Nouvelle Droite européenne
La Nouvelle Droite europĂ©enne (NDE) est un mouvement de droite rĂ©volutionnaire nĂ© France dans les annĂ©es 1960[1]. Ses partisans sont impliquĂ©s dans une « rĂ©volte anti-structurelle » mondiale contre la modernitĂ© et la postmodernitĂ©, gĂ©nĂ©ralement sous la forme de communautĂ©s intellectuelles peu connectĂ©es qui s'efforcent de diffuser une philosophie d'extrĂȘme droite similaire dans les sociĂ©tĂ©s europĂ©ennes[2]. Les dirigeants de la Nouvelle Droite europĂ©enne ne partagent cependant pas un mĂȘme programme politique. Ils visent plutĂŽt Ă promouvoir leurs idĂ©es et finalement Ă atteindre une hĂ©gĂ©monie culturelle par le biais d'une pratique mĂ©tapolitique commune de la politique[3]. Ils sont nĂ©anmoins opposĂ©s au libĂ©ralisme, Ă l'individualisme, Ă l'Ă©galitarisme et Ă l'Ătat-nation ; et approuvent plutĂŽt une vision du monde communautaire et organiciste, oĂč les identitĂ©s collectives coexisteraient pacifiquement dans des espaces gĂ©ographiques sĂ©parĂ©s, un concept qu'ils nomment ethno-diffĂ©rencialisme[4].
Bien que l'étendue de cette relation soit débattue par les universitaires, la Nouvelle Droite européenne a influencé la structure idéologique et politique de la mouvance identitaire[5] - [6] - [7]. Une partie de l'alt-right américaine prétend également avoir été inspirée par les écrits d'Alain de Benoist, sans doute la figure la plus influente du mouvement de la Nouvelle Droite européenne[8].
Histoire
La Nouvelle Droite européenne (NDE) est née en France de la Nouvelle Droite, un mouvement intellectuel lié au think tank ethno-nationaliste GRECE, créé en 1968 par Alain de Benoist et Dominique Venner. L'importance originelle du noyau français a diminué au fil des décennies, et le mouvement apparaßt désormais sous la forme d'un réseau européen de divers groupes, partis et intellectuels, partageant tous des similitudes et des affinités idéologiques entre eux[4]. Parmi eux figurent la Neue Rechte en Allemagne, la New Right au Royaume-Uni, la Nieuw Rechts aux Pays-Bas et en Flandre, Forza Nuova en Italie, Imperium Europa à Malte, Nova Hrvatska Desnica en Croatie ou Noua Dreapta en Roumanie[9]. En Italie, le Nueva Destra est né de l'initiative d'un groupe de jeunes membres du parti néo-fasciste Mouvement social italien[10].
Idéologie
La Nouvelle Droite europĂ©enne (NDE) a subi plusieurs resynthĂšses depuis son Ă©mergence Ă la fin des annĂ©es 1960. La derniĂšre tentative d'une doctrine commune remonte au manifeste « La nouvelle droite en l'an 2000 ». Ses idĂ©es directrices Ă©taient « la critique du libĂ©ralisme et de la marchandisation du monde; le rejet de l'individualisme ; un attachement Ă une vision organique et communautaire de la sociĂ©tĂ© ; le rejet de l'Ă©galitarisme et des diverses formes de monothĂ©ismes dont il est issu ; la promotion des identitĂ©s collectives bien ancrĂ©es et du « droit Ă la diffĂ©rence », le rejet de l'Ătat-nation en tant que forme et la promotion d'un modĂšle fĂ©dĂ©raliste qui applique le principe de subsidiaritĂ© ; et une vision des relations internationales fondĂ©e sur l'idĂ©e d'un monde multipolaire dans lequel l'Europe serait dotĂ©e de sa propre nation, en dehors de la toute-puissance amĂ©ricaine, qui est dĂ©signĂ©e comme l'ennemi principal des peuples europĂ©ens »[4]
