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Maurice Satineau

Maurice Satineau, né le à Baie-Mahault, où il est mort le [1], est un homme politique français.

Maurice Satineau
Illustration.
Fonctions
SĂ©nateur de la Guadeloupe
Conseiller de la RĂ©publique
–
(9 ans, 6 mois et 25 jours)
RĂ©Ă©lection
Groupe politique RGR
Député de la Guadeloupe
–
Législature XVIe (Troisième République)
Groupe politique USR
Maire de Sainte-Anne
–
Prédécesseur Maurice Duplessis
Successeur Saint-Pierre Phirmis
–
Prédécesseur Eugène Graëve
Successeur Maurice Duplessis
Biographie
Nom de naissance Maurice Stéphane Satineau
Date de naissance
Lieu de naissance Baie-Mahault (Guadeloupe)
Date de décès
Lieu de décès Baie-Mahault
Nationalité Drapeau de la France Française
Parti politique PRRRS
USR
RGR

Biographie

Premières années en France

Arrivé en métropole comme mécanicien, il travaille pour le bureau d'hygiène de la Préfecture de police de Paris en 1919 mais on ne sait s'il a vraiment fait des études en 1920-1925 à Paris car il ne mentionne jamais les mêmes diplômes. Les titres qu'il utilise n'existent pas mais ressemblent à des titres existant.

Il fonde en 1919 La Plus grande France, qui ne paraît pas très longtemps. Il lance en 1927 la Dépêche africaine puis plus tard, en Guadeloupe, la Voix du peuple mais mène en parallèle à Paris une vie d'escroc, multipliant les plaintes contre lui pour chèques sans provision, ou fausses actions, etc[2]. Il est le fondateur de la Société agricole et commerciale africaine (SACA), pour laquelle il est condamné à Paris, par défaut et en première instance, à 18 mois de prison et 500 francs d’amende avant de voir sa peine considérablement réduite en 1936.

Député de la Guadeloupe

DĂ©putĂ© de la Guadeloupe de 1936 Ă  1940, il se spĂ©cialise dans les questions maritimes. Le , il vote les pleins pouvoirs au marĂ©chal PĂ©tain. InstallĂ© Ă  Vichy, il organise, pour 20 000 francs par personne, l'Ă©vasion de Juifs avec l'idĂ©e de les orienter vers les Antilles et entretient des liens mal dĂ©finis avec des mouvements de rĂ©sistance dans le Sud. Il demeure certain qu'il n'a jamais combattu mais il est clairement impliquĂ© dans des affaires de faux papiers et de financement[3]. Il est arrĂŞtĂ© par les Allemands Ă  la frontière espagnole, internĂ© au château du Hâ puis relâchĂ©. On le retrouve Ă  proximitĂ© des combats de la libĂ©ration de Paris en aoĂ»t 1944 mais il n'y prend pas part. MalgrĂ© l'exploitation de cette ambiguĂŻtĂ©, il peine Ă  reprendre pied en Guadeloupe. RelevĂ© par le Jury d'honneur, il retourne Ă  la vie politique pour la durĂ©e de la Quatrième RĂ©publique. Ce qu'il fit ou pas de l'argent de familles juives marseillaises fut un sujet de polĂ©mique en Guadeloupe dans les annĂ©es 1950 mais une partie des rumeurs Ă  ce sujet sont fausses[3]. Si Satineau ne profita pas de l'argent de la biscuiterie de Julius De Vries, il dĂ©nonça bien au Commissariat aux questions juives une manĹ“uvre de De Vries et d'un certain Louis Bret pour faire transfĂ©rer l'argent du premier sur le compte du second afin d'Ă©chapper aux mesures d'aryanisation[3]. Satineau Ă©crivit ainsi au Commissariat aux questions juives en pour protester contre la manĹ“uvre et rĂ©clamer la nomination rapide d'un administrateur provisoire :

« Je viens d’apprendre, que sur des demandes faites au Bureau du Commissariat Général à Marseille, par MM. De VRIES et BRET, l’entrée en fonction de l’administrateur a été renvoyée à une date ultérieure, et cela pour permettre aux intéressés de falsifier leur comptabilité et d’écouler les stocks de marchandise qu’ils fabriquent journellement. Je crois devoir porter ces faits à votre connaissance, en vous priant de donner des instructions à vos bureaux de Marseille, pour que l’administrateur provisoire, exerce immédiatement ses fonctions[4].»

