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Oflag XVII-A

L'Oflag XVII-A Ă©tait un camp de prisonniers de guerre pour officiers (Offizierslager) situĂ© en Autriche, Ă  Edelbach, village aujourd'hui disparu (dans le camp militaire d'Allentsteig, Ă  100 kilomètres environ au nord-ouest de Vienne).

Offizier-Lager XVII-A
Présentation
Nom local Oflag XVII-A
Type Camp de prisonniers de guerre
Gestion
Utilisation originelle Camp militaire, Truppenübungsplatz Döllersheim
Date de création 1940
Créé par Drapeau de l'Allemagne nazie Reich allemand
Date de fermeture
Fermé par Armée soviétique
Victimes
Type de détenus Officiers prisonniers de guerre
Nombre de dĂ©tenus 6 000
GĂ©ographie
Pays Drapeau de l'Autriche Autriche
Localité Allentsteig
CoordonnĂ©es 48° 39′ 22″ nord, 15° 18′ 43″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Autriche
(Voir situation sur carte : Autriche)
Offizier-Lager XVII-A

En septembre 1943, il fut le théâtre de la plus grande tentative d'évasion de la Seconde Guerre mondiale.

Description

Situation de l'Oflag XVII-A
Plan de l'Oflag XVII A

Le camp fonctionne entre 1940 et , date de sa libĂ©ration par les troupes soviĂ©tiques. Celui-ci accueillait principalement des officiers français ainsi que des Polonais (170 dĂ©tenus). Il y eu en moyenne 4 500 dĂ©tenus[1], avec un maximum d'environ 6 000.

Le camp était sous le commandement du général Von Pirsch[2], un aristocrate autrichien. Les gardiens étaient souvent des vétérans autrichiens. Les conditions de détention y étaient moins draconiennes que dans d'autres camps.

Ces conditions expliquent en partie plusieurs caractéristiques de ce camp :

  • Il dĂ©tient le record de la tentative d'Ă©vasion de groupe la plus importante : 132 personnes sortirent de l'enceinte du camp ;
  • Un film y a Ă©tĂ© tournĂ©, Sous le manteau, documentaire sur la vie du camp, articulĂ© autour d’un scĂ©nario de Robert Christophe. Dans les annĂ©es 1950, le film a Ă©tĂ© recopiĂ© en 16 mm Ă  24 images par seconde. Une vingtaine de prisonniers s’étaient engagĂ©s dans l’entreprise : il y avait les promoteurs, rĂ©gisseurs, techniciens et, bien entendu, les acteurs[3];
  • Plusieurs centaines de photos, prises avec quatre appareils ont Ă©tĂ© tirĂ©es. Elles constituent un tĂ©moignage unique, vu de l'intĂ©rieur, des conditions de vie en dĂ©tention[4].

Emplacement

L'Oflag XVII-A se trouvait en Autriche dans le camp militaire d'Allentsteig (dont le nom initial était Truppenübungsplatz Döllersheim), à quelques kilomètres au sud de Göpfritz an der Wild.

SituĂ© sur un terrain lĂ©gèrement vallonnĂ© avec quelques boqueteaux de sapins, dans une rĂ©gion agricole, Ă  une altitude de 600 mètres environ, le camp militaire d'Allentsteig a Ă©tĂ© crĂ©Ă© par les Allemands après l'Anschluss entre 1938 et 1941. Il couvrait environ 157 km2 et a conduit Ă  l'Ă©vacuation de 42 villages, dont Edelbach. Le camp a Ă©tĂ© maintenu après la Seconde Guerre mondiale, ce qui explique que les villages n'ont jamais Ă©tĂ© rĂ©occupĂ©s et que le nom du village d'Edelbach oĂą Ă©tait implantĂ© l'Oflag XVII-A ne figure plus sur les cartes aujourd'hui.

Aménagement

Le camp se compose de deux parties: le Hauptlager (camp principal) oĂą se trouvent les cuisines et les 28 baraques oĂą logent les prisonniers, et le Vorlager (avant camp) oĂą se trouvent la Kommandantur, l'infirmerie, les magasins et ateliers, et la baraque des douches et de la dĂ©sinfection. Les officiers et soldats allemands sont logĂ©s dans des baraques situĂ©es Ă  l'extĂ©rieur de l'enceinte.

