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Logique de l'action collective

Logique de l'action collective est un livre de Mancur Olson publiĂ© en 1965. Olson y dĂ©veloppe une thĂ©orie au croisement de la science politique et de l'Ă©conomie, inscrite dans la thĂ©orie des choix publics. Son argument central est que des intĂ©rĂȘts mineurs denses seront surreprĂ©sentĂ©s face Ă  une majoritĂ© diffuse (paradoxe d'Olson ou effet Olson). En effet, plus les groupes sont grands plus ils sont confrontĂ©s au problĂšme des passagers clandestins. Ainsi, lorsqu'un ensemble d'individus ont un intĂ©rĂȘt en commun, mais sont inorganisĂ©s, il peut se faire qu'ils ne fassent rien.

Logique de l'action collective
Auteur Mancur Olson
Pays Drapeau des États-Unis États-Unis
Genre Science politique
Version originale
Langue Anglais
Titre The Logic of Collective Action
Date de parution 1965
Version française
Éditeur Presses universitaires de France
Lieu de parution Paris
Date de parution 1978

Théorie des groupes et biens collectifs

S'accordant avec les dĂ©finitions d'auteurs comme Arthur F. Bentley ou Raymond Cattel, Olson dĂ©finit un groupe comme un ensemble d'individus ayant un intĂ©rĂȘt commun[1].

Olson critique les thĂ©ories des groupes de son Ă©poque oĂč l'on considĂšre que l'Homme a une tendance naturelle Ă  s'assembler (variante « accidentelle », Gaetano Mosca, Arthur F. Bentley
) ou bien que l'existence de grandes organisations rĂ©sulte de l'Ă©volution de groupes « archaĂŻques » (variante formelle, Talcott Parsons, Mac Iver
). (p.39-40)

Les biens publics

Les biens publics sont dĂ©finis comme des biens (i) non exclusifs et (ii) non rivaux. La non-exclusivitĂ© signifie que leur consommation par une personne n'entraĂźne pas l'exclusion des autres, en d'autres termes ils ne peuvent ĂȘtre refusĂ©s aux autres personnes du groupe : « ceux qui n'achĂštent ou ne paient aucun bien public ou collectif ne peuvent ĂȘtre exclus ou Ă©cartĂ©s du partage alors qu'ils pourraient l'ĂȘtre des biens non collectifs Â» (p.37). La non-rivalitĂ© signifie que la consommation du bien par un acteur n'affecte pas leur consommation par les autres acteurs.

Olson prĂ©sente des exemples de biens publics : pour des entreprises des prix Ă©levĂ©s sont un bien public, ils peuvent ĂȘtre obtenus si les entreprises s'organisent pour s'entendre sur les prix ou sur la production pour Ă©viter la baisse, ou demandent une rĂšglementation Ă  la puissance publique. Des services publics comme le maintien de l'ordre garanti par l’État sont aussi des biens publics.

Petits groupes

À l'aide d'une dĂ©monstration formelle, Olson montre que les petits groupes peuvent se procurer par eux-mĂȘmes des biens collectifs sans recours Ă  la coercition ou Ă  des incitations extĂ©rieures au bien lui-mĂȘme. Il est en effet possible que des membres du groupe jugent que le bĂ©nĂ©fice individuel qu'ils tirent du bien collectif est supĂ©rieur au coĂ»t total du montant donnĂ© de ce bien. Ces membres peuvent donc ĂȘtre prĂȘts Ă  supporter seuls le coĂ»t plutĂŽt que de se passer du bien collectif. (p57) Cette solution est cependant considĂ©rĂ©e comme sous-optimale.

Groupes exclusifs et inclusifs

Pour des entreprises marchandes, le bien collectif (un prix Ă©levĂ©) est plus facilement produit lorsqu'il y a moins de membres dans le groupe (monopole), ce qui n'est pas le cas par exemple pour une association. Un bien public inclusif augmente avec l’accroissement du nombre de membres, et inversement pour un bien public exclusif. (p.61) La tendance Ă  former un groupe inclusif ou exclusif dĂ©pend des objectifs du groupe.

Taxinomie des groupes

La taille est importante mais n'est pas le seul facteur qui détermine si un groupe a la possibilité de se procurer un bien collectif sans coercition ni intervention extérieures, cela dépend aussi du degré d'interdépendance entre les membres du groupe (l'effet de la contribution ou de l'absence de contribution de chaque individu sur la charge ou le bénéfice des autres). (p.68). Le degré d'interdépendance influence en effet les dynamiques de marchandage au sein du groupe.

