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Sociologie des religions

La sociologie des religions (dite aussi « sociologie de la religion ») est la branche de la sociologie s'intéressant aux phénomènes d'ordre religieux ou relevant de la laïcité.

Évolution des définitions de la religion

Étymologie

Deux origines sont proposées pour ce mot, toutes deux latines. Ainsi, « religion » serait issu soit du verbe latin religare qui signifie « lier » ou « relier » (à Dieu), soit du verbe religere qui signifie « récolter, recueillir, accomplir avec minutie », mettant en valeur le respect de la tradition et l'exécution précise des rites. L'étymologie, cependant, n'explique pas tout, et il reste difficile à ce jour de proposer une définition de religion qui fasse l'unanimité.

Approches sociologiques

Approche marxiste

Introduite par Karl Marx et Friedrich Engels, elle envisage la religion comme idéologie. Désignée comme « l'opium du peuple », la religion est une production non-materielle des sociétés traduisant des rapports sociaux et politiques. Dans l'ouvrage sociologie religieuse (1850) Engels soutient que toute religion est un “déguisement” d'intérêts de classe légitimatrice de ceux-ci dans le processus historique de lutte des classes.

Approche substantive

Défendue par Max Weber et Talcott Parsons, cette approche distingue la religion des autres phénomènes sociaux par son contenu, et plus précisément par la séparation qu'elle effectue entre deux mondes : visible/invisible, naturel/surnaturel, temporel/spirituel, humain/suprahumain, etc. Max Weber ajoute dans L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme (chap. 2) que la religion, en particulier le calvinisme, a influé sur le système économique, bien plus que le lien inverse postulé par Marx. Il n'affirme pas comme les marxistes que cela soit le seul lien et qu'il est exclusif de tout autre mais affirme son importance dans le développement originel du capitalisme.

Certains auteurs considèrent cette opposition comme absente de certaines cultures. Ainsi Bronisław Malinowski, lors d'un voyage en Nouvelle-Guinée, raconte que pendant une expédition en pirogue, les autochtones qui l'accompagnaient se sont tous jetés à l'eau à la vue d'une « sorcière volante ». Ici c'est bien la vue qui permet de percevoir le surnaturel, la distinction visible/invisible de la religion au sens substantif perd de son crédit.

D'autre part, certains phénomènes aujourd'hui en plein développement, tels que la croyance en l'astrologie, la télékinésie ou la télépathie, relèvent peut-être du même ressort.

Approche fonctionnelle

Elle définit la religion par son utilité : la religion est ce qui crée du lien social ou qui fournit une explication globale du monde. Cette définition insiste sur les réponses aux préoccupations ultimes des individus (le mal, la mort, etc.), auxquelles la religion apporte des réponses.

Mais l'on peut reprocher à cette définition d'être bien trop large, car les religions ne sont pas seules à contribuer au lien social ou à fournir un sens à la vie. Chez Durkheim, le facteur de renforcement du lien social est la division du travail, pas la religion. D'autre part, la construction d'un sens de la vie ne passe pas forcément par la religion, comme le prouvent les philosophies laïques ou agnostiques.

Troisième voie

Yves Lambert propose une définition de la religion qui reposerait sur trois critères successifs de plus en plus restrictifs.

Le premier critère définit la religion par sa croyance en l'existence d'une réalité se situant au-delà de la réalité empirique, c'est-à-dire au-delà des limites objectives de la nature et de l'homme telles que les saisit la science.

Le deuxième critère complète le premier et ajoute que d'une religion croit en l'existence d'une relation entre l'homme et une réalité supraempirique par l'intermédiaire de moyens symboliques (prière, méditation, sacrifices, rituels, etc.)

Le dernier critère dote la religion de formes rituelles collectives. « Un système de croyances et de pratiques se rapportant à des réalités supraempiriques en rapport avec l'homme par des moyens symboliques et donnant lieu à des formes communautaires. »

Tendances de l'Ă©volution religieuse occidentale

Érosion de l'adhésion chrétienne

De manière générale, on constate une baisse de la plupart des critères de l'adhésion chrétienne. Une majorité (90 %) des religieux et des croyants européens se réclament chrétiens, mais six grands types de phénomènes montrent le recul du christianisme :

  • l'appartenance religieuse est partout en recul.
En France, en 1990, il y a 58 % de catholiques, 1 % de protestants, 3 % de religions diverses, et 38 % sans religion ;
  • la pratique cultuelle rĂ©gulière (au moins une fois par mois) diminue partout sauf en Italie ;
  • sauf en Italie et en Irlande, la religion est de moins en moins considĂ©rĂ©e comme une source de force et de rĂ©confort. En 1990, seul un Français sur trois le pense ;
  • sauf en Italie et en Irlande, l'adhĂ©sion aux croyances chrĂ©tiennes tend Ă  se relâcher. En France, en 1990, 20 % croient en un dieu personnel, 27 % croient en la rĂ©surrection ;
  • la confiance dans les Églises baisse partout sauf en Italie et en Espagne, mais l'impression que les Églises rĂ©pondent aux besoins spirituels des gens augmente ;
  • la croyance en la vie après la mort et la rĂ©incarnation augmentent. En France, en 1990, 24 % croient en la rĂ©incarnation, 38 % en la vie après la mort.
[réf. nécessaire]

Le recul du christianisme est donc visible partout sauf en Italie et en Irlande, mais particulièrement en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne. Les cas particuliers évoqués plus haut sont dus à des raisons historiques liées au prestige de la papauté en Italie et à l'identification entre le catholicisme et la cause nationale en Irlande, où être catholique s'assimilait à un acte de résistance et d'opposition à la Grande-Bretagne.

