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La Voix de la femme

La Voz de la Mujer, La Voix de la femme en français, est le premier journal anarcha-féministe au monde.

La Voz de la Mujer, 1896.
Virginia Bolten (1870-1960).

Publié en Argentine par un collectif de femmes dont la communiste libertaire Virginia Bolten, il compte neuf numéros, parus du au .

En plus de proposer un fĂ©minisme libertaire loin du fĂ©minisme rĂ©formisme de l'Ă©poque, le journal dĂ©fendait les idĂ©aux du communisme libertaire ; sa devise Ă©tait d'ailleurs « Ni Dieu, ni Patron, ni Mari »[1].

Le journal a d'abord été publié à Buenos Aires, puis Rosario et finalement à Montevideo, bien que dans ces deux dernières villes les témoignages en soient fragmentaires[2].

Outre Bolten, Pepita Guerra, Teresa Marchiso, Josefa Martínez, Soledad Gustavo (mère de Federica Montseny[3]), Ana López et Irma Ciminaghi ont collaboré à la publication[4]. Ces contributrices étaient pour la plupart des travailleuses migrantes ayant un certain degré d'instruction[5].

La Voz de la Mujer exhorte ses lectrices à la propagande par le fait et à l'action directe, ce qui l'oblige à rester dans une semi clandestinité.

Même si l'expérience fut brève, elle permit l’expression d’une volonté d’émancipation féminine et de sensibilisation du mouvement ouvrier aux questions d’égalité de genre.

Argument

La Voz de la Mujer appelait les femmes à se rebeller contre l'oppression masculine mais sans abandonner la lutte prolétarienne. Il critiquait toute forme d'autorité, ecclésiastique, patronale, étatique et familiale. La proposition ultime consistait en l'instauration du communisme libertaire[5].

Les rédactrices dénoncent leur rôle d’objet sexuel et disent à quel type de relations elles aspirent, sous le regard moqueur des mâles de leur classe et la réprobation de la société bourgeoise[6].

Le journal suscita des tensions au sein du mouvement anarchiste car beaucoup de ses militants considéraient certaines de ses positions comme des attaques contre le sexe masculin, ce qui amena la rédaction à clarifier sa position.

L'institution du mariage était l'une des cibles principales du journal qui considérait les femmes comme le maillon le plus opprimé de la chaîne de l'exploitation. Il défendait l'idée de l'amour libre du point de vue de l'autonomie personnelle, sans préconiser la promiscuité.

La Voz de la mujer propose de donner aux femmes prolétaires les outils de leur émancipation. Partisan de l’amour libre et de la propagande par le fait, le journal exprime leur volonté d’en finir avec toutes les oppressions : religieuse, capitaliste ou patriarcale.

Histoire

Le format du journal Ă©tait de quatre pages et son tirage de 1000 Ă  2000 exemplaires en plus de la distribution semi-clandestine en raison de son plaidoyer pour l'action directe. Sur la couverture se trouvait cette annonce : « Il paraĂ®t quand vous pouvez et par abonnement volontaire Â». Le journal tenait financièrement grâce Ă  des abonnements et des dons individuels. Sur la dernière page de chaque numĂ©ro Ă©taient dĂ©taillĂ©s les frais de gestion. La rĂ©daction Ă©tait en contact avec Louise Michel et Emma Goldman comme indiquĂ© dans le cinquième numĂ©ro du journal. Le premier numĂ©ro fut publiĂ© le . Les difficultĂ©s Ă©conomiques menacèrent la viabilitĂ© du projet puis les dettes du journal conduisirent Ă  sa disparition. Le dernier numĂ©ro fut publiĂ© le [7].

Selon l'historienne Marianne Enckell, « Leur colère n’a sans doute pas pris fin avec la cessation du journal, due Ă  des raisons financières. Elles avaient probablement Ă©tĂ© influencĂ©es par les Espagnoles Soledad Gustavo, Teresa Claramunt, par les Françaises Flora Tristan ou Marguerite Durand. Il n’empĂŞche que c’est vraisemblablement le premier journal de femmes anarchistes, Il y en eut plusieurs autres par la suite : citons L'ExploitĂ©e (Lausanne, 1907-1908) de Margarethe Faas-Hardegger, Tian Yi Bao (Justice naturelle, Tokyo, en chinois, 1907) de He Zhen et de son compagnon, The Woman Rebel (New York, 1914) de Margaret Sanger, Seiko (Bas-Bleu, Japon, vers 1920) de Noe Ito – puis bien sĂ»r l'organisation fĂ©minine libertaire[8] Mujeres Libres en Espagne depuis 1936. Â»[9]

L'historien anarchiste Max Nettlau a sauvé la plupart des numéros qui sont à présent déposés à l'Institut international d'histoire sociale à Amsterdam[10].

