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Massacres de décembre 1982

Massacres de décembre (en néerlandais : Decembermoorden) est l'appellation communément donnée à l'exécution de quinze opposants au régime militaire au Suriname le . Cet événement a marqué profondément le Suriname et les Surinamiens vivant aux Pays-Bas. En protestation, le gouvernement des Pays-Bas gela l'aide au développement du Suriname.

Monument situé à Fort Zeelandia, inauguré le par le président Ronald Venetiaan.

Faits

Quinze personnes furent exĂ©cutĂ©es Ă  l'arme Ă  feu par des militaires dans l'enceinte de Fort Zeelandia Ă  Paramaribo, capitale du Suriname. Les militaires Ă©taient sous les ordres du dirigeant militaire de l'Ă©poque Desi Bouterse. Parmi les victimes, il y avait des avocats, des journalistes et des militaires. Certains venaient d'ĂȘtre arrĂȘtĂ©s, d'autres Ă©taient emprisonnĂ©s depuis plusieurs mois.

Les circonstances dans lesquelles ces quinze personnes sont dĂ©cĂ©dĂ©es, n'ont Ă  ce jour pas Ă©tĂ© Ă©lucidĂ©es. La direction de l'armĂ©e dĂ©clara que les quinze personnes, dont une partie avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e dans la nuit prĂ©cĂ©dente, Ă©taient abattues lorsqu'elles Ă©taient en fuite. D'autres versions parlent de torture, de meurtre, d'exĂ©cutions sommaires ainsi que de la prĂ©sence de DĂ©si Bouterse lui-mĂȘme, quoique celui-ci dĂ©ment avoir Ă©tĂ© personnellement prĂ©sent lors de ces Ă©vĂ©nements. Cependant, il a admis sa responsabilitĂ© formelle.

Victimes

  • John Baboeram (38), avocat
  • Bram Behr (31), journaliste
  • Cyrill Daal (48), leader syndical
  • Kenneth Gonçalves (42), avocat
  • Eddy Hoost (48), avocat
  • AndrĂ© Kamperveen (58), entrepreneur
  • Gerard Leckie (39), psychologue
  • Sugrim Oemrawsingh (42), mathĂ©maticien et scientifique
  • Lesley Rahman (28), journaliste
  • Soerendre Rambocus (29), militaire
  • Harold Riedewald (49), avocat
  • Jiwansingh Sheombar (25), militaire
  • Jozef Slagveer (42), journaliste
  • Robby Sohansingh (37), entrepreneur
  • Frank Wijngaarde (43), journaliste (de nationalitĂ© nĂ©erlandaise)

Une seiziĂšme personne arrĂȘtĂ©e, le leader syndicaliste Freddy Derby, fut libĂ©rĂ© de maniĂšre inattendue. Le , il fit un rapport de l'expĂ©rience qu'il avait vĂ©cue.

Suites et réactions

Organisation des Nations unies

En 1983 les proches de huit victimes ont introduit une requĂȘte auprĂšs du ComitĂ© des droits de l'Homme des Nations unies afin d'obtenir un avis sur le fait que les exĂ©cutions Ă©taient en contradiction avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Les proches estimaient qu'ils ne disposaient plus de moyens juridiques au Suriname.

MalgrĂ© les pressions du gouvernement surinamais tendant Ă  faire dĂ©clarer la requĂȘte irrecevable, le ComitĂ© jugea que les quinze victimes avaient Ă©tĂ© privĂ©es de leur vie d'une maniĂšre arbitraire en contradiction avec l'article 6 du PIDCP et enjoignit au Suriname d'enquĂȘter sur les meurtres et de poursuivre les responsables[1].

En 1984, Amos Wako, rapporteur spĂ©cial du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies rendit visite au Suriname et aux Pays-Bas afin d'enquĂȘter sur les Massacres de dĂ©cembre. Le rapporteur conclut qu'au cours de la nuit du 8 au , des exĂ©cutions sommaires et arbitraires ont eu lieu qui avaient eu un effet traumatisant sur la population surinamaise[2].

