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Livre X des Éléments d'Euclide

Le livre X des Éléments d'Euclide est le plus volumineux des treize livres constituant les Éléments. Il a pour objet une classification des grandeurs irrationnelles en fonction de la complexité avec laquelle elles ont été formées. Les opérations utilisées sont la somme, la différence et l'usage de la moyenne géométrique entre deux autres grandeurs, autrement dit de la racine carrée[alpha 1].

Il comporte :

  • 11 définitions
  • 117 propositions

Les définitions

Les deux premières définitions opposent les notions commensurable/incommensurables. La déf.1 énonce qu'on appelle grandeurs commensurables celles qui sont mesurées par la même mesure. Autrement dit, a et b sont commensurables s'il existe une grandeur c appelée commune mesure telle que a et b soient des multiples entiers de c. Si les grandeurs sont des droites, on dit aussi qu'elles sont commensurables en longueur. Le traitement de telles grandeurs n'est guère différent de celui des nombres entiers, développé dans le Livre VII. Un exemple de grandeurs incommensurables est donné par la diagonale et le côté d'un carré. Nous dirions aujourd'hui que 2 est irrationnel.

Cependant, le carré construit sur ladite diagonale est double du carré construit sur ledit côté ; ces deux carrés sont donc commensurables. D'où les déf.3 et 4 qui opposent les notions commensurables en puissance/incommensurable en puissance. La déf.3 énonce que les lignes droites sont commensurables en puissance lorsque leurs carrés sont mesurés par une même surface. Un exemple de grandeurs incommensurables en puissance est donné par le côté du pentagone régulier et le rayon du cercle circonscrit à ce pentagone. Si ce rayon a pour longueur 1, le côté de ce pentagone a une longueur égale à et nous dirions aujourd'hui que ce nombre a un carré irrationnel.

Les droites commensurables en longueur ou en puissance avec une droite de référence donnée sont qualifiées de rationnelles (déf.6) dans les traductions latines du grec ou la traduction française de Peyrard utilisée ici. Le choix de ce terme est malheureux puisque rationnel au sens présent signifie non pas nécessairement que la droite a une longueur élément de si la longueur de la droite de référence est prise comme unité, mais que son carré est élément de ℚ. Dans cet article, nous utiliserons donc plutôt le terme exprimable, proposé dans la traduction des Éléments par Bernard Vitrac, pour désigner une droite commensurable en longueur ou en puissance avec la droite de référence, gardant le terme irrationnelle pour les droites incommensurables en longueur et en puissance (déf.7 et 11).

En ce qui concerne les surfaces, celles qui sont commensurables avec le carré de la droite de référence seront appelées rationnelles (déf.8 et 9), et irrationnelles celles qui sont incommensurables (déf.10).

Les propositions

Afin de rendre les notions plus compréhensibles, il nous arrivera d'adopter des notations algébriques modernes, qui bien entendu, ne sont absolument pas du fait d'Euclide. Les propositions abordent les sujets suivants :