Le Hauptlager se prĂ©sente sous la forme d'un carrĂ© d'environ 400 mètres de cĂ´tĂ©, traversĂ© par une allĂ©e centrale de chaque cĂ´tĂ© de laquelle s'alignent les baraques des prisonniers. Il est entourĂ© d'une double clĂ´ture de barbelĂ©s, hautes d'environ trois mètres et distantes l'une de l'autre d'une dizaine de mètres. La surveillance extĂ©rieure est assurĂ©e par sept miradors (tours de guet) en planches; chacune est armĂ©e d'une mitrailleuse Ă©quipĂ©e de deux projecteurs et desservie par deux hommes et par des sentinelles postĂ©es entre les miradors. De nuit, les projecteurs balaient frĂ©quemment le terrain et la surveillance est renforcĂ©e par des patrouilles circulant Ă  l'extĂ©rieur et Ă  l'intĂ©rieur du camp. Les patrouilles extĂ©rieures sont frĂ©quemment accompagnĂ©es par des chiens de dĂ©tection.

Le Hauptlager est, de plus, compartimentĂ© en secteurs de bataillon (un bataillon comprend quatre baraques) par d'autres barrières de fil de fer barbelĂ©, partant de la clĂ´ture intĂ©rieure et s'arrĂŞtant Ă  l'allĂ©e centrale. Un espace libre de 100 mètres est donc dĂ©limitĂ© derrière chaque groupe de quatre baraques, espace oĂą les prisonniers peuvent circuler de jour. De jour Ă©galement, on peut circuler librement sur l'allĂ©e centrale et se rendre visite de baraque en baraque dans tout l'intĂ©rieur du camp. De 20 heures Ă  7 heures, il est interdit de sortir des baraques.

Aménagement des baraques

Les baraques, longues d'environ 60 mètres, sont en bois Ă  double plafond. Dans la plupart d'entre elles, une couche calorifuge de laine de verre est dĂ©roulĂ©e sur le plafond infĂ©rieur comme protection contre le froid.

Chaque baraque comprend deux chambres, d'environ 100 occupants chacune. Les deux chambrĂ©es sont sĂ©parĂ©es par trois pièces situĂ©es au milieu de la baraque: une buanderie, les lavabos et la cuisine. Dans la buanderie se trouve un grand chaudron chauffĂ© au bois pour l'eau chaude qui sert Ă  la vaisselle et au lavage du linge (mais si l'on prĂ©fère, on peut donner le linge Ă  laver Ă  Vienne).

Les lavabos à eau courante comportent une trentaine de robinet-douches. La cuisine est équipée d’un fourneau sur lequel les prisonniers peuvent faire un peu de cuisine (conserves réchauffées, riz, pâtes, haricots, potages, etc.). Dans le four de la cuisinière quelques fins cuisiniers réussissent même à faire des entremets courants (gâteaux de riz, de semoule), ou plus inédit, une tarte à la confiture dont la pâte est faite à base de biscuits de guerre écrasés. Chaque chambrée est chauffée par deux (ou trois) poêles en céramique. Le charbon ne manque pas et pendant tout le rude hiver 1940/41 les baraques ont été convenablement chauffées. À chaque extrémité de la baraque se trouve un W.C. en grès et chasse d’eau, à utiliser la nuit seulement.

Les W.C. de jour sont à l’extérieur, dans une baraque spéciale (une pour quatre baraques). Les stalles individuelles, orifices sur un banc commun en bois, sont séparées à l'origine par des cloisons en bois. Au fil du temps, ces cloisons disparaissent, récupérées comme bois de chauffage.

Les prisonniers couchent dans des châlits à trois couchettes superposées. Deux étages seulement (rez-de-chaussée et premier) sont occupés, le troisième (plateforme supérieure) étant réservé aux bagages. Sur les planches du châlit repose une paillasse garnie de paille ou de fibre de bois. Le matériel de couchage comprend de plus un oreiller garni comme la paillasse, un sac de couchage en toile servant de drap, une taie d’oreiller et trois couvertures. La paille est changée peu souvent (d’août à mars, une seule fois). Le sac de couchage et la taie d’oreiller sont envoyés au lavage en principe tous les mois, en pratique très irrégulièrement.

