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Musique traditionnelle libanaise

La musique traditionnelle au Liban provient du mélange des musiques des civilisations méditerranéenne.

Cette musique ressemble fortement au chant liturgique traditionnel de l’Église syriaque en gĂ©nĂ©ral et de l’Eglise Maronite en particulier. Certains[1] supposent que le chant de la premiĂšre Église, dont dĂ©coule le chant syriaque, Ă©tait le fruit du mariage des musiques phĂ©nicienne et juive.

Classement des chants

Les chants libanais peuvent ĂȘtre classĂ©s en cinq catĂ©gories :

  • les chants mĂ©lismatiques
  • les chants basĂ©s sur une structure syllabique
  • les chants mixtes
  • les chants de mariage
  • les Ă©popĂ©es chantĂ©es.

Les chants mĂ©lismatiques, exĂ©cutĂ©s en solo, sont conçus sur une formule de base gĂ©nĂ©ralement enrichie par une grande part d’improvisation et ils possĂšdent souvent une rythmique imprĂ©cise et inĂ©gale. Pour leur part, les chants basĂ©s sur une structure syllabique fonctionnent avec un couplet-type qui sert souvent de refrain. Les vers sont plus courts et la mĂ©lodie se caractĂ©rise par un rythme d’allure vive, mesurĂ©e par le manque de fioritures ou de mĂ©lismes. À la suite de ces deux catĂ©gories, on distingue les chants mixtes, qui sont Ă  la fois mĂ©lismatiques et syllabiques, les chants de mariage et les Ă©popĂ©es chantĂ©es.

Tous ces chants que regroupent les trois catĂ©gories sont exĂ©cutĂ©s individuellement ou en groupe. Sur la base des diffĂ©rentes occasions auxquelles ces chants sont rĂ©servĂ©s, on peut distinguer : les chants cĂ©rĂ©moniels, les chants d’annonce et les chants anciens. Pour ce qui est des chants cĂ©rĂ©moniels, comme les chants de mariage, les chants de deuil et les chants propres aux diffĂ©rentes cĂ©rĂ©monies accompagnant les diverses occasions de la vie humaine, il convient de prĂ©ciser tout d’abord que chaque cĂ©rĂ©monie est assortie d’une sĂ©rie de chants qui lui est exclusive. Il faut cependant Ă©tablir une diffĂ©rence entre les chants communautaires Ă  modĂšle fixe et ceux dont les paroles peuvent varier. La plupart des chants communautaires ont un modĂšle fixe, c’est-Ă -dire que la mĂ©lodie est prĂ©Ă©tablie, de mĂȘme que la disposition des vers qui sont, eux aussi, invariables. L’idĂ©al consiste Ă  considĂ©rer ces chants comme Ă©tant immuables dans le temps ; mais cette immuabilitĂ© n’en est pas moins relative. Une grande partie des chants enregistrĂ©s sur le terrain et analysĂ©s dans le cadre de cette Ă©tude appartient Ă  la cĂ©rĂ©monie du mariage. C’est pour cela que nous dĂ©crivons les diffĂ©rentes Ă©tapes d’un mariage pratiquĂ© dans un village libanais tout en respectant l’ordre des chants pratiquĂ©s lors de cette occasion familiale et sociale.

Le deuxiĂšme type de chants communautaires est constituĂ© des chants d’annonce qui vĂ©hiculent souvent un message et sont aussi interprĂ©tĂ©s lorsqu’un groupe de guerriers retourne d’un raid, ou lorsqu’un groupe d’hommes et de femmes dĂ©sirent informer les villageois d’un Ă©vĂ©nement spĂ©cial, tel un mariage ou un danger dĂ©celĂ© dans les environs du village .

Les chants anciens sont incorporĂ©s aux mythes ou aux rĂ©cits relatant un Ă©vĂ©nement historique. Ils ne sont en fait jamais transmis isolĂ©ment mais font partie intĂ©grante d’un rĂ©cit particulier .

