Accueil🇫🇷Chercher

Antithéisme

L’antithéisme (ou aussi anti-théisme) est une opposition active au théisme. Les racines étymologiques du mot sont grecques : anti- et theismos.

Le terme peut avoir différentes interprétations ; dans un contexte séculaire, il fait référence à l’opposition directe aux religions organisées ou à la croyance en un dieu, tandis que dans un contexte théiste, il fait référence à l’opposition à un dieu ou des dieux spécifiques.

Une autre acception du terme « antithĂ©isme Â», plus proche de son Ă©tymologie, pose l'opposition au thĂ©isme (mais non au dĂ©isme) c'est-Ă -dire la croyance en l'existence d'un Dieu personnel, crĂ©ateur de l'univers mais extĂ©rieur Ă  lui et d'une autre nature que lui. Cette acception n'exclut nullement le sens du Divin ou du sacrĂ©, mais dans une conception radicalement moniste comme celle d'un Spinoza ou d'un Einstein, ou comme celle de l'hindouisme ou du taoĂŻsme.

Opposition au théisme

Un antithĂ©iste est dĂ©fini[1] comme «  une personne opposĂ©e Ă  la croyance en l’existence d’un dieu ».

Le terme semble avoir été forgé par Proudhon dans Idée générale de la Révolution, 1851, et l'idée développée dans De la Justice dans la Révolution et dans l'Eglise, 1858 (Etude VI, Le Travail, ch. V et suivants). Mais dès le Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère (1846)[2], il adopte la démarche suivante : Eh bien soit. Imaginons que Dieu existe ; affirmons même son existence. Eh bien, son existence est incompatible avec l'existence de l'humanité. Par conséquent, celle-ci n'a pas d'autre choix, pour sa survie même, que de nier l'existence de Dieu, qu'il existe ou non. Un des (nombreux) arguments qui revient régulièrement sous la plume de Proudhon est que l'humanité est par nature pluraliste et évolutive. Ce qui est vrai aujourd'hui ne l'était pas forcément hier et ne le sera pas forcément demain. Ce qui est vrai en Occident ne l'est pas forcément en Asie, etc. Toute religion sans exception, car c'est dans la nature même de la religion, crée des lois éternelles et universelles. Toute religion est par nature en contradiction avec l'humanité. L'humanité, pour exister, doit nier l'existence de Dieu, non pas malgré l'hypothèse de son existence, mais à cause même de cette hypothèse.

Le concept permet une distinction entre la simple indiffĂ©rence ou apathie Ă  l’encontre du thĂ©isme, l’athĂ©isme ou l’agnosticisme, et un rejet ou une opposition Ă  l’encontre des croyances religieuses. Stefan Baumrin dĂ©finit un antithĂ©iste comme « une personne athĂ©e qui essayerait de convaincre les thĂ©istes qu’ils sont dans l’erreur[3] ».

Greg Epstein (en), de l’université Harvard, définit que « si l’athéisme est une absence de croyance en un dieu, l’antithéisme est la recherche active des pires aspects de la foi en un dieu, dans le but d’en faire une représentation de cette religion. L’antithéisme cherche à blâmer et à extraire les croyants de leur religion, en mettant en avant la stupidité de leurs croyances en un ou plusieurs dieux[4] ».

L’antithéisme est revendiqué par ceux qui considèrent le théisme comme dangereux et destructeur. Un exemple de ce point de vue figure dans l’œuvre Lettres à un jeune rebelle (2001), dans laquelle Christopher Hitchens écrit : « Je ne suis pas seulement un athée, je suis aussi antithéiste ; je n’affirme pas simplement que toutes les religions sont des versions du même mensonge, mais je maintiens que l’influence des églises, et les effets de la croyance religieuse, sont véritablement néfastes[5] ».

Opposition Ă  Dieu

Une autre définition de l’antithéisme est l’opposition aux notions de sacré et de divin, au-delà des seules religions institutionnalisées. Dans ce sens, l’antithéisme va plus loin, puisqu’il consiste à combattre toutes les superstitions et autres croyances folkloriques au surnaturel, susceptibles de fournir un terreau favorable à la religion, pour promouvoir une vision scientiste et rationaliste du monde.

Le Chambers Dictionary dĂ©finit ainsi l’antithĂ©isme de trois diffĂ©rentes façons : « Doctrine antagoniste au thĂ©isme ; nĂ©gation de l’existence d'un dieu ; opposition Ă  Dieu ». L’« opposition Ă  Dieu Â» ne signifie pas que les antithĂ©istes croient en un ĂŠtre suprĂŞme malĂ©fique et le combattent spirituellement, mais que, pour des raisons diverses, les doctrines tant thĂ©istes que dĂ©istes seraient mauvaises pour le bon fonctionnement de la sociĂ©tĂ©, et donc immorales.