Les châlits ne sont pas disposĂ©s de la mĂŞme façon dans toutes les baraques. Parfois ils sont rangĂ©s parallèlement les uns aux autres d’un seul cĂ´tĂ© de la chambre et perpendiculairement aux grands cĂ´tĂ©s de la salle, le cĂ´tĂ© libre est alors garni de tables et sert de rĂ©fectoire et de salle de rĂ©union. Parfois les châlits sont disposĂ©s de façon Ă  former, devant chaque fenĂŞtre, une petite pièce dont ils constituent les cloisons, cette pièce est alors meublĂ©e d’une table et les occupants des lits y vivent dans une atmosphère moins bruyante et moins dispersĂ©e que celle de la chambrĂ©e. L’alvĂ©ole crĂ©e l’illusion d’une intimitĂ©. InconvĂ©nient: les alvĂ©oles les plus Ă©loignĂ©s des poĂŞles ne sont pas très chaudes… En tout cas, il n’y a pas de système obligatoire; les occupants d’une chambrĂ©e adoptent la disposition qui sied le mieux Ă  leur fantaisie. Chaque baraque peut accueillir jusqu'Ă  300 prisonniers; en pratique elle n'en contiennent que 200.

Discipline

Un officier français, le lieutenant-colonel Robert, de l’artillerie coloniale, assume le commandement français du camp. Son titre officiel est «représentant général des prisonniers français». Il est l’intermédiaire obligatoire entre les prisonniers et le commandement allemand. Sa tâche est lourde et délicate, son rôle exigeant tact et fermeté. Dans chaque baraque, il y a un officier « chef de baraque » choisi par le colonel. Les chefs de baraque vont quotidiennement prendre les ordres au rapport du colonel. Dans chaque chambrée, un officier « chef de chambre » est responsable de la discipline générale et veille aux intérêts de ses camarades.

D'autre part, les officiers de chaque chambre prennent le service de jour à tour de rôle. Celui-ci consiste à assurer les distributions de vivres, à rendre l’appel, à veiller à la propreté de la chambre et à prendre la garde pendant l’autre moitié de la nuit. La garde d’incendie est assurée par un autre officier, dit « officier pompier », elle est également prise à tour de rôle. Il y a de plus, par baraque, un officier fourrier chargé du matériel qui veille à la bonne conservation des locaux, du mobilier et des effets confiés par l’autorité allemande aux prisonniers (literie, couchage, couvert de table) et un officier chargé du linge, qui tient la comptabilité du linge envoyé à Vienne ou qui en revient ; par chambre un officier vaguemestre.

Enfin chaque jour, un capitaine pour tout le camp prend le service de «grand jour» et veille à la discipline générale de tout le camp.

Les services ainsi assurés par les prisonniers devraient être assurés par les Allemands, les premiers responsables de l’organisation du camp et les premiers intéressés à son bon fonctionnement. Il est aussi de l’intérêt des prisonniers de faire marcher eux-mêmes les services du camp toutes les fois que la possibilité leur en est laissée. C’est de la collaboration, mais elle est nécessaire, puisqu’elle sert les intérêts des prisonniers de guerre sans exiger une contrepartie incompatible avec leur dignité de Français.

Du côté allemand, le commandement est assuré par un général autrichien qui a sous son autorité tous les Oflags et Stalags de la XVIIIe Région. Les prisonniers, pour le peu qu’ils en connaissent, le tiennent pour un homme bienveillant et juste.

Le commandant direct de l’Oflag XVII-A est un officier allemand, le capitaine Trischtel, qui a longtemps vécu en France; il habitait Vincennes et aurait occupé un poste important à la Banque de l’Europe centrale. Bien qu’il ait le souci d’apparaître aux prisonniers comme affable et préoccupé de leurs intérêts plus qu’ils le sont eux-mêmes, il est fort peu populaire dans le camp.

