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Nouvel athéisme

Le nouvel athéisme (en anglais new atheism), ou néo-athéisme, est le nom donné aux idées présentées par des auteurs athées convaincus du XXIe siècle qui défendent l'idée que « la religion ne devrait pas être simplement tolérée mais devrait être contrée, critiquée, et exposée à des arguments rationnels à chaque fois qu'elle apparaît »[2]. Le terme est communément associé aux auteurs Richard Dawkins, Daniel Dennett, Sam Harris, Christopher Hitchens et Victor J. Stenger[3]. Plusieurs ouvrages publiés par ces auteurs entre 2004 et 2007, servent de point de départ au débat du nouvel athéisme[4].

Richard Dawkins, Christopher Hitchens, Daniel Dennett et Sam Harris (dans le sens horaire) sont quatre athées militants (anglophones).
Selon Richard Dawkins : « Nous sommes tous athĂ©es Ă  propos de la plupart des dieux auxquels les sociĂ©tĂ©s ont dĂ©jĂ  cru. Certains d'entre nous le sommes simplement pour un de plus. Â»[1].

Origine

La publication en 2004 du livre La fin de la foi : religion, terreur, et le futur de la raison (The End of Faith) de Sam Harris, est la première d'une série de bestsellers. Harris était motivé par les attentats du 11 septembre 2001, dont il accuse l'islam tout en critiquant directement le christianisme et le judaïsme. En 2006, Harris continue en publiant son livre Lettre à une nation chrétienne (Letter to a Christian Nation) qui est une critique très sévère du christianisme.

En 2006 également, après le documentaire télévisé The Root of All Evil?, Richard Dawkins publie Pour en finir avec Dieu[5], qui reste sur la liste des meilleures ventes du New York Times durant 51 semaines.

Dans la liste des publications de cette veine on peut citer Breaking the Spell: Religion as a Natural Phenomenon de Daniel Dennett (2006), Dieu, l'hypothèse erronée de Victor Stenger (2007), God Is Not Great: How Religion Poisons Everything de Christopher Hitchens (2007) et Godless: How an Evangelical Preacher Became One of America's Leading Atheists de Dan Barker (2008). L'ouvrage à grand tirage du philosophe français Michel Onfray, paru en 2005, le Traité d'athéologie, s'apparente à ce mouvement mais ne lui est pas explicitement relié.

En faisant rĂ©fĂ©rence Ă  un dĂ©bat de 2007, Richard Dawkins parle sur son site web de lui-mĂŞme, Harris, Dennett et Hitchens comme des « quatre cavaliers du nouvel athĂ©isme Â», faisant allusion aux Quatre cavaliers de l'apocalypse[6] - [7].

Doctrine

Le non-croyant, comme le nom l'indique, n'est pas croyant. Le plus souvent, il est indifférent aux religions ; c'est le cas en France où l’indifférence aux religions a « plus d'audience que l'athéisme », selon Pierre Bréchon[8]. Ce sont des gens qui ne croient pas en Dieu ou simplement ne sont pas intéressés par la religion et n'ont pas vraiment d'opinion sur la question ; ceux-là sont juste des non-croyants. Dans ce contexte, l'agnostique est un non-croyant spécifique.

Athéisme radical

Au contraire du non-croyant, l'athĂ©e dit « sĂ©culariste Â», « radical Â», « militant Â» ou plus rarement « fondamentaliste Â»[9] - [10], ne se dĂ©finit pas que par l'absence de croyance, mais par une conviction affirmĂ©e que la mentalitĂ© religieuse est in fine nocive. L'article citĂ© leur impute une position de scientistes dĂ©veloppant des croyances positives sur la science et le progrès, des croyances nĂ©gatives sur le thĂ©isme, et des croyances essentialistes sur les adeptes des religions afin de faire passer leur absence de croyance pour un dogme (voir l'article Procès d'intention).

Croyances positives sur les sciences

Dawkins, adepte de l'athĂ©isme mĂ©thodologique vu comme le prĂ©alable Ă  toute dĂ©marche scientifique, revendique la dĂ©fense de cet athĂ©isme d’un point de vue scientifique : « La prĂ©sence ou l’absence d’une super-intelligence crĂ©atrice est sans Ă©quivoque une question scientifique, Ă©crit-il, mĂŞme si en pratique, elle n’est pas, ou pas encore, rĂ©solue. Il en va de mĂŞme pour la vĂ©ritĂ© ou la faussetĂ© de chacun des rĂ©cits de miracle sur lesquels se fondent les religions pour impressionner les foules de croyants. Est-ce que JĂ©sus avait un père humain, ou est-ce que sa mère Ă©tait vierge au moment de sa naissance ? Que l’on dispose ou non d’assez de preuves ayant Ă©chappĂ© au temps pour en dĂ©cider, la question reste toujours strictement scientifique avec en principe une rĂ©ponse prĂ©cise : oui ou non. »[11]

Dawkins affirme cependant dans le même ouvrage que la connaissance de l'ensemble culturel chrétien doit être entretenue, sans quoi la moitié du patrimoine culturel occidental deviendrait inaccessible à la population, ce qui serait selon lui inacceptable. Il en donne un exemple en citant toute une page d'expressions populaires directement inspirées d'anecdotes de l'Ancien (pauvre comme Job...) et du Nouveau Testament : bon larron, jeter la pierre, bon Samaritain, ouvrier de la onzième heure, porter sa croix, etc.

