». Alors que « nombreux sont ceux qui disent rétrospectivement de cet l’album qu’il pose les bases de L'École du micro d'argent », Thomas Blondeau (Les Inrockuptibles) écrit en 2015 : « l’œuvre la plus aboutie d’IAM, cristallisant toutes ses dimensions avec clarté, à la fois sérieux, amer, réaliste, martial, drôle et mystique. »
Sortie |
(Sortie Originale) : 18 octobre 1994 (Volume Unique) 14 mars 1995 (Volume Unique avec l'ajout de Une femme seule (remix)) 24 novembre 2014 (RĂ©Ă©dition) |
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Enregistré |
mai, juin 1993 France |
Durée | 147:51 |
Genre |
Rap français Hip-hop |
Auteur |
Akhenaton Shurik'n |
Producteur | IAM et Nicholas Sansano |
Label | Delabel |
Albums de IAM
Conception
Après ...De la planète Mars, IAM enchaîne les dates sur plusieurs tournées en 1991 et 1992, un peu partout en France et commence à avoir une « solide base de public[1]. » Grâce au manager Frankie Malet, ils ont à disposition un espace de travail à la Friche Belle de Mai dans lequel ils ont « engrangé les titres à un rythme soutenu » toute l’année 1992[2]. Début 1993, Delabel (que vient de créer Emmanuel de Buretel) fait signer IAM pour un disque avec plus de moyens que le précédent[n 1]. Ce nouveau budget arrive alors que la situation du groupe commence à être précaire[4]. Ils enregistrent à Aix, au Studio La Blaque, accompagnés du producteur Nicholas Sansano[5] et de Dan Wood, ingénieur du son, rencontrés il y a peu à New York[6] - [7]. À Aix, le groupe travaille intensivement durant deux mois [n 2]. Shurik’n rappelle que « c’est la première fois qu’on se retrouvait ensemble aussi longtemps pour faire de la musique[8]. »
Ils obtiennent également de pouvoir mixer l’album à New York où ils se sont « offert un mois intensif dans la Mecque du rap[9]. » IAM demande aussi de le sortir sous la forme d’un double album alors que Laurence Touitou (directrice de Delabel) estime ça trop risqué [6]. Premier double album de l’histoire du rap[6] - [10], Ombre est lumière sort en novembre 1993[n 3].
Description et analyse
Avec ce double album — « album emblématique de l’esprit IAM[11] » pour Akhenaton — le groupe propose à l’auditeur de « visiter un musée, arpenter les rues de Marseille, penser la multiplicité du monde, contempler la voie lactée[12]. »
Les thèmes et les références sont nombreux dans Ombre est lumière[n 4] - [4]. Sans être un disque drôle, il laisse une bonne place à l’humour, aux moqueries, avec plusieurs interludes notamment[4]. L’humour se retrouve aussi sur plusieurs morceaux comme Harley Davidson, Les je veux être ou encore sur Attentat II[n 5].
L’album, d’une quarantaine de titres interludes compris, s’ouvre avec Le feu, dont le refrain « ce soir on vous met le feu » vient directement du stade Vélodrome[n 6]. Puis le langage change avec Cosmos[n 7], les références sont scientifiques, historiques, spirituelles avec, par exemple, pour Akhenaton : « de Démocrite à Mendeleïev deux mille ans, un classement, le tableau périodique des éléments, des molécules, structures atomiques, donnent matières minérales et organiques »; ou encore pour Shurik’n : « mon âme s'éveille, l'énergie se renouvelle, rivalisant avec Thanos, je contiens le cosmos. »
Ombre est lumière contient aussi des textes avec un discours engagé comme J’aurais pu croire, Vos dieux ont les mains salles[4]. Le discours en devient même énervé sur Contrat de conscience, Je lâche la meute ou encore sur Mars contre attaque où, dans une sorte de « clairvoyance désespérée[12] », Akhenaton prévient « tu ne pourras jamais comprendre ce texte en isolant les mots de leur contexte. » En 2018, l’abcdr du son souligne que ce titre « est presque une anomalie dans le répertoire d’IAM », avec Shurik’n et Akhenaton qui vont, pour la dernière fois, « pousser les curseurs dans le rouge avec une abnégation admirable[12]. »