Chaque bataillon (quatre baraques) est sous l’autorité directe d’un officier allemand (lieutenant ou capitaine). Ces chefs de bataillon presque tous autrichiens, sont pour la plupart courtois, extrêmement corrects, voire aimables. Quelques-uns exagèrent même parfois dans ce sens, ce qui produit chez beaucoup de prisonniers un effet de méfiance, bien opposé au résultat peut-être recherché.

Les chefs de bataillon sont aidés par des sous-officiers et soldat allemands, généralement d’origine autrichienne eux aussi, et qui, dans l’ensemble sont également corrects et courtois. Tous ce personnel militaire est supervisé par la Gestapo, invisible mais omniprésente. Aucune mesure, sollicitée par le commandement français ou décidée par le commandement allemand, n’est appliquée avant d’avoir reçu le visa de la Gestapo.

La résistance dans le camp prenant de multiples formes, certains détenus ont été emprisonnés dans le camp, ou envoyés en camp disciplinaire, à l'Oflag X C de Lubeck où régnait une discipline de fer[1].

Alimentation

Le rĂ©gime alimentaire des prisonniers est le suivant : Ă  7 heures, un seau de cafĂ©-ersatz pour deux groupes, c’est-Ă -dire pour vingt prisonniers. Pour la facilitĂ© des distributions et de la discipline, les prisonniers sont rĂ©partis en groupes de dix, formĂ©s la plupart du temps par affinitĂ©s ou convenances particulières.

Entre 11 heures et 13 heures, un seau de soupe pour un groupe. Comme il n’y a pas assez de seaux pour servir tous les groupes en mĂŞme temps, deux services sont faits, un par chambre; chaque chambre est Ă  tour de rĂ´le du premier service pendant une semaine. D’autre part, chaque baraque est Ă  tour de rĂ´le la première servie. Ceci explique l’imprĂ©cision de l’heure du premier repas.

La soupe est tantôt bonne, quand elle contient des pommes de terre et de la farine de soja, tantôt moins bonne, quand elle est à base de rutabagas. Il faut noter qu'elle s’est considérablement améliorée au cours de la captivité. En juillet et août, les pommes de terre étaient mises dans la soupe non épluchées et même non lavées. Depuis la première quinzaine d’août, la cuisine est faite par des Français qui tirent des vivres mis à leur disposition le meilleur parti possible.

Une ou deux fois par semaine, on distribue en plus de la soupe une très faible ration de viande, environ 30 grammes, ce qui correspond Ă  une bouchĂ©e. Une fois par semaine, rĂ©gulièrement, la soupe est remplacĂ©e par de la morue avec des pommes de terre rondes.

Dans l’après-midi, est distribuĂ© du pain (un pain de 1 500 g environ pour cinq) et un casse croĂ»te composĂ© soit de confiture (50 g) soit de fromage blanc (75 g), soit de miel, soit d’une ou deux rondelles de saucisson cuit, soit le plus souvent de graisse. Tout cela est synthĂ©tique : il est impossible de dĂ©terminer le fruit qui a servi Ă  confectionner la confiture et la seule chose dont on soit sĂ»r, c’est que le miel n’a pas Ă©tĂ© fabriquĂ© dans une ruche et qu’il n’y a pas une goutte de lait dans le fromage blanc. Tout cela est parfaitement mangeable, sauf la graisse qui n’est guère fameuse en tartines, mais on l’emploie avantageusement soit pour la cuisine, soit pour alimenter de petites lampes qui servent Ă  allumer les cigarettes, soit pour graisser les chaussures.

Ă€ 18 heures, nouvelle distribution de soupe : un seau pour deux groupes. Cette soupe du soir n’est pas absolument rĂ©glementaire et n’existe pas beaucoup dans d’autres camps. Mais Ă  l’Oflag XVII-A, les cuisiniers français (qui travaillent sous le contrĂ´le d’un officier français dĂ©signĂ© par le colonel Robert) ont obtenu des Allemands l’autorisation de faire, avec les vivres touchĂ©s, une soupe le matin et une soupe le soir. Cette solution satisfait tous les prisonniers.

Le régime est maigre et sans les colis, les prisonniers ne mangent pas à leur faim (pendant les premiers mois, avant l’arrivée des colis, tout le monde avait maigri d’une quinzaine de kilos). Les colis, presque toujours mis en commun, permettent de compléter la ration réglementaire et fournissent un appoint suffisant et indispensable.

