Minéral nominalement anhydre
Un minĂ©ral nominalement anhydre (NAM, pour l'anglais nominally anhydrous mineral) est un minĂ©ral qui ne contiendrait pas d'eau s'il Ă©tait pur mais qui en comporte un tout petit peu sous la forme de dĂ©fauts cristallins, suffisamment pour devoir ĂȘtre pris en considĂ©ration (pour les propriĂ©tĂ©s du minĂ©ral ou pour d'autres consĂ©quences comme le cycle de l'eau).
Histoire
L'intĂ©rĂȘt pour les minĂ©raux nominalement anhydres commence en 1960 avec la dĂ©couverte, par spectroscopie infrarouge Ă transformĂ©e de Fourier, de la prĂ©sence de groupes hydroxyles OH dans le quartz SiO2[1], un minĂ©ral important en gĂ©ologie et dans l'industrie. De l'eau molĂ©culaire H2O est identifiĂ©e au sein de la cordiĂ©rite Al3Mg2AlSi5O18 en 1964[2], et du bĂ©ryl Be3Al2Si6O18 en 1967[3]. La prĂ©sence de groupes OH ou H2O est dĂ©montrĂ©e ensuite dans de nombreux autres minĂ©raux, et notamment en 1969 dans le minĂ©ral le plus abondant du manteau supĂ©rieur, l'olivine (Mg,Fe)2SiO4[4], ce qui pose le problĂšme de la prĂ©sence possible d'une quantitĂ© significative d'eau dans la Terre profonde.
Exemples
En 2021, la teneur en eau de onze grains d'orthopyroxĂšnes de rĂ©fĂ©rence a Ă©tĂ© mesurĂ©e prĂ©cisĂ©ment : d'indĂ©tectable Ă 249 ± 6 ”g/g H2O. Divers Ă©chantillons d'orthopyroxĂšne extraits de pĂ©ridotites Ă spinelle d'altĂ©ration variable (provenant des dorsales atlantique et arctique ainsi que de l'avant-arc (en) Izu-Bonin-Mariannes) ont ensuite Ă©tĂ© analysĂ©s avec la mĂȘme technique : leurs teneurs en eau vont de 68 ± 7 Ă 261 ± 11 ”g/g H2O et sont fortement corrĂ©lĂ©es avec leurs teneurs en Al2O3 et Cr2O3[5].
Structure
Les techniques de spectrométrie infrarouge permettent de distinguer les minéraux dans lesquels des molécules d'eau s'insÚrent dans des cavités de la structure cristalline, comme le béryl, de ceux dans lesquels des groupes OH « décorent » des défauts ponctuels, sont chimiquement liés au réseau cristallin, et ont en général une orientation privilégiée. On réserve plutÎt à ces derniers la qualification de minéraux nominalement anhydres.
Propriétés
La prĂ©sence d'hydrogĂšne liĂ© au rĂ©seau cristallin via les groupes OH a de nombreuses consĂ©quences, mĂȘme Ă de trĂšs faibles concentrations (typiquement, quelques dizaines ou centaines de ppm). L'un des principaux effets est une forte baisse de la rigiditĂ© et une nette facilitation de la dĂ©formation plastique, un phĂ©nomĂšne connu sous le nom anglais de water weakening (« fragilisation due Ă l'eau »). ParticuliĂšrement notable pour le quartz[6], cet effet est Ă©galement significatif pour diffĂ©rents silicates[7] dont l'olivine[8], avec d'importantes consĂ©quences pour la convection du manteau supĂ©rieur.
La prĂ©sence d'hydrogĂšne a aussi pour effet dâaugmenter la conductivitĂ© Ă©lectrique[9], d'accĂ©lĂ©rer la diffusion des Ă©lĂ©ments majeurs[10] - [11], d'abaisser la tempĂ©rature du solidus[12] et de modifier, dans un sens ou dans un autre, la pression (donc la profondeur, dans le manteau) des autres transitions de phase[13].
