Massacre de Louxor du 17 novembre 1997
Le massacre de Louxor (arabe : مذبحة الأقصر, Mudhabbahat al-Uqṣur) du est un attentat terroriste islamiste qui eut lieu au célèbre site archéologique de Deir el-Bahari, près de Louxor en Égypte.
Massacre de Louxor | ||
Le temple funéraire d'Hatchepsout, site de l'attaque. | ||
Localisation | Deir el-Bahari, près de Louxor en Égypte | |
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Cible | Touristes occidentaux | |
Coordonnées | 25° 44′ 18″ nord, 32° 36′ 23″ est | |
Date | 8 h 45 – 9 h 30 (UTC+2) |
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Type | Fusillade de masse | |
Armes | Armes à feu automatiques, couteaux et machettes | |
Morts | 62 | |
Blessés | ⩾ 26 | |
Participants | 6 | |
Organisations | Gamaa al-Islamiya | |
Mouvance | Salafisme djihadiste, qutbisme | |
Partie de terrorisme en Égypte (en) | ||
Géolocalisation sur la carte : Égypte
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Selon une grande partie des témoignages[1] - [2], six assaillants déguisés en forces de sécurité tuent 62 personnes, des touristes principalement (dont 36 Suisses, 9 ou 10 Japonais, 6 Britanniques, 4 Allemands, 1 Français, et 1 Colombien) et 4 Égyptiens piégés dans le temple. En quittant les lieux, le groupe terroriste tombe sur un point de contrôle (en) armé qui blesse un des assaillants et fait fuir les autres dans la montagne. Les corps de ces derniers sont retrouvés dans une grotte, les circonstances de leur mort faisant l'objet d'informations contradictoires (suicide collectif ou exécution sommaire)[1] - [3].
L'attaque, qui est attribuée à l'organisation terroriste sectaire égyptienne Gamaa al-Islamiya, visait à endommager l'économie touristique du pays afin de provoquer une répression gouvernementale qui aurait accru le soutien populaire aux opposants du régime en place. Si l'industrie touristique égyptienne fut durement affectée, l'attentat eut pour effet de soulever l'opinion publique contre les terroristes. Elle contribua à diviser les militants qui annoncèrent ultérieurement un cessez-le-feu[2] - [4].
Déroulement
Vers 8 h 45 le matin de l'attaque, six assaillants équipés d'armes automatiques et d'armes blanches et déguisés en forces de sécurité pénètrent sur le site du temple d'Hatchepsout et tuent deux agents de sécurité. Il s'ensuit pendant 45 minutes la tuerie systématique des touristes pris au piège dans le temple. En parallèle, de nombreux corps, en particulier de femmes, sont mutilés à l'aide de couteaux et de machettes. Plus tard, une note appelant à la fin du tourisme en Égypte et signée de l'« Escadron de destruction d'Omar Abdul Rahman - la Gama'a al-Islamiyya » sera retrouvé dans la dépouille éviscérée d'un vieillard japonais[1] - [5].
À la suite de l'attaque, les assaillants détournent un bus mais se trouvent rapidement bloqués à un point de contrôle (en) garni de policiers nationaux et de militaires égyptiens. Il s'ensuit des échanges de tirs qui blessent par balle un des assaillants. Forcé d'abandonner leur véhicule, le reste du commando prend la fuite à pied après avoir achevé leur complice blessé. Leurs corps sans vie seront retrouvés par la suite dans une grotte. Il semble qu'ils se soient suicidés collectivement[2]. Des témoins parlent d'un dernier échange de coups de feu entre les forces de l'ordre et les terroristes, après leur fuite dans la montagne, en direction de la vallée des Reines[3] - [6].
Victimes
Morts
Au total, l'attaque fait 62 victimes dont 58 touristes étrangers et 4 Égyptiens (trois policiers et un guide touristique). On compte notamment 36 touristes originaires de Suisse, une touriste française, une enfant britannique de 5 ans (Shaunnah Turner) ainsi que 4 couples japonais en lune de miel[1] - [3].
Enquête
Identification des auteurs
L'enquête, s'appuyant sur divers témoignages, met en évidence l'aspect méthodique avec lequel l'attaque a été menée. La plupart des victimes ont reçu une balle dans la tête et dans la poitrine, suggérant une attaque qui s'est déroulée avec discipline et précision, ont déclaré les enquêteurs égyptiens. Ce constat, en plus de la note laissée sur place faisant office de revendication, orientent les enquêteurs vers la piste d'une opération minutieusement préparée par un ou plusieurs hommes expérimentés ayant déjà agi par le passé[4] - [5].
Malgré des témoignages discordants, le nombre des assaillants a très vite été fixé à six. La police fédérale suisse n'a pas eu accès à l'ensemble des documents qui n'ont pas été partagés par les autorités égyptiennes. Un seul des terroristes était connu des services de sécurité égyptiens pour son appartenance à Gamaa al-Islamiya, Medhat Mohamed Abdel Rahman. Il semblerait que les cinq autres hommes aient été étudiants à l'université et habitaient la région, selon les informations transmises par la police égyptienne aux enquêteurs suisses. Selon les conclusions de la police fédérale suisse, c'est Medhat qui a recruté et mené le commando qui attaqua le site[1] - [5].
