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Matteo Buttafoco

Matteo (dit parfois Matthieu) Buttafoco, ou comte de Buttafoco, est un aristocrate et député corse, capitaine au Régiment Royal Corse puis Maréchal de camp, à l'origine du Projet de constitution pour la Corse dont il demanda la rédaction détaillée à Jean-Jacques Rousseau en 1764. Royaliste et soutenant le rattachement de la Corse à la France, il fut un adversaire politique du jeune Napoléon Bonaparte.

Matteo Buttafoco
Illustration.
Fonctions
Député à l'Assemblée nationale constituante
–
(2 ans, 3 mois et 3 jours)
Circonscription Corse
Groupe politique Noblesse
Prédécesseur États généraux de 1789
Successeur Assemblée nationale législative
Député aux États généraux
–
(1 mois et 22 jours)
Circonscription Corse
Groupe politique Noblesse
Prédécesseur États généraux de 1614
Successeur Assemblée nationale constituante
Biographie
Titre complet Comte de Buttafoco
Date de naissance
Lieu de naissance Vescovato
Date de dĂ©cès (Ă  74 ans)
Lieu de décès Bastia
Nationalité française
Père Antonio Buttafoco
Mère Maria Colonna-Ceccaldi
Conjoint Marie-Anne Gaffori
Enfants Louis Buttafoco
Famille Famille Buttafoco
Religion Catholicisme

Signature de Matteo Buttafoco

Matteo Buttafoco
Plaque commémorative.

Né le , à Vescovato, Matteo Buttafoco épouse Maria Anna Gaffori le à Corte. Buttafoco sera Colonel du régiment Royal corse (1765), propriétaire de ce régiment (1770), inspecteur du Provincial corse (1772), général de brigade (1781), Maréchal de camp, Député de la Noblesse de Corse dans le tiers-état lors des États Généraux en 1789. Il meurt à Bastia, le .

La carrière du militaire

D'après M. le baron de Coston, dans Biographie des premières années de Bonaparte[1], tome second, pages, 117-124, édité à Paris et Valence en 1840, le déroulement de la carrière militaire de Matteo Buttafuoco[2] aurait été la suivante :

  • En 1764, d'après l'État militaire de la France, M. de Buttafuoco Ă©tait dĂ©jĂ  aide-major du rĂ©giment d'infanterie de royal-italien no 48, en garnison Ă  Lille,
  • En 1765, M. de Buttafuoco Ă©tait encore aide-major de royal-italien, en garnison Ă  MĂ©zières.
  • En 1766, M. de Buttafuoco est encore aide-major du rĂ©giment royal-italien, en garnison Ă  Perpignan,
  • En 1767, il est colonel-commandant au rĂ©giment d’infanterie de royal-corse, no 88, en garnison Ă  Antibes.
  • En 1769, il est en garnison Ă  Fort-Barrault.
  • En 1770, il est en garnison Ă  Antibes.
  • En 1771, sous le titre de comte de Buttafuoco, il est colonel-commandant du rĂ©giment d’infanterie de son nom, crĂ©e sous le no 84, par ordonnance du roi en date du .
  • En 1772, il est colonel-commandant du mĂŞme rĂ©giment Ă  Tarascon
  • En 1773, il est inspecteur du rĂ©giment provincial de l’île de Corse, nouveau nom (ainsi que le no 54) qu’a pris le rĂ©giment de Buttafuoco (d’après l’ordonnance du ), en garnison dans l’île de Corse.
  • En 1774, 1775 et 1776, ce rĂ©giment est encore en Corse.
  • En 1776, il est dissous ensuite des dispositions de l’ordonnance du .
  • Le , M. le comte de Buttafuoco est nommĂ© marĂ©chal des camps et armĂ©es du roi.
  • Le , il Ă©tait encore portĂ© sur l’État militaire de l’armĂ©e ; mais on ne voit pas son nom sur l’Almanach national, qui a paru plus tard.

