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Localisation (mathématiques)

En algÚbre, la localisation[1] est une des opérations de base de l'algÚbre commutative. C'est une méthode qui construit à partir d'un anneau commutatif un nouvel anneau. La construction du corps des fractions est un cas particulier de la localisation.

Notion intuitive

La localisation consiste Ă  rendre inversibles les Ă©lĂ©ments d'une partie (« partie multiplicative ») de l'anneau. L'exemple le plus connu est le corps des fractions d'un anneau intĂšgre qui se construit en rendant inversibles tous les Ă©lĂ©ments non nuls de l'anneau. On peut aussi voir la localisation comme une maniĂšre d'envoyer l'anneau dans un anneau « plus grand » dans lequel on a autorisĂ© des divisions par des Ă©lĂ©ments qui n'Ă©taient auparavant pas inversibles. Par exemple, l'anneau đ”» des nombres dĂ©cimaux est le localisĂ© â„€10 de â„€ par rapport Ă  l'ensemble des puissances de 10. De mĂȘme, l'anneau des fractions dyadiques est le localisĂ© â„€2 de â„€ par rapport Ă  l'ensemble des puissances de 2.

DĂ©finition

Soit A un anneau commutatif (unitaire). On cherche Ă  rendre inversibles les Ă©lĂ©ments d'une partie S de A. Si a et b dans S deviennent inversibles, il en sera de mĂȘme de leur produit dont l'inverse est alors a-1b-1. On travaille donc avec une partie multiplicative, c'est-Ă -dire un ensemble stable par multiplication, contenant 1 (en gĂ©nĂ©ral, on exclut 0, car sinon le localisĂ© est simplement l’anneau nul).

La localisation de l'anneau A en la partie S est alors la donnée d'un anneau, noté S-1A et d'un morphisme tels que :

et qui vérifient la propriété universelle suivante : pour tout morphisme d'anneaux , si

alors il existe un unique morphisme tel que .

L'anneau S-1A est aussi noté[2] AS ou[3] A[S-1] et est appelé l'anneau des fractions de A associé à S, ou à dénominateurs dans[3] S, ou l'anneau des fractions de A par rapport à[4] S.

Construction

Pour construire l'anneau localisĂ©, on procĂšde comme dans la construction du corps des fractions mais avec une prĂ©caution supplĂ©mentaire pour tenir compte du fait que l'anneau n'est pas toujours intĂšgre. Sur le produit cartĂ©sien , la relation d'Ă©quivalence est alors la suivante : si et seulement s'il existe un Ă©lĂ©ment tel que . Le reste de la construction est la mĂȘme que celle du corps des fractions. L'utilisation de l'Ă©lĂ©ment est cruciale pour la transitivitĂ©.

Exemples importants

  • Les Ă©lĂ©ments rĂ©guliers (c'est-Ă -dire non diviseurs de zĂ©ro) forment une partie multiplicative R ; l'anneau R−1A est l'anneau total des fractions (en) de A ; l'homomorphisme de localisation dans ce cas-lĂ  est injectif.
  • Le complĂ©mentaire d'un idĂ©al premier p est une partie multiplicative, et peut donc servir pour localiser l'anneau. Dans ce cas, on note . C'est un anneau local appelĂ© localisĂ© de A en p. Si A est un anneau de Dedekind et p un idĂ©al premier non nul, est mĂȘme un anneau de valuation discrĂšte car il est de plus principal.
    Plus généralement, on peut prendre pour partie multiplicative le complémentaire de la réunion d'une famille quelconque d'idéaux premiers de A. Pour une famille finie, on obtient alors un anneau semi-local.
  • Lorsque A est intĂšgre, le premier exemple est un cas particulier du second. En effet, l'idĂ©al nul est premier et son complĂ©mentaire est . Dans ce cas, est un corps appelĂ© corps des fractions de A.
  • Lorsque A est intĂšgre, il est Ă©gal Ă  l'intersection, dans son corps des fractions, de ses localisĂ©s en ses idĂ©aux maximaux[5].
  • Lorsque A n'est pas intĂšgre, le complĂ©mentaire d'un idĂ©al premier p peut contenir des diviseurs de zĂ©ro. L'homomorphisme de localisation n'est alors pas injectif. Par exemple, considĂ©rons l'anneau produit lorsque K est un corps. Il possĂšde deux idĂ©aux maximaux et . Les deux localisations sont alors isomorphes Ă  K et les deux applications canoniques sont en fait les deux projections. Dans ce cas, on constate qu'inverser des Ă©lĂ©ments n'augmente pas le nombre de ceux-ci mais au contraire le diminue.
  • Soit f un Ă©lĂ©ment de A. L'ensemble S rĂ©union de {1} et des puissances positives (n > 0) est une partie multiplicative de A. Le localisĂ© de A par rapport Ă  cette partie multiplicative est notĂ© . Remarquons que est l'anneau nul si, et seulement si, f est nilpotent. Lorsque A est intĂšgre, est l'ensemble des fractions qui peuvent s'exprimer comme le quotient d'un Ă©lĂ©ment de A par une puissance positive de f.