  • Une application de l'axiome d'Archimède. La prop.1 énonce que deux grandeurs inégales étant proposées, si l'on retranche de la plus grande une partie plus grande que sa moitié, si l'on retranche du reste une partie plus grande que sa moitié, et si l'on fait toujours la même chose, il restera une certaine grandeur qui sera plus petite que la plus petite des grandeurs proposées. Cette propriété est utilisée dans le Livre XII pour comparer des aires ou des volumes par la méthode d'exhaustion, et est également largement utilisée par Archimède dans ses travaux.
  • Caractérisation de l'incommensurabilité et algorithme d'Euclide. La prop.2 énonce que, deux grandeurs inégales étant proposées, et si la plus petite étant toujours retranchée de la plus grande, le reste ne mesure jamais le reste précédent, ces grandeurs seront incommensurables. Cette proposition caractérise les grandeurs incommensurables par le fait qu'une application de l'algorithme d'Euclide à ces grandeurs ne se termine pas. A contrario, si les grandeurs sont commensurables, le même algorithme se termine et donne la mesure commune (prop.3). On peut itérer pour trouver la mesure commune de trois grandeurs (prop.4).
  • Propriétés de la commensurabilité. Les prop.5 à 9 établissent la relation entre raison de grandeurs commensurables et raison entre entiers. Les prop.10, 15, 16, 17 explorent la compatibilité de la commensurabilité au sein de diverses proportions, ou avec l'addition. la prop.11 explique comment construire des droites incommensurables en longueur ou en puissance. Les prop.12 à 14 prouvent la transitivité de la relation de commensurabilité.
  • Construction de diverses quantités. Les prop.18 à 21 s'intéressent à la commensurabilité d'un segment divisé en deux sous-segments. La prop.22 introduit une notion nouvelle, celle de grandeur médiale. Elle prouve que le rectangle dont les côtés sont des droites exprimables, commensurables en puissance seulement, est irrationnel, le côté du carré d'aire égale à ce rectangle étant une grandeur qualifiée de médiale. Algébriquement, si on prend comme unité la longueur de la droite de référence, les deux côtés auront des longueurs de la forme a et ap, p étant entier, a étant de carré entier. La médiale est donc de la forme ap1/4. La surface carrée dont le côté est une médiale est irrationnelle, mais est également qualifiée de médiale. Les prop.23 à 29 donnent quelques propriétés de ces médiales. Les prop.30 à 36 expliquent comment construire des longueurs de tel ou tel type (commensurables en longueur, commensurables en puissance, médiales, irrationnelles ...) selon certaines contraintes.
  • Classification de la somme de deux grandeurs. Euclide va ensuite classifier les droites sommes de deux droites exprimables, incommensurables en longueur, selon qu'elles seront commensurables en puissance ou non, selon que la somme de leurs carrés sera rationnelle ou non, et selon que le rectangle produit sera rationnel ou non. Dans les prop.37 à 42, il montre dans chacun de ces cas que les droites obtenues sont irrationnelles, et les classe selon six catégories appelées droite de deux noms, première de deux médiales, seconde de deux médiales, majeure, celle qui peut une rationnelle et une médiale, et celle qui peut deux médiales. Par exemple, la droite de deux noms est la somme de deux droites exprimables commensurables en puissance seulement (prop.37). La majeure est la somme de deux droites incommensurables en puissance, la somme de leurs carrés étant rationnelle et leur produit médial (i.e carré d'une longueur médiale) (prop.40). Sous forme algébrique, en prenant la droite de référence comme unité de mesure, 2 + 1 est une droite de deux noms, et est une majeure. Les prop.43 à 48 prouvent l'unicité de la décomposition. Six définitions apparaissent alors, distinguant six types de droites de deux noms. La première de deux noms est par exemple est une droite de deux noms dont le carré du plus grand terme surpasse le carré du plus petit du carré d'une droite commensurable en longueur avec le plus grand terme, ce terme étant par ailleurs commensurable avec la droite de référence. Sous forme algébrique, 2 + 3 est une première de deux noms. La quatrième de deux noms est une droite de deux noms dont le carré du plus grand terme surpasse le carré du plus petit du carré d'une droite incommensurable en longueur avec le plus grand terme, ce terme étant par ailleurs commensurable avec la droite de référence. 2 + 2 est une quatrième de deux noms. Dans les prop.55 à 60, Euclide va alors associer les six classes d'irrationnelles qu'il a définies avec les six types de droites de deux noms : il prouve que la racine carrée des six types de droites de deux noms correspondent respectivement aux six classes d'irrationnels. Réciproquement, dans les prop.61 à 66, il prouve que les carrés des six classes d'irrationnels sont les six types de droites de deux noms. Ainsi, la racine carrée de la première de deux noms est une droite de deux noms : . Le carré d'une majeure est une quatrième de deux noms : .
  • Classification de la différence de deux grandeurs. Dans les prop.74 à 103, Euclide procède de même avec la différence de deux grandeurs, en définissant six nouvelles classes d'irrationnels. Par exemple, la différence correspondant à la définition de la droite de deux noms, mais en prenant une différence à la place d'une somme, s'appelle apotome. 2 – 1 est une apotome. Les apotomes sont elles-mêmes scindées en six types, et Euclide prouve que les racines carrées de ces six types d'apotome donnent les six classes de différences irrationnelles qu'il a définies, et réciproquement, les carrés de ces six classes donnent les six types d'apotome. Les prop.104 à 115 donnent diverses propriétés et exemples de ce type d'irrationnels. Dans la prop.6 du Livre XIII, Euclide prouve que les deux segments divisant un segment de référence en extrême et moyenne raison sont des apotomes. Algébriquement, il s'agit des nombres et .
  • Irrationalité de 2. Cette irrationalité est prouvée dans la prop.117[1], mais cette proposition a pu être rajoutée ultérieurement aux travaux d'Euclide. En effet, il n'est pas évoqué l'irrationalité de 5 qui serait davantage attendue dans ce contexte, d'autant plus que cette irrationalité est utilisée à plusieurs occasions dans les propriétés du pentagone. De plus, certaines éditions ne contiennent pas cette proposition[2].

Bibliographie

  • Les œuvres d'Euclide, traduction de F. Peyrard, Paris (1819), nouveau tirage par Jean Itard, Éditions Albert Blanchard (1993)
  • Euclide (trad. Bernard Vitrac), Les Éléments [détail des éditions]

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. En effet la moyenne géométrique de deux nombres positifs et vaut .

Références

  1. Elle figure dans l'édition de 1632 de D. Henrion, et dans celle de 1819 de F. Peyrard.
  2. L'édition de 1886 de Heiberg la relègue en appendice.
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