Chants mélismatiques

Les chants mĂ©lismatiques sont basĂ©s sur la poĂ©sie chantĂ©e. Le poĂšme est gĂ©nĂ©ralement constituĂ© d’un nombre indĂ©terminĂ© de strophes formĂ©es de plusieurs vers. Pour sa part, la rime dĂ©pend de la forme chantĂ©e. Par exemple, dans le chant Êœatāba, chacun des trois premiers hĂ©mistiches constituant la strophe se termine par un mot de mĂȘme consonance mais de sens le plus souvent diffĂ©rent (homonyme). Le dernier mot du dernier vers rime presque toujours en āb (comme le mot Êœitāb) ou bā (comme Êœatāba). Pour le ĆĄrĆ«qi, les premiers hĂ©mistiches ont la mĂȘme rime et les seconds possĂšdent aussi une rime commune .

Au Liban, les chants mĂ©lismatiques sont souvent utilisĂ©s comme introduction prĂ©cĂ©dant les chants du genre qarrādi ou mÊœanna dans les joutes poĂ©tiques et les chants rythmiques en gĂ©nĂ©ral. Les dĂ©fauts des rimes, le manque de cadence et d’harmonie sont gĂ©nĂ©ralement camouflĂ©s par la mĂ©lodie du chant. Le mĂštre que suivaient les anciens n’était pas toujours le mĂȘme. Par ignorance, ils s’attachaient simplement Ă  la forme extĂ©rieure.

Le chant commence souvent par une improvisation sur le vocable owf qui exprime la souffrance et la douleur. Cette improvisation permet d’entrer dans l’ambiance de la tonalitĂ© et joue un rĂŽle fondamental dans la maniĂšre de mettre la voix en condition. La mĂ©lodie est caractĂ©risĂ©e par l’emploi de mĂ©lismes et un rythme libre. Elle est presque exclusivement exĂ©cutĂ©e en solo et, en dehors d’une formule de base, la mĂ©lodie y offre un domaine propice Ă  l’improvisation Ă  partir de certains principes Ă©tablis. La capacitĂ© d’improvisation est l’un des critĂšres qui permettent de mesurer le talent du chanteur. De telles improvisations requiĂšrent beaucoup de virtuositĂ©, une technique accomplie, une imagination vivante, une facultĂ© crĂ©atrice ainsi que le respect des normes artistiques et des traditions musicales ayant cours dans le milieu social de l’interprĂšte. La mĂ©lodie est libre et son Ă©tendue peut atteindre le dĂ©veloppement d’une octave. Elle est riche par des notes-pivots sur lesquelles le chanteur revient pour faire des semi-cadences et des cadences. La tonique est la note cadentielle par excellence. Certains chants mĂ©lismatiques appartiennent au genre semi-improvisĂ©. Dans ce cas, le chanteur suit un plan mĂ©lodique dĂ©fini et une trame spĂ©cifique.

Le chant mĂ©lismatique devient parfois responsorial avec alternance entre le soliste et le chƓur, ce dernier se rĂ©servant un refrain inlassablement rĂ©pĂ©tĂ© et formĂ© d’une strophe, d’un hĂ©mistiche, d’onomatopĂ©es ou de simples syllabes.

Dans la mesure oĂč il exige une grande quantitĂ© d’acrobaties et de pirouettes musicales de la part du poĂšte-chanteur, le chant mĂ©lismatique est de moins en moins frĂ©quent parmi la production de la nouvelle gĂ©nĂ©ration. Il est chantĂ© par les poĂštes, et il fut, Ă  l’origine, accompagnĂ© par le rebab (rabāb).

Chez les BĂ©douins, la forme des chants mĂ©lismatiques diffĂšre du point de vue musical de celle pratiquĂ©e au Liban. Il s’agit parfois de la mĂȘme forme poĂ©tique et du mĂȘme mode musical, mais la version chantĂ©e par ces bĂ©douins est diffĂ©rente, tant du point de vue de la technique vocale que du style mĂ©lodique. La mĂ©lodie est dĂ©pouillĂ©e des vocalises et des riches fioritures. AprĂšs une intonation en voix tenue, et gĂ©nĂ©ralement sur une note aiguĂ«, chaque vers est chantĂ© presque recto tono , avec l’accent rythmique marquĂ© sur la derniĂšre syllabe par une brĂšve formule mĂ©lodique et un arrĂȘt sur la sus-tonique. Seul le dernier vers du couplet comporte le repos sur la tonique. Les Libanais interprĂštent ces chants en les enrichissant par des fioritures, en dĂ©veloppant l’échelle musicale et parfois en faisant des modulations modales.