Explication du terme localisation

Prenons l'anneau de polynĂŽmes ℂ[X]. Comme ℂ est algĂ©briquement clos, le spectre premier de ℂ[X] s'identifie Ă  ℂ lui-mĂȘme (avec un point supplĂ©mentaire correspondant Ă  l'idĂ©al nul). Le localisĂ© ℂ[X](X) en l'idĂ©al maximal engendrĂ© par X s'appelle le localisĂ© en 0 et est prĂ©cisĂ©ment l'anneau des polynĂŽmes dans lequel on a autorisĂ© toutes les divisions exceptĂ© celles par les polynĂŽmes s'annulant en 0. Ce nouvel anneau est l'ensemble des fractions rationnelles sans pĂŽle en 0 (donc holomorphes dans un voisinage de 0). Il permet de s'intĂ©resser aux propriĂ©tĂ©s des polynĂŽmes au voisinage de 0, d'oĂč le terme d'anneau localisĂ©.

Spectre premier d'une localisation

Soit une partie multiplicative de . Alors l'ensemble des idéaux premiers de peut s'identifier à la partie des idéaux premiers de disjoints de . Plus précisément, soit le morphisme canonique. Pour tout idéal premier de , est un idéal premier de qui est disjoint de , et cette correspondance est biunivoque, la correspondance réciproque associant à tout idéal premier de l'idéal de . De plus, le morphisme canonique entre les anneaux intÚgres induit un isomorphisme entre leurs corps des fractions.

Noter qu'en général, cette correspondance n'existe pas pour les idéaux maximaux (considérer l'exemple A = ℀ et S = ℀*).

En théorie des schémas, cette correspondance induit un homéomorphisme (pour la topologie de Zariski) entre le spectre de l'anneau et le sous-ensemble de , muni de la topologie induite[6].

Localisation de modules

Soient et comme ci-dessus. Soit un -module. Alors le localisé est un -module muni d'un morphisme -linéaire tel que tout morphisme -linéaire dans un -module se factorise de façon unique en composé de avec un morphisme -linéaire . ConcrÚtement, est l'ensemble modulo la relation d'équivalence : si et seulement s'il existe dans tel que . L'application canonique consiste à envoyer sur la classe de . Son noyau est le sous-module des annulés par un élément de . Ce localisé est isomorphe au produit tensoriel de et sur .

En théorie des catégories, l'opération notée qui, à un objet de la catégorie -Mod (catégorie des -modules) associe l'objet de la catégorie -Mod, est un foncteur exact[7].

Notes et références

  1. N. Bourbaki, AlgĂšbre commutative, chap. II.
  2. N. Bourbaki, AlgĂšbre, I.107.
  3. Bourbaki, A, p. I.108.
  4. M.-P. Malliavin, AlgÚbre commutative, applications en géométrie et théorie des nombres, p. 27-28.
  5. Bourbaki, AC, p. II.3.3.
  6. (en) Qing Liu, Algebraic Geometry and Arithmetic Curves [dĂ©tail de l’édition], p. 28, Lemma 1.7 (c).
  7. (en) Balwant Singh, Basic Commutative Algebra (lire en ligne), p. 32.
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