L’album contient également des textes en forme de récits (storytelling) : L’Aimant et Une femme seule pour Akhenaton ou encore Sachet blanc conté par Shurik’n. Ce dernier qui débute par « les pas d’un pauvre mec pressé », a pour thématique la drogue, l’héroïne en particulier : « il neige sur ma ville, des flocons d'héroïne, le style de poudreuse qui vous plonge dans l'abîme[n 8]. »
RĂ©ception et critiques
À sa sortie en novembre 1993, Ombre est lumière est salué : pour Hervé Lucien « ce qu’IAM fait avec Ombre est lumière est dans la droite ligne de ce que les Marseillais ont à apporter à l’histoire comme témoignage de la diversité et de l’éclectisme en même temps que l’unité qui s’y manifeste, comme paradoxalement... »[15]
Dans M.A.R.S., histoires et légendes du hip-hop marseillais (2013), Julien Valnet signale que « nombreux sont ceux qui disent rétrospectivement de cet album qu’il pose les bases de L'École du micro d'argent[16]. »
En 2015, Thomas Blondeau écrit dans Les Inrockuptibles « Ombre est lumière est l’œuvre la plus aboutie d’IAM, cristallisant toutes ses dimensions avec clarté, à la fois sérieux, amer, réaliste, martial, drôle et mystique[17]. »
Pour l’abcdr du son (2018), « le groupe n'est pas seulement inventif, drôle et érudit : il ouvre des portes » et écouter en 1993 Ombre est lumière c’était comme « visiter un musée, arpenter les rues de Marseille, penser la multiplicité du monde, contempler la voie lactée, le tout entrecoupé de sketchs dignes d'un best-of des Inconnus [...]. Ce disque, à lui seul, offrait des perspectives infinies[12]. »
Je danse le mia
Le premier single fait l’objet de discussions avec Delabel qui souhaite un titre « commercialement rentable[18]. » Alors qu’Harley Davidson est un temps envisagé, c’est finalement Je danse le mia qui est choisi[19] - [n 9]. Avec la sortie du single Je danse le mia, le groupe rencontre un succès considérable[19]. Le succès est rapide, le titre fait partie des tubes de l’été 1994. Ce succès est mal vécu par le groupe, qui choisit d’interpréter à la place de ce tube le « crépusculaire » Sachet Blanc pour les Victoires de la musique 1995 — le groupe souhaitant par là mettre fin à cette « folie » qu’a entrainé Je danse le mia[17].
Ventes et certifications
Plus de 450 000 exemplaires se sont vendus.
Liste des pistes
CD 1
CD 2
Volume Unique
Cette réédition, sortie en 1995, reprend une partie des titres du double volume sorti précédemment, dont certains ont été remixés pour sortir en single et ont rencontré beaucoup de succès.
Deux inédits figurent sur ce CD, Ombre est lumière et Reste underground. Ces deux titres évoquent les accusations de faire du rap commercial portées contre IAM, notamment à cause du grand nombre de disques vendus par le groupe.
- Ombre est lumière
- Le feu (Prodigal edit)
- Cosmos
- Le dernier empereur
- Contrat de conscience
- Une femme seule (remix)
- L'aimant
- Le repos c'est la santé
- Remix Sachet blanc
- Le Shit Squad
- Le soldat
- Reste underground
- Harley Davidson
- J'aurais pu croire
- Je danse le Mia (Le terrible funk remix radio edit)
Notes et références
Notes
- Dans Une Histoire du rap en France (2012), Karim Hammou rappelle les attentes d’IAM auprès de Delabel, il voulait « réaliser un double album, obtenir un budget conséquent pour l’enregistrer et le faire mixer aux États-Unis par des ingénieurs du son reconnus[3]. »
- Le soir de la victoire de l’OM en coupe d’Europe, le 26 mai, ils sont en studio[6].
- Le 2 et 23 : « L’album sort en deux temps : le premier volet est disponible le 2 novembre 1993. Il faut attendre le 23 novembre pour se procurer le second volet[6]. »
- « Comme De la planète Mars, il s’illustre par son dosage savant d’humour et de textes engagés, contre le racisme ordinaire, la délinquance en col blanc, ou bien le fondamentalisme religieux.