David Hume a montré pour sa part que la question de l'existence de Dieu était sans solution ni dans un sens, ni dans un autre[12] en logique d'Aristote (l'inférence bayésienne était moins connue de son temps). Celle des miracles dans les évangiles a été traitée au cours de l'une des Quêtes du Jésus Historique[13].

Considérations négatives sur le théisme en islam

Denise Helly[9] identifie les schèmes suivants :

  • rationalitĂ© : « archaĂŻsme intellectuel ne pouvant subsister dans une sociĂ©tĂ© « moderne Â», laquelle est menĂ©e par la rationalitĂ© et sa manifestation la plus Ă©vidente, le progrès social, scientifique et technologique. »
  • sĂ©cularisation inĂ©vitable : la sĂ©cularisation de la sociĂ©tĂ© civile serait non seulement nĂ©cessaire, mais inĂ©luctable avec la gĂ©nĂ©ralisation du savoir
  • nĂ©cessaire opposition de l’État Ă  la religion : « Vu le caractère dit archaĂŻque de la pensĂ©e religieuse, celle-ci devrait ĂŞtre ignorĂ©e, sinon combattue, par l’État moderne. ». Cette opposition concerne les seules croyances des religions, non leurs valeurs lorsqu'elles sont compatibles avec nos sociĂ©tĂ©s.
  • menace sur la souverainetĂ© populaire par le pouvoir judiciaire quand des minoritĂ©s portent devant les tribunaux leurs diffĂ©rends sur la libertĂ© de culte.

Selon elle, « ces groupes de pression entendent par neutralité religieuse de l’État un positionnement antireligieux des institutions publiques. »

Croyances essentialistes sur les adeptes des religions

  • la dĂ©ficience intellectuelle des adeptes des diverses religions. Le slogan le plus cĂ©lèbre est probablement « les adultes ayant un ami imaginaire sont stupides » (en anglais : « adults with imaginary friends are stupid »), matĂ©rialisĂ© par du matĂ©riel publicitaire[14] ;
  • l'inaptitude aux sciences (entendre « sciences dures Â») des adeptes des diverses religions confortĂ©e par le retard scientifique des 57 pays de l'OCI, mĂŞme ceux ayant une abondance de moyens financiers.

Onfray conteste cette critique essentialiste : « Cette façon qu’a Dawkins d’ironiser sur les croyants qu’il prend pour des gens sous-informĂ©s en nĂ©gligeant le fond psychologique, l’angoisse, la peur de la mort, me semble mal venue, explique le philosophe. Ă€ quoi s’ajoute cette manière très XIXe siècle de mobiliser la science pour prouver l’inexistence de Dieu… »[15]. En effet, Onfray tient pour l'hypothèse marxienne : « Dieu existe, mais comme une fiction rendue possible par l’angoisse existentielle. »[16]

Toujours selon Helly, l'athéisme scientiste développerait des positions politiques proches du darwinisme social et revendiquerait un absolutisme ou un fondamentalisme anticlérical, un retour à l’intolérance et une annulation du droit à l’égalité des minorités. Il chercherait à légitimer une défense de la suprématie politique des majorités culturelles et un ostracisme de la religion[9].

  • Une religion interdit parfois toute interrogation sur ses fondements et conduit de ce fait Ă  l’extrĂ©misme : « S’ils ne sont pas extrĂ©mistes en soi, les enseignements de la religion « modĂ©rĂ©e Â» sont une invitation ouverte Ă  l’extrĂ©misme »[17]. Dawkins rappelle que plusieurs religions enseignent aux croyants de ne pas interroger sur le bien fondĂ© de leur foi. Des travaux de Louis Cappel dans sa Critica Sacra suggèrent que ce n'est pas le cas de toutes. Werleman[18] mentionne le rĂ´le d'une connaissance très superficielle des religions[19].

Athéisme humaniste

L'athée humaniste considère les religions comme phénomène social fondé sur des contextes historiques, géographiques, sociaux[20] alors que l'athée scientiste croit que le niveau de religiosité relève plus largement une question individuelle ; voire de question neurochimiques

