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Loi Smet-Tobback

En Belgique, la loi Smet-Tobback du , du nom de ses promoteurs, prévoit que, sur une liste électorale, le nombre de candidats de même sexe ne peut excéder une quotité de deux tiers.

La ministre Miet Smet , Ă  l'origine de la loi Smet-Tobback

Cette loi vise à promouvoir une répartition équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections[1].

Analyse et explication de la loi

L’article 1er de la loi du vise à promouvoir une égalité entre les hommes et les femmes sur la liste des candidatures.

Article 1. Un article 117bis, rĂ©digĂ© comme suit, est insĂ©rĂ© dans le Code Ă©lectoral, modifiĂ© par la loi ordinaire du : « Article 117bis. Sur une liste, le nombre de candidats d'un mĂŞme sexe ne peut excĂ©der une quotitĂ© de deux tiers du total constituĂ© par la somme des sièges Ă  pourvoir pour l'Ă©lection et du nombre maximum autorisĂ© de candidats supplĂ©ants. Si le rĂ©sultat ainsi obtenu comporte des dĂ©cimales, elles sont arrondies Ă  l'unitĂ© supĂ©rieure ou nĂ©gligĂ©es selon qu'elles atteignent ou non 0,50. Les dispositions qui prĂ©cèdent ne sont d'application qu'en cas de renouvellement intĂ©gral de la Chambre des reprĂ©sentants et du SĂ©nat[2] ».

« Dans la pratique, pour le calcul de la quotité des deux tiers, on considère la somme du nombre maximum de sièges à pourvoir pour l’élection et du nombre maximum autorisé de candidats suppléants. Le résultat ainsi obtenu est divisé par trois. Le quotient de cette division est ensuite multiplié par deux, étant entendu que lorsque le résultat contient des décimales, elles seront arrondies à l’unité supérieure ou inférieure, selon qu’elles atteignent ou non 0,50. Le résultat ainsi obtenu détermine le nombre maximum de candidats du même sexe pouvant être présentés sur la liste »

Cette loi a suscitĂ© beaucoup de critiques et de commentaires. Sur son appellation tout d'abord, car l'appellation de « reprĂ©sentation Ă©quilibrĂ©e » sur les listes Ă©lectorales ne semble pas des plus adaptĂ©e car il s'agit de se prĂ©occuper de la rĂ©partition des hommes et des femmes sur la liste que de prĂ©voir rĂ©ellement une proportion maximale autorisĂ©e de candidats d'un mĂŞme sexe sur cette liste[3].

Enfin, l'article 2 de la loi du prĂ©voit une sanction. Le bureau principal de collège ou le bureau de la circonscription Ă©lectorale Ă©cartera toute liste Ă©lectorale qui ne satisfait pas au quota.  

La place des femmes dans le monde politique en Belgique

C'est en 1929 que la première femme rejoint la Chambre. Mais la prĂ©sence fĂ©minine demeure nĂ©anmoins minime durant l'entre-deux-guerres. Le nombre d'Ă©lues ne s'Ă©lève rĂ©ellement qu'après que le droit de vote leur ait Ă©tĂ© accordĂ© en 1948. Mais il faut tout de mĂŞme attendre les effets de la loi Smet-Tobback pour que la reprĂ©sentation fĂ©minine atteigne un niveau plus ou moins acceptable[4] Â». Le droit de vote universel a Ă©tĂ© accordĂ© en Belgique le . On voit lĂ  le premier signe de participation des femmes Ă  la vie politique. MĂŞme si ce changement notable de l'Ă©lectorat a des consĂ©quences indĂ©niables, l'accès au suffrage lĂ©gislatif pour les femmes en 1948 n'entraĂ®ne pas de fĂ©minisation massive de la vie politique[5].

Assez tôt émerge une volonté d’augmenter le pouvoir des femmes dans le monde politique, par la création d’un parti féministe notamment. Le Veregigde Feministische partij, parti féministe, est créé le , mais ne connaît pas une grande réussite au Parlement et se voit assez rapidement éteindre[6].

NĂ©anmoins, il va falloir attendre les annĂ©es 1990 pour avoir une rĂ©elle participation des femmes au sein de la Chambre des reprĂ©sentants. L'application de la nouvelle lĂ©gislation a permis aux femmes, lors des Ă©lections du , d'emporter près du quart des sièges (23 %, après remplacements).  

Les différentes étapes de la loi Smet-Tobback

L’avant-projet de loi

La Belgique est le seul État européen à avoir imposé, par le biais d’une loi, un quota de femmes sur les listes électorales. D’autres États membres de l’Union européenne ont également mené quelques tentatives inabouties jusqu'à présent.

