Les Carnets du sous-sol
Les Carnets du sous-sol (en russe : ĐапОŃĐșĐž Оз ĐżĐŸĐŽĐżĐŸĐ»ŃŃ), connu aussi en français sous les titres Le Sous-sol, MĂ©moires Ă©crits dans un souterrain, Notes d'un souterrain ou Le Souterrain, est un roman de l'Ă©crivain russe Fiodor DostoĂŻevski publiĂ© en 1864. Le rĂ©cit se prĂ©sente sous la forme du journal intime[2] dâun narrateur amer, isolĂ© et anonyme, fonctionnaire retraitĂ© vivant Ă Saint-PĂ©tersbourg, la capitale impĂ©riale.
Les Carnets du sous-sol[1] | |
Couverture d'une Ă©dition russe de 1866. | |
Auteur | Fiodor DostoĂŻevski |
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Pays | Empire russe |
Version originale | |
Langue | Russe |
Titre | ĐапОŃĐșĐž Оз ĐżĐŸĐŽĐżĐŸĐ»ŃŃ |
Lieu de parution | L'Ăpoque |
Date de parution | 1864 |
Version française | |
Traducteur | Jean-Wladimir Bienstock |
Ăditeur | Gustave Charpentier |
Lieu de parution | Paris |
Date de parution | 1909 |
Nombre de pages | 317 |
Publication
Le , la premiĂšre partie des Carnets du Sous-sol est publiĂ©e dans le premier numĂ©ro de L'Ăpoque , une revue littĂ©raire dirigĂ©e par MikhaĂŻl DostoĂŻevski, le frĂšre aĂźnĂ© de l'Ă©crivain. La seconde partie paraĂźt au mois de juin de la mĂȘme annĂ©e. C'est cette seconde partie que DostoĂŻevski rĂ©dige le , Ă la mort de sa premiĂšre Ă©pouse, Maria Dmitrievna, dĂ©cĂ©dĂ©e la veille.
Personnages
- Le narrateur
- Anton Antonovitch, supérieur hiérarchique du narrateur
- Simonov, ancien camarade dâĂ©cole du narrateur
- Zverkov, gĂ©nĂ©ral et ancien camarade dâĂ©cole du narrateur
- Troudolioubov, ancien camarade dâĂ©cole du narrateur
- Ferfitchkine, ancien camarade dâĂ©cole du narrateur
- Liza, prostituée, vingt ans
- Apollon, domestique du narrateur
Résumé
PremiĂšre partie - Le sous-sol
La premiĂšre partie s'ouvre sur un monologue dâun homme de quarante ans, ancien fonctionnaire qui a dĂ©missionnĂ© et vit depuis sur un petit hĂ©ritage. Le narrateur est haineux et se qualifie lui-mĂȘme de mĂ©chant : il revendique avoir Ă©tĂ© volontairement dĂ©sagrĂ©able avec ses collĂšgues, se dit malade du foie depuis une vingtaine dâannĂ©es et affirme ne pas se soigner par mĂ©chancetĂ© envers lui-mĂȘme. Il avoue par la suite qu'il se revendique mĂ©chant uniquement pour se vanter. En fait, il se complaĂźt dans sa propre dĂ©chĂ©ance, y trouve une forme de jouissance et place le fait de souffrir comme un signe de plaisir[3] : « Il y a de la voluptĂ© dans le mal de dents ». De lĂ , il revendique sa supĂ©rioritĂ© sur lâhomme simple et spontanĂ© quâil nomme lâ« homme normal » bien qu'il ait dĂ©jĂ essayĂ© dâen devenir un lui-mĂȘme, sans succĂšs[4].
Au fil des pages, sa colĂšre monte contre lâ« homme normal », celui qui agit. Il avoue ne pas agir car il s'estime trop intelligent pour ne pas douter de tous les principes qui animent l'homme d'action. Et dâavouer Ă la fin quâil ne croit pas Ă ce quâil vient de dire, quâil a prĂ©parĂ© tous ces discours car il nâavait rien dâautre Ă faire et quâĂ nous, ses lecteurs, il va faire une confidence, il va essayer de ne pas se mentir, nous mentir et de raconter un souvenir quâon ne raconte Ă personne. Ce rĂ©cit s'intitulera Ă propos de neige fondue.
Dans cette premiÚre partie, Dostoïevski engage, sur le mode de la dissertation, un monologue forcé de l'homme souterrain avec des partenaires imaginaires qui ne répondent jamais. Le portrait psychologique du maniaco-dépressif prend place, à travers les paradoxes et les renversements incessants de la pensée de l'auteur. La tranquillité étant le support préalable à toute action, la frénésie de son inquiétude constitue pour l'homme de la cave une paralysie. Une paralysie dont il ne se défend pas, au contraire, « l'inertie contemplative étant préférable ». Cette inertie contraste avec le foisonnement intérieur : conscience et imagination. Ainsi, l'homme du sous-sol apparaßt paradoxalement comme tout sauf inactif, changeant et bouleversant tout.
