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Observatoire stratosphérique pour l'astronomie infrarouge

Stratospheric Observatory for Infrared Astronomy • SOFIA

Le Boeing 747SP utilisé comme avion porteur pour SOFIA lors de son premier vol le 26 mars 2007 depuis Waco (Texas).
SOFIA en position d'observation.

SOFIA (acronyme de Stratospheric Observatory for Infrared Astronomy (en français Observatoire stratosphérique pour l'astronomie infrarouge), est un télescope infrarouge aéroporté développé conjointement par la NASA avec une participation de l'agence spatiale allemande. Le premier vol est effectué le et le télescope est déclaré opérationnel en 2014. La NASA annonce le que SOFIA cessera ses opérations d'ici le . Le dernier vol scientifique a eu lieu le [1].

La partie optique de SOFIA est constituĂ©e d'un tĂ©lescope de 17 tonnes dotĂ© d'un miroir de 2,7 mètres de diamètre. L'avion porteur, en circulant Ă  une altitude de près de 14 kilomètres, permet l'observation du rayonnement infrarouge dans une gamme d'ondes qui va de l'infrarouge proche Ă  l'infrarouge lointain (5 Ă  320 microns) qui ne peut ĂŞtre observĂ© par des tĂ©lescopes terrestres car interceptĂ© par l'atmosphère. Courant 2020, le tĂ©lescope comporte six instruments dont une camĂ©ra optique, un polarimètre et plusieurs spectromètres. L'instrument est utilisĂ© pour dĂ©terminer la composition de l'atmosphère des planètes et de leur surface mais Ă©galement pour Ă©tudier les comètes, la physique et la chimie du milieu interstellaire ainsi que la formation des Ă©toiles.

Contexte : l'astronomie infrarouge

Spectre de transmission de l'atmosphère. Dans le visible, les pertes résultent principalement de la diffusion Rayleigh, alors que dans l'infrarouge, elles proviennent de l'absorption.

L'astronomie infrarouge Ă©tudie la partie situĂ©e dans l'infrarouge du rayonnement Ă©mis par les objets astronomiques. La gamme de longueurs d’onde de l’infrarouge se situe entre 0,75 et 300 micromètres entre la lumière visible (0,3 Ă  0,75 micromètre) et les ondes submillimĂ©triques (Ă  partir de 200 micromètres). L'astronomie infrarouge permet d'Ă©tudier des objets cĂ©lestes qui ne sont pas observables en lumière visible ainsi que des processus dont les caractĂ©ristiques sont en partie rĂ©vĂ©lĂ©es par le rayonnement infrarouge qu'ils Ă©mettent. Les observations dans l'infrarouge portent en particulier sur les objets masquĂ©s en lumière visible par d'Ă©pais nuages de gaz ou de poussière interstellaire (centre de notre galaxie, pouponnières d'Ă©toiles, proto-Ă©toiles) et sur les galaxies les plus lointaines dont le rayonnement subit un dĂ©calage vers le rouge dĂ» Ă  l'expansion de l'univers qui les Ă©loigne Ă  des vitesses très grandes de notre galaxie[2].

La lumière infrarouge émise par les objets célestes est en partie absorbée par la vapeur d’eau contenue dans l’atmosphère terrestre. L'infrarouge moyen et lointain (à compter de 8 microns) n'est pratiquement observable que depuis la très haute altitude. Plusieurs méthodes ont été utilisées pour contourner cette contrainte : placer les télescopes à infrarouge à des altitudes élevées (Observatoires du Mauna Kea, VISTA, ...), les placer en orbite (Spitzer, IRAS (Infrared Astronomical Satellite), Herschel) ou les installer à bord d'engins aéroportés (ballons, avions) volant à très haute altitude.

Historique du projet

Le télescope aéroporté Kuiper

Gros plan sur l'optique du télescope aéroporté Kuiper.

Le tĂ©lescope SOFIA est le successeur du tĂ©lescope aĂ©roportĂ© Kuiper dĂ©veloppĂ© par la NASA et qui est restĂ© opĂ©rationnel entre 1974 et 1995. Celui-ci comprenait un tĂ©lescope de 91,5 centimètres d'ouverture permettant d'observer l'infrarouge proche, moyen et lointain (1 Ă  500 microns). Il Ă©tait installĂ© Ă  bord d'un avion Ă  rĂ©action C-141 Starlifter qui est utilisĂ© en vol Ă  une altitude de 14 kilomètres, c'est-Ă -dire au-dessus de 99% de la vapeur d'eau contenu dans l'atmosphère. Il permet de dĂ©couvrir les anneaux d'Uranus en 1977 et la prĂ©sence d'eau dans les atmosphères des planètes gazeuses gĂ©antes Jupiter et Saturne.