Des officiers étant partis au front avec leurs chiens personnels, certains accompagnent leurs maîtres au camp. Ces bêtes disparaîtront assez rapidement, mangées par les détenus. Pour améliorer l'ordinaire, les rats et les souris sont piégés.

Cantine

Une cantine, autorisĂ©e par les Allemands, fonctionne au camp. Elle fonctionne très mal et est parfois alimentĂ©e en objets hĂ©tĂ©roclites d’une utilitĂ© contestable pour des prisonniers : huile Ă  bronzer, crème de beautĂ©, pinces Ă  Ă©piler, etc. Très rarement, on y trouve l’indispensable : objets courants de toilette, cahiers, crayons, jeux de cartes. Ă€ deux ou trois reprises, elle a vendu des cornichons en saumure ou de petits poissons conservĂ©s dans la gĂ©latine. Cependant chaque jour, on peut s’y procurer une ou deux canettes de bière lĂ©gère, mais très agrĂ©able, Ă  un prix assez Ă©levĂ© : 40 Pfennigs, c’est-Ă -dire 8 Francs (1941).

Colis

Les colis sont reçus plus régulièrement que les lettres et ne sont généralement pas soumis à une trop forte censure. Ils sont distribués dans une baraque du Hauptlager (baraque 18) spécialement aménagée à cet effet.

Les censeurs allemands sont assistés de vaguemestres français. Ceux-ci tirent les colis des sacs postaux, appellent le destinataire qui vient alors se présenter à la table, muni d’une musette et de quelques récipients métalliques. Le censeur allemand ouvre le colis et vérifie le contenu, le remet au destinataire en gardant toujours le papier d’emballage et le couvercle de la boîte portant l’adresse. Le plus souvent la vérification est rapide et sommaire, mais quand l’officier allemand de surveillance se trouve près du censeur, celui-ci est obligé de faire du zèle; il ouvre alors les boîtes de conserves, larde les saucissons et coupe les pains d’épice.

En janvier, la censure allemande a traversĂ© une pĂ©riode de mauvaise humeur, tout Ă  fait exceptionnelle d’ailleurs : Pendant cinq Ă  six jours toutes les boites de conserves Ă©taient non seulement ouvertes mais vidĂ©es dans des rĂ©cipients que devaient apporter les prisonniers. Les censeurs retenaient, de mĂŞme, tous les emballages de carton ou de papier des paquets de pâtes, de riz, de chocolat et de tabac. Certains prisonniers qui ne s’étaient pas munis de rĂ©cipients en assez grand nombre, ont vu vider pĂŞle-mĂŞle dans leur gamelle, riz, tabac, lait condensĂ©, etc. Le colonel Robert a protestĂ© Ă©nergiquement auprès du gĂ©nĂ©ral autrichien et tout est rentrĂ© dans l’ordre immĂ©diatement : « J’avais l’intention de donner aux familles de mes camarades des conseils très nets sur la meilleure composition des colis ; envoyer des colis de cinq kilos, ne pas perdre un poids prĂ©cieux soit en mettant des emballages trop lourds, soit en envoyant des colis de 2 ou 3 kilos seulement ; mettre de prĂ©fĂ©rence de grosses boĂ®tes de conserves, des saucissons, des noix de jambons, du riz, des pâtes, du fromage, du beurre, ne pas oublier le tabac pour les fumeurs qui n’en ont jamais assez. J’ai quelques scrupules Ă  donner d’aussi formelles instructions, car je sais maintenant Ă  quelles Ă©normes difficultĂ©s de ravitaillement se heurtent en France, les meilleures volontĂ©s. Je me borne donc Ă  conseiller Ă  chacun de faire le maximum de ce qu’il peut pour ravitailler les prisonniers rĂ©gulièrement et selon ses possibilitĂ©s.