Division au Suriname

Le fait de ne pas enquĂȘter sur les Massacres de dĂ©cembre a provoquĂ© une division au sein de la population du Suriname. Nombreux furent ceux qui estimaient qu'une enquĂȘte indĂ©pendante et la poursuite des responsables Ă©taient indispensables pour amĂ©liorer la situation au Suriname. D'autres voyaient cela comme un chapitre clos et estimaient que le Suriname devait regarder vers l'avenir[2].

Le , une proposition de loi d'amnistie fut déposée par six parlementaires de la majorité[3] - [4].

Les proches des victimes adressÚrent une lettre au parlement, dans laquelle entre autres fut argumenté qu'une loi d'amnistie était en contradiction avec la constitution du Suriname qui interdit formellement une ingérence dans une affaire judiciaire en cours et est en contradiction avec le Pacte de San José auquel a adhéré le Suriname en date du [5].

EnquĂȘtes et procĂšs

Suspects

La liste des suspects fut ramenée au début du procÚs fin aux 25 personnes suivantes [6]:

  • Errol Alibux
  • Dick de Bie
  • Etienne Boerenveen
  • Desi Bouterse
  • Winston Caldeira
  • Wim CarbiĂšre
  • Steven Dendoe
  • Iwan Dijksteel
  • Roy Esajas
  • Ernst Gefferie
  • Arthy GorrĂ©
  • John Hardjoprajitno
  • Orlando Heidanus
  • Kenneth Kempes
  • Iwan Krolis
  • Lucien Lewis
  • Harvey Naarendorp
  • John Nelom
  • Edgar Ritfeld
  • Ruben Rozendaal
  • Badrissein Sital
  • Jimmy Stolk
  • Imro Themen
  • Marcel Zeeuw

Suivant ses propres déclarations Sammy Monsels aurait aimé comparaßtre, dans l'espoir de pouvoir ainsi prouver son innocence. Du fait que dans son cas la prescription en 2000 n'avait pas été interrompue il fut retiré en quelques jours en 2005 de la liste des suspects. Il reçut une citation en justice en tant que témoin[7].

Loi d'amnistie

L'AssemblĂ©e nationale a adoptĂ© le mercredi avec 28 voix contre 12 une proposition controversĂ©e de modification de la loi d'amnistie. La pĂ©riode sur laquelle la loi porte commence dorĂ©navant le (c'Ă©tait prĂ©cĂ©demment le ). De par l'entrĂ©e en vigueur de la loi modificative, les suspects des massacres de ne peuvent pas ĂȘtre poursuivis.

Chronologie judiciaire

Il a fallu de nombreuses annĂ©es avant que les autoritĂ©s du Suriname entreprennent les premiĂšres Ă©tapes juridiques afin d'Ă©claircir l'affaire. AprĂšs les assassinats les corps furent enterrĂ©s sans autopsie et sans le dĂ©but d'une enquĂȘte judiciaire.

Une prĂ©-enquĂȘte juridique a Ă©tĂ© entamĂ©e le , soit un mois avant l'Ă©chĂ©ance du dĂ©lai de prescription, sous la direction du juge-commissaire Albert Ramnewash. En dĂ©cembre 2002 Ramnewash demanda une autopsie des restes des victimes. Le Suriname ne disposant pas de l'expertise nĂ©cessaire en la matiĂšre, l'Institut mĂ©dico-lĂ©gal nĂ©erlandais (het Nederlands Forensisch Instituut - NFI) fut chargĂ© de cette expertise. En aoĂ»t 2004 le NFI transmit les rĂ©sultats de l'expertise mĂ©dico-lĂ©gale aux enquĂȘteurs du Suriname.

