Le Grand Voyage (SemprĂșn)
Le Grand Voyage est le roman autobiographique de Jorge SemprĂșn qui contribua Ă faire connaĂźtre cet auteur espagnol de langue française et espagnole dans le monde entier.
Le Grand Voyage | |
Auteur | Jorge SemprĂșn |
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Pays | Espagne |
Genre | Roman |
Ăditeur | Ă©ditions Gallimard |
Collection | Blanche |
Date de parution | 1963 |
Nombre de pages | 265 |
Chronologie | |
SemprĂșn raconte dans ce livre le voyage de cinq jours qu'il effectua, avec 119 autres dĂ©tenus entassĂ©s dans un wagon de marchandises, jusqu'au camp de concentration de Buchenwald ; il aborde au long du rĂ©cit plusieurs Ă©tapes de sa vie : la guerre civile espagnole et la RĂ©sistance, mais aussi la LibĂ©ration et son retour en France.
Il s'agit du premier roman dans lequel SemprĂșn parle de son expĂ©rience Ă Buchenwald, il en parlera aussi dans Quel beau dimanche ! et L'Ăcriture ou la Vie.
Présentation
FĂ©vrier-, Jorge SemprĂșn est Ă Madrid, clandestin du PCE (Parti communiste espagnol). Soudain, la police franquiste procĂšde Ă des rafles et dĂ©mantĂšle plusieurs rĂ©seaux communistes dans la capitale madrilĂšne. Jorge SemprĂșn se terre dans son appartement de la rue ConcepciĂłn Bahamonde.
« Je me retrouvais seul, Ă©crira-t-il, immergĂ© dans cette dimension dĂ©concertante des heures creuses et des temps morts, sans fin. » Dans cet Ă©tat particulier dont il n'a pas l'habitude, coupĂ© de tout pendant plusieurs jours, -« sans trop y penser, sans mĂȘme l'envisager de propos dĂ©libĂ©rĂ© »- il se met Ă rĂ©diger ce qui deviendra Le Grand Voyage[1]. Dans cet Ă©tat de conscience, il tente de dĂ©crire les prĂ©mices du processus de crĂ©ation, les souvenirs s'entrechoquent entre les propos rĂ©cents de Manolo Azaustre sur le camp de Mauthausen et sa propre expĂ©rience au camp de Buchenwald[2].
C'est au cours de l'automne 1962 que, par hasard, les choses vont se prĂ©ciser. Au cours d'une soirĂ©e Ă Paris, Jorge SemprĂșn confie son manuscrit Ă une amie qui le fait lire Ă l'Ă©crivain Claude Roy qui travaille alors aux Ăditions Gallimard. Il est sĂ©duit et c'est ainsi que le livre sera Ă©ditĂ© l'annĂ©e suivante[3].
Résumé
CentrĂ©e sur son voyage en train de CompiĂšgne Ă Buchenwald (quatre jours et cinq nuits entassĂ© dans un wagon de marchandises), cette autobiographie romancĂ©e enchaĂźne sans transitions des fragments de souvenirs de plusieurs autres pĂ©riodes de la vie de Jorge SemprĂșn : son arrestation en tant que rĂ©sistant, la libĂ©ration du camp, la rĂ©daction dâune premiĂšre version non publiĂ©e, la vie aprĂšs la guerre, la lutte clandestine contre le franquisme, la rĂ©daction de lâouvrage dix-sept ans aprĂšsâŠ. Ce voyage est Ă©galement un voyage intĂ©rieur dans la mĂ©moire et lâanticipation de lâavenir du personnage principal.
En plus du narrateur, le personnage principal est le « gars de Semur », contrepoint sensĂ© et populaire Ă lâintellectualisme du narrateur, Ă©lĂšve en hypokhĂągne au lycĂ©e Henri IV Ă Paris.
La plus grande partie du récit est faite à la premiÚre personne du singulier, les derniÚres pages sont rédigées à la troisiÚme personne.
Le rĂ©cit des Ă©vĂ©nements est souvent le support de rĂ©flexions sur le sens de lâexistence. Jorge SemprĂșn dĂ©clare que le narrateur câest lui, mais que tous les faits sont reconstruits[4].
Le prix Formentor
Le , Jorge SemprĂșn sort de l'anonymat quand Georges Gosnat[5], membre Ă©minent du PCF annonce en plein repas de meeting communiste Ă Stains dans la rĂ©gion parisienne, que Jorge SemprĂșn â alias Federico SĂĄnchez â Ă©tait le laurĂ©at du prix Formentor attribuĂ© pour son livre Le Grand Voyage. RĂ©action quasi immĂ©diate en Espagne dans les milieux franquistes dont le journal ABC dans un Ă©ditorial du se fera l'Ă©cho : « Qui est ce Jorge SemprĂșn ? C'est un exilĂ© qui a quittĂ© notre pays en 1939, a combattu dans la rĂ©sistance française, collabore Ă la presse marxiste et milite avec un zĂšle enthousiaste au Parti communiste[6]. »
Le , Jorge SemprĂșn est Ă Salzbourg pour la remise du prix Formentor obtenu pour Le Grand Voyage. Avant le dĂźner de rĂ©ception, chaque membre du jury devait lui remettre un exemplaire de son livre dans l'une des treize traductions publiĂ©es. Tout se passe bien jusqu'au tour du reprĂ©sentant espagnol le poĂšte Carlos Barral visiblement mal Ă l'aise, qui ne put lui remettre Ă son tour un livre imprimĂ© puisque le censure franquiste en avait interdit la publication. Carlos Barral s'avança et lui remit un livre dont toutes les pages Ă©taient blanches et Jorge SemprĂșn « fut Ă©merveillĂ© par ce livre vierge tout Ă©blouissant de mots non Ă©crits, comme si Le Grand Voyage n'Ă©tait pas encore terminĂ©, comme s'il restait encore Ă faire ou Ă Ă©crire et Carlos Barral t'embrasse en te remettant ce livre admirable, ce livre Ă venir et Ă faire, ce livre de rĂȘve[7]... »
Notes et références
- Voir son livre Autobiographie de Federico SĂĄnchez, pages 223-224
- Il écrira à ce propos : « De fait, le livre s'imposa à moi avec une structure temporelle et narrative déjà complÚtement élaborée : sans doute pensé-je aujourd'hui, élaboré inconsciemment au fil des longues heures passées à couter les récits décousus et répétitifs de Manolo Azaustre sur Mauthausen. »
- Il écrira aussi à propos de son élaboration : « Je travaillai toute une semaine à ce livre, écrivant d'une seule traite, sans à peine m'interrompre pour reprendre souffle. »
- IInterview par Georges Bortoli, INA, 1963
- Sous SecrĂ©taire d'Ătat du gouvernement Georges Bidault en 1946 - DĂ©putĂ© communiste de 1945 Ă 1958 puis de 1964 Ă 1982
- Un tĂ©lĂ©gramme fut mĂȘme envoyĂ© au jury du prix Formentor pour prĂ©venir ses membres contre ce Jorge SemprĂșn « agent communiste et ennemi du peuple espagnol. » TĂ©lĂ©gramme attribuĂ© Ă Salvador de Madariaga qui dĂ©mentit et porta plainte... mais finalement, l'enquĂȘte ne donna rien.
- Anecdote racontée dans son livre Autobiographie de Federico Sånchez