À ces observations il faut cependant apporter des nuances. Si le christianisme est en baisse dans tous les pays de l'Europe occidentale, ils ne se situent pas au même niveau. En Espagne par exemple, le catholicisme est en déclin, certes, mais 85 % des Espagnols sont catholiques. Les pays qui restent très religieux se situent dans la zone de tradition catholique. Et dans chaque pays, il existe des groupes d'individus en particulier :

  • le christianisme confessant induit la pratique religieuse rĂ©gulière et la croyance d'une foi avec un dieu personnel. On le retrouve en Irlande, en Italie, au Portugal, en Espagne, en Autriche, en Suisse, au Luxembourg et en Allemagne ;
  • le christianisme identitaire induit une pratique identitaire et une croyance probabiliste. On retrouve dans ce groupe la France, la Belgique, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas ;
  • l'humanisme sĂ©culier se compose d'individus non croyants ou indiffĂ©rents et non pratiquants. On le rencontre surtout dans les pays scandinaves.

Il faut de plus noter que ce recul religieux est générationnel. Chaque nouvelle génération est moins chrétienne que la précédente.

Montée des extrémismes religieux

Les problèmes liés à cette étude sont multiples :

  • D'une part les termes liĂ©s Ă  l'extrĂ©misme religieux, mĂŞlant, extrĂ©misme, radicalisme, intĂ©grisme, ultraorthodoxie, fanatisme. Il faut donc de ne pas travestir la rĂ©alitĂ© en respectant les sensibilitĂ©s de chacun. Le fondamentalisme est purement religieux, et s'attache principalement au respect des traditions de sa religion dans le cadre religieux. L'intĂ©grisme au contraire, veut modeler la sociĂ©tĂ© et l'État conformĂ©ment aux prescriptions religieuses. Il entre donc de plain-pied dans la politique.
  • D'autre part dans la diversitĂ© des confessions des religions, donc des extrĂ©mismes religieux (islamistes, hindous nationalistes, loubavitch, tĂ©lĂ©-Ă©vangĂ©listes amĂ©ricains, etc.). Ainsi, il ne sera fait mention ici que des points communs entre ces diffĂ©rents extrĂ©mismes.
  • Enfin, toute Ă©tude sociologique de l'extrĂ©misme religieux est rendu difficile par les extrĂ©mistes eux-mĂŞmes. Aucun sociologue n'ayant pu Ă©tudier les extrĂ©mistes de l'intĂ©rieur.

Une origine commune

L'affirmation de l'extrémisme religieux apparaît dès 1970, notamment en Iran et en Israël avec l'imam Khomeiny et les ultra orthodoxes juifs. En Occident, les sectes commencent à se développer. Ceci s'explique par une triple rupture :

  • celles des idĂ©ologies sĂ©culières, qui comprennent le communisme, le libĂ©ralisme et le concept État-nation-parti des pays du Tiers Monde. Les Ă©checs de ces idĂ©ologies sont montrĂ©s du doigt, Ă  cause des inĂ©galitĂ©s Nord/Sud crĂ©Ă©es par le libĂ©ralisme et le retard Ă©conomique et politique des deux autres idĂ©ologies dans leurs pays. Les intĂ©gristes religieux proposent une alternative Ă  cela.
  • celle de l'ère des blocs, dĂ©sormais rĂ©volue. Le bloc occidental et le bloc oriental, chacun orientĂ© dans son conflit avec l'autre, imposait en son sein la cohĂ©sion. Avec l'effondrement du bloc soviĂ©tique, la contestation apparaĂ®t, notamment religieuse.
  • celle de la critique de la modernitĂ©, pouvant ĂŞtre perçue comme un facteur de corruption moral et politique.

Organisation des extrémismes religieux

Lieux et public de prédilection

L'extrémisme religieux est particulièrement présent auprès des populations jeunes et/ou isolées. En France, les banlieues peuvent constituer un terrain de prédilection pour l'extrémisme. À la différence des villages traditionnels, les banlieues disposent rarement de réseaux sociaux de solidarité. Mais similairement aux villages traditionnels, il y a rarement d'identité politique forte. Ces facteurs favorisent la recherche d'une identité forte et d'une appartenance communautaire marquée et rendent l'implantation des extrémismes plus aisée.

Leaders et porte-paroles

Contrairement à certaines idées reçues, les leaders extrémistes ne sont pas des barbares incultes ou obscurantistes, bien au contraire. Les études sociologiques montrent que ces derniers ont une origine sociale favorisée, qui les situe dans la bourgeoisie, ainsi qu'un niveau de qualification élevé : ingénieur, banquier, professeur, etc.

De plus, bien qu'ils soient opposés à la modernité, ils utilisent les moyens de la modernité sur le plan économique, politique et technique.

Notes et références

    Bibliographie

    Ouvrages

    Articles

    • Françoise Champion, « Sectes, entre guillemets », ActualitĂ© des religions, no 6,‎ , p. 40-43
    • RĂ©gis Dericquebourg, « Les stratĂ©gies des groupes religieux minoritaires face Ă  la lutte anti-secte française », Religiologiques, no 22,‎ , p. 119-130 (lire en ligne)
    • RĂ©gis Dericquebourg, « Les groupes religieux minoritaires : aspects et problèmes », Cahier de l'association d'Ă©tude et d'information sur les mouvements religieux, nos 150-151,‎
    • Nathalie Luca, « Sectes, Ă©glises et nouveaux mouvements religieux », Actes du sĂ©minaire "L'enseignement du fait religieux",‎ (lire en ligne)
    • FrĂ©dĂ©ric Lenoir, « Controverses passionnĂ©es Ă  propos des sectes », Le Monde diplomatique,‎ , p. 26-27 (lire en ligne)

    Voir aussi

    Articles connexes

    Liens externes

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