Plus le groupe est grand, plus les coĂ»ts de l'organisation collective (distincts des coĂ»ts de production du bien collectif lui-mĂȘme) seront Ă©levĂ©s. Il peut cependant exister des Ă©conomies d'Ă©chelles. (P.69-70)

Olson distingue plusieurs types de groupes (p72-73) :

  • Les groupes « privilĂ©giĂ©s » : petit groupe oĂč chacun des membres (ou au moins un) a intĂ©rĂȘt Ă  se procurer le bien collectif, quitte Ă  assumer seul les coĂ»ts
  • Les groupes « intermĂ©diaires » : seul un membre reçoit un bĂ©nĂ©fice suffisant pour ĂȘtre incitĂ© Ă  produire le bien mais la production du bien demande de la coordination
  • Les groupes « latents » : trĂšs grands groupes, qui ont la particularitĂ© que la contribution ou absence de contribution n'affecte pas assez les autres pour les faire rĂ©agir

Pour Olson, les groupes privilĂ©giĂ©s ou intermĂ©diaires peuvent s'organiser, mais personne n'a intĂ©rĂȘt Ă  agir dans le cas d'un groupe latent en dehors d'une incitation « sĂ©lective » qui pousserait l'individu Ă  agir dans l'intĂ©rĂȘt du groupe.

Olson illustre sa théorie des groupes latents en montrant que les syndicats ont recours à la coercition pour obtenir l'adhésion. Les syndiqués peuvent par exemple refuser de travailler avec des non-syndiqués et réserver les emplois aux syndiqués pour forcer l'adhésion. (p.110)

Groupes latents et théorie des sous-produits

Dans cet ouvrage, Olson cherche principalement Ă  Ă©tudier l'organisation des groupes dans le domaine politique (lobby, groupes de pression). Olson affirme que les activitĂ©s de lobby d'une organisation ne sont pas une incitation rationnelle pour qu'y adhĂšrent mĂȘme ceux qui sont en complet accord avec elle. Sa thĂ©orie « du sous produit » postule qu'un groupe qui exerce une activitĂ© politique ne parvient Ă  obtenir l'adhĂ©sion que parce qu'il fournit Ă©galement d'autres formes de bĂ©nĂ©fices Ă©conomiques (biens non collectifs).

Exemples

Olson donne comme exemple de sa théorie des sous produits diverses organisations :

  • Le pouvoir politique des syndicats est un sous produit de leurs activitĂ©s non politiques dans le champ industriel qui rendent l'adhĂ©sion obligatoire. (p.165)
  • Les organisations professionnelles tendent elles aussi vers l'adhĂ©sion obligatoire, par exemple le barreau pour les avocats, ou l'Association mĂ©dicale amĂ©ricaine (AMA). Le pouvoir de coercition de l'AMA repose notamment sur un monopole de la protection en cas d'erreurs professionnelles et la fourniture de services sous forme d'information scientifique. (p.168)
  • Les coopĂ©ratives agricoles disposent d'un fort pouvoir politique mais parviennent Ă  faire adhĂ©rer les membres principalement parce qu'elles sont un vecteur d'aides gouvernementales et qu'elles offrent des services commerciaux rĂ©servĂ©s Ă  leurs membres[2].

La thĂ©orie des intĂ©rĂȘts spĂ©ciaux

Les lobbies d'affaire sont expliquĂ©s par une autre thĂ©orie, la thĂ©orie « des intĂ©rĂȘts spĂ©ciaux ». Ces groupes relĂšvent plus des catĂ©gories des groupes privilĂ©giĂ©s ou intermĂ©diaires car le nombre de membres est moins Ă©levĂ© (oligopoles). Ils dĂ©fendent des intĂ©rĂȘts « spĂ©ciaux », spĂ©cifique Ă  leur groupe comme des exemptions fiscales ou des tarifs prĂ©fĂ©rentiels qui lĂšseront la majoritĂ© des consommateurs ou contribuables. (p.171)

Dans les associations industrielles ou commerciales, ce sont souvent un petit nombre de grandes entreprises qui fournissent la majorité des ressources.