L'homme politique

D'après M. le baron de Coston, dans Biographie des premières années de Bonaparte[1], tome second, pages, 117-124, édité à Paris et Valence en 1840. Dans ce document, le baron de Coston relate quelques événements qui ont ponctué la carrière politique de Matteo Buttafuoco :

  • En 1789, il est Ă©lu dĂ©putĂ© de la noblesse corse aux États-gĂ©nĂ©raux.
  • Le , il se prononce hautement Ă  l’AssemblĂ©e nationale pour repousser les prĂ©tentions de la rĂ©publique de GĂŞnes sur l’île de Corse, dont les habitants pourraient, s’ils n’étaient rĂ©unis Ă  la France, se donner aux Russes, qui sont dans la MĂ©diterranĂ©e.
  • Le , Salicetti et Buttafuoco dĂ©clarent Ă  l’AssemblĂ©e nationale qu’il est de toute faussetĂ© que Paoli ait engagĂ© les Corses Ă  se soumettre aux Anglais
  • Le , lettre de Buttafuoco et de son collègue Peretti Ă  leurs commettants, qui fut imprimĂ©e Ă  Bastia et souleva l’indignation des insulaires.
  • Du au , assemblĂ©e Ă©lectorale d’Orezza, pendant laquelle la municipalitĂ© d’Ajaccio fit brĂ»ler en effigie le gĂ©nĂ©ral Buttafuoco, l’un des dĂ©putĂ©s aux États-gĂ©nĂ©raux qui avaient protestĂ© contre les innovations rĂ©volutionnaires.
  • Le , Buttafuoco dĂ©nonce Ă  l’AssemblĂ©e nationale Paoli, qu’il accuse de vexations en Corse.

Un projet de Constitution pour la Corse

Personnage clé de l’histoire du XVIIIe siècle corse, il entre à 9 ans, en 1740, dans l’armée de Louis XV à laquelle il doit sa formation. Profondément Paoliste dans sa jeunesse, il est dans les années soixante l’intermédiaire entre Choiseul et Paoli, considéré comme le chef de la « nation Corse », mais aussi entre ce dernier et Jean-Jacques Rousseau. Pourtant, en 1768, il choisit Versailles et prendra la figure du « traître » vis-à-vis des Corses anti-monarchiques. Clé de voûte de la « loi du vainqueur », il sera en 1789 le député de la noblesse insulaire aux États Généraux puis le fer de lance de la contre révolution. En contact étroit avec Jean-Jacques Rousseau, il fut un ardent défenseur des Français lors du rachat de la Corse à Gênes, et son attitude lui fut d'ailleurs reprochée à l'époque par un petit caporal alors inconnu : Napoléon Bonaparte. Mais ce fut Buttafoco, et non Paoli comme ce fut parfois dit à l'époque, qui écrit à Rousseau, alors en exil à Môtiers, pour lui proposer de donner une constitution aux Corses.

« Le 31 août 1764, il écrit à Jean-Jacques Rousseau une lettre ainsi conçue[3] : « Vous avez fait mention des Corses, dans votre Contrat social, d’une façon bien avantageuse pour eux. Un pareil éloge, lorsqu’il part d’une plume aussi sincère que la vôtre, est très propre à exciter l’émulation et le désir de mieux faire. Il a fait souhaiter à la nation que vous voulussiez être cet homme sage qui pourrait lui procurer les moyens de conserver cette liberté qui lui a coûté tant de sang.

... Qu’il serait cruel de ne pas profiter de l’heureuse circonstance où se trouve la Corse pour se donner le gouvernement le plus conforme à l’humanité et à la raison, le gouvernement le plus propre à fixer dans cette île la vrai liberté...

Une nation ne doit se flatter de devenir heureuse et florissante que par le moyen d’une bonne institution politique. Notre île, comme vous le dites très bien, est capable de recevoir une bonne législation ; mais il faut un législateur, et il faut que ce législateur ait vos principes, que son bonheur soit indépendant du nôtre, qu’il connaisse à fond le nature humaine, et que, dans les progrès des temps, se ménageant une gloire éloignée, il veuille travailler dans un siècle et jouir dans un autre. Daignez, monsieur, être cet homme-là, et coopérer au bonheur de toute une nation en traçant le plan du système politique qu’elle doit adopter !...

Je sais bien, monsieur, que le travail que j’ose vous prier d’entreprendre exige des détails qui vous fassent connaître à fond notre vraie situation ; mais si vous souhaitez vous en charger, je vous fournirai toutes les lumières qui pourront vous être nécessaires, et M. Paoli, général de la nation, sera très empressé à vous procurer, de Corse, tous les éclaircissements dont vous pourrez avoir besoin. Ce digne chef, et ceux d’entre mes compatriotes qui sont à portée de connaître vos ouvrages, partagent mon désir et tous les sentiments d’estime que l’Europe entière a pour vous, et qui vous sont dus à tant de titre, etc., etc., »

RĂ©ponse de J.-J. Rousseau Ă  M. Buttaffuoco[3]