Commanditaire présumé
Les auteurs ayant trouvé la mort peu après l'attaque, l'enquête de la justice suisse a été suspendue trois ans après les faits et aucun responsable ou commanditaire n'a été confronté à une accusation. Un rapport est publié par la police fédérale suisse en . Cette synthèse fait pourtant mention d'un homme s'étant rendu au Soudan au même moment que Medhat, Mustapha Hamza. La note retrouvée sur les lieux de l'attentat, composée d'un texte faisant office de revendication, cite également Mustapha comme étant le commanditaire.
En , soit vingt ans après les faits, une enquête de Radio Télévision Suisse basée sur des documents déclassifiés révèle que l'enquête a été bâclée par les autorités suisses et que Hamza, bien qu'incarcéré en Égypte pour d'autres affaires, n'a jamais été inquiété pour ces faits. Selon son avocat, aucune charge n'a été retenue contre lui pour la tuerie de Louxor et sa libération pourrait intervenir prochainement[11] - [12] - [13].
Réactions
Le massacre affecte négativement les relations politiques entre l'Égypte et la Suisse (en) en raison du refus de la première d'accéder aux demandes d'indemnisation de la seconde[14].
À la suite de l'attaque, le président de l'époque Hosni Moubarak a limogé le ministre de l'Intérieur, Hassan Al Alfi (en), pour le remplacer par le général Habib el-Adli. Le transfert forcé du général Medhat al-Shenwanti, chef de la sécurité à Louxor, et de 20 autres responsables de la sécurité, est intervenu peu après[15].
Le , le président Moubarak accuse le Royaume-Uni d'héberger sur son territoire des terroristes islamistes, qui y prépareraient leurs attentats. Précisant ses déclarations, il met également en cause l'origine du financement de ces opérations[16] - [17].
Après l'attentat, le grand imam de la mosquée al-Azhar, Mohammed Tantaoui, condamna fermement le massacre perpétré par des « esprits étroits » et « le fanatisme [qui] est le résultat d'une méconnaissance de l'Islam ».
Les gouvernements de la Suisse, du Japon, du Royaume-Uni et de l'Allemagne, dont les citoyens ont porté le plus lourd tribut dans l'attaque, ont exprimé leur sympathie pour le défi auquel l'Égypte est confrontée face aux militants islamiques[15].
Scandales
Le , Adel Mohammed al-Khayat (ar), dirigeant de Gamaa al-Islamiya, est nommé gouverneur de Louxor. Cette nomination suscita une vague d'indignation populaire qui le contraignit à démissionner le [18] - [19] - [20].
Le massacre de Louxor donna lieu à une manipulation photographique de la part du tabloïd suisse alémanique Blick montrant des flots de sang s'écoulant le long des escaliers d'accès au temple d'Hatchepsout. La révélation du trucage contraignit le journal à des excuses publiques.
Références
- (anglais) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Luxor massacre » (voir la liste des auteurs).
- Office Fédérale de la Police, « Synthèse de l'attentat du 17 novembre 1997 » [PDF], sur ejpd.ch,
- (en) Lawrence Wright, The Looming Tower : Al-Qaeda and the Road to 9/11, New York, Alfred A. Knopf, , 469 p. (ISBN 0-375-41486-X), p. 256-258
- (en) Douglas Jehl, « At Ancient Site Along the Nile, Modern Horror », The New York Times, (lire en ligne)
- Christophe Ayad, « L'attentat du 17 novembre a ruiné la saison touristique et porté un coup dur au régime », Libération, (lire en ligne)
- (en) Alan Cowell, Douglas Jehl, « Luxor Survivors Say Killers Fired Methodically », The New York Times, (lire en ligne)
- « Massacre sans précédent de touristes étrangers par des islamistes en Haute-Egypte », Les Échos, (lire en ligne)
- (en) « Switzerland closes inquiry into Luxor massacre », Swissinfo, (consulté le )
- (en) James Wiseman, « Insight: The Death of Innocents: The Luxor Massacre », Archaeology (en), vol. 51, no 2, (lire en ligne)
- (en) « Families grieve over massacre in Egypt », The Japan Times, (consulté le )
- (en) « Terror in Egypy » [archive du ], Anti-Defamation League,
- François Ruchti, Dimitri Zufferey, « Vingt ans après l'attentat de Louxor, le commanditaire présumé a été retrouvé », RTS, (lire en ligne)
- François Ruchti, Dimitri Zufferey, « Vingt ans après l'attentat de Louxor, retour sur une enquête bâclée », RTS, (lire en ligne)
- Sylvain Besson, « Vingt ans du massacre de Louxor : l'enquête bâclée ravive l'amertume », Le Temps, (lire en ligne)
- (ar) « سويسرا تغلق التحقيقات في مذبحة الأقصر » [« La Suisse clôt les enquêtes sur le massacre de Louxor »] [archive du ], BBC Arabic News, (consulté le )
- (en) Douglas Jehl, « Shake-Up in Cairo Follows Tourists' Killings », The New York Times, (lire en ligne)
- Crhistophe Ayad, « Après l'attentat, Moubarak accuse Londres d'héberger des terroristes », Libération, (lire en ligne)
- Michel Faure, « Londres, asile des fous d'Allah », L'Express, (lire en ligne)
- Marwan Chahine, « Un ex-terroriste règne sur les sites de Louxor », Libération, (lire en ligne)
- Benjamin Barthe, « Un ex-terroriste devient gouverneur de Louxor », Le Monde, (lire en ligne)
- « Egypte : le nouveau gouverneur controversé de Louxor démissionne », Le Monde, (lire en ligne)