Moro Naba
Mogho Naaba (variantes Mogho Naba, Moro Naba, Morho Naba, Mogh-Naaba ou Moogo Naaba), littéralement « chef » (naaba) du « monde » (mogho), est un titre porté par le roi du royaume mossi de Ouagadougou ou de l’Oubritenga, au Burkina Faso. Par le passé, le Mogho Naaba, considéré comme le représentant du soleil, était tenu en grande vénération. Il est choisi par les hauts dignitaires de la cour dans la descendance du premier Mogho Naaba, Oubri.
Dynastie
Oubri était le petit-fils de Ouedraogo, fondateur du royaume Mossi au XIIe siècle, lui-même fils de la légendaire Yennenga et du chasseur Rialé. Oubri, premier Moro Naba, a fondé la ville de Ouagadougou.
La coutume veut que la liste des Mogho Naaba de Ouagadougou, ainsi que la durée de leur règne, soit récitée chaque matin à l'arrivée de ce dernier. Selon cette liste dont la mémoire est conservée par le Bend Naba et les griots de la cour, les souverains suivants ont régné[1] :
- Naba Ouedraogo, (? — 1132), fondateur de la chefferie mossie indépendante
- Naba Zoungrana (1132-1182)
- Naba Oubri (1182-1244)
- Naba Naskiemdé (1244-1286)
- Naba Nasbiré (1286-1307)
- Naba Soarba (1307-1323)
- Naba Gningnemdo (1323-1337)
- Naba Koundoumié (1337-1358)
- Naba Kouda (1358-1401)
- Naba Dawingma (1401-1409)
- Naba Zoétré Bousma (1409-1441)
- Naba Niandfo (1441 — 1511)
- Naba Nakim, dit Nakiienb-Zanga (1511-1541)
- Naba Namégué (1541-1542)
- Naba Kilba (1542-1561)
- Naba Kimba (1561-1582)
- Naba Goalba (1582-1599)
- Naba Guirga (1599-1605)
- Naba Zanna (1605-1633)
- Naba Oubi (1633-1659)
- Naba Motiba (1659-1666)
- Naba Warga (1666-1681)
- Naba Zombré (1681-1744)
- Naba Koom Ier (1744-1762)
- Naba Saagha Ier (1762-1783)
- Naba Doulougou (1783-1802)
- Naba Sawadogo (1802-1834)
- Naba Karfo (1834-1842)
- Naba Baongho Ier (1842-1850)
- Naba Koutou (1850-1871)
- Naba Sanem (1871-1889)
- Naba Boukary Koutou (dit Wobgho) (1889-1897)
- Naba Siguiri (1897-1905)
- Naba Koom II (1905-1942)
- Naba Saagha II (1942-1957)
- Naba Kougri (1957-1982)
- Naba Baongho II (depuis le 21 décembre 1982)[2]
DĂ©signation
Le Mogho Naaba règne à vie. À son décès, son successeur est choisi par les membres du conseil parmi ses descendants mâles[3], en principe son fils aîné (le Nabikieenga) s’il en est digne[4]. Il lui est interdit de le rencontrer de son vivant.
Le successeur serait un de ses fils âgé d'une quarantaine d'années qui aurait fait ses études au Maroc. Conformément à la tradition, il ne l'aurait jamais rencontré.
Pouvoir
Dans la tradition, le Mogho Naaba tout puissant avait droit de vie et de mort sur les habitants de Ouagadougou et de l'Oubritenga. Dans la pratique, son pouvoir a toujours été soumis à la coutume et à la loi des pères. De plus, s'il incarnait l'empire et son unité, le pouvoir était en réalité entre les mains des dignitaires de la cour de Mogho Naaba, qui gouvernaient le pays[5]. Cette organisation complexe des pouvoirs est en partie exprimée chaque vendredi lors de la « cérémonie du faux départ du roi ».