« Motiers-Travers, le 22 septembre 1764. Il est superflu, monsieur, de chercher à exciter mon zèle pour l’entreprise que vous me proposez. La seule idée m’élève l’âme et me transporte. Je croirais le reste de mes jours bien noblement, bien vertueusement, bien heureusement employé ; je croirais même avoir bien racheté l’inutilité des autres, si je pouvais rendre ce triste reste bien en l’honneur quelque chose à vos braves compatriotes, si je pouvais concourir, par quelque conseil utile, aux vues de leur digne chef et aux vôtres. De ce côté-là, donc, soyez sûr de moi : ma vie et mon cœur sont à vous. Mais, monsieur, le zèle ne donne pas les moyens, et le désir n’est pas le pouvoir. Je ne veux pas faire ici sottement le modeste : je sens bien ce que j’ai, mais je sens encore mieux ce qui me manque. Premièrement, par rapport à la chose, il me manque une multitude de connaissances relatives à la nation et au pays ; connaissances indispensables, et qui, pour les acquérir, demanderont de votre part beaucoup d’instructions, d’éclaircissements, de mémoires, etc. ; de la mienne, beaucoup d’étude et de réflexions. Par rapport à moi, il me manque plus de jeunesse, un esprit plus tranquille, un cœur moins épuisé d’ennuis, une certaine vigueur de génie qui, même quand on l’a, n’est pas à l’épreuve des ennuis et des chagrins ; il me manque la santé, le temps ; il me manque accablé d’une maladie cruelle et incurable, l’espoir de voir la fin d’un long travail que la seule attente du succès peut donner le courage de suivre ; il me manque enfin l’expérience dans les affaires, qui seule éclaire plus, sur l’art de conduire les hommes, que toutes les méditations.

Si je me portais passablement, je me dirais : J’irai en Corse : six mois passés sur les lieux m’instruiront plus que cent volumes. Mais comment entreprendre un voyage aussi pénible, aussi long, dans l’état où je suis ? Le soutiendrais-je ? Me laisserait-on passer ! Mille obstacles m’arrêteraient en allant ; l’air de la mer achèverait de ma détruire avant le retour. Je vous avoue que je désire mourir parmi les miens. Vous pouvez être pressé. Un travail de cette importance ne peut être qu’une affaire de très longue haleine, même pour un homme qui se porterait bien. Avant de soumettre mon ouvrage à l’examen de la nation et de ses chefs, je veux commencer par en être content moi-même. Je ne veux rien donner par morceaux : l’ouvrage doit être un : l’on n’en saurait juger séparément. Ce n’est déjà pas peu de chose que de me mettre en état de commencer, pour achever, cela va loin.

Il se présente aussi des réflexions sur l’état précaire où se trouve encore votre île. Je sais que sous un chef tel qu’ils l’ont aujourd’hui, les Corses n’ont rien à craindre de Gênes ; je crois qu’ils n’ont à craindre non plus des troupes qu’on dit que la France y envoie ; et ce qui me confirme dans cette opinion, est de voir un aussi bon patriote que vous me paraissez l’être rester, malgré l’envoi de ces troupes, au service de la puissance qui les donne. Mais, monsieur, l’indépendance de votre pays n’est point assurée tant qu’aucune puissance ne la reconnaît ; et vous m’avouerez qu’il n’est pas encourageant pour un aussi grand travail de l’entreprendre sans savoir s’il peut avoir son usage, même en le supposant bon.

Ce n’est point pour me refuser à vos invitations, monsieur, que je vous fais ces objections, mais pour les soumettre à votre examen et à celui de M. Paoli. Je vous crois trop gens de bien l’un et l’autre pour vouloir que mon affection pour votre patrie me fasse consumer le peu de temps qui me reste à des soins qui ne seraient bons à rien. Examinez donc, messieurs ; jugez vous-mêmes, et soyez sûrs que l’entreprise dont vous m’avez trouvé digne ne manquera point par ma volonté. Recevez, je vous prie, mes très humbles salutations

J.-J. Rousseau

P.S. En relisant votre lettre, je vois monsieur, qu’à la première lecture j’ai pris le change sur votre objet. J’ai cru que vous me demandiez un corps complet de législation, et je vois que vous me demandez seulement une institution politique ; ce qui me fait juger que vous avez déjà un corps de lois civiles autres que le droit écrit, sur lequel il s’agit de calquer une forme de gouvernement qui s’y rapporte. La tâche est moins grande, sans être petite, et il n’est pas sûr qu’il en résulte un tout aussi parfait : on n’en peut juger que sur le recueil complet de vos lois. »

Deux malentendus grèvent cependant la relation entre ces deux hommes : Rousseau n'a pas compris tout de suite les préférences aristocratiques de Buttafoco et ne les a évidemment pas honorées dans son projet à forte tendance démocratique. Aussi ce plan ne plut point au Corse. D'autre part, Buttafoco qui poursuivait des activités diplomatiques avec la France et était en liaison avec Choiseul, cacha à Rousseau les intentions françaises d'annexer l'île.