Un dernier conseil, théoriquement, les étiquettes rouges doivent servir uniquement pour les envois de vêtements, et les étiquettes bleues pour les envois de vivres. Pratiquement, tout ce qui arrive au camp est distribué. N’hésitez donc pas à envoyer, le cas échéant, les vivres avec des étiquettes rouges, le colis arrivera tout aussi sûrement. »

Sur l’initiative du colonel Robert, une Ĺ“uvre appelĂ©e «Le Colis de France» a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e parmi les prisonniers. Elle a pour but de donner aux officiers et soldats moins favorisĂ©s des colis composĂ©s par des prĂ©lèvements volontaires sur les colis reçus par les plus favorisĂ©s. De très nombreux colis ont ainsi Ă©tĂ© distribuĂ©s, surtout aux environs de NoĂ«l et du jour de l’An. Ă€ la date du , 2 293 «Colis de France» avaient Ă©tĂ© distribuĂ©s et 3 977 officiers et soldats en avaient bĂ©nĂ©ficiĂ© (il y a en effet des colis de groupe pour cinq prisonniers).

Activités

Cours et conférences

Il y a dans le camp de nombreux professeurs, instituteurs et avocats. Une «Université Oflag XVII A» est créée par les prisonniers le et fonctionnera jusqu'à la libération du camp le . Elle est dirigée par le mathématicien Jean Leray. Selon ce dernier, l'université préparait à la Licence et aux grands concours. Les 500 diplômes qu'elle décerna furent validés après la guerre. Leray lui-même poursuivit ses recherches, mais ne voulant pas que son travail put être utilisé par la machine de guerre allemande, il délaissa son domaine antérieur de mécanique des fluides. En créant les suites spectrales et la théorie des faisceaux, il révolutionna la topologie. Il publie ses résultats dans les Comptes Rendus de l'Académie des Sciences, où il avertit «dans les circonstances où je me trouve, il ne m'a pas été possible de vérifier dans la littérature l'originalité de ce résultat.»

Un programme de conférences sur les sujets les plus divers est également organisé. Entre un cinquième et un quart des prisonniers a profité des enseignements de l'université[1].

L'université donne des cours d'allemand, d’anglais, d’italien, de polonais, d’espéranto, de norvégien, de français, de mathématiques, de biologie, de philosophie. Les prisonniers peuvent entendre des conférences sur la Chine, l’enfance coupable, l’élevage des chevaux en Europe centrale, les assurances-vie, l’architecture romane, le mimétisme des animaux marins, la conquête de l’Algérie, la vulcanisation du caoutchouc, Barrès et l’âme française, etc. Cette énumération d’allure incohérente montre la très grande diversité des sujets traités.

Théâtre et concerts

De nombreuses troupes d’amateurs se sont créées au camp: «Les Compagnons du Plateau», «Les Jeunes 41», «L’Équipe», «Le Traiteau», «Les Trois Masques», «La Troupe sans Nom», etc. Ils ont monté dans la baraque 18 réservée aux spectacles, des pièces telles que: Les Trente sept Sous de Monsieur Montaudoin de Labiche, Sud de Paluel-Marmont, Le Sicilien ou l'Amour Peintre de Molière, Cigalon de Marcel Pagnol, etc.

Ces troupes font preuve d'une grande ingéniosité pour la réalisation des costumes, des accessoires et des décors. La mise en scène de certaines de ces pièces était dite digne d’un théâtre parisien. La direction du Théâtre est assurée par Denis Maurey, futur Président du syndicat des directeurs de théâtres de Paris de 1961 à 1984.

Un groupement d'«Amis de la Musique» donne des concerts de musique classique et moderne, très suivis.

Cinéma

Les prisonniers réalisent de manière clandestine un documentaire intitulé Sous le manteau[3]. Les pièces de la caméra ont été passées par les colis de ravitaillement, notamment dans les extrémités de saucisses.

Services

Service médical

Dans le Vorlager se trouvent deux baraques réservées à l’infirmerie. Les locaux sont corrects et fonctionnels.

Outre les salles de visites et de pansement, l’infirmerie comporte un cabinet dentaire et des salles d’hospitalisation pouvant abriter une cinquantaine de malades plus confortablement installés que dans les baraques. Le couchage comporte des lits de fer avec sommiers métalliques, des matelas et des draps. Les locaux sont bien chauffés et la nourriture y est plus abondante. Les soins sont donnés par des médecins français prisonniers, dévoués à leur tâche. En cas de maladie grave ou d’infirmité, le médecin français présente les malades aux médecins allemands, qui décident soit de l’envoi à l’hôpital de Vienne, soit le rapatriement. La décision de rapatriement est souvent prise également par une commission allemande de réforme siégeant à Vienne.