Selon Jean-Yves Camus et Nicolas Lebourg, l'idée essentielle de la NDE est leur rejet de « l'éradication des identités culturelles », causées selon eux par les principes de normalisation et d'égalitarisme contenus dans l'idée des droits de l'homme, ce qu'Alain de Benoist appelle « l'idéologie de l'uniformité »[4]
Roger Griffin et Tamir Bar-On soutiennent que la position métapolitique de la NDE fait partie d'une stratégie subtile visant à réinventer le cadre mondial du fascisme autour de son idée originale, une position explicitement adoptée par le penseur néo-fasciste Maurice BardÚche dans le livre de 1961 Qu'est-ce que le fascisme?. Argumentant que le fascisme pourrait survivre au XXe siÚcle sous une apparence métapolitique, BardÚche écrivit[2] :
Les penseurs de la NDE pense que l'Occident vit un « interrĂšgne » qui cĂ©dera tĂŽt ou tard la place Ă une nouvelle Ăšre. Selon Griffin, ils ont dĂ©veloppĂ© en rĂ©ponse une vision du monde fondĂ©e sur une « re-synthĂšse en labyrinthe » d'Ă©lĂ©ments idĂ©ologiques et rituels anciens et nouveaux , combinĂ©s dans un « mĂ©tarĂ©cit palingĂ©nĂ©tique ». L'ordre politique actuel est dĂ©peint comme devant ĂȘtre abandonnĂ© ou purgĂ© de son impuretĂ©, afin que la « communautĂ© rĂ©demptrice » puisse quitter la phase de crise liminale pour inaugurer la nouvelle Ăšre. De plus, les dirigeants de la NDE invoquent frĂ©quemment un passĂ© lĂ©gendaire et mythique qu'ils veulent ancrer symboliquement dans la nouvelle sociĂ©tĂ© sur le point d'Ă©merger, non pas dans un esprit de nostalgie du retour d'un ancien Ăąge d'or, mais plutĂŽt « pour crĂ©er un avenir enracinĂ©, une nouvelle rĂ©alitĂ© rĂ©tablie sur des bases mĂ©taphysiques solides. »[2]. Cette idĂ©e est notamment incarnĂ©e dans le concept d'archĂ©ofuturisme promu par Guillaume Faye[11].
Certains penseurs de la NDE, qui font partie d'un mouvement néo-völkisch, se concentrent sur le concept ethnique comme dimension centrale de « l'identité ». Cela a conduit à un rejet violent de la « différence », Faye appelant à une « guerre ethnique totale »[12], et Pierre Vial à une « révolution ethnique » et une « guerre de libération »[13] - [14].
Le penseur de la Nouvelle Droite Tomislav SuniÄ a soulignĂ© l'influence d'Oswald Spengler dans la NDE, en particulier son hypothĂšse selon laquelle l'humanitĂ© n'existe pas en tant que telle, que « chaque culture passe par des cycles diffĂ©rents », et que le concept d'histoire universelle est un non-sens, car il n'existe qu'une « pluralitĂ© d'histoires et leur rĂ©partition inĂ©gale dans le temps et l'espace »[15].