Initialement on s'attendait Ă  ce que DĂ©si Bouterse comparaisse dĂ©jĂ  en 2004. Cependant ce n'est qu'au dĂ©but du mois de que la prĂ©-enquĂȘte fut bouclĂ©e. Le juge-commissaire Ramnewash communiqua les rĂ©sultats au MinistĂšre public, qui Ă©tait obligĂ© de faire savoir aux 34 suspects dans cette affaire s'ils Ă©taient poursuivis dans cette affaire. Le , les suspects reçurent une notification de poursuite.

Ce n'est qu'en 2007 que Bouterse prĂ©senta ses excuses pour ce massacre. En mĂȘme temps il plaida pour une amnistie pour les auteurs et leurs complices. Bouterse estimait n'ĂȘtre que politiquement responsable pour ces meurtres, il n'aurait pas Ă©tĂ© prĂ©sent.

En , d'une déclaration de deux témoins oculaires, parmi lesquels un garde du corps de Roy Horb, il fut admis que Bouterse était présent à Fort Zeelandia durant ces massacres, et qu'il ait reçu les victimes dans son bureau peu avant leur mort. Les meurtres auraient été préparés déjà un mois avant. Initialement le régime Bouterse avait prévu d'exécuter les opposants en mer. Ce plan fut ensuite écarté.

Le procĂšs commença le sur la base navale de Box Ă  Domburg. Parmi les suspects, Marcel Zeeuw, Etienne Boerenveen et Arthy GorrĂ© furent entre autres prĂ©sents. Le suspect principal DĂ©si Bouterse ne se prĂ©senta pas. Son avocat, Irwin Kanhai argumenta que son client ne devait pas paraĂźtre devant une Cour martiale, mais devait ĂȘtre jugĂ© devant un tribunal. Le procĂšs fut suspendu en avril 2008. Jusqu'alors il y avait eu cinq sĂ©ances au cours desquelles les avocats des suspects avaient fait des tentatives de faire dĂ©clarer la Cour martiale non compĂ©tente dans l'affaire.

Le procÚs reprit le . Aux cÎtés des militaires Etienne Boerenveen et Arthy Gorré, comparaissaient Dick de Bie et Iwan Krolis convoqués comme suspects. Quelques dizaines de personnes furent appelées à témoigner. Eleonora Graanoogst, ancienne secrétaire de Dési Bouterse aurait déposé un témoignage accablant contre Bouterse.

Une nouvelle suspension eut cependant lieu aprĂšs que l'avocat de DĂ©si BoutersĂ© ait dĂ©posĂ© une requĂȘte en rĂ©cusation Ă  l'encontre de la prĂ©sidente de la Cour martiale, Cynthia Valstein-Montnor. Deux autres requĂȘtes en rĂ©cusation furent dĂ©posĂ©es mais dĂ©clarĂ©es non recevables[8].

Le , Ruben Rozendaal, ancien confident de Bouterse, dĂ©clara sous serment qu'Ă  l'Ă©poque, DĂ©si Bouterse a personnellement tirĂ© mortellement sur Cyrill Daal et Surendre Rambocus[9]. Bouterse prĂ©tend qu'il n'Ă©tait pas prĂ©sent et que la dĂ©cision a Ă©tĂ© prise par le commandant de bataillon Paul Bhagwandas (en), mort en 1996. Toutefois, il en reconnaĂźt la responsabilitĂ© politique. En 2017, Bouterse est impliquĂ© dans un procĂšs oĂč l'accusation lui demande de rĂ©pondre du massacre de dĂ©cembre 1982. Bien qu'il ait essayĂ© d'empĂȘcher sa tenue en invoquant la sĂ©curitĂ© nationale, il risque 20 ans de prison s'il est reconnu coupable[10].

Le 29 novembre 2019, alors qu'il Ă©tait en voyage officiel en Chine, le prĂ©sident Desi Bouterse a Ă©tĂ© condamnĂ© par un tribunal militaire surinamais Ă  20 ans de prison pour le massacre du fort Zeelandia. Six autres anciens officiers de l’armĂ©e du Suriname sont Ă©galement condamnĂ©s avec lui, dont un ancien consul du Suriname en Guyane[11] - [12].