À la suite d'un accord du gouvernement du , le gouvernement s’engage à prendre certaines initiatives afin de garantir une meilleure participation des femmes à la vie politique. En 1992, Louis Tobback, qui est alors ministre de l’Intérieur, et Miet Smet proposent un avant-projet de loi[7] qui impose sans disposition transitoire un maximum de deux tiers de candidats du même sexe sur les listes électorales.

En cas d’infraction, certaines sanctions sont prĂ©vues : retrait du numĂ©ro national de la liste, diminution des dotations aux partis, suppression du droit Ă  l’expĂ©dition d'imprimĂ©s Ă©lectoraux Ă  tarif rĂ©duit. Cet avant-projet de loi sera approuvĂ© au Conseil des ministres le . Toutefois, l’avant-projet de loi ne sera pas dĂ©posĂ© immĂ©diatement au Parlement. En effet, selon les contacts pris avec les diffĂ©rents groupes parlementaires, la majoritĂ© relève que ce projet de loi ne sera pas votĂ©. En plus de cela, le Conseil d'État Ă©met un avis dĂ©favorable. Il conteste la lĂ©galitĂ© des sanctions prĂ©vues dans cet avant-projet de loi. Finalement, il sera adoptĂ© Ă  la fin du mois d’e quota n'est pas essentiellement axĂ© sur les places Ă©ligibles, « il est progressif (un quart pour commencer) et les sanctions prĂ©cĂ©demment envisagĂ©es sont supprimĂ©es[8]. »

En , le Conseil d'État rend de nouveau un avis. Il affirme que le but poursuivi par le projet de loi est louable car une juste répartition entre les hommes et les femmes sur les listes électorales est envisagé[9] mais que la sanction proposée c’est-à-dire l’obligation faite à la liste contrevenante d’être incomplète au prorata de deux tiers, « peut conduire à supprimer le droit de se porter candidat et le droit d’être élu. » Dans ce cas-ci, la loi n’est donc pas conforme aux règles constitutionnelles en vigueur. Le Conseil d'État propose donc de remédier à ce problème, en révisant la Constitution pour y ajouter, le principe d’une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes sur les listes électorales[9].

Ce projet de loi fera l’objet d’un long et houleux débat parlementaire. En effet, en lors du débat en commission à la Chambre, ce projet de loi fera l’objet de nombreuses critiques. Ces critiques se poursuivront également au Sénat « certaines personnes, les unes partisanes, ou les autres adversaires de la représentation des femmes, n’arrivent pas à envisager sereinement le problème[10] ». Les libéraux s'opposent à l'idée de quotas car ils voient une préférence à régler la question de la sous-représentation féminine par la suppression ou l'atténuation de l'effet dévolutif du vote en case de tête(vote de liste). D'après les écologistes, ce projet est minimaliste et inopérant, c'est pour cela qu'ils revendiquent l'alternance en tête de liste[9].

Adoption de la loi

Finalement, la loi sera adoptée le et publiée au Moniteur belge le . Elle prévoit que « sur une liste, le nombre de candidats d'un même sexe ne peut excéder une quotité de deux tiers du total constitué par la somme des sièges à pourvoir pour l'élection et du nombre maximum autorisé de candidats suppléants[11] ». Cela s'applique de manière égale aux hommes et aux femmes. Cette disposition s'applique à la Chambre des représentants, au Sénat, Conseil régionaux, communautaires, provinciaux et communaux et aux élections du Parlement européen[3].

Effets de la loi Smet-Tobback

La loi sur les quotas fut appliquée pour la première fois aux élections municipales et régionales le . Néanmoins, ce n’est pas le quota des deux tiers comme prévu par la loi qui fut utilisé, mais un quota des trois quarts. Pour les élections générales de 1995 cette loi ne fut pas appliquée, c’est qu’en 1999 lors des élections générales, régionales et européennes que cette loi fut totalement appliquée[12]. Les quotas ont eu un impact positif sur la composition par sexe de la Chambre des représentants. En 1995 le nombre de femmes était de 12,7 % il est passé à 23,3 % en 1999. En général les partis flamands un résultat plus élevé, de 2,5 % au-dessus que les partis francophones, qui ont 25,6 contre 23,1 % de femmes députées. Même si la loi ne concerne que les listes de candidats, le but était d’obtenir une représentation plus équilibrée entre les hommes et les femmes au sein du parlement. En toute logique, le pourcentage de femmes députées devaient être plus élevée qu’en 1995, mais cela ne fut pas le cas dans chaque parti politique. En effet, certains partis comme le VLD, Ecolo ou PS ont accru leur proportion de femmes élues, d’autres comme le Vlaams Blok, et le FN l’ont diminué[13].