Des dĂ©finitions plus anciennes de l’antithĂ©isme existent, comme celle du philosophe catholique français Jacques Maritain en 1949, pour qui l’antithĂ©isme est « un combat actif contre tout ce qui nous rappelle Dieu[6] ». Le thĂ©ologien Flint (1877) Ă©crivait, dans son ouvrage intitulĂ© ThĂ©ories anti-thĂ©istes[7], que l’antithĂ©isme reprĂ©sentait toute opposition Ă  ce qu’il considĂ©rait comme le thĂ©isme, Ă  savoir la « croyance dans les paradis et la Terre, en tout ce qui abrite la vie et la continuitĂ© du Royaume et de la VolontĂ© de l'ĂŞtre suprĂŞme, incrĂ©Ă©, omnipotent, omniscient, parfait, distinct et indĂ©pendant de ce qu'Il a crĂ©Ă©[8] ». Il Ă©crivait :

« Afin de discuter de théories qui n’ont rien en commun si ce n’est leur opposition au théisme, il est nécessaire de disposer d’un terme pour les désigner. Antithéisme paraît être un mot approprié. Cela est ici bien plus compréhensif que le terme athéisme. Il s’applique à tout système qui s’oppose au théisme. Il inclut, de fait, l’athéisme… mais seulement la branche de l'athéisme qui revêt des théories antithéistes. Le polythéisme n’est pas l’athéisme, puisqu’il ne nie pas qu’il y ait une déité ; mais il peut être considéré comme antithéiste s’il nie le fait qu’il n’existe qu’un seul dieu. Le panthéisme n’est pas l’athéisme, puisqu’il admet qu’il peut y avoir un dieu ; mais il peut être considéré comme antithéisme, puisqu’il nie que Dieu puisse posséder ses attributs que sont son caractère sacré et son amour. Toute théorie qui refuse d’accepter un attribut de Dieu et de son caractère sacré est antithéiste[9]. »

L’antithéisme se mue ici en un « antidéisme ». Il faut donc prendre garde de ne pas confondre l’aspect antireligieux avec l’aspect matérialiste.

Christopher New reprend cette utilisation du terme dans un essai publié en 1993. Dans cet article, il imagine à quoi pourraient ressembler des arguments en faveur de l’existence d’un Dieu mauvais : « Les antithéistes, comme les théistes, croiraient dans un créateur omnipotent, omniscient, et éternel ; mais alors que les théistes croiraient dans l’existence d’une entité suprême parfaitement bonne, les antithéistes envisageraient l’existence d’un dieu parfaitement mauvais[10]. » Cette approche peut être illustrée par le satanisme spirituel, qui renverse l’ordre des camps en faisant de Lucifer le véritable porteur de Vérité ; ou bien, dans une conception strictement monothéiste, par le satanisme LaVeyen qui considère que, face à l’indifférence morbide du démiurge, l’individu ne peut s’en remettre qu’à lui-même.

Notes et références

  1. Selon l’Oxford English Dictionary : « One opposed to belief in the existence of a god. »
  2. Cf, en particulier, Ch. VIII et XI (T. II, pp. 40 à 44 et p. 300 de l'édition de la Fédération anarchiste, 1983, disponible sur Gallica).
  3. (en) Stefan Baumrin, « Antitheism and Morality », dans The Philosophical Forum, vol. 39, (lire en ligne), p. 73-84.
  4. (en) « Less Anti-theism, More Humanism », sur newsweek.washingtonpost.com (consulté le ).
  5. (en) « Extrait des Lettres à un jeune rebelle de Christopher Hitchens », sur commonwealthclub.org (consulté le ).
  6. Jacques Maritain, La signification de l’athéisme contemporain, Desclée de Brouwer, , p. 11.
  7. (en) Robert Flint, Anti-Theistic Theories : Being the Baird Lecture for 1877, Londres, William Blackwood and Sons, , 5e Ă©d.
  8. Flint, p. 1.
  9. Flint, p. 2-3.
  10. Christopher New, « Antitheism — A Reflection Â», publiĂ© en juin 1993 dans le journal Ratio, pages 36-43 ; voir aussi : Charles B. Daniels, juin 1997, « God, demon, good, evil Â», The Journal of Value Inquiry, vol. 31 (2), pages 177-181.

Liens internes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.