DĂ©veloppement

La NASA propose en 1984 de développer un télescope aéroporté ayant une ouverture de 3 mètres et qui serait transporté par un Boeing 747. Les spécifications sont détaillées en 1987 et l'Allemagne de l'ouest décide de partage à hauteur de 20%. Mais la réunification de l'Allemagne entraîne une période d'austérité budgétaire tandis que la NASA subit de son côté des coupes budgétaires. Le planning du projet SOFIA glisse de cinq années. La NASA sous-traite le projet à l'USRA et la coopération avec l'Allemagne est contractualisée en 1996. Les principaux composants du télescope sont assemblés à Augsbourg (Allemagne) en 2002 et livrés quelques mois plus tard aux États-Unis. Les premiers tests au sol du télescope ont lieu en 2004.

Le télescope doit être monté à bord d'un B-747 d'United Airlines modifié pour permettre l'emport du télescope et sa mise en œuvre. Mais trois fournisseurs successifs de la porte mobile qui doit permettre au télescope de faire ses observations en vol font successivement faillite ce qui entraîne un report en 2001. La compagnie aérienne United Airlines fait elle-même faillite et se retire du projet alors qu'elle devait prendre en charge la mise en œuvre du télescope. En février 2006, le coût du télescope aéroporté ayant cru de 185 à 330 millions US$, le projet est réexaminé mais finalement la NASA donne son feu vert pour le poursuivre.

Le télescope aéroporté effectue son premier vol le 26 avril 2007 à l'usine L-3 Integrated System (L-3 IS) à Waco (Texas)[3]. Le comportement en vol avec la porte ouverte et fermée est longuement testé et les premières observations scientifiques de routine débutent en 2010. Le fonctionnement à pleine capacité est atteint en 2014.

Fin de carrière

L'utilisation du télescope SOFIA est en 2020 loin d'atteindre les objectifs fixés par ses concepteurs. Selon un audit effectué par un organisme indépendant, alors que les responsables s'étaient donnés comme objectif la production de 150 articles scientifiques par an, l'utilisation du télescope aéroporté sur la période 2014-2018 n'a produit en moyenne que 21 articles scientifiques par an. Les responsables du projet tentent d'optimiser l'exploitation de l'instrument en démarrant de nombreux projets mais seules 40% des propositions retenues comme prioritaires ont pu être menées à bien. SOFIA se classe en avant-dernière position parmi 29 observatoires terrestres (plus Hubble) pour la production de papiers scientifiques et en dernière position pour le nombre de citations. Avec un coût annuel de 85 millions US$, c'est par ordre de coût le deuxième instrument d'astrophysique opérationnel de la NASA juste derrière le télescope spatial Hubble. L'administration Trump a proposé d'arrêter le projet en février 2020 mais le Congrès n'a pas donné son accord[4]. La NASA annonce finalement le que SOFIA cessera ses opérations d'ici le , d'un commun accord avec l'agence spatiale allemande[5]. Le dernier vol scientifique a lieu du 29 au 30 septembre 2022. Il a effectué un total de 732 nuits d'observation[6].

Il effectue son dernier vol le 13 décembre 2022 pour rallier la base de Davis-Month à Tucson dans l'Arizona. Il sera exposé au Pima Air and Space Museum[7].

Description

Miroir primaire de SOFIA.
Les instruments regroupés autour du point focal du télescope, la partie optique se trouve de l'autre côté de la cloison.

La partie optique du tĂ©lescope SOFIA comprend un miroir primaire de 2,7 mètres de diamètre dont 2,5 mètres sont frappĂ©s par le rayonnement. Il permet de collecter le rayonnement compris entre 0,3 et 1600 microns. Sa masse est de 17 tonnes. Il est conçu pour combler le trou existant entre le futur tĂ©lescope spatial JWST qui permet d'observer jusqu'Ă  28 microns et le tĂ©lescope Alma qui observe le rayonnement micro-ondes Ă  compter de 320 microns. Le tĂ©lescope est construit par un consortium pilotĂ© par l'agence spatiale allemande DLR et son miroir principal est conçu et rĂ©alisĂ© par la sociĂ©tĂ© française Reosc[8] - [9].

