AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Lutte biologique contre l'ajonc en Nouvelle-ZĂ©lande

Il existe des programmes de lutte biologique contre l'ajonc en Nouvelle-Zélande depuis l'introduction du charançon des graines de l'ajonc (Exapion ulicis (en)) en 1928. La lutte biologique consiste à utiliser des mécanismes naturels tels que la prédation pour limiter la croissance et la prévalence d'un ravageur ou d'une espÚce envahissante. Les recherches sur le contrÎle biologique de l'ajonc commun (Ulex europaeus) en Nouvelle-Zélande ont fait partie des premiers de ces programmes dans le monde[1].

Un voile de l'acarien Tetranychus lintearius sur des ajoncs Ă  Wellington.

Contexte

L'ajonc a Ă©tĂ© introduit en Nouvelle-ZĂ©lande par des missionnaires au dĂ©but de la colonisation europĂ©enne[2] et y est rapidement devenu une plante de haie populaire, largement utilisĂ©e comme matĂ©riau de clĂŽture jusqu'aux annĂ©es 1950, date Ă  laquelle il a Ă©tĂ© largement remplacĂ© par des fils et des poteaux. C'est encore un matĂ©riau de clĂŽture courant dans les plaines de Canterbury, oĂč il Ă©tait le plus populaire[3]. Il s'est Ă©tabli trĂšs rapidement et le manque de prĂ©dateurs naturels ou d'autres obstacles lui a permis de se propager rapidement[2], fleurissant plus longtemps et atteignant une taille plus grande qu'en Europe[4].

L'ajonc est une plante extrĂȘmement rustique qui forme des fourrĂ©s denses sur les anciennes forĂȘts indigĂšnes ou des terres agricoles productives ; toute tentative de destruction par brĂ»lage ou pulvĂ©risation d'herbicides entraĂźne souvent une repousse rapide et gĂ©nĂ©ralisĂ©e. Les graines sont produites en grand nombre et peuvent rester dormantes dans le sol pendant de longues pĂ©riodes[5].

Dans la réserve d'Hinewai (en), l'ajonc est envahi par des arbres indigÚnes.

Bien que l'ajonc ait Ă©tĂ© identifiĂ© comme une mauvaise herbe majeure en Nouvelle-ZĂ©lande en 1859[6] et dĂ©clarĂ©e mauvaise herbe nuisible par le Parlement dĂšs 1900[1], ses utilisations agricoles expliquent que la lutte biologique n'a pas Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme un moyen de la contrĂŽler avant les annĂ©es 1920. MĂȘme alors, la recherche d'agents possibles Ă©tait limitĂ©e Ă  ceux qui contrĂŽleraient sa croissance en endommageant son systĂšme reproducteur sans affecter son feuillage[1].

Dans les annĂ©es qui ont suivi les recherches de la fin des annĂ©es 1920, de plus en plus d'objections Ă  la lutte biologique ont Ă©tĂ© soulevĂ©es par les Ă©cologistes, y compris le concept selon lequel il est risquĂ© d'introduire une nouvelle espĂšce dans un Ă©cosystĂšme dĂ©jĂ  compromis, voire d'en dĂ©truire une prĂ©cĂ©demment introduite[2]. Il a aussi Ă©tĂ© soutenu que l'ajonc avait des utilisations au-delĂ  de ses origines coloniales comme plante de clĂŽture, par exemple comme source de nourriture pour les abeilles au dĂ©but du printemps. Les membres du conseil de l'environnement de la baie de l'Abondance ont notĂ© que l'ajonc sert de « plante de pĂ©piniĂšre » utile pour les semis indigĂšnes : il fournit l'abri et la haute teneur en azote du sol nĂ©cessaire Ă  ceux-ci, puis, Ă©tant moins tolĂ©rant Ă  l'ombre, leur cĂšde la place lorsqu'une jeune forĂȘt indigĂšne s'est Ă©tablie[4]. Cette approche a Ă©tĂ© appliquĂ©e avec succĂšs dans la rĂ©serve d'Hinewai (en), sur la pĂ©ninsule de Banks, le remplacement des ajoncs prenant beaucoup moins de temps que celui des mānuka ou des kānuka habituels[7]. Cependant, des experts comme l'Ă©cologiste Ian Popay soutiennent que la forĂȘt qui en rĂ©sulte est diffĂ©rente de celle qui aurait poussĂ© sans la prĂ©sence d'ajoncs, et que cette altĂ©ration n'est pas « naturelle »[4]. Le Conseil rĂ©gional de Hawke's Bay est d'avis que cultiver la forĂȘt indigĂšne de cette maniĂšre est risquĂ© et ne peut ĂȘtre recommandĂ©[4], bien que le MinistĂšre de la Conservation fournisse un guide pratique pour le faire[8].

