Accueil🇫🇷Chercher

Lazare Kaganovitch

Lazare Moïsseïevitch Kaganovitch (en russe : Лазарь Моисеевич Каганович), né à Kabany le et mort le à Moscou, est un homme d'État soviétique. Surnommé « la locomotive » du fait de son tempérament bouillant[1], il est membre du bureau politique du Parti communiste de l'Union soviétique sous la direction de Joseph Staline.

Lazare Kaganovitch
Лазарь Каганович
Illustration.
Lazare Kaganovitch dans les années 1930.
Fonctions
Vice-président du Conseil des ministres de l'Union soviétique

(4 ans, 3 mois et 24 jours)
Premier ministre Georgy Malenkov
Nikolai Bulganin
Nikita Khrouchtchev
Prédécesseur Lavrentiy Beria
Successeur Anastas Mikoyan
Membre du Politburo

(26 ans, 7 mois et 14 jours)
Biographie
Nom de naissance Lazar Moiseyevich Kaganovich
Date de naissance
Lieu de naissance Drapeau de l'Empire russe Kabany (Empire russe)
Date de décès
Lieu de décès Drapeau de l'URSS Moscou (URSS)
Nationalité Drapeau de la Russie russe → Drapeau de l'URSS soviétique
Parti politique PCUS
Profession Cordonnier

Signature de Lazare KaganovitchЛазарь Каганович

Né dans une famille juive, Kaganovitch travaille comme cordonnier lorsqu'il rejoint le POSDR en 1911 et devient bolchevik. En 1917, il dirige un soulèvement en Biélorussie durant la révolution d'Octobre. Très proche de Staline, il le soutient lors de son ascension au pouvoir suprême dans les années 1920. Il a contribué à la théorisation du stalinisme. Il est premier secrétaire du Parti communiste en Ukraine de 1925 à 1928 puis en 1947. Il est membre titulaire du Politburo sans interruption de 1930 à 1957. Au cours des années 1930, il est commissaire du peuple aux chemins de fer, à l'industrie lourde et à l'industrie gazière. Après la mort de Staline en 1953, il devient vice-président du Conseil des ministres de l'URSS jusqu’à sa mise à l’écart en 1957 dû à son opposition à la déstalinisation.

Kaganovitch a une responsabilité importante dans la mise en place de l'Holodomor, une famine où environ 5 millions d'Ukrainiens moururent. Il est également un des cosignataires du décret ordonnant en 1940 le massacre de Katyń, où environ 22 000 civils et officiers polonais furent exécutés par le NKVD et 60 000 personnes déportées.

Devenu le dernier membre encore en vie du cercle rapproché de Staline, il meurt en 1991 à l'âge de 97 ans, quelques mois seulement avant la chute de l’URSS.

Biographie

Un fidèle de Staline

Lazare Kaganovitch et Joseph Staline.

Lazare Moïsseïevitch Kaganovitch est issu d'une famille juive des environs de Kiev[2]. Il travaille dès son enfance comme apprenti cordonnier[3] dans des fabriques de chaussures et, rejoignant son frère aîné Mikhaïl, adhère au Parti ouvrier social-démocrate de Russie en 1911. Après avoir fait de l’agitation sous le pseudonyme de « Kosherovitch »[1], il se fait remarquer par Lénine, puis est envoyé gouverner Nijni Novgorod en 1918[1]. En 1919, il pousse à la militarisation du Parti[1], et se voit confier des tâches politiques mineures dans l'Armée rouge pendant la guerre civile russe et se bat sur le front Sud. En 1920, il est envoyé en Asie centrale. C'est lui qui est à l'origine de l'abandon du nom Turkestan, alors utilisé pour désigner cette région, estimant qu'il manifestait « une aspiration grand-turque qui devrait être rayée au plus tôt de la terminologie soviétique ».

Faisant partie des proches de Staline, Kaganovitch connaît alors une rapide ascension : membre suppléant au Comité central en 1923, il en est membre titulaire l'année suivante[2]. Il idolâtre Staline, qu’il appelle « notre père »[4], et participe à la théorisation du futur stalinisme. Premier secrétaire du Parti communiste ukrainien de 1925 à 1928, il dirige les opérations d'élimination des opposants et joue un rôle considérable dans la mise en œuvre des purges staliniennes des années trente dans cette république bouleversée par la collectivisation. Il est ensuite envoyé écraser les jacqueries entre Caucase et Sibérie occidentale[5].

Kaganovitch en 1935.
Kaganovitch en 1935.

Élu suppléant au Politburo, il en devient titulaire en 1930 et y demeure jusqu'en 1957, ayant par ailleurs rejoint le Præsidium du Soviet suprême en 1952. De 1930 à 1935, il est premier secrétaire de l'organisation du Parti à Moscou, où il se distingue par son action dans la modernisation de Moscou, en particulier dans la destruction de monuments historiques préalable aux constructions[5], et dans la construction de la première ligne du métro de la capitale. Jusqu'en 1939, il est également l'un des trois secrétaires du Comité central, adjoint de Staline[3], supervisant notamment successivement l'industrie, l'agriculture et les transports, ainsi que la répression de rébellions, comme au Kouban en 1932[6].