Mais dans ce disque nous avons choisi d’élargir notre propos. Avec Joe, nous écrivons souvent nos textes intimistes sur le registre du storytelling, cette manière de raconter les histoires caméra à l’épaule[11]. » - Dans Entre la pierre est la plume, le groupe souligne que cette facette de leur univers n’est pas comprise par une partie de leur public (« ceux qui ont découvert IAM avec Petit frère ne comprennent pas que ces morceaux amusants font aussi partie de notre univers[13] »). Après Ombre est lumière, les interstices humoristiques vont totalement disparaître[13].
- Cependant, le football et l’Olympique de Marseille — tout en faisant partie de leur vie — n’ont pas particulièrement inspiré IAM[14].
- Dans « 20 ans après, IAM ouvre son «Micro d’argent» », sur Libération.fr, (consulté le ) : « Chanson de six minutes présente sur Ombre est Lumière, «le Cosmos» est sans doute l'un des objets les plus étranges d'IAM, où mythologie grecque, personnages de Marvel, tableau périodique des éléments de Mendeleïev et Egypte des pharaons s'entremêlent. » Et Akhenaton souligne que « Ce côté mystique, on l’a abandonné parce que c’était devenu illisible. Déjà , quand tu écris un texte un peu structuré, avec deux ou trois mots compliqués, les gens, ils ne comprennent pas. Alors quand tu sors un morceau comme «le Cosmos»… «Oh attends, ils se sont échappés de l’asile !» »
- Plusieurs études et commentaires s’intéressent ou citent simplement ce morceau emblématique pour illustrer leurs propos. Voir par exemple pour le texte :
Jules Joly, Esthétique de la chanson française contemporaine, L’Harmattan,
ou encore abcdr 2018 pour qui le saxophone « transcende le morceau et dessine, autour d'un pauvre mec pressé, une ville endormie où se nouent tous les drames. » - Pour Karim Hammou, les concessions faites par IAM pour le single « peuvent se lire comme la contrepartie » des différentes exigences précédentes du groupe[3].
Références
- Valnet 2013, p. 65.
- Akhenaton 2010, p. 277.
- Karim Hammou, Une histoire du rap en France, La découverte, , p. 116 cité par Valnet 2013, p. 67.
- Blondeau 2015, p. 57.
- « Nick Sansano, le producteur dans l’ombre d’IAM », sur abcdr du son,
- Valnet 2013, p. 66.
- Blondeau 2015, p. 57.
- Cité par Blondeau 2015, p. 57.
- Akhenaton 2010, p. 281.
- Blondeau 2015, p. 58, abcdr 2018.
- Akhenaton 2010, p. 273
- abcdr 2018.
- IAM 2020, p. 22-23.
- IAM (avec Baptiste Bouthier), Entre la pierre et la plume, Stock, (ISBN 978-2-234-08934-1), Marseille, p. 237.
- Hervé Lucien, « Imperial Mystic Men », Taktik, no 247,‎ , cité par Valnet 2013, p. 66.
- Valnet 2013, p. 66-67..
- Blondeau 2015, p. 59.
- Valnet 2013, p. 67.
- Blondeau 2015, p. 58.
Annexes
Ouvrages
- Akhenaton (avec Eric Mandel), La Face B, Seuil, Don Quichotte, , 462 p. (ISBN 978-2-35949-002-2), Ombre est Lumière, p. 273-294.
- Gilles Rof, Stéphan Muntaner, Fred Guilledoux et Didier Deroin, IAM : Le livre, Soleil productions : Plein Sud, (ISBN 978-2-87764-549-2).
- Julien Valnet (préf. Olivier Cachin, ill. Jean Pierre Maero), M.A.R.S. Histoires et légendes du hip-hop marseillais, Éditions Wildproject, (ISBN 978-2-918490-25-8, OCLC 1067249408, BNF 43681450), Vers Ombre est lumière, p. 65-68.
Articles
- « Ombre est lumière, les 25 ans », sur abcdr du son, .
- Thomas Blondeau, « IAM : retour sur la genèse de "Ombre est lumière", un album fondateur », Les Inrockuptibles, no 1008,‎ , p. 56-59 (présentation en ligne).