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Le Repos pendant la fuite en Égypte (Merson)

Le Repos pendant la fuite en Égypte est une peinture à l'huile sur toile réalisée par Luc-Olivier Merson en 1879.

Le Repos pendant la fuite en Égypte
Artiste
Date
Type
Matériau
Dimensions (H × L)
71,8 × 128,3 cm
No d’inventaire
18.652
Localisation

Création et réception

Une première version de l'œuvre, intitulée sur le catalogue Le Repos en Égypte, est exposée au Salon de peinture et de sculpture[N 1] en mai 1879[1] - [2]. Devant le succès, Merson réalise plusieurs versions ou variantes[3]. L'une d'elles[N 2], don de George Golding Kennedy, est conservée au musée des Beaux-Arts de Boston[4]. Le musée des Beaux-Arts de Nice détient une variante[N 3] datant de 1880, legs de M. de Saint-Aignan, dans laquelle Joseph, toujours allongé, regarde la Vierge[5] - [6].

Après le Salon, le critique Earl Shinn (en) qualifie l’œuvre de « vrai poème » qui « exerçait sur les foules une fascination irrésistible et inhabituelle »[N 4], et Henry Bacon écrit qu'elle « touche le cœur »[7].

Merson donnera une suite au tableau en peignant À l'ombre d'Isis[N 5] en 1889[3], puis Les Vierges mères, œuvre longtemps considérée perdue.

Description et analyse

L'œuvre illustre un épisode classique du Nouveau Testament, le Repos pendant la fuite en Égypte : peu après la Nativité, Joseph et Marie fuient pour échapper au massacre des Innocents qu'a ordonné le roi Hérode, et l'artiste peint le repos nocturne de la Sainte Famille, accompagnée d'un âne.

La scène est d'une grande simplicité, dans une étrange atmosphère grise et bleue. Le décor est éclairé par trois sources de lumière : la lune, qui n'est pas représentée, un feu qui s'éteint doucement, près de Joseph sans doute endormi, et une lueur sainte sur Marie et son fils, qui émane de l'enfant. « Vraie trouvaille de l'iconographie » : la Vierge et l'Enfant sont endormis entre les pattes d'un sphinx.

Ce sphinx, figure protectrice d'un amour profane, est la seule évocation de l'Égypte, avec le désert que l'on devine à peine. Dans une « particularité toute moderne » de l'œuvre, il a la face levée vers le ciel. L'impression de vide et de sérénité, créée par un désert qui s'étend jusqu'à l'horizon, est accentuée par le choix de placer le sphinx à l'extrême gauche de la scène.[8] - [3] - [9].

Si elle évoque le Sphinx de Gizeh, la statue est peinte sans souci de précision, et la scène religieuse penche vers le réalisme[10].

Influences

14,5 × 25,5 cm Cleveland Museum of Art (composition identique, mais inversée)

Le Repos pendant la fuite en Égypte vaut à Luc-Olivier Merson une « reconnaissance internationale », et ce tableau eut « une influence étonnante »[3].

En 1883, Agnes Repplier (en) publie dans Catholic World un poème intitulé The Sphinx, qui est inspiré de l'œuvre de Merson[3] - [11].

Le peintre Frederick Rape s'en inspire pour son tableau Les Deux Ères, exposé en 1893[3].

Comme il l'écrit à Hesketh Pearson (en), c'est le souvenir de la peinture de Merson qui inspire George Bernard Shaw lorsqu'il imagine la scène de César et Cléopâtre (1898) où, pour la première fois, César rencontre Cléopâtre, qu'il substitue à la Vierge entre les pattes du sphinx[12] - [13] - [3].

36,9 × 21,5 cm Cleveland Museum of Art : possible étude pour le tableau

Paru en 1901, Le Repos en Égypte, poème d'Albert Samain, est une description du tableau de Merson[13] :

Entre les pieds du sphinx appuyée à demi,
La vierge, pâle et douce, a fermé la paupière ;
Et, dans l’ombre, une étrange et suave lumière
Sort du petit Jésus dans ses bras endormi.

Le texte sera mis en musique par Alice Sauvrezis en 1906.

En 1910, Louis Feuillade s'inspire du tableau de Merson pour la dernière scène de son film La Nativité, intitulée « La Halte ». Estimant qu'il s'agit d'une contrefaçon, Merson intente un procès à Gaumont, société productrice du film, laquelle supprime sans délai la scène incriminée. Le Tribunal, s'il reconnaît les similitudes entre les œuvres, estime la demande du peintre infondée, et celui-ci sera également débouté en appel. Le rejet fait débat, et « douze artistes français fort illustres […], ayant analysé les éléments caractéristiques du tableau et du film, concluent à l'existence d'une copie »[14].

Alors que les artefacts égyptiens remplissent ses musées et que Le Repos a traversé l'Atlantique, les États-Unis découvrent le sphinx caractéristique de Merson (dégarni de toute composante religieuse) à travers de nombreuses publicités[N 6]. La Monarch Cycle Manufacturing Company (en) vante ainsi ses bicyclettes en faisant parler le sphinx, sorti de son silence séculaire. En 1905, dans le Harper's Magazine, la White Star Line utilise deux sphinx placés symétriquement autour de l'étoile blanche de la compagnie pour vendre des croisières de Boston et New York vers la Méditerranée[15].

Notes et références

Notes

  1. Ce salon deviendra le Salon des artistes français l'année suivante.
  2. De dimensions 71,8 × 128,3 cm.
  3. De dimensions 77 × 133 cm.
  4. «it held crowds in irresistible and unaccustomed fascination».
  5. L'œuvre est exposée au musée d'Arts de Nantes.
  6. Avec une réduction des coûts postaux vers 1879, la distribution de magazines en Amérique se développe, et par là-même leur utilisation publicitaire.

Références

  1. Salon de 1879 : Catalogue illustré, Paris, (lire en ligne), p. 108.
  2. « Le repos en Égypte », sur salons.musee-orsay.fr.
  3. Emmanuelle Amiot-Saulnier, « Luc Olivier Merson Le Repos pendant la Fuite en Égypte », Dossier de l'art, no 185, , p. 50-51.
  4. Grotenhuis, p. 125.
  5. « Rest on the Flight into Egypt », sur hearstcastle.org
  6. « Luc-Olivier Merson », sur musee-beaux-arts-nice.org.
  7. Grotenhuis, p. 139.
  8. (en) Bruce Menzies, Art Expressions : Finding inspiration in the world's great art, , 226 p. (ISBN 1792311036), p. 222-223.
  9. Grotenhuis, p. 124.
  10. Grotenhuis, p. 131-132.
  11. (en) George Stewart Stokes, Agnes Repplier : Lady of Letters, University of Pennsylvania Press, , 274 p. (lire en ligne), p. 57.
  12. (en) Brad Kent, George Bernard Shaw in Context, Cambridge, Cambridge University Press, , 416 p., p. 187-189.
  13. Grotenhuis, p. 153.
  14. « Jurisprudence : Reproduction du sujet d'un tableau dans un film cinématographique […] », Le Droit d'Auteur, no 11, , p. 129-139 (lire en ligne, consulté le ).
  15. Grotenhuis, p. 141-143.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Liesbeth Grotenhuis, « Lying in the Arms… : The Origins and Reception of Luc Olivier Merson's The Rest on the Flight to Egypt », dans Jacobus Bracker, Ann-Kathrin Hubrich, The Art of Reception, Cambridge Scholars Publishing, (ISBN 1527567044), p. 123-161.

Liens externes

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