Le Mogho Naaba n'a en outre pas d'autorité sur les quatre autres royaumes de Tenkodogo, de Fada N'Gourma, de Boussouma et de Ouahigouya dont les souverains seraient comme lui descendants de Yennenga. Traditionnellement, les souverains de ces royaumes et le Mogho Naaba s'évitent, mais il leur arrive de se rencontrer comme en 1946 pour se concerter sur la reconstitution de la Haute-Volta[6].
Depuis l'indépendance
Maurice Yaméogo, le premier président de République de Haute-Volta, supprime la loi qui organisait les chefferies des cinq royaumes du pays, en réaction à une tentative de coup d’Etat du Mogho Naba Kougri en 1958[7].
L’autorité de Mogho Naaba a été considérablement réduite au cours de la présidence de Thomas Sankara, un révolutionnaire anti-impérialiste mort assassiné en [8]. Il a ainsi supprimé le reste du texte législatif sur la chefferie coutumière, au motif qu’elle incarnait le passéisme et la bourgeoisie[7]. Désormais, les chefs traditionnels gardent un rôle symbolique mais n’ont plus aucun pouvoir légal.
Aujourd'hui, le roi des Mossi incarne une autorité morale, un sage que l’on vient consulter pour toutes décisions importantes liées à la vie de la Nation, un médiateur voire un arbitre en cas de conflit aigu.
Ce rôle n'a fait que se confirmer voire s'accentuer depuis les événements d', qui a vu un régiment resté favorable à l'ancien régime de Blaise Compaoré faire une tentative de putsch[4]. L'intervention du Mogho Naaba a joué un rôle déterminant pour convaincre leur chef de file, Gilbert Diendéré, d'abandonner ce projet.
De même, le , le chef de la transition, le lieutenant-colonel Isaac Zida, est violemment pris à partie par ses anciens camarades du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) qui remettent en cause leurs nouvelles affectations et certaines nominations[9]. Zida s'engage à ne pas toucher au RSP mais finit, le , par se réfugier chez le Mogho Naaba (il n'en sortira que grâce à la médiation du président Michel Kafando, du général Gilbert Diendéré et de l’ancien chef de l’État Jean-Baptiste Ouédraogo)[9].
Étiquette
La liste des Mogho Naaba successifs de Ouagadougou, ainsi que leur temps de règne, sont récités chaque matin à l'arrivée de ce dernier[4].
Depuis plusieurs siècles, tous les vendredis matin vers 7h, devant le palais du Mogho Naaba à Ouagadougou, se déroule la « cérémonie du faux départ de l'empereur pour la guerre[10] » (Nabayious Gou) : le Mogho Naaba sort du palais en tenue de guerre (rouge), prêt à partir à cheval ; les ministres et ses femmes touchent alors la selle pour l'empêcher de partir ; il rentre se changer et réapparaît en blanc, couleur de la paix pendant que son cheval est rentré et dessellé ; le canon sonne pour célébrer la paix. Cette cérémonie ferait référence à une légende datant de la création du royaume du Yatenga[11].
Le véritable nom à l’état civil du Mogho Naaba n’est en principe jamais révélé au grand public et il est d’ailleurs formellement interdit de le prononcer[4].
Lors des audiences, le roi est vêtu du pagne traditionnel, le faso-dafani[12], et entouré de quelques enfants serviteurs (les songda). Le Mogho Naaba ne s'exprime jamais dans une autre langue que le mooré, même s'il comprend et parle le français[4]. Il s'adresse toujours à ses hôtes via son porte-parole, Larlé Naba, ministre de la communication et gardien des traditions.
Le palais du roi, appelé Panghin, s’étend sur une superficie d’environ 15 hectares et est situé à Ouagadougou dans le quartier Bilbalogho[4].