Bibliographie
- Tamir Bar-On, Where Have All The Fascists Gone?, Routledge, , 252 p. (ISBN 978-1-351-87313-0, lire en ligne)
- Jean-Yves Camus et Nicolas Lebourg, Far-Right Politics in Europe, Harvard University Press, , 320 p. (ISBN 978-0-674-97153-0, lire en ligne)
- Pierre-André Taguieff, Sur la Nouvelle Droite : jalons d'une analyse critique, Descartes et Cie, , 425 p. (ISBN 978-2-910301-02-6, lire en ligne)
- Roger Woods, Germany's New Right as Culture and Politics, Springer, , 183 p. (ISBN 978-0-230-80133-2, lire en ligne)
- Mark Sedgwick, Key Thinkers of the Radical Right : Behind the New Threat to Liberal Democracy, Oxford University Press, , 256 p. (ISBN 978-0-19-087761-3, lire en ligne)
Primaire
- Maurice BardĂšche, Qu'est-ce que le fascisme ?, Les Sept couleurs, , 252 p. (ISBN 978-1-351-87313-0, lire en ligne)
- Alain De Benoist, View from the Right, Arktos Media, , 380 p. (ISBN 978-1-912079-97-1, lire en ligne)
- Guillaume Faye, The Colonisation of Europe, Arktos Media, , 422 p. (ISBN 978-1-910524-72-5, lire en ligne)
- Armin Mohler, The Conservative Revolution in Germany, 1918â1932, Radix, , 306 p. (ISBN 978-1-59368-059-6, lire en ligne)
Références
- Bar-On, « The Ambiguities of the Nouvelle Droite, 1968-1999 », The European Legacy, vol. 6, no 3,â , p. 339 (ISSN 1084-8770, DOI 10.1080/10848770120051349)
- (en) Tamir Bar-On, Where Have All The Fascists Gone?, Routledge, , 252 p. (ISBN 978-1-351-87313-0, lire en ligne)
- Camus, et Lebourg 2017, p. 120â121
- Camus, et Lebourg 2017, p. 123â124
- (en) Mark Sedgwick, Key Thinkers of the Radical Right : Behind the New Threat to Liberal Democracy, Oxford University Press, , 73 p. (ISBN 978-0-19-087761-3, lire en ligne)
« Since the early 1990s, the French New Right has been influential beyond France, especially in Italy, Germany, and Belgium, and has inspired Alexander Dugin in Russia. Part of the American radical Right and âAlt Rightâ also claims to have been inspired by de Benoistâs writings. Although this is questionable, de Benoist and Dominique Venner are also seen as the forefathers of the âidentitarianâ movement in Europe. »
- (en) Benjamin R. Teitelbaum, Lions of the north : sounds of the new Nordic radical nationalism, New York, N.Y., Oxford University Press, , 46 p. (ISBN 978-0-19-021259-9, lire en ligne)
- Hentges, Gudrun, GĂŒrcan Kökgiran, and Kristina Nottbohm. "Die IdentitĂ€re Bewegung Deutschland (IBD)âBewegung oder virtuelles PhĂ€nomen." Forschungsjournal Soziale Bewegungen 27, no. 3 (2014): 1-26. Read online (pdf)
- Bar-On, « The Ambiguities of the Nouvelle Droite, 1968â1999 », The European Legacy, vol. 6, no 3,â , p. 333â351 (DOI 10.1080/10848770120051349)
- Minkenberg, Michael, « The Renewal of the Radical Right: Between Modernity and Anti-modernity », Government and Opposition, vol. 35, no 2,â , p. 170â188 (DOI 10.1111/1477-7053.00022)
- Casadio, « The New Right and Metapolitics in France and Italy », Journal for the Study of Radicalism, vol. 8, no 1,â , p. 45â86 (ISSN 1930-1189, DOI 10.14321/jstudradi.8.1.0045, JSTOR 10.14321/jstudradi.8.1.0045)
- (en) Mark Sedgwick, Key Thinkers of the Radical Right : Behind the New Threat to Liberal Democracy, Oxford University Press, , 91â99 p. (ISBN 978-0-19-087761-3, lire en ligne)
- Bar-On, « A Response to Alain de Benoist », Journal for the Study of Radicalism, vol. 8, no 2,â , p. 141 (ISSN 1930-1189, DOI 10.14321/jstudradi.8.2.0123, JSTOR 10.14321/jstudradi.8.2.0123)
- (en) JosĂ© Pedro ZĂșquete, The Identitarians : The Movement against Globalism and Islam in Europe, University of Notre Dame Pess, , 484 p. (ISBN 978-0-268-10424-5, lire en ligne)
- (en) James Shields, The Extreme Right in France : From PĂ©tain to Le Pen, Routledge, , 148 p. (ISBN 978-1-134-86111-8, lire en ligne)
- (en) Mark Sedgwick, Key Thinkers of the Radical Right : Behind the New Threat to Liberal Democracy, Oxford University Press, , 81 p. (ISBN 978-0-19-087761-3, lire en ligne)