L'intégralité de la publication a été rééditée, en 2002, par l'Universidad Nacional de Quilmes à Buenos Aires[11].

Citation

« Compagnons et compagnes, salut ! Voici : lasses de tant de pleurs et de misères, lasses du cadre permanent et dĂ©solant que nous offrent nos malheureux enfants, tendres morceaux de notre cĹ“ur, lasses de rĂ©clamer et de supplier, d’être le jouet du plaisir de nos infâmes exploiteurs ou de vils Ă©poux, nous avons dĂ©cidĂ© de lever la voix dans le concert social et d’exiger, oui, d’exiger notre part de plaisir au banquet de la vie. » - La Voz de la Mujer, n°1, .

Bibliographie

  • La Voz de la mujer, Ni Dieu ni patron ni mari, Nada, 2021.
  • Daniel de Roulet, Dix petites anarchistes, Buchet-Chastel, 2018, (ISBN 978-2-283-03178-0)[12].
  • JoĂ«l Delhom, La voix solitaire de la femme anarchiste argentine Ă  la fin du XIXe siècle, colloque international Les reprĂ©sentations des relations amoureuses et des sexualitĂ©s dans les AmĂ©riques, HCTI, UniversitĂ© de Bretagne-Sud, , texte intĂ©gral.
  • HĂ©lène Finet, Ni Dieu, ni patron, ni mari : Femmes, ouvrières et anarchistes Ă  Buenos Aires (1890-1920), Orthez, Éditions du Temps Perdu, 2009, notice.
  • Marianne Enckell, Y en a pas une sur cent, RĂ©fractions, n°24, printemps 2010, texte intĂ©gral.
  • JoĂ«l Delhom, David Doillon, HĂ©lène Finet, Guillaume de Gracia, Pierre-Henri Zaidman, Viva la social ! : anarchistes & anarcho-syndicalistes en AmĂ©rique latine (1860-1930), Noir et Rouge, 2013, notice.
  • (en) Libcom, No God, no boss, no husband : The world’s first anarcha-feminist group, texte intĂ©gral en anglais, Ni dieu, ni maĂ®tre, ni mari : La Voz de la Mujer - Argentine 1896-97, texte intĂ©gral en français, .
  • (es) La Voz de la Mujer. PeriĂłdico comunista-anárquico, prĂ©face de Maxime Molineux, Buenos Aires, Editorial de la Universidad Nacional de Quilmes, 2002, (ISBN 987-9173-08-2).
  • (es) Maxine Molyneux, Movimientos de mujeres en AmĂ©rica Latina : estudio teĂłrico comparado, Universitat de València, 2003, pp.25 et suivantes.

Filmographie

  • (es) Laura Mañá, Ni Dios Ni PatrĂłn Ni Marido (Un grupo de mujeres hace oĂ­r su voz...), 90 minutes, 2010, voir en ligne.

Notices

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. Nicole Fourtané, Michèle Guiraud, L'identité culturelle dans le monde luso-hispanophone, Presses Universitaires de Nancy, 2006, page 248.
  2. Apparemment réédité en 1901, à la suite de l'expulsion de Virginia Bolten en Uruguay. Voir: Molyneux, Maxine; Mouvements féministes en Amérique Latine. Cátedra, Madrid, 2003, pag. 41.
  3. L'Éphéméride anarchiste : Soledad Gustavo.
  4. L'Éphéméride anarchiste : La Voz de la Mujer.
  5. Molyneux, Maxine; Mouvements féministes en Amérique Latine. Cátedra, Madrid, 2003
  6. Joël Delhom, La voix solitaire de la femme anarchiste argentine à la fin du XIXe siècle, colloque international Les représentations des relations amoureuses et des sexualités dans les Amériques, HCTI, Université de Bretagne-Sud, avril 2011, texte intégral.
  7. Dans le dernier numĂ©ro de « La Voz de la Mujer Â» un appel Ă  l'aide aux lecteurs Ă©tait publiĂ©, exprimant l'inquiĂ©tude des Ă©diteurs en raison des difficultĂ©s Ă©conomiques qui menaçait la continuitĂ© du journal (Molyneux, Maxine; Movimientos de mujeres en AmĂ©rica Latina. Cátedra, Madrid, 2003, p. 53)
  8. Mary Nash, Femmes Libres : Espagne, 1936-1939, La pensée sauvage, 1977, lire en ligne.
  9. Marianne Enckell, Y en a pas une sur cent, Réfractions, n°24, printemps 2010, texte intégral.
  10. Institut international d'histoire sociale (Amsterdam) : notice.
  11. Institut international d'histoire sociale (Amsterdam) : notice.
  12. Lisbeth Koutchoumoff, Daniel de Roulet rend hommage aux femmes qui voulaient changer la vie, Le Temps, 21 octobre 2018, lire en ligne.
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