Agents de lutte biologique

Depuis 1928, sept agents de lutte biologique ont Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s en Nouvelle-ZĂ©lande. Les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© mitigĂ©s, mais en gĂ©nĂ©ral, ni les insectes se nourrissant de graines ni ceux se nourrissant de feuillage ne causent suffisamment de dĂ©gĂąts pour ĂȘtre viables en tant qu'agents de contrĂŽle autonome[9].

Exapion ulicis (charançon de l'ajonc)

E. ulicis adulte.

Bien que le charançon Exapion ulicis (en) adulte cause des dommages visibles au feuillage de l'ajonc en s'en nourrissant, cela ne suffit pas à retarder la croissance de maniÚre mesurable[10] ; cet agent est cependant efficace parce que ses larves éclosent dans la gousse d'ajonc et détruisent les graines en s'en nourrissant[11].

Des recherches au Royaume-Uni en 1928 ont suggĂ©rĂ© qu'Apion ulicis, comme on l'appelait alors, serait un agent de contrĂŽle efficace ; sur la base de ces recommandations, il a Ă©tĂ© importĂ© en Nouvelle-ZĂ©lande cette annĂ©e-lĂ [1]. La diffusion gĂ©nĂ©ralisĂ©e du charançon a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e entre 1931 et 1947[10]. Cependant, l'ajonc est bivoltin en Nouvelle-ZĂ©lande (2 floraisons par an), et le charançon univoltin (1 gĂ©nĂ©ration par an) n'Ă©tait efficace qu'au printemps[11]. E. ulicis n'a donc rĂ©duit la production annuelle de graines que d'environ 35 %[1]. MalgrĂ© cela, son succĂšs apparent — la destruction rĂ©guliĂšre d'environ 90% des graines produites au printemps — a contribuĂ© Ă  retarder la recherche d'autres agents de lutte biologique jusqu'Ă  bien plus tard dans le siĂšcle[1].

Tetranychus lintearius (tétranyque des ajoncs)

T. lintearius sur un ajonc Ă  Wellington.

Originaire d'Europe, Tetranychus lintearius est un acarien spécifique à l'ajonc qui vit en colonies sous des voiles de soie sur cette plante. Il endommage la plante en se nourrissant de ses tissus et peut réduire considérablement sa croissance et sa floraison. Il est considéré comme l'agent de lutte biologique contre l'ajonc le plus efficace en Europe[12].

Une population de T. lintearius du Royaume-Uni a Ă©tĂ© introduite en Nouvelle-ZĂ©lande en 1989, mais elle ne s'est pas bien comportĂ©e dans des rĂ©gions oĂč les prĂ©cipitations et les tempĂ©ratures sont plus Ă©levĂ©es[1]. Cinq nouvelles populations d'Espagne et du Portugal sĂ©lectionnĂ©es pour mieux correspondre au climat de ces rĂ©gions se sont avĂ©rĂ©es plus performantes[10]. L'acarien est maintenant Ă©tabli dans toute la Nouvelle-ZĂ©lande[6], malgrĂ© sa prĂ©dation par Stethorus bifidus et Phytoseiulus persimilis, un acarien dĂ©libĂ©rĂ©ment introduit pour lutter contre les acariens nuisibles[10].

Sericothrips staphylinus (thrips de l'ajonc)

Introduit en 1990, le thrips de l'ajonc Sericothrips staphylinus, spécifique à l'hÎte, est largement établi[6], mais il ne s'est pas propagé bien au-delà de ses sites de lùcher[1], car les individus ailés sont relativement rares[10]. Il se nourrit de feuillage d'ajoncs à tous les stades de son cycle biologique[12] et peut réduire sa croissance d'environ 10 à 20 %[9].

Agonopterix umbellana (pyrale des pousses molles de l'ajonc)

Une chenille d'A. ulicitella (en) sur des feuilles d'ajonc.

Les chenilles d’Agonopterix umbellana (en) se nourrissent de jeunes ajoncs. Bien qu'importĂ©e pour la premiĂšre fois en 1983, cette espĂšce n'a pas Ă©tĂ© immĂ©diatement libĂ©rĂ©e, car on craignait qu'elle ne soit pas spĂ©cifique Ă  cet hĂŽte[10]. Bien qu'elle ait Ă©tĂ© relĂąchĂ©e plusieurs fois depuis 1990, sa dispersion a Ă©tĂ© trĂšs limitĂ©e[1].

Cydia succedana (pyrale de l'ajonc)

C. succedana adulte.

Les chenilles de Cydia succedana (en) se nourrissent de graines d'ajoncs. Comme cette pyrale est bivoltine (2 gĂ©nĂ©rations par an), elle a Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©e pour ĂȘtre relĂąchĂ© en 1992 afin de complĂ©ter les populations d’Exapion ulicis (en) existantes. Elle s'est maintenant Ă©tablie en Nouvelle-ZĂ©lande, les deux agents rĂ©unis pouvant dĂ©truire jusqu'Ă  90 % de la production annuelle de graines[6].