DostoĂŻevski livre ici une ouverture philosophique fondamentale : la vision de l'Homme dont la conscience ne constitue pas la grandeur (cf. Blaise Pascal), mais un flĂ©au. Pour le narrateur, l'homme conscient est d'autant plus malade qu'il est clairvoyant, il est d'autant plus clairvoyant qu'il regarde autour de lui et voit le Mal partout, il est d'autant plus fou puisque la prĂ©sence de ce mal est une folie. Avant les cĂ©lĂšbres enfants de Fiodor Pavlovitch Karamazov, DostoĂŻevski, Ă travers la critique de l'idĂ©alisme optimiste vouant l'homme au « bien-ĂȘtre », donne une critique vigoureuse de l'absurditĂ© du Mal, ne pouvant ĂȘtre ni rationnel, ni thĂ©ologique, puisque frappant l'innocence.
DeuxiĂšme partie - Ă propos de neige fondue
Le narrateur revient sur lâannĂ©e de ses vingt-quatre ans : dĂ©jĂ seul, son travail et ses collĂšgues ne lui amenaient aucune satisfaction. Une fois pourtant, il sâest abaissĂ© Ă leur parler, mais cela nâa pas durĂ©. Ses seuls loisirs sont la lecture et la dĂ©bauche. Un soir, un officier lâignore au lieu de se battre avec lui. Il veut se venger et peaufine un plan pendant des annĂ©es. Pour finir, il heurte lâhomme de son Ă©paule en pleine rue ; câest Ă peine si lâautre sâen aperçoit, mais lui triomphe intĂ©rieurement.
Il s'est invitĂ© Ă un dĂźner oĂč d'anciens camarades de lycĂ©e fĂȘtent l'un des leurs, mais personne ne veut de lui car il n'a laissĂ© que de mauvais souvenirs, se sentant tellement supĂ©rieur. Il emprunte de l'argent pour y aller, et se rend dĂ©sagrĂ©able, provoque Ferfitchkine en duel, sâenfonce dans le ridicule. Il est agressif et mendie six roubles. Les autres le quittent pour finir la fĂȘte dans une maison close. Il les pourchasse, mais ils nây sont plus. Il va donc avec une prostituĂ©e, Liza, et engage la conversation avec elle. Il lui dĂ©crit lâamour idĂ©al et le compare Ă l'avenir atroce qu'elle a, avec toutes sortes de dĂ©tails, preuve sâil en fallait quâil connaĂźt bien ce milieu. Son discours la touche, la dĂ©sespĂšre et elle veut le revoir.
Trois jours plus tard, Liza arrive chez lui, alors qu'il est en train de se quereller avec son domestique. Il est hors de lui. Elle vient chercher des paroles dâencouragement, mais il la rabaisse. Elle pardonne, mais le quitte sans un mot. Il finira seul.
Extraits
- « Je suis un homme malade... Je suis un homme méchant. Je suis un homme déplaisant[5]. »
- « Jâai mal au foie ! Tant mieux ! Et tant mieux encore si le mal empire[5]. »
- « Câest le dĂ©sespoir qui recĂšle les voluptĂ©s les plus ardentes. »
- « Lâhomme normal⊠Jâenvie cet homme. Je ne le nie pas : il est bĂȘte. Mais, quâen savez-vous ? Il se peut que lâhomme normal doive ĂȘtre bĂȘte. »
- « Moi, je suis seul, et eux, ils sont tous ! »
- « La fin des fins messieurs, est de ne rien faire du tout. Lâinertie contemplative est prĂ©fĂ©rable Ă quoi que ce soit. »
- « Nos dĂ©sirs sont presque toujours erronĂ©s Ă cause d'une conception erronĂ©e de nos intĂ©rĂȘts. »
Adaptations au cinéma
- 1980 : Bobo la tĂȘte de Gilles Katz.
- 1986 : Jour et Nuit de Jean-Bernard Menoud.
- 1995 : Notes from Underground de Gary Walkow.
- 2005 : J'irai cracher sur vos tongs de Michel Toesca.
- 2012 : Inside (turc : Yeraltı) de Zeki Demirkubuz.
- 2015 : Johnny Walker de Kris De Meester.
Notes et références
- La premiÚre traduction française porte le titre Le Sous-sol. La plupart des traductions ultérieures et les plus récentes portent le titre actuel.
- Le Sous-sol, « Note de l'auteur » (La Pléiade, p. 684).
- Le Sous-sol, traduction par Pierre Pascal, p. 695.
- Le Sous-sol, traduction par Pierre Pascal, p. 688.
- Le Sous-Sol, La Pléiade, p. 685.
Ăditions françaises
- Notes d'un souterrain, Edition AUBIER MONTAIGNE PARIS, Collection bilingue Russe, 1972
- Les Carnets du sous-sol, traduit par André Markowicz, Actes Sud, Collection Babel, Arles, 1992, (ISBN 2-7427-2767-1)
- Le Sous-Sol traduit par Pierre Pascal, BibliothĂšque de la PlĂ©iade, Ădition Gallimard, 1956, 115 pages (ISBN 2-07-010178-9)