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Merde d'artiste

Merde d'artiste (ou en italien Merda d’artista) est une œuvre de l’artiste italien Piero Manzoni influencée par les ready-mades de Marcel Duchamp. L'œuvre réalisée en 1961 se compose de 90 boîtes de conserve cylindriques en métal (4,8 × 6 cm), hermétiquement fermées, qui contiennent les excréments de l'artiste, étiquetées, numérotées et signées.

Merde d'Artiste
(Merda d'artista)
Une des boîtes de l'œuvre.
Artiste
Date
1961
Matériau
Dimensions (Diam Ă— H Ă— L)
6 Ă— 4,8 Ă— 6 cm
Mouvements
Abject art (d), art corporel, art conceptuel
Localisation
Commentaire
Œuvre composée de 90 boîtes

Description

Aucun historien de l'art n'a pu jusqu'à présent déterminer le modus operandi des boîtes. Il est écrit dessus en italien, anglais, français et allemand :

Merde d'artiste
contenu net gr 30
conservée au naturel
produite et mise en boite
au mois de

Il semble que ces boîtes aient été réalisées à Milan, bien que des témoins oculaires parlent du Danemark. Quoi qu'il en soit, Manzoni n’en a vendu que très peu de son vivant et, d'ailleurs, très peu d'œuvres en général. Il les a données à ses amis ou a fait des échanges avec d’autres artistes. Manzoni avait initialement fixé le prix de ces boîtes de 30 grammes d'excréments à celui de 30 grammes d'or au cours du jour[1].

Histoire de l’œuvre

Cote de l'Ĺ“uvre

La cote des boĂ®tes est montĂ©e dans les annĂ©es 1960, des annĂ©es après la mort de l'artiste, grâce Ă  d'avisĂ©s marchands italiens, parisiens puis amĂ©ricains. Certaines ont atteint le prix de 3 000 grammes d'or, et les boĂ®tes dont on riait ont commencĂ© Ă  circuler sur le marchĂ© de l'art.

Aujourd’hui, un grand nombre d'entre elles ont été vendues (la famille Manzoni en possédant encore 5) et se retrouvent dans diverses collections d’art contemporain dans le monde entier. Elles se négocient à un prix élevé, comparé à celui qu'avait fixé l'artiste, à l’exception toutefois de quelques-unes qui se mirent à fuir probablement à cause de la corrosion et de la pression du gaz…

Le une boĂ®te a Ă©tĂ© adjugĂ©e pour 182 500 ÂŁ (soit environ 202 980 â‚¬) lors d'une vente aux enchères chez Christie's Ă  Londres. Le une boĂ®te avait Ă©tĂ© adjugĂ©e 129 000 â‚¬ (soit en incluant les frais d'enchères 160 920 â‚¬) lors d'une vente effectuĂ©e par l'Ă©tude Cornette de Saint Cyr Ă  Paris.

Devenir de l'Ĺ“uvre

Parmi les boîtes ayant connu des problèmes d’étanchéité, il y aurait celle donnée à Jens Jorgen Thorsen, artiste danois mort en 2000. Peu de temps avant sa mort, il déclarait l'avoir jetée à cause de l’odeur.

Le musĂ©e municipal de Randers (Danemark) a connu un grave problème, en 1998, quand une boĂ®te prĂŞtĂ©e par un collectionneur s’est mise Ă  fuir. Le collectionneur a d’abord demandĂ© un dĂ©dommagement, puis un artiste gĂ©nĂ©reux l’a offerte au musĂ©e et payĂ© les 30 000 â‚¬ rĂ©clamĂ©s par le collectionneur. Les analyses effectuĂ©es Ă  l’époque par la compagnie d’assurance ont montrĂ© qu’il s’agissait effectivement d’excrĂ©ments, sans que l’on puisse dire si leur provenance Ă©tait humaine ou animale.

Marina Fossati, collectionneuse et consultante en stratégie auprès de multinationales, a eu tellement peur que sa boîte ne se mette à fuir, qu’elle la laissa quelque temps dans son réfrigérateur sur les conseils d’un de ses amis spécialistes, avant, poussée par son mari, de réussir à l’échanger[2].

Une boîte prêtée au musée Serpentine de Londres, lors de la grande exposition consacrée à Manzoni à la fin du XXe siècle, a été renvoyée à son propriétaire, le notaire milanais Consolandi. L’odeur dégagée ne laissait pas de doutes sur l’origine des matières incluses.

Pour le commissaire-priseur Pierre Cornette de Saint Cyr, si beaucoup de boîtes se mettent à fuir, alors c’est que cela fait partie de la nature de l’œuvre. Dans ce cas, cela ne changerait rien à leur valeur. C'est-à-dire que l’œuvre devient "performance" : l'objet évolue. S'il n'y avait qu'une seule boîte à fuir, ce serait simplement un problème. Peut-être l'artiste souhaitait-il cette évolution, ce d'autant qu'elles peuvent être exposées dans une vitrine transparente et bien étanche.

En 1989[3], Ă  Marseille, lors d’une performance dans la galerie de Roger Pailhas, l'artiste français Bernard Bazile fait ouvrir une boĂ®te qu'il avait empruntĂ©e Ă  l'artiste Ben. Selon Bernard Bazile, en assignant Ă  sa boĂ®te une valeur supĂ©rieure Ă  celle de 30 grammes d'or, Ben, comme un grand nombre de propriĂ©taires de boĂ®tes, en dĂ©naturait le sens. Cette boĂ®te, une fois ouverte, a ensuite Ă©tĂ© achetĂ©e Ă  Ben pour 30 000 $ et revendue aux enchères publiques, en 2006, pour 24 000 â‚¬. La boĂ®te de conserve contenait en fait une autre boĂ®te, plus petite, Ă  l’intĂ©rieur.

DĂ©marche et analyse

Cette œuvre est une satire du marché de l'art, sur lequel n'importe quelle création, pour peu qu'elle soit réalisée par un artiste "de génie", s'échange très cher, quelle que soit sa valeur intrinsèque[4]. Il s'agit aussi d'une critique du consumérisme et en particulier de la production de déchets que celui-ci génère et son obsession envers le packaging et la propriété privée[4].

Références

  1. Voir film Chacun sa merde de Hugues Peyret et exposition « Une mesure pour tous Â» de Bernard Bazile.
  2. Christie's : Bernard Bazile, Boîte de Piero Manzoni Ouverte.
  3. Falconer, Morgan., Why your five year old could not have done that : modern art explained, Thames & Hudson, , 224 p. (ISBN 978-0-500-29047-7 et 0-500-29047-4, OCLC 793688707, lire en ligne)

Filmographie

  • Film Chacun sa merde (52 min) de Hugues Peyret, sur les propriĂ©taires (voir bande-annonce)
  • Film La BoĂ®te de merde (27 min) de Hugues Peyret, sur l'ouverture d'une boĂ®te par Bernard Bazile

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