Neay Trasac Paem Chay
Neay Trasac Paem Chay est un souverain de lâEmpire khmer mort vers 1340.
Il est le premier souverain khmer Ă©voquĂ© uniquement par les « Chroniques Royales du Cambodge ». Il y apparaĂźt comme le 19e souverain de lâEmpire khmer prĂ©cĂ©dĂ© par seulement dix huit rois des dynasties antĂ©rieures qui auraient rĂ©gnĂ© depuis 443 av. J.-C.. Cette liste de monarques est bien entendu trop courte pour couvrir une telle pĂ©riode[1]. Les Chroniques Royales prĂ©cisent que Chay Ă©tait le chef des jardins royaux dâun roi nommĂ© « Sihanouk » et souvent identifiĂ© avec le roi Jayavarman IX Parameçvara des inscriptions[note 1].
LĂ©gende fondatrice
Chay serait issu de lâunion dâun ermite du Phnom Kulen et dâune paysanne Samre. Son habiletĂ© Ă cultiver des concombres doux lui a valu le titre de Neay Trasac Paem (« chef des concombres savoureux »). Il en rĂ©servait la consommation Ă son roi qui lui avait donnĂ© une lance pour protĂ©ger ses rĂ©coltes. Une nuit, Chay blessa mortellement son souverain avec son arme quand ce dernier avait voulu Ă©prouver son zĂšle. Toutefois, avant de succomber, le monarque exigea que son assassin ne soit pas inquiĂ©tĂ© car il nâavait fait quâobĂ©ir Ă ses ordres et ne pouvait ĂȘtre tenu pour responsable de lâimprudence de son roi. En revanche, le souverain dĂ©cĂ©dĂ© ne laissait aucun hĂ©ritier et les astrologues, Brahmanes, gĂ©nĂ©raux et autres ne pouvaient sâaccorder sur le nom du successeur et dĂ©cidaient de sâen remettre aux divinitĂ©s. Pour ce faire, une cĂ©rĂ©monie est organisĂ©e oĂč un Ă©lĂ©phant blanc est conviĂ© Ă choisir parmi les plus Ă©minents membres de la noblesse que lâempire peut compter lequel est le plus digne de devenir le nouveau roi. Mais le pachyderme nĂ©glige trĂšs vite cet arĂ©opage et se retourne vers la foule venue assister aux festivitĂ©s et choisi un anonyme qui sâavĂšre ĂȘtre le jardinier rĂ©gicide. Les dignitaires doivent accepter de mauvais grĂ© ce monarque dâextraction modeste, mais devant leur hostilitĂ©, le nouveau roi se rĂ©sout Ă quitter Angkor pour une rĂ©sidence quâil se fait construire Ă Banteay SamrĂ© ; nĂ©anmoins cet Ă©loignement ne mit aucunement fin aux pratiques diffamatoires et ce nâest quâaprĂšs avoir fait Ă©liminer les fidĂšles de son prĂ©dĂ©cesseurs que Chay pourra dĂ©buter un rĂšgne qui se rĂ©vĂ©lera sans histoire[2].
Jean Guillaume, chercheur à l'INRA s'étant intéressé à l'histoire des plantes alimentaires domestiquées, y voit un mythe relatif à l'apparition d'une variété nouvelle de légume, ici un concombre doux (c'est-à -dire savoureux), dont Jayavarman aurait été friand au point de s'en réserver les récoltes et de les mettre sous la garde de leur jardinier[3].
RĂ©volution du XIVe siĂšcle
Le récit légendaire[note 2] cité ci-dessus semble symboliser la profonde mutation culturelle du pays que Achille Dauphin-Meunier dénomme la « Révolution du XIVe siÚcle »[4].