En 2020, les instruments de SOFIA sont[9] :

  • La camĂ©ra optique FPI+ (Focal Plane Imager Plus) qui prend des images en lumière visible et dans le proche infrarouge (0,36-1,1 micron),
  • Le spectromètre Ă  grisme FORCAST (Faint Object Infrared Camera for the SOFIA Telescope) qui observe dans l'infrarouge moyen et lointain (5-40 microns) avec une rĂ©solution spectrale comprise entre 100 et 300.
  • Le spectromètre haute rĂ©solution EXES (Echelon-Cross-Echelle Spectrometer) qui observe dans l'infrarouge moyen et lointain (4,5-28,3 microns) avec une rĂ©solution spectrale comprise entre 103 et 105.
  • La camĂ©ra, bolomètre et polarimètre HAWC+ (High -resolution Airborne Wideband Camera Plus) qui observe dans l'infrarouge lointain (50-240 microns) avec une rĂ©solution spectrale comprise entre 2,3 et 8,8,
  • Le spectromètre Ă©chelle FIFI-LS (Far Infrared Field-Imaging Line Spectrometer) qui observe dans l'infrarouge lointain (51-203 microns) avec une rĂ©solution spectrale comprise entre 600 et 2000,
  • Le spectromètre hĂ©tĂ©rodyne GREAT (German Receiver for Astronomy at Terahertz Frequencies) qui observe dans l'infrarouge lointain (63-612 microns) avec une rĂ©solution spectrale comprise entre 106 et 108.
Principales caractéristiques des instruments en 2020[9]
Instrument Responsable scientifique Type instrument Longueurs d'onde RĂ©solution Champ de vue DĂ©tecteur
FPI+JĂĽrgen Wolf
Université de Stuttgart
Caméra lumière visible à haute vitesse0,36 – 1,10 μm0,9 – 29 microns8,7' x 8,7'CCD 1024 x 1024 pixels
FORCASTTerry Herter
Université Cornell
Caméra infrarouge moyen
spectromètre imageur à grisme
5-40 microns100-3003,2' x 3,2'2 détecteurs 256 x 256 pixels (Si:As et Si:Sb)
EXESMatthew Richter
Université UC Davis
Spectromètre échelle infrarouge moyen à haute résolution4,5 – 28,3 microns103 et 105fente 1” x 180”1024 x 1024 pixels (Si:As)
HAWC+Charles Dowell
JPL/Caltech
Caméra à bolomètre infrarouge lointain
Polarimètre
53, 89, 154 et 214 microns (bandes 20%)Δλ = 9 – 43entre 1,4' x 1,7' (53 μm) et 4,8' x 6,4' (214 μm)bolomètre 3 x (32 x 40)
FIFI-LSAlfred Krabbe
Université UC Davis
Spectromètre à grille à champ intégré infrarouge lointain 2 canaux51 – 120 et 115 - 203 microns600-200030” x 30” (bleu) et 60” x 60” (rouge)2 x (16x25) Ge:Ga
GREAT, upGREATRolf GĂĽs
Université UC Davis
Spectromètre hétérodyne multi-pixels infrarouge lointain63 – 612 microns106 - 108Récepteur hétérodyne à diffraction limitée
Cockpit du Boeing.

L'avion porteur est un Boeing 747SP, une version courte du quadrirĂ©acteur qui est conçu pour effectuer des vols particulièrement longs et qui a Ă©tĂ© obtenu Ă  partir de la version standard en raccourcissant le fuselage et en modifiant fortement d'autres Ă©lĂ©ments pour rĂ©duire le poids de l'avion. LivrĂ© Ă  la compagnie Pan Am en 1977, il est revendu Ă  United Airlines en 1986. La NASA, qui l'achète en 1997, a la responsabilitĂ© des importantes modifications effectuĂ©es pour installer le tĂ©lescope dans la partie arrière du fuselage[10]. Le tĂ©lescope est pointĂ© Ă  travers une porte coulissante amĂ©nagĂ©e entre les ailes et l'empennage arrière. Celle-ci, haute de 5,5 mètres et large de 4,1 mètres, peut ĂŞtre ouverte en vol. Le tĂ©lescope est installĂ© dans la partie arrière du fuselage. Il est sĂ©parĂ© du reste de l'avion par une paroi Ă©tanche qui permet de maintenir le reste de la cabine pressurisĂ©. Le point focal du tĂ©lescope se trouve avec les instruments du cĂ´tĂ© pressurisĂ© du fuselage. Au milieu de la cabine se trouve le centre de contrĂ´le de la mission et la section destinĂ©e aux opĂ©rations scientifiques. La partie avant permet d'accueillir des visiteurs. Le fait que le fuselage soit en partie exposĂ© au vide n'a pas d'influence sur les qualitĂ©s de vol et l'aĂ©rodynamique de l'avion[11] - [12] - [13] - [14] - [15] - [16] - [10].

Exploitation

Les consoles permettant de contrĂ´ler le fonctionnement des instruments.

