Legio III Parthica
La Legio III Parthica[N 1] fut crĂ©Ă©e en 197 par lâempereur Septime SĂ©vĂšre (r. 193-211) en mĂȘme temps que les lĂ©gions I et II Parthica en vue de sa guerre contre les Parthes [1].
AprĂšs cette guerre, la lĂ©gion III demeura en Orient oĂč elle reçut comme mission de garder la nouvelle province de MĂ©sopotamie. Elle fut stationnĂ©e Ă Rhesaina pour protĂ©ger la route dâĂdesse Ă Nisibe alors que la legio I Parthica Ă©tait cantonnĂ©e au camp de Singara (aujourdâhui Sinjar en Irak) pour prĂ©venir toute rĂ©bellion Ă©ventuelle Ă lâintĂ©rieur et pour protĂ©ger les provinces orientales contre toute nouvelle invasion des Parthes, puis de leurs successeurs, les Sassanides[2]; la legio II pour sa part retourna en Italie pour servir dâarmĂ©e de rĂ©serve et prĂ©venir les coups dâĂtat ou lâinsubordination du SĂ©nat Ă Rome. La prĂ©sence de cette lĂ©gion au Moyen-Orient est attestĂ©e jusquâau dĂ©but du Ve siĂšcle.
Histoire de la légion
Sous la dynastie des SĂ©vĂšres
Issu dâune famille de chevaliers et de sĂ©nateurs dâAfrique du Nord (Leptis Magna), Septime SĂ©vĂšre (r. 193-211) entra trĂšs jeune au SĂ©nat et suivit la carriĂšre habituelle du cursus honorum. Questeur en Sardaigne en 171, il obtint son premier poste de commandement militaire en 182/183 prenant charge de la legio IV Scythica, stationnĂ©e en Syrie. En 190, il est envoyĂ© administrer la Pannonie avec le titre de consul. Câest lĂ que les lĂ©gions du Danube, apprenant lâassassinat de lâempereur Pertinax, lâacclamĂšrent empereur le . Ayant reçu lâappui des lĂ©gions du Rhin et de Germanie, il put marcher sur Rome et prendre de vitesse ses anciens collĂšgues, Pescennius Niger[N 2], qui avait lâappui des lĂ©gions dâOrient et Clodius Albinus qui avait celle des armĂ©es de Bretagne, dâEspagne et de Gaule[5].
Pescennius Niger ayant refusĂ© de reconnaitre son Ă©lĂ©vation, Septime SĂ©vĂšre dĂ©cida de se porter Ă sa rencontre car celui-ci reprĂ©sentait un double danger : militaire, car il disposait de neuf lĂ©gions et diplomatique, car il avait lâappui des Parthes. Il rĂ©ussit Ă Ă©liminer son adversaire au printemps 194 et se tourna alors contre les Parthes Ă©tablis en MĂ©sopotamie (nord de lâIrak) sur le limes de lâEuphrate et leur enleva dans les mois suivants lâOsrhoĂšne (nord-ouest de la MĂ©sopotamie, capitale : Ădesse) et lâAdiabĂšne (capitale : ArbĂšles en Irak)[5].
Conscient des dangers que les menaces en Orient reprĂ©sentaient pour lâempire, Septime SĂ©vĂšre modifia le cantonnement des lĂ©gions qui datait dâAuguste : en Orient, les lĂ©gions passĂšrent de six Ă onze; sur le Danube de sept Ă douze; mais elles furent rĂ©duites de huit Ă quatre sur le Rhin. Câest dans ce contexte quâil leva en 197 les lĂ©gions I, II et III Parthica, avec lesquelles il envahit la MĂ©sopotamie durant le rĂšgne de VologĂšse V de Parthie (191-208 ap. J.-C.), capturant la capitale CtĂ©siphon en octobre 197 ainsi que SĂ©leucie dĂ©jĂ abandonnĂ©e[6]. De ces trois lĂ©gions, la lĂ©gion III est celle dont on a le plus de difficultĂ© Ă retracer les dĂ©placements.
Contrairement Ă la tradition, le commandement de ces trois lĂ©gions fut confiĂ© non pas Ă un sĂ©nateur mais Ă un prĂ©fet de lĂ©gion issu de lâordre Ă©questre, tĂ©moignage des relations difficiles entre Septime SĂ©vĂšre et le SĂ©nat certes, mais aussi de la volontĂ© de lâempereur, militaire de carriĂšre, de « professionnaliser » lâarmĂ©e. Il est vraisemblable que les lĂ©gionnaires provenaient de lâarmĂ©e levĂ©e par Pescennius Niger[7].