Le courrier visait à défendre Anne Pagès, associée informelle de la biscuiterie De Vries qui s'inquiétait de reprendre ses parts. Satineau passa ainsi pour son avocat jusqu'en [3]. De Vries fut arrêté en 1942, peu après la lettre de Satineau. De Vries continua d'être destinataire des courriers du CGQJ. On le déporta en à Maïdanek où il fut assassiné dès son arrivée. L'un des administrateurs mentionna dans une lettre au CGQJ la couleur de peau de Satineau et celle de sa pseudo-cliente Anne Pagès, Sénégalaise épouse d'un réfugié allemand, Kurt Bangemann, dont il mettait en doute la qualité d'aryen[3]. La remarque était sans doute destinée à amener Darquier « de Pellepoix », nouveau Commissaire général aux questions juives, à clarifier la situation en évinçant certaines des parties pour motif racial. On sait en effet que Darquier avait évincé un Guadeloupéen du commissariat aux questions juives dont il souhaitait aryaniser l'ensemble du personnel, qui excluait les juifs mais pouvait compter des originaires des vieilles colonies. Les contacts de Satineau avec le Commissariat général aux questions juives se poursuivirent à Marseille jusqu'en , après que Satineau eut été libéré du Fort du Hâ. Satineau fut incapable de prouver après-guerre son implication dans une résistance marseillaise à qui il était inconnu[3]. Il ne se réclama que des témoignages d'individus déportés mais produisit une attestation d'aide signée d'Élizabeth De Vries, épouse de Julius de Vries, alors qu'elle ignorait encore le décès de son époux en 1943. Elle ne récupéra que 10 % des fonds, le reste s'étant principalement envolé avec Louis Lebret qui, interdit bancaire et interdit de gestion, avait placé les fonds De Vries sur un compte au nom de son fils prisonnier dans un stalag avant de disparaître de Marseille. Anne Pagès-Bangemann ne récupéra rien et son mari fut interné puis déporté[3]. Elle-même ne put se rendre dans la famille de son mari aux États-Unis du fait de sa couleur de peau[5].

Conseiller de la RĂ©publique

Maurice Satineau est élu le 7 novembre 1948 lors des élections sénatoriales où il est en seconde position sur la liste du RPF menée par Eugénie Éboué-Tell. Il siège alors au sein du groupe de l'Action Démocratique et Républicaine dont il démissionne le 11 janvier 1949 pour rejoindre le Groupe du Rassemblement des gauches républicaines et de la gauche démocratique. Lors des élections sénatoriales de 1952, il est à la tête d'une liste de « Rassemblement républicain » qui obtient les deux sièges à pouvoir. Il ne participe pas au vote sur les pleins pouvoirs du général de Gaulle en 1958. Lors des élections sénatoriales de 1958 il est battu d'une voix par Lucien Bernier, candidat de la Gauche guadeloupéenne. Il meurt à Paris le 13 septembre 1960[6].

Mémoire et postérité

Le cas de Satineau pose problème à la mémoire. Il existe ainsi depuis 1979, dans la commune de Baie-Mahault, un « collège Maurice Satineau », baptisé ainsi du temps du maire Édouard Chammougon et de son épouse, alors enseignante de lettres dans le dit collège. La pièce la plus embarrassante pour la mémoire est sans doute la lettre d' où Satineau croit devoir porter à la connaissance du CGQJ qu'une manœuvre est en cours pour échapper à l'aryanisation. Satineau n'y fait pas plus de cas de Julius De Vries, victime des lois raciales que de Louis Bret, escroc qui profite de son malheur. L'autre élément est qu'il a bien proposé jusqu'en 1942 des projets aux différents secrétariats d'État du gouvernement de Vichy.

