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Loi Marthe Richard

La loi du tendant Ă  la fermeture des maisons de tolĂ©rance et au renforcement de la lutte contre le proxĂ©nĂ©tisme, dite loi Marthe-Richard, abolit le rĂ©gime de la prostitution rĂ©glementĂ©e en France depuis 1804. Elle impose la fermeture des maisons closes (« maisons de tolĂ©rance Â»). La loi porte le nom de Marthe Richard, alors qu'elle est conseillère municipale de Paris et non parlementaire. La loi bĂ©nĂ©ficie du climat ambiant, la plupart des tenanciers proxĂ©nètes Ă©tant considĂ©rĂ©s comme impliquĂ©s dans la collaboration durant la Seconde Guerre mondiale et l'Occupation allemande.

Loi Marthe-Richard
Présentation
Titre Loi n°46-685 du 13 avril 1946 tendant à la fermeture des maisons de tolérance et au renforcement de la lutte contre le proxénétisme
Référence 46-685
Pays Drapeau de la France France
Territoire d'application France métropolitaine
Langue(s) officielle(s) Français
Adoption et entrée en vigueur
Adoption
Promulgation

Lire en ligne

Loi sur Légifrance et Fac-similé

Genèse de la loi

Marthe Richard, élue conseillère dans le 4e arrondissement de Paris, dépose le devant le Conseil municipal de Paris un projet pour la fermeture des maisons closes. Dans son discours, elle ne s’en prend pas tant aux prostituées qu’à la société, responsable selon elle de la « débauche organisée et patentée » et à la mafia, qui bénéficie de la prostitution réglementarisée ; le propos permet aussi de rappeler que le milieu de la prostitution s'est compromis avec l’Occupant pendant la guerre[1]. Sa proposition est votée et le , le préfet de police Charles Luizet décide de fermer sans préavis les 190 maisons du département de la Seine dans les 3 mois (au plus tard le , date qu'a fixée le conseil municipal)[2].

Encouragée par cette décision, Marthe Richard commence une campagne de presse pour le vote d'une loi généralisant ces mesures à toute la France[3]. Elle est soutenue par le Cartel d'action sociale et morale ainsi que par le ministre de la Santé publique et de la Population Robert Prigent[1].

Le , le député Marcel Roclore présente le rapport de la Commission de la famille, de la population et de la santé publique, et conclut à la nécessité de la fermeture. Le député Pierre Dominjon, membre du Cartel d'action sociale et morale, dépose une proposition de loi dans ce sens qui est votée le à la chambre des députés. La fermeture des maisons closes est appliquée à partir du . Retirant les autorisations administratives sans indemnisations aux tenanciers, la loi marque la fin du sanitarisme et le passage d'une politique réglementariste à une politique abolitionniste[4].

Conséquences

Après l'adoption de la loi, Marthe Richard s'assure que l'on vote bien l'article 5 du texte qui prĂ©voit la suppression du fichier national de la prostitution, dans lequel elle est encore fichĂ©e[5]. Ce fichage policier est remplacĂ© par un fichier sanitaire et social de la prostitution (loi du ) dans le but de « dĂ©pister les prostituĂ©es vĂ©nĂ©riennes voulant se dĂ©rober au traitement de leur maladie Â» mais cette dĂ©claration non coercitive Ă  l'action sanitaire et sociale est peu appliquĂ©e et disparaĂ®t le , date de la ratification française de la convention des Nations unies du pour la rĂ©pression de la traite des ĂŞtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui (ratification tardive Ă  cause du maintien des bordels dans son empire colonial)[6].

Cette loi vaut à Marthe Richard le surnom de « veuve qui clôt » par référence au champagne Veuve Clicquot[7].

Environ 1 400 Ă©tablissements sont fermĂ©s, dont 195 Ă  Paris (177 Ă©tablissements officiels) : les plus connus comme le Chabanais, le Sphinx, La Rue des Moulins, le One-two-two mais aussi les sinistres maisons d’abattage comme le Fourcy et le Charbo…[8].