Holodomor

Kaganovitch joue un rôle de premier plan lors de l’Holodomor (extermination par la faim), qui se produit dans le contexte des famines soviétiques et qui fait entre 2,6 et 5 millions de victimes en Ukraine. Le plan de collecte prévu par le gouvernement n’ayant pas été rempli, Kaganovitch et Molotov sont dépêchés en octobre 1932 dans le Caucase du nord et en Ukraine afin d’« accélérer les collectes » et empêcher à tout prix les paysans de fuir vers les villes[7]. Kaganovitch se montre passablement insensible au spectacle de désolation laissé par la famine, adressant au contraire critiques et réprimandes aux cadres en place pour leur mollesse dans la collecte[8].

Le , la commission présidée par Kaganovitch adopte la résolution suivante : « À la suite de l’échec particulièrement honteux du plan de collecte des céréales, obliger les organisations locales du Parti à casser le sabotage organisé par les éléments koulaks contre-révolutionnaires, anéantir la résistance des communistes ruraux et des présidents de kolkhozes qui ont pris la tête de ce sabotage »[9]. À partir de ce moment-là, les opérations « anti-sabotage » se multiplient et les victimes se compteront par dizaines de milliers, sans compter les déportations de villages entiers. Nikita Khrouchtchev s’illustrera d’ailleurs également par sa férocité durant cette sombre période, en Ukraine. II a été calculé qu’au plus fort de la famine, jusqu’à 33 000 personnes mouraient de faim chaque jour dans cette région. Le cannibalisme réapparaîtra.

Une cible de la déstalinisation

Après la mort de Staline, Kaganovitch réussit à conserver son influence. De à , il est ministre du Travail et des Salaires. En 1957, il remplace Khrouchtchev pour quelques mois au poste de premier secrétaire du Parti en Ukraine et contribue à la montée au pouvoir de ce dernier. Pour autant son influence décroît très rapidement. Avec ses collègues de la tendance conservatrice Molotov et Vorochilov, il fomente une intrigue pour éliminer son ancien protégé devenu entre-temps un détracteur de plus en plus virulent des méthodes staliniennes. Accusé d'avoir fomenté les activités du « groupe anti-parti », Kaganovitch est démis de ses fonctions au gouvernement, puis du Praesidium en , pour être relégué à la direction d'une cimenterie en province.

Violemment critiqué au XXIIe Congrès du PCUS d' qui défend une ligne de déstalinisation radicale, il n'est pourtant exclu du Parti que trois ans plus tard. Tombé dans l'oubli, Kaganovitch retrouve une certaine notoriété au début de la glasnost au milieu des années 1980 quand des journalistes obtiennent du vieux dirigeant l'exhumation de révélations controversées. Il le doit aussi à sa longévité. Ayant réussi à atteindre l'âge de 97 ans, il meurt en 1991, cinq mois avant les évènements qui aboutissent à la disparition de l'Union soviétique qu'il a largement contribué à façonner. Au moment de sa mort, il était le dernier membre encore en vie du gouvernement de Staline et de son cercle rapproché.

Vie privée et personnalité

Simon Sebag Montefiore le qualifie d’« “impétueux et viril”, grand et robuste avec des cheveux noirs, de longs cils et de “beaux yeux bruns” »[3]. C’était un bourreau de travail au fort accent juif, qui jouait sans cesse avec des objets et qui avait gardé de la cordonnerie l’habitude de regarder les chaussures de ses interlocuteurs, voire de les examiner à son bureau[3]. Son tempérament explosif et exubérant, dynamique et tenace lui valut le surnom de « locomotive », et l’amenait à frapper ses subordonnés au marteau ou à les soulever par le veston[3]. Khrouchtchev, qui fut son protégé à ses débuts, dit de lui que « [S]i le Comité central lui avait mis une hache dans les mains, il aurait fait place nette comme un ouragan mais détruit les arbres sains en même temps que les pourris », ce qui amena Staline à le surnommer « l’homme de fer »[1]. En revanche, il pouvait manquer de courage, car il se sentait vulnérable du fait de son origine juive[1].

Staline le protégea de l’antisémitisme et lui enseigna l’orthographe et la ponctuation[10]. Kaganovitch, lui, vénérait Staline qu’il se refusait à tutoyer[11], et inventa le terme « stalinien » au cours d’un repas à Zoubalovo, terme que Staline réfuta alors[1].

Il avait connu sa femme en mission, au cours de laquelle ils devaient jouer un couple ; ils eurent ensemble une fille et un fils adoptif[11].

Notes et références

  1. Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I, p. 115.
  2. Roland Lomme, « Lazar Moïsseïevitch Kaganovitch », sur universalis.fr (consulté le )
  3. Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I, p. 114.
  4. Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I, p. 125.
  5. Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I, p. 117.
  6. Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I, p. 175.
  7. Nicolas Werth, « Les crimes de masse sous Staline (1930-1953) », sur sciencespo.fr, 28 décembre 2009.
  8. Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I, p. 159.
  9. Nicolas Werth, Essai sur l'histoire de l'Union soviétique 1914 - 1991, Paris, Perrin, coll. « Tempus », (1re éd. 2019), 476 p. (ISBN 9782262078799), p. 171 & suiv
  10. Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I, p. 116-117.
  11. Montefiore, la cour du tsar rouge, t. I, p. 116.

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Simon Sebag Montefiore (trad. de l'anglais par Florence La Bruyère et Antonina Roubichou-Stretz), Staline : La cour du tsar rouge, vol. I. 1929-1941, Paris, Perrin, , 723 p. (ISBN 978-2-262-03434-4). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.