Commémorations

Plaque commémorative à l'église Moïse et AÀron à Amsterdam.

Des commémorations des Massacres de décembre sont organisées chaque année en différents lieux, notamment prÚs du consulat du Suriname à Amsterdam. Une plaque commémorative reprenant le nom des quinze victimes a été placée sur le mur sud de l'église de Moïse et AÀron à Amsterdam.

Au Suriname, un mémorial a été inauguré le par le président Ronald Venetiaan sur les lieux du massacre à Fort Zeelandia.

Roman

Dans les jours suivant les Massacres de dĂ©cembre, Edgar Cairo Ă©crivit le roman De smaak van Sranan Libre (Le goĂ»t de Sranan Libre). Un extrait du roman parut dans le journal Het Parool. L'histoire fut diffusĂ©e sous la forme d'une piĂšce radiophonique par Wereldomroep (Ă©metteur de radiodiffusion mondiale). Le livre lui-mĂȘme ne fut Ă©ditĂ© que fin 2007 par les Ă©ditions In de Knipscheer.

Littérature

  • Jan Sariman : De Decembermoorden in Suriname: verslag van een ooggetuige. (Les Massacres de dĂ©cembre au Suriname : rapport d'un tĂ©moin oculaire Avec une postface de Chin A Sen, Editions Het Wereldvenster, Bussum 1983. (ISBN 90-293-9435-8)
  • Willem Oltmans : Willem Oltmans in gesprek met Desi Bouterse (Willem Oltmans en entrevue avec DĂ©si Bouterse, Editions Jan Mets, Amsterdam 1984. (ISBN 9070509156)
  • Harmen Boerboom et Joost Oranje : De 8-december-moorden. Slagschaduw over Suriname (Les meurtres du . Ombre sur le Suriname, Editions BZZTĂŽH, 's-Gravenhage 1992. (ISBN 90-6291-762-3)

Liens externes

Sources

Notes et références

  1. Annexe à Communications Nos. 146/1983 and 148 - 154/1983 du Comité des droits de l'homme des Nations unies, 4 avril 1985
  2. Rapport du rapporteur spécial S. Amos Wako, Annex V, pag. 16 (document n° CN.4/1985/17)
  3. Voorstel : amnestie verdachten Decembermoorden (Proposition : amnistie pour les suspects des Massacres de décembre), Trouw, 20 mars 2012
  4. Bouterse maakt kans op amnestie voor betrokkenheid bij Decembermoorden (Bouterse se crĂ©e une opportunitĂ© d’amnistie pour son implication dans les Massacres de dĂ©cembre), Trouw, 21 mars 2012
  5. Lettre des proches de victimes adressée au parlement concernant l'amnistie, site web de Jessica Dikmoet
  6. Informations NRC Nieuwsthema Qui sont les suspects ?
  7. Sammy Monsels, Article de Jessica Dikmoet, journaliste néerlandaise
  8. Plus de séance de la Cour martiale en 2008 « Copie archivée » (version du 11 décembre 2008 sur Internet Archive), Wereldomroep émetteur de Radiodiffusion mondiale en néerlandais, 6 décembre 2008
  9. (nl) « Bouterse heeft Daal en Rambocus doodgeschoten » (« Bouterse a abattu Daal et Rambocus »), site Starnieuws
  10. « Suriname : 20 ans de prison requis contre le président Bouterse », sur Courrier international, le 29 juin 2017.
  11. FrĂ©dĂ©cric Farine, « Desi Bouterse condamnĂ© Ă  20 ans de prison par un tribunal militaire du Suriname dans l’affaire de l’exĂ©cution d’opposants en dĂ©cembre 1982 », Guyaweb,‎ (lire en ligne)
  12. (en) Ank Kuipers, « Suriname President Bouterse convicted of murder for 1982 executions », Reuters,‎ (lire en ligne)
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