Ă la suite de cette campagne, la MĂ©sopotamie (nord de lâIraq moderne) fut transformĂ©e en province. Contrairement aux autres provinces, normalement administrĂ©es par un sĂ©nateur, la MĂ©sopotamie sera administrĂ©e par un gouverneur aux responsabilitĂ©s tant civiles que militaires issu de lâordre Ă©questre[8]. Les lĂ©gions I et III demeurĂšrent dans la rĂ©gion : la lĂ©gion I Parthica fut cantonnĂ©e au camp de Singara (aujourdâhui Sinja en Irak) au sud-ouest de Nisibe oĂč elle demeura pour prĂ©venir toute rĂ©bellion Ă©ventuelle Ă lâintĂ©rieur et pour la protĂ©ger de toute nouvelle invasion de lâextĂ©rieur [9]; la lĂ©gion III fut stationnĂ©e Ă Rhesaina (syr : Raâs al-â.Ayn; turc : Ceylanpinar)[N 3] sur la riviĂšre Khabur (aujourdâhui en Turquie et en Syrie) oĂč elle avait comme mission principale de surveiller la route menant dâĂdesse (aujourdâhui Ćanlı Urfa en Turquie), capitale de lâOsroĂšne Ă Nisibe (aujourdâhui Nusaybin) sur la frontiĂšre et dâassurer accessoirement la protection de cet arriĂšre-pays[10]; quant Ă la lĂ©gion II, elle retourna en Italie sur les contreforts des monts Albains, Ă quelques kilomĂštres de Rome dont elle assurera la loyautĂ©.
AprĂšs plusieurs campagnes fructueuses Ă partir de 213 contre les Alamans Ă la fois sur le Rhin et sur le Danube, Caracalla (r. 211-217) se tourna contre les Parthes lors dâune campagne (216-217) oĂč il devait trouver la mort, campagne Ă laquelle la lĂ©gion III prit sans doute part. La bataille de Nisibe, qui eut lieu en 217 entre Macrin, successeur de Caracalla, et le roi parthe Artaban V, mit fin Ă cette campagne, mais quelques annĂ©es plus tard (224) lâempire parthe fut remplacĂ© par celui des Sassanides et la guerre reprit avec Rome. Les Sassanides envahirent la MĂ©sopotamie en 230 et pĂ©nĂštrent jusquâen Cappadoce, installant un usurpateur comme « empereur » Ă Emesse. Lâempereur SĂ©vĂšre Alexandre (r. 222-235) contre-attaqua. AprĂšs de premiers succĂšs, il dĂ©cida de pousser son avantage et de poursuivre les Sassanides sur leur propre territoire, divisant son armĂ©e en trois colonnes : la premiĂšre attaquant au nord par la MĂ©die, la deuxiĂšme pĂ©nĂ©trant en Perse par la Babylonie et la troisiĂšme commandĂ©e par lâempereur marchant entre les deux premiĂšres. Cette manĆuvre Ă©choua et en 233, il dut ordonner la retraite pour regagner le Rhin et combattre les Alamans[11] - [12].
Pendant lâ Anarchie militaire
En 241, le roi Shapur Ier, qui voulait reprendre aux Romains les provinces quâils avaient enlevĂ©es aux Parthes, envahit lâOsroĂšne et avança jusquâĂ Antioche. En 243, la Legio III Parthica, sous les ordres du prĂ©fet du prĂ©toire Timesithus dĂ©fit les Sassanides lors de la bataille de Rhesaina. Ă la suite de cette victoire les Romains purent reprendre les villes d'Hatra, de Nisibe et de Carrhes. Câest peut-ĂȘtre Ă cette occasion que la lĂ©gion se vit attribuer le cognomen Pia comme en font foi des piĂšces de monnaie retrouvĂ©es prĂšs de lĂ portant la lĂ©gende L III PIA (litt : pieuse). Toutefois, il serait aussi possible quâelles aient Ă©tĂ© frappĂ©es sous Trajan DĂšce (r. 249-251) bien que celui-ci nâait pas menĂ© de campagne en Orient. Des piĂšces similaires retrouvĂ©es Ă Sidon indiquent que des vĂ©tĂ©rans de cette lĂ©gion y furent par la suite Ă©tablis[13].