Il sâagit de lâavĂšnement dĂ©finitif du bouddhisme au dĂ©triment de lâhindouisme qui va connaitre un dĂ©clin rapide. Le roi, jusque-lĂ dâessence divine et considĂ©rĂ© comme un intermĂ©diaire entre les hommes et les cieux, devient un simple mortel qui doit son trĂŽne aux vertus quâil a accumulĂ©es dans ses existences. Le but pour les habitants nâest plus de construire des temples montagnes qui leur faisaient gagner la faveur et la protection des dieux, mais de suivre la conduite vertueuse de leur roi pour espĂ©rer atteindre la plĂ©nitude[5].
Le Sanskrit cesse Ă©galement dâĂȘtre utilisĂ© dans les inscriptions qui disparaissent dĂ©finitivement et dans le culte au profit du PĂąli[note 3]. Ces changements culturels gĂ©nĂ©reront rapidement une dĂ©sintĂ©gration de lâEmpire khmer.
Postérité
Il aurait Ă©pousĂ© Candravati la fille de son prĂ©dĂ©cesseur et le couple serait ainsi Ă lâorigine de la dynastie qui rĂšgne encore sur le Cambodge aujourdâhui. Selon les Chroniques le roi Chay laisse deux fils connus sous leurs noms posthumes :
- Nippean Bat (Nirvanapada)
- Sithean Reachea (Sidhanaraja)
Annexes
Bibliographie
- Edouard Huber, Ătudes indochinoises - Le jardinier rĂ©gicide qui devint roi', [Bulletin de l'Ăcole française d'ExtrĂȘme-Orient, 1905, Vol 5,p. 168-184].
- Achille Dauphin-Meunier, Histoire du Cambodge, Que sais-je ? no 916, P.U.F 1968 (ASIN B0000DOWAF)
- Anthony Stokvis, Manuel d'histoire, de gĂ©nĂ©alogie et de chronologie de tous les Ătats du globe, depuis les temps les plus reculĂ©s jusqu'Ă nos jours, prĂ©f. H. F. Wijnman, Ă©ditions Brill Leyde 1888, rĂ©Ă©dition 1966, Volume 1 Part 1: Asia, chapitre XIV §.9 « Kambodge » Listes et tableau gĂ©nĂ©alogique no 34 p. 336-339.
- (en) & (de) Peter Truhart, Regents of Nations, K.G Saur Munich, 1984-1988 (ISBN 359810491X), Art. « Kampuchea », p. 1729-1733.
Notes et références
Notes
- Cependant aucun document ne permet de rattacher Chay Ă Jayavarman IX
- Une légende birmane similaire concerne le roi Nyaung-U Sawrahan (Xe siÚcle)
- les noms de rÚgne des souverains sont néanmoins conservés sous leurs formes sanskrites plus au moins déformées
Références
- Anthony Stokvis, Manuel d'histoire, de gĂ©nĂ©alogie et de chronologie de tous les Ătats du globe, depuis les temps les plus reculĂ©s jusqu'Ă nos jours, vol. 1, Ă©ditions Brill Leyde, (ASIN B00VARGKYM), partie I, chap. IV.9 (« Kambodge * Listes et tableau gĂ©nĂ©alogique n°34 »), p. 336-337
- Yveline FĂ©ray, Contes d'une grand-mĂšre cambodgienne, Ăditions Philippe Picquier, coll. « Contes et lĂ©gendes dâAsie », , 194 p. (ISBN 978-2-87730-674-4, prĂ©sentation en ligne), « Neay Trasak Phaaem, le chef aux concombres doux », p. 21-42
- Jean Guillaume, Ils ont domestiqué plantes et animaux : Prélude à la civilisation, Versailles, QuÊ, , 453 p. (ISBN 978-2-7592-0892-0, lire en ligne), p. 29
- |Achille Dauphin-Meunier, Histoire du Cambodge, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? / 916 », , 128 p. (ASIN B0000DOWAF)
- Jean-Marie Crouzatier, Transitions politiques en Asie du Sud-Est : les institutions politiques et juridictionnelles du Cambodge, Toulouse, Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, , 182 p. (ISBN 9782361701048, présentation en ligne), partie I, chap. 1 (« Un destin idéalisé - L'empire khmer mythifié »), p. 27
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