Malgré le froid très vif (ou peut-être grâce à cela) l’état sanitaire du camp a été très bon pendant tout l’hiver 1940-41. Il n’y a pas eu d’épidémies et très peu de maladies graves. En huit mois, il n'y eut qu'un seul décès, celui d’un officier âgé et cardiaque mort subitement.

Service religieux

Les cérémonies du culte catholique sont célébrées au camp dans une demi-baraque (baraque 9) transformée en chapelle. Celle-ci a été décorée par des artistes prisonniers en s'accommodant des moyens à leur disposition.

Le Maître-autel se dresse sur une estrade, au milieu de la paroi gauche (de l'autel) le prêtre dit la messe face à l’assistance. Une douzaine d’autels secondaires consacrés à la Vierge, à saint Joseph, saint Louis, saint François d’Assise, saint Vincent de Paul, saint Bernard, saint Benoît, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, etc. sont répartis tout le tour de la chapelle. Des statuettes en bois ou en terre, des bas-reliefs sculptés dans des planches de lit ou découpés dans des boites à cigares, des dessins ou des aquarelles les décorent. Certaines de ces œuvres ont été décrites comme remarquables. En particulier, sur le maître-autel, un admirable crucifix pour les grand-messes. Un prisonnier a fabriqué un encensoir et un bénitier de dessin très moderne. De loin, il est impossible de voir qu’ils sont en réalité fabriqués avec des boîtes de conserve.

Pour Noël, une crèche en bois sculpté a été dressée dans un coin de la chapelle.

Le service religieux est assurĂ© par l’aumĂ´nier du camp, l’abbĂ© Joulin, vicaire Ă  Sainte-Marie de Vincennes. Il aide Ă  soutenir le moral des prisonniers et a une grande influence sur ces derniers. Il est aidĂ© dans son ministère par de nombreux prĂŞtres prisonniers (70 environ) qui cĂ©lèbrent la messe chaque jour, aux diffĂ©rents autels, Ă  partir de six heures du matin. Une maĂ®trise a Ă©tĂ© formĂ©e et rehausse l’éclat des cĂ©rĂ©monies religieuses.

La communautĂ© protestante est Ă©galement reprĂ©sentĂ©e. Chaque dimanche un culte est cĂ©lĂ©brĂ© Ă  10 heures. En semaine, tous les fidèles peuvent se rĂ©unir tous les soirs Ă  19 heures. Des rĂ©unions sont organisĂ©es rĂ©gulièrement: cercle d’étude sur l’histoire de la RĂ©forme, Éclaireurs unionistes, etc.

Presse

Le , parait le premier numéro du journal hebdomadaire de l’Oflag XVII-A, Le Canard en KG (prononcé «le canard encagé»). L’Académie française lui décerne le prix Eugène-Carrière en 1942[5]. Les lettres KG renvoient au terme allemand Kriegsgefangene, soit "prisonnier de guerre". Au cours de l’année 1943, le journal devient bimensuel, puis mensuel faute de papier.

Au dĂ©but de la parution, le journal comporte quatre pages, format 30 Ă— 48 cm; puis il est ramenĂ© Ă  23 Ă— 30 cm, mais le nombre de pages est doublĂ©. Le journal est composĂ© de plusieurs sections: un Ă©ditorial, les nouvelles du camp, des mots croisĂ©s, des textes de chansons et des dessins humoristiques. Une page est consacrĂ©e au Théâtre (critique, prĂ©sentation des pièces Ă  venir) et au programme des cours et confĂ©rences. Le journal est dirigĂ© par RenĂ© Dubois (futur SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la FĂ©dĂ©ration de la Presse).