« Quatre lettres à M. Buttafoco sur la législation de la Corse » paraîtront dans les éditions des Œuvres de Rousseau après sa mort. Fut publié également le chapitre Matteo Buttafoco vu par Mirabeau dans « Aventures en Corse ».

La « Lettre de M. Buonaparte Ă  M. Matteo Buttafoco »

Ajaccio
Maison des Bonaparte aux Milelli où Napoléon Bonaparte aurait rédigé en , avant son retour à Auxonne, sa lettre au député corse Matteo Buttafoco. Maison classée monument historique

Dès les premiers mouvements révolutionnaires de 1789, le comte de Buttafoco et l’abbé Peretti, députés corses pour la noblesse et le clergé aux États-Généraux, écrivaient à leurs partisans pour leur recommander le calme et la modération, affirmant que l’ordre allait revenir. Le lieutenant Bonaparte, à peine arrivé à Ajaccio, prit l’initiative de la formation d’un Comité Patriote et se montra ravi de « l’heureuse révolution qui avait rendu l’homme à ses droits », dénonçant les fonctionnaires français qui avaient maintenu pendant « vingt ans les Corses dans l’esclavage ».

La formation des milices nationales, à laquelle s’étaient montrés hostiles Buttafoco et l’abbé Peretti, occasionna un grand tumulte le , à Ajaccio, et des troubles sanglants, le , à Bastia. Une délégation du Comité Patriotique de Bastia se rendit à Paris, puisqu'aucun décret de l’Assemblée nationale n’avait été publié jusqu’à ce jour en Corse. Dans sa séance du , l’Assemblée déclara que la Corse faisait partie de l’Empire français, et vota ensuite un décret d’amnistie en faveur des « Corses qui, après avoir combattu pour la Liberté, s’étaient expatriés par l’effet et la suite de la conquête de leur île ».

Lettre de Napoléon Bonaparte à Matteo Buttafoco. Imprimée à Dole (Jura) lors de son séjour à l’École royale d’artillerie à Auxonne

Le grand proscrit corse, Pascal Paoli, arriva à Paris le , où il fut reçu par Mirabeau et Lafayette comme un « héros et un martyr de la Liberté ». Il fut présenté au Ministre de la guerre, au Roi, à la Cour, et il fut l’objet d’une réception enthousiaste à la société les Amis de la Constitution, présidée par Robespierre.

Des conflits violents se produisaient en Corse entre royalistes et révolutionnaires. Divers « fauteurs de l’aristocratie », qui « parlaient et agissaient contre la Constitution », furent mis en état d’arrestation par la municipalité d’Ajaccio via un coup de force exécuté par le lieutenant Bonaparte.

Pascal Paoli débarqua à Bastia le et le lieutenant Bonaparte alla lui présenter ses hommages. Dans la nouvelle organisation administrative, son frère Joseph était élu, le , président du directoire du district d’Ajaccio.

Le congé du lieutenant Bonaparte venait à expiration à la fin de novembre. Mais le , Buttafoco prononça une violente diatribe contre Paoli et ses amis politiques, « des hommes audacieux qui se couvraient du masque du bien public » pour répandre les« impostures »,« emprisonner les citoyens »,« mettre leur volonté à la place des décrets de l’Assemblée ».

Buttafoco traita Paoli de « charlatan politique[4] », dans un manifeste diffusé dans l'île

Buttafoco fut considéré un temps comme un traître par les Corses car il composa avec les Français. Sa maison fut saccagée, brûlée, et sa vie mise à prix. En 1768, il dut se mettre à l'abri de l'armée française.