La cour du Mogho Naaba
Le Mogho Naaba, souverain très respecté par les Mossis, est le gardien des coutumes, le chef suprême de l'administration, de l'armée et de la justice. Il est assisté dans la gestion du pouvoir par un conseil de 16 ministres qui occupent des fonctions spécifiques dans le royaume et sont aussi des chefs des vieux quartiers de Ouagadougou. Les membres les plus importants sont[11] :
- Le Tansoba Naba, deuxième personnalité de l'empire, ministre de la Guerre ne résidant pas à Ouagadougou. Il devra mourir sur le champ de bataille en cas de défaite ;
- Le Ouidi Naba, ministre de la Cavalerie et administrateur du quartier Ouidi (dans le secteur 11) ;
- Le Goungha Naba, ministre de l'Infanterie et administrateur de Gounghin ;
- Le Baloum Naba, ministre de l'Intendance et porte-parole de l'empereur. Son ancĂŞtre Ă©tait un neveu de la famille du Mogho Naaba ;
- Le Larlé Naba, ministre des Tombes royales et chef administrateur du quartier Larlé de Ouagadougou (dans le secteur 11) ;
Larlé Naba Tigré, appelé aussi « Naba Tigré » (« le chef de l’abondance »), a un palais royal, le palais « Lagl Naab Yiri », au quartier Larlé[13]. Il s'agit actuellement de Victor Tiendrébéogo, Ancien député de 1992 à 2014 et ex-membre du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), ministre du Mogha Naaba depuis 1990[14].
- Le Kamsonghin Naba, ministre de la jeunesse et administrateur du quartier Kamsonghin ;
- Le Dapoya Naba, ministre de la Sécurité et administrateur de Dapoya (dans le secteur 12, ancien quartier des captifs affranchis) ;
- Le Poe Naba, ministre de le Justice ;
L'actuel est député de l'Union pour le progrès et le changement (UPC)
- Le Samandin Naba, administrateur de Samandin ;
- Le Neem Naba ;
- Le Balkuy Naba.
Notes et références
- Yamba Tiendrebeogo dit Naba Abgha, « Histoire traditionnelle des Mossi de Ouagadougou », Journal de la Société des Africanistes, t. 33, fasc. 1,‎ , p. 7-46 (ISSN 0399-0346, e-ISSN 1957-7850, DOI 10.3406/jafr.1963.1365).
- « Figures de la société civile burkinabè », Jeune Afrique (consulté le )
- Ainsi on a assassiné tous les mosse, Titinga Frédéric Pacéré, p 83-85
- D.I.S, « Mogho Naba : Le chef des Mossi et chef spirituel du Burkina », Matin Libre,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- Mahamadou Ouédraogo, Culture et développement en Afrique, p 73-75
- Lassina Simporé, « La métallurgie traditionnelle du fer et la fondation du royaume de Wogdogo » dans Crossroads / Carrefour Sahel: Cultural and technological developments in first millennium BC/AD West Africa, Africa Magna Verlag, 2009, p.251, note 3
- Sophie Douce, « « Au Burkina, la chefferie traditionnelle peut restaurer le dialogue et la cohésion sociale » », Le Monde,‎ (lire en ligne)
- « Ouagadougou - Recherche Google », sur www.google.com (consulté le )
- Benjamin Roger, « Burkina : Zida l’affranchi », Jeune Afrique,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- « Rituels immémoriaux : Le faux départ du Mogho Naba », sur Vox Kultur, (consulté le )
- « Mogho Naba », sur Consulat du Burkina Faso de Nice, (consulté le ).
- « Faso Dan Fani, un tissu emblématique du Burkina », sur Afrika Tiss (consulté le )
- Mariam Ouédraogo, « Homme de l’année 2018 de radio Salankoloto : Larlé naba Tigré distingué », Faso.net,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- Sophie Douce, « Au Burkina Faso, les haricots magiques de sa majesté », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
Bibliographie
- Benoît Beucher, Contribution des royautés dites traditionnelles à l’émergence de l’État en Afrique : le cas des souverains moosé du Burkina Faso (1880-1990), 2004-2005, Présentation en ligne
Voir aussi
Lien externe
- Promenade au Mossi, Bulletin de la Société de géographie d'Alger et de l'Afrique du nord, 1901, 1er trimestre, pp. 76-111