Le chant mĂ©lismatique est un chant gĂ©nĂ©ralement triste partiellement improvisĂ© ; c’est un genre essentiellement personnel chantĂ© en solo dans lequel le chanteur exprime sa tristesse. Il s’agit du chant qui comporte des mĂ©lismes dans lequel chaque syllabe du texte est ornĂ©e d’un dessin mĂ©lodique comportant plusieurs notes.

Chants syllabiques

On appelle chant syllabique celui « qui n’offre habituellement qu’une note par syllabe »[2]. Un vers syllabique est un vers dans lequel la mesure est dĂ©terminĂ©e par le nombre de syllabes sans prise en considĂ©ration de leurs caractĂ©ristiques. « Dire qu’un vers est syllabique c’est faire entendre qu’il a un nombre de syl-labes fixe, avec au besoin un point de repĂšre quelque part (la cĂ©sure de l’hĂ©mistiche) et rien de plus »[3].

Dans le cas des chants rythmiques, il s’agit plutĂŽt de ce qu’on appelle isosyllabie. Parlant de la poĂ©sie byzantine, Pierre Aubry rĂ©sume ainsi ce qu’il appelle « les deux lois fondamentales de la poĂ©sie rythmique, l’isosyllabie et l’homotonie »[4]. Ces deux lois appliquĂ©es Ă©galement dans les chants syriaques comme dans les chants libanais ayant le caractĂšre syllabique. L’isosyllabie est cette loi de la poĂ©sie rythmique, par laquelle les strophes ou les clausules correspondant entre elles doivent avoir rigoureusement dans leur ensemble un mĂȘme nombre de syllabes. Il faut en outre que les repos qui sĂ©parent les membres de phrase se reproduisent au mĂȘme rang syllabique dans l'intĂ©rieur des strophes ou des clausules. L’homotonie est cette loi de la poĂ©sie rythmique qui ramĂšne Ă  la mĂȘme place, au mĂȘme rang syllabique dans l’intĂ©rieur de la clausule ou de la strophe, les accents de la formule rythmique, principaux ou secondaires.

Les chants syllabiques constituent des formes courantes et assez variĂ©es de la musique populaire libanaise. Ils sont caractĂ©risĂ©s par un rythme vif et mesurĂ© et par une mĂ©lodie dĂ©nuĂ©e de fioritures ou de mĂ©lismes. Les dimensions limitĂ©es de la mĂ©lodie imposent la forme strophique du couplet qui atteint rarement jusqu’à six vers, quatre souvent, le plus souvent deux. Les vers constituant les chants Ă  structure syllabique sont formĂ©s de plusieurs syllabes ; ils sont coupĂ©s en deux hĂ©mistiches bien individualisĂ©s (7+7, 7+4, 4+4), mais formant un tout se suffisant Ă  lui-mĂȘme.

Leur forme littĂ©raire est caractĂ©risĂ©e par la structure du couplet-type , qui sert souvent de refrain, et par un vers court et trĂšs scandĂ©. « Dans la poĂ©sie byzantine, le mĂ©lode devait choisir d'abord son hirmos, c'est-Ă -dire la strophe type, sur laquelle il modĂšlerait, au point de vue du nombre des syllabes et de la place des accents, toutes les autres strophes, les tropaires de son Ɠuvre. La mĂ©lodie est Ă©galement la mĂȘme pour toutes les strophes »[5]. La structure du poĂšme ainsi que la rĂ©partition des rimes diffĂšrent Ă  l’infini selon le goĂ»t du poĂšte. Le poĂšme se compose gĂ©nĂ©ralement de deux vers en guise d’introduction ou de refrain (maáč­laÊœ) et d’un nombre indĂ©terminĂ© de couplets (dawr) formĂ© chacun de plusieurs vers . Pour le chant mÄ«janā, par exemple, le maáč­laÊœ est formĂ© d’un áčŁadr composĂ© de trois fois yā mÄ«janā et d’un Êœajoz qui rime en nā comme mÄ«janā. Le dawr est formĂ© de deux vers. Les trois premiers hĂ©mistiches du dawr se terminent par des rimes formĂ©es de mots homonymes et le quatriĂšme rime en nā comme mÄ«janā . La structure poĂ©tique d’un nombre des chants syllabiques ressemble Ă  celle du chant qarrādi (7+7 syllabes) .