Scythris grandipennis

S. grandipennis (en)sur la pointe d'un ajonc

Scythris grandipennis (en) est un papillon nocturne dont les larves se nourrissent du feuillage mature des ajoncs en hiver. AprÚs d'importantes difficultés à cultiver cette espÚce en laboratoire[10], elle a été relùchée une fois en 1993 et ne s'est pas établie en Nouvelle-Zélande[1].

Pempelia genistella

Les chenilles de la pyrale univoltine Pempelia genistella (en) se nourrissent également du feuillage des ajoncs. Cette espÚce a été relùchée deux fois, trois ans aprÚs son introduction en 1995, mais on ne sait pas encore si elle s'est établie[1] - [6].

Animaux de pĂąturage

Des animaux comme les moutons et les bovins n'ont pas Ă©tĂ© introduits dĂ©libĂ©rĂ©ment pour freiner la croissance des ajoncs, mais leur pĂąturage contrĂŽlĂ© peut effectivement limiter leur croissance, que ce soit dans les pĂąturages ou dans les forĂȘts de pins de Monterey (Pinus radiata). Les chĂšvres sont utilisĂ©es pour lutter contre les ajoncs et autres mauvaises herbes depuis 1927 environ ; elles sont capables d'Ă©liminer de vastes zones d'ajoncs en quatre ans[5].

Possibilités futures

Des recherches ont été menées sur l'utilisation de champignons comme Fusarium tumidum comme mycoherbicide (en) potentiel, ainsi que sur l'utilisation d'espÚces indigÚnes ou d'autres espÚces naturellement nuisibles comme le nématode Ditylenchus dipsaci[1]. La dispersion des deux espÚces indigÚnes connues pour endommager les ajoncs, la pyrale Anisoplaca ptyoptera (en) et le capricorne Oemona hirta (en), n'est pas recommandée : ils ne sont pas suffisamment spécifiques à l'ajonc et peuvent causer des dommages à d'autres plantes[10].

Références

  1. (en) Hill, A. H. Gourlay et S. V. Fowler, « The Biological Control Program Against Gorse in New Zealand », Proceedings of the X International Symposium on Biological Control of Weeds,‎ , p. 909–917 (lire en ligne)
  2. (en) Isern, « A good servant but a tyrannous master: Gorse in New Zealand », The Social Science Journal, vol. 44, no 1,‎ , p. 179–186 (DOI 10.1016/j.soscij.2006.12.015)
  3. (en) Price, « Hedges and Shelterbelts on the Canterbury Plains, New Zealand: Transformation of an Antipodean landscape », Annals of the Association of American Geographers, vol. 83, no 1,‎ , p. 119–140 (DOI 10.1111/j.1467-8306.1993.tb01925.x)
  4. (en) Barker, « Flexible boundaries in biosecurity: accommodating gorse in Aotearoa New Zealand », Environment and Planning A, vol. 40, no 7,‎ , p. 1598–1614 (DOI 10.1068/a4062)
  5. (en) Popay et Roger Field, « Grazing Animals as Weed Control Agents », Weed Technology, vol. 10, no 1,‎ , p. 217–231 (JSTOR 3987805)
  6. (en) Rees et R. L. Hill, « Large-scale disturbances, biological control and the dynamics of gorse populations », Journal of Applied Ecology, vol. 38, no 2,‎ , p. 364–377 (DOI 10.1046/j.1365-2664.2001.00598.x)
  7. (en) « Mānuka, kānuka and gorse », Te Ara: The Encyclopedia of New Zealand (consulté le )
  8. (en) « Protecting and restoring our natural heritage - A practical guide - Native ecosystems and their management » [archive du ], Department of Conservation (New Zealand) (consulté le )
  9. (en) Victoria Ann Froude, Biological control options for invasive weeds of New Zealand protected areas, vol. 199, Wellington, N.Z., Dept. of Conservation, (ISBN 978-0-478-22266-1)
  10. (en) Lynley Hayes, The biological control of weeds book : a New Zealand guide = Te whakapau taru, Lincoln, N.Z, Manaaki Whenua, Landcare Research New Zealand, (ISBN 978-0-478-09306-3)
  11. (en) Sixtus, G.D. Hill et R.R Scott, « Impact of Exapion ulicis (Forster) (Coleoptera: Apionidae) on gorse seed viability », New Zealand Plant Protection, vol. 56,‎ , p. 206–210 (ISSN 1179-352X, lire en ligne, consultĂ© le )
  12. (en) « Gorse Thrips: Weed Biological Control Pamphlet No.9 » [archive du ], weeds.org.au, (consulté le )

Lectures complémentaires

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.