AprĂšs cette victoire, lâempereur Gordien III (r. 238-244) se dirigea vers la capitale CtĂ©siphon, mais mourut dans des circonstances obscures en octobre 243 lors de la bataille de Misiche [N 4]. La fortune avait tournĂ© et lorsque lâempereur ValĂ©rien (r. 253-260) voulut rĂ©tablir lâordre en Irak, il fut dĂ©fait et emmenĂ© en captivitĂ© en 259[14]. Les Romains ne devaient reprendre pied que sous OdĂ©nat, gouverneur romain autoproclamĂ© roi de Palmyre (261-267), puis sous DioclĂ©tien (r. 284-305). En 298, un traitĂ© de paix fut signĂ© par lequel les Perses abandonnaient les territoires conquis sur Rome dans le nord de la MĂ©sopotamie. La Legio III Parthica dut jouer un rĂŽle durant toutes ces campagnes, mais nous nâavons pratiquement aucune information sur ses dĂ©placements[15].
Sous DioclĂ©tien, la lĂ©gion fut dĂ©placĂ©e vers Apatna, au confluent de la riviĂšre Khabur et de lâEuphrate[16].
Au Ve siĂšcle
Selon la Notitia Dignitatum, recension rĂ©digĂ©e vers 400[N 5], la lĂ©gion Ă©tait toujours stationnĂ©e au moment de la rĂ©daction Ă Apatna[17]. Elle dut ĂȘtre dissoute Ă une date inconnue au cours des deux siĂšcles suivants.
Notes et références
Notes
- Le nombre (indiquĂ© par un chiffre romain) portĂ© par une lĂ©gion peut porter Ă confusion. Sous la rĂ©publique, les lĂ©gions Ă©taient formĂ©es en hiver pour la campagne dâĂ©tĂ© et dissoutes Ă la fin de celle-ci; leur numĂ©rotation correspondait Ă leur ordre de formation. Une mĂȘme lĂ©gion pouvait ainsi porter un numĂ©ro dâordre diffĂ©rent dâune annĂ©e Ă lâautre. Les nombres de I Ă IV Ă©taient rĂ©servĂ©s aux lĂ©gions commandĂ©es par les consuls. Sous lâempire, les empereurs numĂ©rotĂšrent Ă partir de « I » les lĂ©gions quâils levĂšrent. Toutefois, cet usage souffrit de nombreuses exceptions. Ainsi Auguste lui-mĂȘme hĂ©rita de lĂ©gions portant dĂ©jĂ un numĂ©ro dâordre quâelles conservĂšrent. Vespasien donna aux lĂ©gions quâil crĂ©a des numĂ©ros dâordre de lĂ©gions dĂ©jĂ dissoutes. La premiĂšre lĂ©gion de Trajan porta le numĂ©ro XXX, car 29 lĂ©gions Ă©taient dĂ©jĂ en existence. Il pouvait donc arriver, Ă lâĂ©poque rĂ©publicaine, quâexistent simultanĂ©ment deux lĂ©gions portant le mĂȘme numĂ©ro dâordre. Câest pourquoi sây ajouta un cognomen ou qualificatif indiquant (1) ou bien lâorigine des lĂ©gionnaires (Italica = originaires dâItalie), (2) un peuple vaincu par cette lĂ©gion (Parthica = victoire sur les Parthes), (3) le nom de lâempereur ou de sa gens (famille ancestrale), soit quâelle ait Ă©tĂ© recrutĂ©e par cet empereur, soit comme marque de faveur (Galliena, Flavia), (3) une qualitĂ© particuliĂšre de cette lĂ©gion (Pia fidelis = loyale et fidĂšle). Le qualificatif de « Gemina » dĂ©signait une lĂ©gion reconstituĂ©e Ă partir de deux lĂ©gions ou plus dont les effectifs avaient Ă©tĂ© rĂ©duits au combat (Adkins (1994) pp. 55 et 61).
- Les deux hommes avaient administré la province dite Lyonnaise en 186-188, la purgeant de ses brigands
- On a trouvĂ© Ă cet endroit des piĂšces de monnaie avec la mention LE III P S (Legio III Partica Severiana); toutefois les fouilles archĂ©ologiques sâavĂšrent difficile, le site se trouvant sur la zone militaire sĂ©parant la Turquie de la Syrie (Lendering (2002) para 4)
- Il existe deux versions de cette mort : selon lâ Histoire Auguste, Philippe Ier lâArabe aurait soudoyĂ© lâarmĂ©e qui se serait soulevĂ©e contre Gordien entre Circesium et Dura ; il aurait ensuite envoyĂ© les restes de lâempereur Ă Rome affirmant que celui-ci Ă©tait mort de dysenterie; selon les sources perses, lâempereur aurait Ă©tĂ© blessĂ© Ă la bataille de Misiche et serait mort des suites de cette blessure.