La plupart de ces chants sont destinĂ©s Ă  stimuler et Ă  soutenir la danse. Ils servent aussi Ă  changer d’ambiance dans les joutes poĂ©tiques oĂč on chante souvent des mawwāls lents et Ă©lĂ©giaques qui rendent l’ambiance de plus en plus fatigante et lourde. On introduit alors des chants rythmiques comme le qarrādi ou le muwaĆĄĆĄaáž„. Tout le monde se repose, celui qui chante, le public, celui qui joue et celui qui danse la dabkĂ©.

La mĂ©lodie des chants syllabiques est gĂ©nĂ©ralement simple et de mouvement conjoint . La mĂȘme mĂ©lodie peut se rĂ©pĂ©ter pour tous les vers poĂ©tiques avec des variations.

Les formules mĂ©lodiques sont divisĂ©es en deux parties concordant ainsi aux vers poĂ©tiques formĂ©s chacun de deux hĂ©mistiches . On peut voir d’aprĂšs la simplicitĂ© et la sobriĂ©tĂ© de la mĂ©lodie, que l’importance est plutĂŽt donnĂ©e au rythme dans ce genre de chant qui accompagne la dabkĂ©.

On remarque des formes de cellules rythmiques utilisĂ©es tout au long d’un chant et cela provient du rythme de la poĂ©sie, comme par exemple : Pour que les paroles soient bien adaptĂ©es Ă  la mĂ©lodie et au rythme de la danse, certaines voyelles sont allongĂ©es sur plusieurs notes avec des vocables de prolongement. Comme dans le chant ÊœAl Êœeyn yā mĆ«layya , une syllabe est partagĂ©e en deux et une blanche est divisĂ©e en deux noires.

Dans d’autres chants, on remarque l’utilisation d’une « cheville » Ă  la fin de chaque hĂ©mistiche, servant ainsi Ă  allonger le vers poĂ©tique .

L’accompagnement d’un instrument Ă  percussion (comme le daff et le daraboukka) ainsi que le claquement des mains servent de soutien habituel pour les chants syllabiques. Les chanteurs sont aussi accompagnĂ©s d’instruments mĂ©lodiques comme le rebab et le mijwiz qui jouent la mĂ©lodie et marquent le rythme. Pour les interludes, l’instrument reprend la mĂȘme mĂ©lodie du chant et garde ainsi le mĂȘme rythme . La façon de jouer donne une ambiance d’enthousiasme. Dans ce genre de chant rythmĂ©, l’improvisation instrumentale est presque absente et les instruments interviennent lors des refrains et lors de l’intermĂšde qui marque le passage d’un chant Ă  un autre.

Certains chants ou mélodies sont pratiqués et diffusés actuellement au Liban par des chanteurs et chanteuses libanais comme Samira Tawfiq (1935-) et autres .

Bibliographie

  • Badih El-Hajj, La musique traditionnelle au Liban, Geuthner, Paris, .

Notes et références

  1. ážȘAZIN MunÄ«r Whaybi Al-, Al-zajal, tārÄ«áž«uhu, adabuhu, aÊżlāmuhu qadÄ«man wa áž„adÄ«tan (Le zajal [poĂ©sie populaire], son histoire, sa littĂ©rature, ses cĂ©lĂ©britĂ©s autrefois et maintenant), Jounieh-Liban, Al-Maáč­baÊża al-BĆ«lsiya, 1952
  2. Michel Brenet, Dictionnaire pratique et historique de la musique, Paris, Librairie Armand Colin, 1926, p. 426.
  3. Maurice Grammont, Le vers français, ses moyens d’expression, son harmonie, Paris, Librairie Delagrave, 1937, p. 473.
  4. Pierre Aubry, Le rythme tonique dans la poésie liturgique et dans le chant des églises chrétiennes au moyen ùge, Paris, H. Welter, 1903, p. 61-62.
  5. Pierre Aubry, Le rythme tonique dans la poésie liturgique et dans le chant des églises chrétiennes au moyen ùge, Paris, H. Welter, 1903, p. 62.

Voir aussi

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