Application de la loi à l’heure actuelle

Le l’article 10 de la Constitution a Ă©tĂ© modifiĂ© et un nouvel article 11bis  a Ă©tĂ© insĂ©rĂ©, afin d’y consacrer un principe fondamental. Ce qui a permis de garantir une Ă©galitĂ© entre les hommes et les femmes permettant d'organiser un accès Ă©gal aux mandats Ă©lectifs et publiques. Ă€ la suite de la rĂ©vision de la Constitution, plusieurs lois instaurant un Ă©quilibre entre les hommes et les femmes sur les listes Ă©lectorales ont Ă©tĂ© adoptĂ©es.

Trois lois ont été adoptées dans le courant de l’année 2002 afin de garantir un équilibre entre les hommes et les femmes sur les listes électorales aux élections législatives, européennes et régionales :

  • loi du qui assure une prĂ©sence Ă©gale entre les hommes et les femmes sur les listes Ă©lectorales au sein du Parlement europĂ©en ;
  • loi du qui assure une prĂ©sence Ă©gale entre les hommes et les femmes sur les listes Ă©lectorales au sein des Chambres lĂ©gislatives fĂ©dĂ©rales et du Conseil de la CommunautĂ© germanophone ;
  • loi spĂ©ciale du qui assure une prĂ©sence Ă©gale entre les hommes et les femmes sur les listes Ă©lectorales aux Ă©lections du Conseil rĂ©gional wallon, du Conseil flamand et du Conseil de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale[14].

Conclusion

Certains doutes peuvent être émis quant à l’efficacité de la loi Smet-Tobback. Tout d’abord vu le temps nécessaire avant que la loi entre en vigueur. Ensuite, durant les années 1995-1999 la loi n’a pas été correctement appliquée. C’est seulement en 2002 que trois lois ont été adoptées afin de garantir un équilibre entre les hommes et les femmes sur les listes électorales aux élections législatives, européennes et régionales.

Tout de même, l’exigence d’un quota sur les listes électorales a permis de remédier au problème de sous-représentations des femmes dans le monde politique belge.

Bibliographie

LĂ©gislation

  • Projet de loi du visant Ă  promouvoir une rĂ©partition Ă©quilibrĂ©e des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux Ă©lections exposĂ© des motifs, Doc. parl., SĂ©n., sess. ord. 1993-1994, no 1053/2, p. 2.
  • Loi du visant Ă  promouvoir une rĂ©partition Ă©quilibrĂ©e des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux Ă©lections, Moniteur belge, .

Doctrine

  • M. Beyen et P. Destatte, Un Autre Pays, Nouvelle histoire de la Belgique 1970-2000, Bruxelles, Le Cri, .
  • E. Gubin, J.-P. Nandrin, E. Gerard et E. Witte, Histoire de la chambre des reprĂ©sentants de Belgique, 1830-2002, Bruxelles, Chambre des reprĂ©sentants, 2003, p. 124 Ă  128, p. 795, vol. 53.
  • Mercedes Mateo Diaz, « Les quotas sont-ils utiles ? L'efficacitĂ© imparfaite des mesures de discrimination positive dans les lois Ă©lectorales belges », Revue française de science politique,‎ .
  • ValĂ©rie Verzele et Carine Joly, « La reprĂ©sentation des femmes en politique après les Ă©lections du – Évaluation de l’application de la loi Smet-Tobback », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 37-38, nos 1662-1663,‎ , p.1-83.

Notes et références

  1. Loi du 24 mai 1994 visant à promouvoir une répartition équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections, Moniteur belge, .
  2. Loi du 24 mai 1994 visant à promouvoir une répartition équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections, Moniteur belge, , art. 1.
  3. Verzele et Joly 1999, p. 9.
  4. E. Gubin, J-P. Nandrin, E. Gerard (et al), Histoire de la chambre des représentants de Belgique, 1830-2002, Bruxelles, Chambre des représentants, 2003, p. 127.
  5. E. Gubin et L. Van Molle, Femmes et politique en Belgique, Bruxelles, Racine, 1998, p. 63.
  6. Beyen et Destatte 2009, p. 148.
  7. Beyen et Destatte 2009, p. 150.
  8. Verzele et Joly 1999, p. 7-8.
  9. Verzele et Joly 1999, p. 8.
  10. Projet de loi visant à promouvoir une répartition équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections, exposé des motifs, Doc.parl., Sén., sess. ord. 1993-1994, no 1053/2, p. 2.
  11. Loi du 24 mai 1994 visant à promouvoir une répartition équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures aux élections, précitée.
  12. Mateo Diaz 2003, p. 799.
  13. Mateo Diaz 2003, p. 806.
  14. « Lois sur la parité », sur Institut pour l'égalité des femmes et des hommes (consulté le ).
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