- On doit toutefois consulter la Notitia Dignitatum avec prudence, car diverses mises Ă jour, surtout en ce qui concerne lâarmĂ©e de lâempire dâOccident, ont Ă©tĂ© faites de façon partielle et conduisent Ă des invraisemblance.
Références
Pour la référence CIL, se référer à Epigraphik-Datenbank Clauss / Slaby EDCS dans la bibliographie.
- Wesch-Klein (1998) p. 124.
- Cassius Dio, Histoire romaine 55.24.4.
- Stoll (2001) p. 67.
- Erdkamp (2007) p. 461.
- Zosso (2009) p. 122
- Zosso (2009) p. 123.
- Cowan (2003) p. 6.
- Ritterling (1925) pp. 1435 et sq..
- Cassius Dion, Histoire romaine, 55.24.4.
- Erdkamp (2007) p. 250.
- Zosso (2009) p. 147.
- Lendering (2002) para 6.
- Lendering (2002) para 7.
- Zosso (2009) « Gordien III » pp. 163-165 - « Philippe Ierdit Philippe lâArabe » pp. 167-169 - »ValĂ©rien Ier pp. 189-191.
- Lendering (2002) para 10.
- Erdkamp (2007) p. 255.
- Notitia Dignitatum Or. XXXV.
Voir aussi
Bibliographie
- Sources primaires
- Cassius Dion. Histoire de Rome. Une traduction française de cette Histoire est disponible en ligne sur le site de la BibliothÚque nationale de France, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k297621.
- (en) Amien Marcellin. Res Gestae. [en ligne] http://www.tertullian.org/fathers/ammianus_20_book20.htm#C7.
- (en) Compilation. Notitia Dignitatum (Dr Ingo G. Maier): discussion, bibliographie, aussi carte de l'empire.
- HĂ©rodien. Histoire des empereurs romains de Marc-AurĂšle Ă Gordien III, traduction de Denis Roques, Les Belles Lettres, Collection la Roue Ă livres, Paris, 1990, (ISBN 2251339035).
- Sources secondaires
- (en) Cowan, Ross. Imperial Roman Legionary A.D. 161-284. Oxford, Osprey Publishing, 2003 (ISBN 978-1-405-12153-8).
- (en) l H. Dodgeon, Michael H. (ed) & Samuel N. C. Lieu (ed). The Roman Eastern Frontier and the Persian Wars, AD 363-628, London, Routledge, 1993. (ISBN 978-0-415-10317-6).
- (de) Epigraphik-Datenbank Clauss / Slaby EDCS (Abbrévié CIL) [en ligne] .
- (en) Erdkamp, Paul (Ă©d.). A companion to the Roman army. Malden (MA), Blackwell, 2007, (ISBN 978-1-405-12153-8).
- Loriot, Xavier et Daniel Nony, La crise de l'Empire romain, 235â285, Paris, Armand Colin, 1997, (ISBN 2-200-21677-7).
- (de) Nesselbauf-Lieb. âBericht der Römisch-Germanischen Kommission 40â, 1959.
- (de) Ritterling, Emil. Legio (III Parthica) (dans) Paulys RealencyclopÀdie der classischen Altertumswissenschaft (RE). Band XII, 2, Stuttgart, 1925, pp. 1435 et sq.
- (de) Stoll, Oliver. Römisches Heer und Gesellschaft. Gesammelte BeitrÀge 1991 - 1999, Steiner, Stuttgart 2001, (ISBN 3-515-07817-7).
- (de) Wesch-Klein, Gabriele. Soziale Aspekte des römischen Heerwesens in der Kaiserzeit (= Heidelberger althistorische BeitrÀge und epigraphische Studien. Band 28). Steiner, Stuttgart 1998, (ISBN 3-515-07300-0).
- Zosso, François. Les empereurs romains. Paris, Ăd. Errance, 2009, (ISBN 978-2-877-72390-9).
Articles connexes
Liens externes
- (en) Lendering, Jona. « Legio III Parthicaâ In: Livius.org, Articles on Ancient History. [On line] http://www.livius.org/articles/legion/legio-iii-parthica/.