Cette loi fait d'abord sourire la brigade mondaine du 3e Ă©tage du 36, quai des Orfèvres puisqu'elle Ă©mane de Marthe Richard, qui fut elle-mĂŞme une prostituĂ©e jusqu'aux alentours de 1915, quand elle dĂ©sire faire table rase de son passĂ© de prostituĂ©e ; par la suite, la police la voit d'un mauvais Ĺ“il car elle risque de la priver de ses sources de renseignement que sont ces prostituĂ©es. La prostitution Ă©tant alors une activitĂ© libre, seules sont interdites par la loi son organisation et son exploitation – le proxĂ©nĂ©tisme â€“ et ses manifestations visibles, ainsi que le dĂ©lit de racolage, mais la police continue de tolĂ©rer les maisons de dĂ©bauche. Beaucoup de tenanciers de maisons closes se reconvertissent ainsi en propriĂ©taires d'hĂ´tels de passe clandestins qui se concentrent essentiellement aux alentours des casernes militaires françaises et amĂ©ricaines ainsi que dans les grandes villes. Enfin, alors que la loi prĂ©voit de recueillir les prostituĂ©es dans des « centres d'accueil et de reclassement Â», ces dernières souvent dĂ©munies sont rĂ©duites Ă  poursuivre leur activitĂ© de manière clandestine, dĂ©pourvues de statut, ce qui peut les abandonner Ă  la sauvagerie et aux rapports de force[9].

En , Jacqueline Treppler crée une association de prostituées, « Les petites sœurs des cœurs », qui propose la création d'une chaîne d'Eros center, sur le modèle allemand, pour décriminaliser le métier[10]. Elle reçoit l'appui de « Marthe Richard, qui, renonçant à la bataille qu'elle a, pendant vingt-cinq ans, menée pour la fermeture des « maisons », a déclaré être favorable à une révision de « sa » loi »[11].

Notes et références

  1. Yannick Ripa, « 1946 : la fin du French system », L'Histoire, no 383, janvier 2013, p. 50.
  2. Elizabeth Coquart et Philippe Huet, Le livre noir de la prostitution, Albin Michel, , p. 128.
  3. Le 19 décembre 1945, le rédacteur en chef du Canard enchaîné, Pierre Bénard indique dans un article sous le titre de Reprise de Tartuffe « qu'il n'y a pas d'électricité. Il n'y a pas de charbon. Il n'y a pas de vin. Il n'y a pas de pommes de terre et les sinistrés attendent toujours un toit (…). Fuyant ces déprimants débats, les conseillers municipaux parisiens consacrent deux longues séances à discuter de la suppression des maisons closes (177 dans la capitale, autour de 1500 en France). Mme Marthe Richard, l'espionne bien connue a ouvert le débat ! »
  4. Jean-Pierre Allinne, Gouverner le crime. Les politiques criminelles françaises de la révolution au XXIe siècle - Tome 2 : Le temps des doutes 1920-2004, Éditions L'Harmattan, , p. 83-84
  5. Nicolas Charbonneau et Laurent Guimier, Le Roman des Maisons Closes, Ed.du Rocher, 2010
  6. Lucile Ouvrard, La prostitution. Analyse juridique et choix de politique criminelle, Harmattan, , p. 89
  7. Elizabeth Coquart, Marthe Richard : de la petite Ă  la grande vertu, Payot, , p. 7.
  8. Véronique Willemin, La mondaine. Histoire et archives de la police des mœurs, Hoëbeke, , p. 120
  9. Matthieu Frachon, 36, quai des Orfèvres : Des hommes, un mythe, Monaco, du Rocher, , 197 p. (ISBN 978-2-268-07098-8)
  10. François Jouffa, Tony Crawley, L'Âge d'or du cinéma érotique et pornographique 1973-1976, Ramsay, , p. 114.
  11. Jean-Pierre Cerquant, « http://referentiel.nouvelobs.com/archives_pdf/OBS0458_19730820/OBS0458_19730820_040.pdf », sur nouvelobs.com, .

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

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