Notes et références

  1. Acte de naissance à Baie-Mahault, no 96, vue 18/60, avec mention marginale du décès à Baie-Mahault en 1960.
  2. Archives nationales, Fonds de Moscou, Sûreté générale in Dominique Chathuant, « D'une République à l'autre : ascension et survie politique de Maurice Satineau (1891-1945)», Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe, no 178, septembre-décembre 2017, p. 9-85..
  3. Dominique Chathuant, « D'une République à l'autre..., op. cit.
  4. Ibid.
  5. Ibid., passim ; un dossier Bret non consultĂ© existe aux archives de la SĂ»retĂ©, dans le «fonds de Moscou», restituĂ© Ă  la France en 1994-2001 ; Gretchen E. Schafft, From Racism to Genocide, Anthropology in the Third Reich, Chicago, University of Illinois Press, 2004, p. 5-6. L’auteur amĂ©ricaine avait dĂ©couvert en visitant Ă  Marseille l’épouse et le fils de Kurt Bangemann, apparentĂ© Ă  sa belle-famille, que la famille allemande de Bangemann Ă©migrĂ©e aux États-Unis n’avait pas souhaitĂ© l’aider Ă  entrer aux EU faute de savoir quoi faire de la femme et de l’enfant… L’arrĂŞtĂ© du 27 fĂ©vrier 2006 portant apposition de la mention « Mort en dĂ©portation » sur les actes et jugements dĂ©claratifs de dĂ©cès mentionne un Bangemann (Kurt), nĂ© le 30 septembre 1911 Ă  Berlin, dĂ©cĂ©dĂ© le 20 novembre 1944 Ă  Sangerhausen. JORF, no 113, 16 mai 2006, p. 7179. AndrĂ© Fontaine mentionne un Kurt Bangemann (1911-1944), internĂ© aux Milles, dessinateur berlinois de publicitĂ©s artistiques, qui peint des aquarelles de Marseille cf. Le camp d'Ă©trangers des Milles (1939-1943), Edisud, 1989, p. 62. Il existe actuellement un prix Kurt-Bangemann.
  6. « SATINEAU Maurice », sur www.senat.fr, (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

Maurice Stéphane Satineau, Histoire de la Guadeloupe sous l'Ancien Régime : 1635-1789, Paris et Saint-Amand, Payot Editeur, , 400 p. (OCLC 503714205, BNF 34139269, lire en ligne)

Sources

  • CHATHUANT (Dominique), « Un rĂ©sistant ? Maurice Satineau : un parlementaire colonial dans la tourmente (1940-1945)», Outre-mers, revue d'histoire, no 386-387, juin 2015, p. 130-144.
  • CHATHUANT (Dominique), « D'une RĂ©publique Ă  l'autre : ascension et survie politique de Maurice Satineau (1891-1945)», Bulletin de la SociĂ©tĂ© d'histoire de la Guadeloupe, no 178, septembre-, p. 9-85.
  • JENNINGS (Eric T.), Escape from Vichy. The Refugee Exodus to the French Caribbean, Harvard University Press, 2018, 320 p.
  • JENNINGS (Eric T.),« The Best Avenue of Escape. The French Caribbean Route as Expulsion, Rescue, Trial and Encounter », French Politics, Culture & & Society, vol. 30, no 2, ÉtĂ© 2012, p. 33-52.
  • JENNINGS (Eric T.), « Last Exit from Vichy France: The Martinique Escape Route and the Ambiguities of Emigration », The Journal of Modern History, vol. 74, 2002, p. 289-324.
  • JOLLY (Jean) (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, Presses universitaires de France [souvent faux et manipulĂ© par les intĂ©ressĂ©s].
  • JOLY (Laurent), L’antisĂ©mitisme de bureau, Grasset, 2011, p. 247-278.
  • SEMPAIRE-ÉTIENNE (Éliane), Sainte-Anne. 50 ans d'Ă©lections 1934-1984, 1999, Pointe-Ă -Pitre, Jasor, 1999, 441 p.
  • WIEVIORKA (Olivier), Les orphelins de la RĂ©publique, destinĂ©es des dĂ©putĂ©s et sĂ©nateurs français (1940-1945), Le Seuil, 2001, 459 p.

Conférences

  • CHATHUANT (Dominique), «Satineau, BĂ©renger et Candace, orphelins de la RĂ©publique (1940-1945)», lundi , 18:30-21:00, Archives dĂ©partementales de la Guadeloupe, Bisdary, Gourbeyre.

Vulgarisation

  • CHATHUANT (Dominique), « Maurice Satineau : de la dĂ©linquance au Palais-Bourbon (1)», Le Mag (France-Antilles-Guadeloupe), -, p. 70-71.
  • CHATHUANT (Dominique), « La guerre de Maurice Satineau (2)», Le Mag (France-Antilles-Guadeloupe), -, p. 70-71.
  • (F.) J. « Quel rĂ´le Satineau, Candace et BĂ©renger ont-ils jouĂ© pendant la Seconde Guerre mondiale ?», France-Antilles, Ă©dition de Guadeloupe, vendredi , p. 13.

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