SOFIA doit fonctionner durant 20 ans. L'avion est basĂ© au Dryden Aircraft Operations Facility de Palmdale en Californie et de manière temporaire Ă  Christchurch en Nouvelle-ZĂ©lande pour des observations dans l'hĂ©misphère sud. En 2021, l'appareil opère Ă  partir de la PolynĂ©sie française, du fait de la fermeture de l'espace aĂ©rien nĂ©ozĂ©landais en raison de la pandĂ©mie de Covid-19[17]. Les conditions d'observation sont meilleures en hiver (moins de vapeur d'eau). L'Ă©tĂ© (aux États-Unis) est soit consacrĂ© Ă  des observations dans l'hĂ©misphère sud soit aux opĂ©rations de maintenance.

De février à fin mars 2021, après une rénovation par Lufthansa Technik à Hambourg en partenariat avec le DLR (Deutsches Zentrum für Luft), il fait une première campagne en Europe depuis l’aéroport de Cologne. Une vingtaine de sorties de nuit sont prévues[18].

Les vols d'observation sont programmĂ©s Ă  une altitude comprise entre 12 000 et 13 000 mètres (39 000 et 43 000 pieds), Ă©vitant ainsi 99 % de la vapeur d'eau de l'atmosphère, particulièrement nocive Ă  la qualitĂ© des images infrarouge. En vol, le tĂ©lescope doit ĂŞtre pointĂ© avec une Ă©lĂ©vation comprise entre 23 et 60°, par contre l'azimut est dĂ©terminĂ© uniquement par la trajectoire de l'avion et est donc modifiable. Un vol doit durer moins de 10 heures (limite imposĂ©e par la charge de travail de l'Ă©quipage).

Principaux résultats

Le , SOFIA observe la chaleur dégagée par Jupiter, ce qui n'avait pas encore été réalisé[19].

Le , SOFIA cherche à observer un astéroïde dans la ceinture de Kuiper, pour le compte du projet New Horizons. Mais la tentative de mesure de l'occultation d'une étoile par l'astéroïde (pour en mesurer son diamètre) est un échec.

En 2020, les observations de SOFIA permettent de confirmer la présence de molécules d’eau dans le cratère Clavius, sur la Lune.

Notes et références

  1. (en) « NASA’s Legacy of Science, Engineering in Retiring Airborne Observatory », sur NASA, (consulté le ).
  2. (en) « IR Astronomy: Overview », sur Cool Cosmos, Infrared Processing and Analysis Center (consulté le )
  3. (en) Lance Martin, « SOFIA Airborne Observatory Completes First Test Flight », sur SOFIA Science Center, (consulté le ).
  4. (en) Alexandra Witze, « Is this telescope-on-a-plane worth its pricetag? », Nature,
  5. Sean Potter, « NASA, Partner Decide to Conclude SOFIA Mission », sur NASA, (consulté le )
  6. (en) Stefano D'Urso, « NASA Has Retired Its Boeing 747SP SOFIA Airborne Observatory After Eight Years Of Scientific Activity », sur theaviationist.com, (consulté le ).
  7. Frédéric Marsaly, « 747 SOFIA s’envole pour le Pima Air & Space Museum< », sur www.aerobuzz.fr/, (consulté le ).
  8. NASA - AIRBORNE OBSERVATORY'S TELESCOPE WEIGHT REDUCED, consulté le 20 juin 2014.
  9. (en) Bernhard Schulz, « Science with SOFIA », NASA et DLR, 8-10 juin 2020
  10. (en) Irene Klotz, « Telescope in the Sky Makes Debut Flight », Discovery,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. (en) « An Etymological Dictionary of Astronomy and Astrophysics », sur obspm.fr (consulté le ).
  12. « Le miroir de SOFIA », sur Ciel des Hommes (consulté le ).
  13. « SOFIA : un Boeing 747 pour observer les galaxies et les trous noirs », sur Futura (consulté le ).
  14. « Premières lumières pour le télescope aéroporté Sofia », sur Futura (consulté le ).
  15. http://www.potinsduranie.org/leciel1106.pdf
  16. http://www.unoosa.org/pdf/reports/ac105/AC105_1077F.pdf
  17. La Polynésie accueille un avion de la Nasa équipé pour observer les étoiles. Polynésie La 1re, 20 juillet 2021. Lire en ligne
  18. « Le Boeing 747SP SOFIA dans le ciel d'Europe », sur Aerobuzz, (consulté le ).
  19. (en) Ian O'Neill, « SOFIA Sees Jupiter's Ancient Heat », Discovery,‎ (lire en ligne, consulté le )

Annexes

Liens internes

Liens externes

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