L'homme Moïse et la religion monothéiste (Der Mann Moses und die monotheistische Religion) est le dernier ouvrage de Sigmund Freud, paru en 1939, année de sa mort.
« Der Mann Moses und die monotheistische Religion »[note 1], commencé à Vienne dès 1934, est achevé durant l'exil à Londres en , alors que les deux premiers articles (sur trois) sont parus dans la revue Imago en 1937. Le livre paraît alors simultanément à Amsterdam (en allemand) et à Londres (en anglais, sous le titre Moses and Monotheism) en . On trouve au dos de la première traduction française : « Dans ce dernier ouvrage, le fondateur de la psychanalyse examine les origines du monothéisme en Égypte au moment de la révolution religieuse et esthétique du pharaon Akhenaton et expose une théorie nouvelle sur les origines de Moïse et de la religion juive. »
Freud reprend la thèse de l'archéologue américain James Henry Breasted, l'une des plus grandes autorités en ce qui concerne l'Égypte antique, qui souligne déjà en 1894 l'importance de l'étude de la révolution monothéiste d'Akhenaton pour la compréhension du monothéisme biblique.
Traduit de l’allemand par Anne Berman sous le titre Moïse et le monothéisme, il est publié par Gallimard en 1948, qui le republie dans une traduction de Cornelius Heimp en 1986. Le texte paraît aux Puf dans les Œuvres complètes de Freud en 2010, et au Seuil dans une traduction de Jean-Pierre Lefebvre en 2012.
État des connaissances sur Akhenaton au début du XXe siècle
L'hypothèse que reprend Freud, selon lequel le monothéisme juif a pu être influencé par le monothéisme d'Akhénaton, était ignorée des historiens et archéologues jusqu'à la mise au jour, à compter de 1887, des tablettes d'Amarna. Dans sa thèse, parue à Berlin en 1894, l'égyptologue américain James Henry Breasted souligne l'importance de l'étude de la révolution monothéiste d'Akhenaton pour la compréhension du monothéisme biblique. Puis, en 1910, Arthur P. Weigall associe plus étroitement encore Akhenaton et le récit biblique[2].
Réception
Au temps de Freud
L'ouvrage suscite une certaine résistance de la part de lecteurs juifs dès 1938. Freud rend compte dans son journal de la visite d'un érudit juif palestinien, Abraham Shalom Yahuda, qui au double titre de spécialiste de la Bible et de juif, lui suggère de renoncer à la publication de l'ouvrage[3].
Réception et critique moderne
Le lien possible entre Akhenaton et le monothéisme biblique est assez généralement contesté[4]. Cependant, Bruno Karsenti souligne la portée politique de la thèse freudienne[5].
Marie Moscovici, tout en étant admirative, en parle comme d'un livre « à vrai dire assez fou »[6].
Freud fait de Moïse un disciple d'Akhenaton. Néanmoins pour les spécialistes modernes, si Akhenaton « semble être le premier dans l'histoire universelle à avoir introduit dans la pensée religieuse une innovation que la tradition attribue à Moïse : la distinction entre le vrai et le faux. Autrement dit, entre le vrai dieu et tous les autres. Mais, il n'existe pas pour autant de lien de cause à effet entre la révolution "monothéiste" du pharaon et la naissance du monothéisme biblique, survenue plus tard»[7]. Selon Michael Löwy, Freud reconnaît que les bases de cette hypothèse sont fragiles ; il voulait d'ailleurs à l'origine donner comme titre à son essai : L'homme Moïse, un roman historique[6].
Notes et références
Notes
Après Moïse et le monothéisme, la seconde traduction française révisée porte le titre de L'homme Moïse et la religion monothéiste, Freud ayant employé en allemand dans son titre le vocable der Mann qui signifie « l'homme » de sexe masculin.
Références
Alain Rauzy, « Notice » pour L'homme Moïse et la religion monothéiste, OCF.P vol. XX 1937-1939, Paris, PUF, 2010 (ISBN978-2-13-056594-9), p. 76-79.
Jan Assmann, Moïse l'Égyptien, Flammarion, coll. « Champs », (1re éd. 1997), p. 52 .
Mark Edmundson, The Death of Sigmund Freud: The Legacy of His Last Days, p.149-150, lire en ligne : [1]
Michael Löwy, « Freud (Sigmund) L'Homme Moïse et la Religion monothéiste, trois essais », Archives de Sciences Sociales des Religions, vol. 62, no 2, , p. 273–274 (lire en ligne, consulté le )
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
(Dans l'ordre alphabétique des noms d'auteurs :)
Jan Assmann, Moïse l'Égyptien, Flammarion, coll. « Champs », (1re éd. 1997), p. 52 .
Thomas Gindele, Le Moïse de Freud au-delà des religions et des nations. Déchiffrage d'une énigme, L'Harmattan, coll. « Études psychanalytiques », (ISBN978-2-343-01283-4)
Christian Hoffmann, « Qu'est-ce qu'un effet dans le réel? », Figures de la psychanalyse, vol. 15, , p. 43-45 (DOI , lire en ligne, consulté le )
Michael Löwy, « Freud (Sigmund) L'Homme Moïse et la Religion monothéiste, trois essais », Archives de Sciences Sociales des Religions, vol. 62, no 2, , p. 273–274 (lire en ligne, consulté le )
Alain Rauzy, « Notice » pour L'homme Moïse et la religion monothéiste, OCF.P vol. XX 1937-1939, Paris, PUF, 2010 (ISBN978-2-13-056594-9), p. 76-79.
Jacques Le Rider, « Moïse égyptien », Revue germanique internationale, Paris, PUF, vol. 14, , p. 127-150 (DOI , lire en ligne, consulté le )
Moustapha Safouan, « Moïse hébreu, Moïse égyptien », Figures de la psychanalyse, vol. 25, , p. 163-170 (DOI , lire en ligne, consulté le )
Ivan Segré, « La mémoire du texte. L’« homme Moïse » de Freud : pour une lecture critique et sociale », Le Coq-Héron, vol. N°239, no 4, , p. 144-155 (ISSN et , DOI , lire en ligne)
Laurie Sibony-Tua, « Quand l'homme Freud nous parle de Moïse », Topique, vol. 85, , p. 239-250 (DOI , lire en ligne)