Michèle Agniel
Michèle Moët-Agniel, née le à Paris, est une résistante française. Elle commence par transporter et diffuser des tracts, puis fait partie d'un réseau d'évasion, et convoie des aviateurs alliés. Arrêtée, elle est déportée à Ravensbrück. Rescapée des camps, elle devient institutrice, et témoigne à partir de 1980.
Michèle Agniel Michèle Moet-Agniel | ||
Michèle Agniel en 2005. | ||
Nom de naissance | Michèle Moet | |
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Naissance | 17e arrondissement de Paris |
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Allégeance | France combattante | |
Unité | Réseau Bourgogne | |
Années de service | 1940 – 1945 | |
Conflits | Seconde Guerre mondiale | |
Faits d'armes | Accompagnement d'évasions | |
Autres fonctions | Institutrice | |
Biographie
Michèle Moët, née en 1926, est la fille d'un ancien combattant de 1914-1918. Celui-ci, néerlandais d'origine, est devenu français par le droit du sol, et très attaché à sa nouvelle patrie[1] - [2].
Début de la Seconde Guerre mondiale
Au début de la Seconde Guerre mondiale, les Moët sont en vacances à Fort-Mahon, où ils restent jusqu'en mai 1940. Ils reviennent à Paris à pied. Michèle a quatorze ans lors de l'armistice. Elle prend parti contre l'armistice, comme le reste de sa famille, et tous deviennent partisans du général de Gaulle[3].
Premiers actes de résistance
Au lycée Hélène Boucher de la Porte de Vincennes, qu'elle intègre à la rentrée 1940, elle manifeste son opposition à l'occupant en recouvrant les croix gammées et en inscrivant partout des croix de Lorraine avec le V de la victoire[3]. En , son ancien professeur d'anglais leur envoie par la poste des tracts à recopier et diffuser. Elle fait ensuite les trajets à Versailles pour aller chercher ces tracts. Jeune, elle passe inaperçue, et n'est pas inquiétée[3].
« Je suis issue d'une famille profondément patriote, qui rejette autant le bolchevisme que le nazisme. Mes parents sont de fervents catholiques mais ils possèdent un esprit très ouvert aux autres et nous fréquentons des amis de toutes les confessions et de toutes les conditions. (...) En novembre 1940, mous avons reçu les premiers tracts qu'il fallait recopier et distribuer. Toute la famille y participe. »[4]
Filière d'évasion, accompagnement des aviateurs
À leur domicile de Saint-Mandé, ses parents cachent d'abord un prisonnier français évadé. Malade, Michèle Moët est envoyée à Limoges pour sa convalescence ; lorsqu'elle revient, ses parents ont intégré le réseau Bourgogne. Ils cachent des pilotes américains et anglais, et leur procurent des faux papiers[3]. Ces faux papiers sont facilités par la situation du père Gérard Moët, qui travaille à la mairie[5] ; celui-ci n'enregistre pas tous les décès, et conserve les papiers d'identité de certains défunts, ce qui lui permet d'avoir des cartes d'alimentation en surnombre, pour nourrir les clandestins[2]. Ils font partie du réseau Évasion[6].
Michèle Moët, à dix-sept ans, accompagne en un membre du réseau en Bretagne[7]. À partir de ce moment, elle devient convoyeuse pour de nombreux aviateurs américains et anglais de la province jusqu'à Paris[7]. Elle les emmène aussi se faire photographier pour les faux papiers ; pour justifier leur silence et leur nombre successif, elle affirme que ce sont des sourds-muets qu'elle emmène dans un centre spécialisé[3]. Ces va-et-vient d'accompagnatrice ne l'empêchent pas de continuer à suivre ses cours au lycée[2] - [5].
Arrestation, déportation
Sur dénonciation, la famille Moët est arrêtée le par la Gestapo en tant qu'opposants politiques, sauf le jeune frère de Michèle, âgé de douze ans ; le père a pu être prévenu par un signal, mais ne veut pas les abandonner. Deux Anglais sont capturés en même temps qu'eux, et tout le matériel est saisi[5]. « (...) Nous avons été arrêtés le 28 mars 1945. Mon jeune frère qui avait douze ans et demi ne fut pas arrêté et malgré son jeune âge réussit à prévenir le réseau »[4]. Les Moët sont d'abord emmenés à Nogent-sur-Marne, à la Kommandantur ; ils sont ensuite internés à Fresnes[5].
