Le Loup et les Bergers
Le Loup et les Bergers est la cinquième fable du livre X de Jean de La Fontaine situé dans le second recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1678.
Le Loup et les Bergers | |
Gravure de Pierre-Étienne Moitte d'après Jean-Baptiste Oudry, édition Desaint & Saillant, 1755-1759 | |
Auteur | Jean de La Fontaine |
---|---|
Pays | France |
Genre | Fable |
Éditeur | Claude Barbin |
Lieu de parution | Paris |
Date de parution | 1678 |
Chronologie | |
La Fontaine critique dans cette fable l'hypocrisie de l'homme face aux loups qui tue seulement pour survivre.
Texte de la fable
Un Loup rempli d’humanité
(S’il en est de tels dans le monde)
Fit un jour sur sa cruauté,
Quoiqu’il ne l’exerçât que par nécessité,
Une réflexion profonde.
Je suis haĂŻ, dit-il, et de qui ? De chacun.
Le Loup est l’ennemi commun :
Chiens, Chasseurs, Villageois s’assemblent pour sa perte :
Jupiter est lĂ -haut Ă©tourdi de leurs cris :
C’est par là que de Loups l’Angleterre est déserte :
On[N 1] y mit notre tĂŞte Ă prix.
Il n’est hobereau[N 2] qui ne fasse
Contre nous tels bans[N 3] publier :
Il n’est marmot osant crier
Que du Loup aussitôt sa mère ne menace.
Le tout pour un Ă‚ne rogneux[N 4],
Pour un Mouton pourri, pour quelque Chien hargneux
Dont j’aurai passé mon envie.
Et bien ne mangeons plus de chose ayant eu vie :
Paissons l’herbe, broutons, mourons de faim plutôt :
Est-ce une chose si cruelle ?
Vaut-il mieux s’attirer la haine universelle ?
Disant ces mots il vit des Bergers pour leur rĂ´t
Mangeants un agneau cuit en broche.
Oh, oh, dit-il, je me reproche
Le sang de cette gent ; Voila ses Gardiens
S’en repaissants, eux et leurs chiens ;
Et moi, Loup, j’en ferai scrupule ?
Non, par tous les Dieux non ; Je serais ridicule.
Thibaut l’agnelet[N 5] passera,
Sans qu’à la broche je le mette ;
Et non seulement lui, mais la mère qu’il tette,
Et le père qui l’engendra.
Ce Loup avait raison : Est-il dit qu’on nous voie
Faire festin de toute proie,
Manger les animaux, et nous les réduirons
Aux mets de l’âge d’or autant que nous pourrons ?
Ils n’auront ni croc[N 6] ni marmite ?
Bergers, bergers, le loup n’a tort
Que quand il n’est pas le plus fort :
Voulez-vous qu’il vive en ermite ?
— Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, Le Loup et les Bergers, texte établi par Jean-Pierre Collinet, Fables, contes et nouvelles, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 402
Notes
- Il s'agit d'Edgar le Pacifique, roi d'Angleterre qui proposa aux princes gallois de lui donner trois cents tĂŞtes de loup plutĂ´t que de payer tribut en argent
- gentilhomme campagnard de petite noblesse
- Annonces
- qui a la gale
- Ce nom de Thibaut qui désigne ici un mouton, est celui du berger dans La Farce de Maître Pathelin
- Ustensile de cuisine qui a plusieurs pointes recourbées où on attache la viande (Furetière)