Évasion

L'Oflag XVII-A est le théâtre de la plus grande tentative d'Ă©vasion de la Seconde Guerre mondiale. Le creusement d'un tunnel a Ă©tĂ© permis par la nĂ©gligence des gardes et les prĂ©textes divers des prisonniers, tels que des travaux d’embellissement du "théâtre de verdure" par un dĂ©cor d'arbres vivant servant Ă  camoufler les travaux[6]. Les 18 et 19 , 132 officiers français s'Ă©vadent[7] de nuit. Leur absence n'est remarquĂ©e par les autoritĂ©s que le lundi 20 septembre. Une "alerte parachutistes" Ă©tendue est dĂ©clenchĂ©e. Tous les Ă©vadĂ©s sont repris, sauf cinq qui rĂ©ussissent Ă  s'Ă©chapper et deux officiers qui sont abattus au cours de leur fuite.

Évacuation du camp[1]

Le 17 avril 1945, 4000 détenus entament une marche d'évacuation du camp en direction de Braunau. Environ 600 prisonniers trop affaiblis restent au camp. Les évacués marchent 15 à 20 km par jour avec leur paquetage de 25 kg et sont peu ravitaillés. Pendant la marche, environ 700 évacués sont laissés à Gratzen du fait de leur fatigue ou maladie.

Le matin du 6 mai, les derniers gardiens allemands quittent les Français et le général Gibert, plus haut gradé, prend officiellement le commandement. Dans les derniers jours de guerre, certains d'entre eux forment des corps francs et dressent des barrages routiers où ils désarment les Allemands fuyant l'avancée soviétique.

Les 10 et 11 mai, les 3 000 Français ayant rejoint Kaplitz et Einsiedel sont rapatriés par un pont aérien américain afin d'éviter que ce potentiel militaire d'officiers ne tombe aux mains des Soviétiques. Les 600 Français restés à Edelbach sont également rapatriés entre le 15 et le 20 mai. Les 700 Français laissés à Gratzen sont d'abord "libérés" par les Soviétiques qui commencent à les emmener vers l'est mais obtiennent finalement d'être rapatriés par les Américains en juin 1945.

Notes et références

Notes

    Références

    1. Andreas Kusternig, Entre université et résistance : les officiers français prisonniers au camp XVII A à Edelbach In : La captivité des prisonniers de guerre : Histoire, art et mémoire, 1939-1945. Pour une approche européenne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, (lire en ligne)
    2. Floriane Chiffoleau, « CAPTIVITÉ DES PRISONNIERS DE GUERRE FRANÇAIS PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE : LE CAS DES ASPIRANTS DU STALAG IA (1940-1945) » [PDF], (consulté le )
    3. « Sous le manteau - Les prisonniers français de la Seconde Guerre mondiale avaient filmé leur camp et leur évasion », BigBrowser,
    4. Défense de photographier, recueil de photos réalisées de l'intérieur entre 1940 et 1945 par Marcel Corre.
    5. « Palmarès des prix de l'Académie française en 1942, « prix décernés aux prisonniers de guerre » », sur Archives de l'Académie française (consulté le )
    6. Kusternig 2008.
    7. (en) Christian Fraser, « How French secretly filmed prison camp life in WWII », sur bbc.com, (consulté le )

    Voir aussi

    Bibliographie

    • [Kusternig 2008] AndrĂ©as Kusternig et Jean-Claude Catherine (dir.), UniversitĂ© de Bretagne-Sud (prĂ©f. Yves Durand), « Entre universitĂ© et rĂ©sistance : les officiers français prisonniers au camp XVII A Ă  Edelbach », dans La captivitĂ© des prisonniers de guerre : histoire, art et mĂ©moire (actes du colloque international des 8-9 avril 2005), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire » (1re Ă©d. 2008), 240 p., couverture couleur, brochĂ© (ISBN 9782753506077, BNF 41217912, lire en ligne), p. 55-77.
    • Jean-Claude Leroux, Ils l'ont fait ! Dans les coulisses de l'Oflag XVII A - (Edelbach 1940-1945), Paris, Livre-DVD Ă©ditions DACRES, 2014.
    • Collection Journaux de guerre, n°55, 27 mai 1943, Ă©d. Hachette
    • L'activitĂ© gĂ©ographique Ă  l'Oflag XVII A, Georges Schouler et A. Roze, Revue de gĂ©ographie apline, tome 30, n°2, 1942, p.423-427
    • Chronique d'une courte odyssĂ©e, col. Marcel Jauras, Ă©d. Rosa Bonheur, 1992
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