Ils échappent à la torture, mais sont déportés dans le dernier train le "Convoi de Pantin", qui part de Paris le , peu avant la libération de Paris. Le père meurt à Buchenwald en . Michèle et sa mère sont internées au camp de femmes de Ravensbrück, puis au Stalag IV-D de Torgau. Le 15 octobre 1944, elles sont déplacées au Stalag I-A de Königsberg-sur-Oder (actuel Chojna en Pologne)[5]. À sa fermeture en février 1945, elles parviennent à se cacher dans une infirmerie, malades, pour échapper à la marche de la mort. Elles sont libérées par l'armée rouge le , et rapatriées à Paris le [5]. Michèle Moët a 19 ans.
Après-guerre
Michèle Moët reçoit plusieurs distinctions, françaises, britannique et américaines dont la Médaille de la Résistance[8], le grade d'Officier de la Légion d’Honneur, la Croix de guerre 1939-1945 et la Croix du combattant volontaire.
Elle reprend ses études et devient institutrice. Elle épouse Claude Agniel en 1947. Elle est présentée à la princesse Élisabeth et au prince Philippe lors de leur visite officielle à Paris en 1948[6]. Elle est aussi remerciée par le sénateur américain Johnny Isakson pour son travail auprès d'aviateurs américains[9].
À partir des années 1980 et de l'émergence du négationnisme, Michèle Agniel se met à témoigner après 40 ans de silence. Elle intervient dans les écoles, collèges et lycées[10]. Il s'agit d'un des seuls témoignages disponibles sur le camp de Königsberg, en raison du faible nombre de survivants[11].
Hommages
Son récit est publié dans l'ouvrage Nous étions résistantes de Sophie Carquain, publié en 2020. Elle est également l'objet d'une biographie-fiction The girl in blue béret (2011) de l'américaine Bobbie Ann Maeson[11]. En 2002, elle participe à la série documentaire Femmes de l'ombre[12].
Une rue porte le nom de Michèle Moët-Agniel, à Migné-Auxances, dans la Vienne[13].
Une plaque commémorative de la famille Moët est visible au 22, rue Sacrot, à Saint-Mandé : « Après avoir accueilli ici de nombreux aviateurs alliés en 1943 et 1944, la famille Moët a été arrêtée par la milice et remise à la Gestapo le 28 avril 1944, puis déportée… ».
Notes et références
- Rameau 2008, p. 66-68.
- Rameau 2015, p. 194.
- Rameau 2008, p. 68.
- Christiane Goldenstedt, Les femmes dans la Résistance, Herbolzheim, Annette Kuhn, Frauen in Geschichte und Gesellschaft, Band 43, , 244 p. (ISBN 3-8255-0649-5).
- Rameau 2008, p. 69.
- Maurice E. Giard et Pierre Lebeau, Saint-Mandé, notre ville (1075-1965), La Tourelle, , p. 162.
- Rameau 2008, p. 68, 69.
- Jean Chichizola, « 79 ans après, «la patrie n’oublie pas» ses résistants », sur lefigaro.fr, Le Figaro, (consulté le ).
- (en-US) « Michèle Agniel », sur Saving the Rabbits of Ravensbrück (consulté le )
- Rameau 2015, p. 197-198.
- (en-US) Condé Nast, « The Real Girl in the Blue Beret », sur The New Yorker, (consulté le )
- « Michèle Moet-Agniel », sur IMDb (consulté le )
- Stéphane Delannoy, « Résistante, elle voit une rue prendre son nom », sur lanouvellerepublique.fr, 3 avril 2016 - 24 avril 2017
Bibliographie
- « Michèle Agniel », dans Marie Rameau, Des femmes en résistance: 1939-1945, Paris, Éditions Autrement, (ISBN 978-2-7467-1112-9), p. 66-69 [extraits en ligne].
- « Michèle Moet », dans Caroline Langlois, Michel Reynaud, Elles et eux, de la Résistance, Tirésias, (ISBN 2908527952 et 9782908527957), p. 202-203.
- « Michèle Agniel », dans Marie Rameau, Souvenirs, Éditions La ville brûle, (ISBN 978-2-36012-064-2), p. 193-201.
- Solenn de Royer, « Un été dans La Croix - Michèle Agniel », La Croix, (lire en ligne) [extraits factuels sur memoresist.org].
- (de) Christiane Goldenstedt, « Les femmes dans la Résistance », dans Annette Kuhn, Valentine Rothe (dir.), Frauen in Geschichte und Gesellschaft, Herbolzheim, Band 43, .
- Don Lassiter, Their Deeds of Valor, Xlibris Corporation, , 462 p. (ISBN 1-4653-2925-0 et 978-1465329257, lire en ligne), p. 285-295, 299, 304, 320-322.