Notes et références
- (en) A. Kats et Y. Haven, « Infrared absorption bands in α-quartz in the 3-ÎŒ region », Physics and Chemistry of Glasses (en), vol. 1,â , p. 99-102.
- (en) W. Schreyer et H. S. Yoder Jr., « The system MgâcordieriteâH2O and related rocks », Neues Jahrbuch fĂŒr Mineralogie, vol. 10,â , p. 271-242.
- (en) D. L. Wood et K. Nassau, « Infrared spectra of foreign molecules in beryl », The Journal of Chemical Physics, vol. 47,â , p. 2220 (DOI 10.1063/1.1703295).
- (de) A. Beran et J. Zemman, « Ăder OH-gruppen in Olivin », Ăsterreich Akademie des Wissenschaften, vol. 3,â , p. 73-74.
- (en) Kirsten T. Wenzel, Michael Wiedenbeck, JĂŒrgen Gose, Alexander Rocholl et Esther SchmĂ€dicke, « Water contents of nominally anhydrous orthopyroxenes from oceanic peridotites determined by SIMS and FTIR », Mineralogy and Petrology, vol. 115,â , p. 611-630 (DOI 10.1007/s00710-021-00757-9, lire en ligne , consultĂ© le ).
- (en) James D. Blacic, « Plastic-deformation mechanisms in quartz: The effect of water », Tectonophysics, vol. 27, no 3,â , p. 271-294 (DOI 10.1016/0040-1951(75)90021-9).
- (en) David Griggs, « Hydrolytic Weakening of Quartz and Other Silicates », Geophysical Journal International (en), vol. 14, nos 1-4,â , p. 19-31 (DOI 10.1111/j.1365-246X.1967.tb06218.x).
- (en) S. J. Mackwell, D. L. Kohlstedt et M. S. Paterson, « The role of water in the deformation of olivine single crystals », Journal of Geophysical Research - Solid Earth, vol. 90, no B13,â , p. 11319-11333 (DOI 10.1029/JB090iB13p11319).
- (en) S. Karato, « The role of hydrogen in the electrical conductivity of the upper mantle », Nature, vol. 347,â , p. 272-273 (DOI 10.1038/347272a0).
- (en) Fidel Costa et Sumit Chakraborty, « The effect of water on Si and O diffusion rates in olivine and implications for transport properties and processes in the upper mantle », Physics of the Earth and Planetary Interiors, vol. 166, nos 1-2,â , p. 11-29 (DOI 10.1016/j.pepi.2007.10.006).
- (en) S. HierâMajumder, I. M. Anderson et D. L. Kohlstedt, « Influence of protons on FeâMg interdiffusion in olivine », Journal of Geophysical Research - Solid Earth, vol. 110, no B2,â , p. 1-12 (DOI 10.1029/2004JB003292, lire en ligne [PDF]).
- (en) Glenn A. Gaetani et Timothy L. Grove, « The influence of water on melting of mantle peridotite », Contributions to Mineralogy and Petrology, vol. 131, no 4,â , p. 323-346 (DOI 10.1007/s004100050396).
- (en) Daniel J. Frost et David DolejĆĄ, « Experimental determination of the effect of H2O on the 410-km seismic discontinuity », Earth and Planetary Science Letters, vol. 256, nos 1-2,â , p. 182-195 (DOI 10.1016/j.epsl.2007.01.023).
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (en) Hans Keppler et Joseph R. Smyth, Water in Nominally Anhydrous Minerals, de Gruyter, coll. « Reviews in Mineralogy & Geochemistry » (no 62), , 480 p. (DOI 10.1515/9781501509476)
- (en) Sylvie Demouchy et Nathalie Bolfan-Casanova, « Distribution and transport of hydrogen in the lithospheric mantle: A review », Lithos, vol. 240-243,â , p. 402-425 (DOI 10.1016/j.lithos.2015.11.012)