Olson juge ce type de groupe de pression plutĂŽt inefficace sur le plan global car la dĂ©fense de leurs intĂ©rĂȘts spĂ©ciaux n'a pas freinĂ© des lĂ©gislations sociales plus importantes (p.174).

ThĂšse la plus connue

Dans ce livre, Olson critique les thĂšses de son Ă©poque qui affirment que :

  1. si tout le monde dans un groupe (de n'importe quelle taille) a des intĂ©rĂȘts en commun, chacun agira collectivement pour les atteindre
  2. dans une démocratie, la majorité tyrannise et exploite la minorité.

Olson soutient plutÎt que les individus d'un groupe cherchant à mener une action collective auront des motivations pour devenir des « passagers clandestins » et profiter du travail de ceux qui produisent des biens publics. Olson note que les groupes qui fournissent des bénéfices individuels aux participants actifs en plus du bénéfice collectif évitent le problÚme des passagers clandestins.

Les biens publics purs sont des biens qui sont non exclusifs (c'est-Ă -dire qu'une personne ne peut empĂȘcher un autre de consommer le bien) et non rivaux (la consommation du bien par une personne n'a pas d'incidence sur celle d'une autre personne).

Une personne qui ne contribue pas Ă  la production d'un bien public peut tout de mĂȘme en bĂ©nĂ©ficier. Donc, sans incitations sĂ©lectives encourageant la participation, l'action collective est peu probable de se produire mĂȘme lorsque de grands groupes de personnes ayant des intĂ©rĂȘts communs existent.

Pour Olson, les grands groupes rencontrent des coĂ»ts relativement Ă©levĂ©s pour organiser leur action collective alors que de petits groupes seront confrontĂ©s Ă  des coĂ»ts relativement faibles. Par rapport Ă  un petit groupe, les membres d'un grand groupe obtiendront moins de bĂ©nĂ©fices d'une action collective. En l'absence d'incitations sĂ©lectives, les incitations Ă  agir pour le groupe diminuent avec l'augmentation de la taille du groupe. Ainsi les grands groupes sont moins Ă  mĂȘme d'agir dans leur intĂ©rĂȘt que les petits groupes.

Le livre conclut que, non seulement l'action collective par les grands groupes est difficile Ă  atteindre, mĂȘme quand ils ont des intĂ©rĂȘts en commun, mais Ă©galement que la minoritĂ© (unie par la forte concentration d'incitation sĂ©lective) peut dominer la majoritĂ©.

Exemples

Le sociologue GĂ©rald Bronner, dans son livre La DĂ©mocratie des CrĂ©dules, observe le paradoxe d'Olson sur Internet qu'il analyse comme un marchĂ© cognitif hypersensible oĂč les croyants (tenants de thĂšses pseudo-scientifiques, conspirationnistes, dĂ©nialistes) sont gĂ©nĂ©ralement plus motivĂ©s que les non-croyants (sceptiques, scientifiques tenants de la connaissance orthodoxe) pour dĂ©fendre leur point de vue et lui consacrer temps et Ă©nergie. « Les hommes de science en gĂ©nĂ©ral n'ont pas beaucoup d'intĂ©rĂȘt, acadĂ©mique pas plus que personnel, ni de temps Ă  consacrer Ă  cette concurrence », si bien que « les croyants rĂ©ussissent Ă  instaurer un oligopole cognitif sur Internet, mais aussi dans les mĂ©dias officiels, devenus trĂšs sensibles sur certains thĂšmes aux sources d'informations hĂ©tĂ©rodoxes »[3]. L'exception Ă  ce paradoxe d'Olson, observĂ© par Bronner, vient des milieux sceptiques et rationalistes (ZĂ©tĂ©tique, Association française pour l'information scientifique, Les Sceptiques du QuĂ©bec). Ces derniers trouveraient une motivation suffisante pour faire Ă©merger, en partie, leur point de vue sur Internet — de 37% Ă  54% pour les exemples choisis par Bronner dans son Ă©tude — pour des raisons de militantisme, bien que cela ne concerne uniquement des sujets trĂšs spĂ©cifiques et n'est pas reprĂ©sentatif de la majoritĂ©.

Notes et références

  1. Mancur Olson, Logique de l'action collective, Presses universitaires de France, p. 29
  2. Mancur Olson, Logique de l'action collective, Presses universitaires de France, , p. 182
  3. Gérald Bronner, La Démocratie des Crédules, Presses universitaires de France, (lire en ligne), p. 76-78.

Bibliographie

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