Ajaccio
Casa Pô, rue Fesch où Napoléon Bonaparte a lu le , avant son retour à Auxonne, sa lettre au député corse Matteo Buttafoco. Plaque commémorative

C'est alors qu'a lieu la publication discrète mais finalement remarquée d'une très violente et désormais célèbre lettre ouverte de Napoléon à Matteo Buttafoco[5] datée du , où ce dernier est considéré comme un traître et accusé « d'avidité de valet ». Dans la lettre de Paoli à Napoléon du , on sent qu'il se méfie du zèle intempestif de son fougueux apologiste et lui conseille la mesure et la modération : « Ne vous donnez pas la peine, lui écrivait-il, de démentir les impostures de Buttafoco ; cet homme ne peut avoir de crédit auprès d’un peuple qui a toujours estimé l’honneur et qui maintenant a recouvré sa liberté ». Il écrivit à Joseph que la brochure de son frère « aurait fait plus grande impression si elle avait dit moins et elle avait montré moins de partialité ». Paoli n'écrivait qu'en italien (il fit ses études à Naples) et en français, jamais en corse.

Buttafoco, que Jean-Jacques Rousseau tenait pour un très galant homme, instruit et doué d’esprit, avait toujours été d’avis que l’île ne pouvait être une république, que ses ports seraient constamment aux mains des étrangers, que les Corses, entourés et resserrés de toutes parts, n’avaient dans l’intérieur qu’une liberté de nom, qu’il valait mieux, comme il disait à Paoli, « renoncer à l’idée flatteuse, mais inconsistante d’une malheureuse indépendance ». Aussi, s’était-il en 1768, battu contre ses compatriotes, et, d’ailleurs il servait depuis l’âge de neuf ans sous les drapeaux du roi.

Le Club Patriotique d’Ajaccio, par la voix de Masséria, son président, donna mission au lieutenant Bonaparte, dans sa séance du , de stigmatiser dans un écrit « les infâmes calomnies » de Buttafoco.

Le , le jeune Bonaparte publie à compte d'auteur une brochure explosive, pour la Société des Amis Incorruptibles de la Liberté et de l’Égalité, affiliée aux Jacobins et imprimée à cent exemplaires seulement, mais qui circulera dans toute la Corse et restera dans l'histoire. Il y fustige le député corse favorable à la cause française. Rédigée le dernier jour de la présence de Bonaparte en Corse avant son embarquement pour le retour à son régiment d'Auxonne, il s'agit d'un écrit politique et perçu aujourd'hui comme partisan, considéré comme présentant de nombreuses exagérations, un pamphlet insolent et ironique sur Matteo Buttafoco, désormais chef de file royaliste et adversaire de Paoli.

On connait jusque dans l'anecdote les circonstances de la publication de la lettre : à son retour à Auxonne, Bonaparte se rendit à plusieurs reprises chez Jean-François Xavier Joly, imprimeur de la ville de Dole à qui il confia le travail. L’imprimeur racontera dans une lettre adressée à Claude-Nicolas Amanton, maire de la ville d'Auxonne, que Bonaparte se présenta chez lui, vêtu d’une carmagnole et d’un pantalon de toile blanche rayée de bleu, chapeau rond, à huit heures du matin. Il avait parcouru à pieds les quatre lieues du trajet aller qui séparent les deux villes pour lui proposer d’imprimer la lettre. Il restait au lieutenant en second autant de chemin à parcourir pour retrouver son régiment. Deux jours après, il était à nouveau chez l’imprimeur pour vérifier la 1re feuille d’impression et, devant être de retour à Auxonne à onze heures précises, sans s’asseoir, il ne prit le temps de prendre qu’un doigt de vin. Le reste des épreuves fut examiné lors d’un voyage suivant qu’il fit. La lettre fut publiée et nuit à la réputation de Buttafoco dans l'île. Ironiquement, ce sera pourtant lui, quelques années plus tard, qui représentera les Corses aux États généraux, après le 14 juillet 1789.

Notes et références

  1. Voir Google Books
  2. Graphie du nom utilisée par de Coston
  3. D'après M. le baron de Coston, dans Biographie des premières années de Bonaparte Voir Google Books, tome second, pages, 117-124, édité à Paris et Valence en 1840.
  4. Napoléon Inconnu, t. II, p. 124. Frédéric Masson et Guido Biagi, Napoléon, Manuscrits inédits, (Période 1786-1791). Publiés d’après les originaux autographes par Frédéric Masson et Guido Biagi édités en 1907, Paris. La première édition des manuscrits a été publiée sous le titre Napoléon Inconnu, Papiers inédits. Manuscrits conservés à la Biblioteca Medicea Laurenziana à Florence.
  5. L'intitulé exacte de la lettre est : « Lettre de M. Buonaparte à M. Matteo Buttafoco, député de la Corse à l'Assemblée Nationale »

Annexes

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