Critique du courant

Dans l’Église catholique s'Ă©lève contre ce mouvement le cardinal Walter Kasper, qui, en 2010, dĂ©nonce le dĂ©veloppement d’un « nĂ©o-athĂ©isme agressif Â» en Angleterre [21]. La critique s'en fait jour aussi chez plusieurs athĂ©es. Certains auteurs parlent « d'athĂ©isme Ă©vangĂ©lique » par comparaison avec le mouvement fondamentaliste chrĂ©tien, comme Chris Hedges[22], spĂ©cialiste de la guerre asymĂ©trique et du fascisme. Courtenay J. Werleman[18], bien connu comme critique de la droite religieuse amĂ©ricaine, figure populaire du mouvement athĂ©e, insiste comme Hedges ci-dessus, que « les nouveaux athĂ©es sont des fondamentalistes athĂ©es qui montrent une dĂ©votion cultuelle Ă  la science, une vision infantile et simpliste des religions, un discours bigot contre l'islam, et une foi du charbonnier dans la bienveillance de l'Ă©tat sĂ©culier amĂ©ricain »[23]. Plus avant, Werleman se concentre sur ce qu'il considère ĂŞtre une obsession des nouveaux athĂ©es contre l'Islam et leur pratique de l'amalgame. Il en vient Ă  se demander si, au moins chez certains de ses auteurs, le nouvel athĂ©isme ne serait pas un Ă©lĂ©ment des mouvements de suprĂ©matie blanche.

En francophonie

Des auteurs de ce courant se font jour en francophonie. On peut citer Michel Onfray et son Traité d'athéologie mais aussi d'autres auteurs moins célèbres :

Les thématiques du droit des femmes et de la nécessaire sécularisation deviennent des arguments anti-religieux[24].

Bibliographie

Bibliographie succincte des critiques du mouvement

  • Chris Hedges , When Atheism Becomes Religion: America’s New Fundamentalists, Free Press, 2009 d'abord publiĂ© sous le titre I Don’t Believe in Atheists: The Dangerous Rise of the Secular Fundamentalist, Free Press, 2008
  • Terry Eagleton Reason, Faith, and Revolution: Reflections on the God Debate, Yale University Press, 2009. 
  • Courtenay J Werleman The New Atheist Threat: The Dangerous Rise of Secular Extremists, Dangerous Little Books, 2009
  • Stephen LeDrew’s  The Evolution of Atheism: The Politics of a Modern Movement,  Oxford University Press, 2016
  • James W. Jones, Can Science Explain Religion? : The Cognitive Science Debate, Oxford University Press.

Articles

Notes et références

  1. Richard Dawkins, film documentaire The Root of All Evil?, janvier 2006. Citation en anglais sur Wikiquote.
  2. (en) Simon Hooper, « The rise of the New Atheists », CNN (consulté le )
  3. (en) What’s New About The New Atheism? Victor Stenger answers the question, Philosophy Now, April/May 2010.
  4. (en) Victor Stenger, « The New Atheism », Université du Colorado à Boulder (consulté le )
  5. Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu, Éditions Perrin, 2009 (ISBN 978-2-262-02986-9).
  6. (en) Alice Gribbin, Preview: The Four Horsemen of New Atheism reunited, (lire en ligne)
  7. (en) The Four Horsemen sur le site de la Fondation Richard Dawkins pour la raison et la science
  8. Pierre Bréchon, in Le Monde des religions, mai juin 2016
  9. Denise Helly, La peur de l'islam
  10. Samuel Kerr Has Atheism become Fundamentalist? Backbencher, août 2013
  11. Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu, 2006 traduction française 2008
  12. David Hume, Essai sur l'entendement humain
  13. à la fin du XIXe siècle et au XXe siècle avec le genre littéraire aretalogie. Voir les articles Quête du Jésus historique et Jésus selon l'exégèse contemporaine qui en donnent une bonne partie.
  14. vente de T-shirt avec ce slogan, vente de macarons avec ce slogan lien à venir, images souhaitée ssi elles sont libres de droits
  15. Quand il refuse de préfacer la traduction française de God Delusion
  16. allusion à la citation de Marx devenue dicton : « La misère religieuse est tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée, l’âme d’un monde sans cœur, l’esprit d’un état de choses où il n’est point d’esprit. Elle est l’opium du peuple ». Traduction de Maximilien Rubel, pour la Pléiade-Gallimard
  17. Dawkins, God delusion
  18. C.J. Werleman, The New Atheist Threat: The Dangerous Rise of Secular Extremists, Dangerous Little Books , 2015
  19. Voir aussi Eagleton : « Quelle est la vision de Dawkins sur les différences épistémologiques entre Thomas d’Aquin et Duns Scot? A-t-il lu Origène sur la subjectivité, Rahner sur la grâce ou Moltmann sur l’espérance ? A-t-il seulement entendu parler d’eux ? Ou imagine-t-il, comme un jeune avocat prétentieux, qu’on peut battre son adversaire en ignorant avec suffisance ses arguments les plus solides ? » op.cit. infra; bien qu'il s'agisse là d'un argument rhétorique et non dialectique
  20. LeDrew, à venir très vite
  21. (fr)AFP, « Le voyage du pape au Royaume-Uni ternie par la gaffe d'un cardinal », lepoint.fr, (consulté le )
  22. Chris Hedges, When Atheism Becomes Religion, Simon & Schuster
  23. op.cit.
  24. en particulier contre l'islam. Voir, à ce propos Denise Helly, La Peur de l’Islam, SociologieS, Débats, Penser les inégalités, mis en ligne le 23 février 2015. Nota : Le S majuscule à la fin du mot fait partie du nom de la revue

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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