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La Vigile de la sainte Agnès

La Vigile de la sainte Agnès (en anglais The Eve of St. Agnes) est un poème narratif de quarante-deux strophes spensĂ©riennes situĂ© au Moyen Ă‚ge, composĂ© par John Keats en 1819 et publiĂ© en 1820.

Gauche, arrivée de Porphyro, couloir sombre, teintes marron-bistre, jeune homme en tenue médiévale ; milieu, dans la chambre de Madeline, jeune fille allongée et jeune homme à genoux au pied du lit ; droite : jeune fille enveloppée d’une cape bleue et jeune homme près de la sortie de la maison, homme ivre gisant par terre
La Vigile de la sainte Agnès, triptyque d’Arthur Hughes, 1856.

Nombre de critiques contemporains et victoriens l'ont considéré comme un chef-d'œuvre dont l'influence a marqué le XIXe siècle[1].

Le titre vient de la journĂ©e (ou soirĂ©e) prĂ©cĂ©dant la fĂŞte de la sainte Agnès, sainte patronne des vierges, morte en martyr Ă  Rome au IVe siècle. La vigile tombe le , la fĂŞte le 21.

Contexte

Keats fonde son poème sur la croyance populaire qu'une jeune fille peut voir son futur mari en rĂŞve si elle procède, Ă  la veille de la sainte Agnès, Ă  certains rites : aller se coucher sans souper, se dĂ©shabiller complètement et s'allonger sur son lit les mains sous l'oreiller et les yeux vers le ciel, ne pas regarder derrière elle. C'est alors que le futur mari apparaĂ®t dans son rĂŞve, l'embrasse et festoie en sa compagnie. Selon le rituel Ă©cossais, les jeunes femmes se rĂ©unissent le jour de la veille de la sainte Agnès Ă  minuit, puis se rendent une par une dans un champ Ă©loignĂ© et y jettent du grain, puis reprennent en chĹ“ur la prière Ă  la sainte :

Agnes sweet and Agnes fair,
Hither, hither, now repair;
Bonny Agnes, let me see
The lad who is to marry me.

Agnès, Agnès, douce et belle,
Ici, ici, viens-t-en vite ;
Bonne Agnès, laisse moi voir
Le gars qui va m'Ă©pouser.

Dans la version originale de son poème, Keats souligne l'aspect sexuel des jeux amoureux des jeunes amants, mais ses éditeurs l'obligent, lors de la publication, à gommer les passages les plus érotiques.

Intrigue

La Vigile de la sainte Agnès concerne des rĂŞves qui se matĂ©rialisent[2]. L’histoire commence dans une chapelle glaciale oĂą un vieux bedeau en prière Ă©graine son chapelet pour le compte de riches protecteurs, puis s’assoit dans la cendre froide oĂą il se lamente de ses pĂ©chĂ©s. Une musique approche et s’engouffre un groupe de joyeux fĂŞtards, des guerriers Ă  la solde du baron des lieux. C’est alors que Keats prĂ©sente Madeline, la fille du château, impatiente de vivre au cĹ“ur de la nuit « les rĂŞves d’Agnès », les plus doux de l’annĂ©e (the sweetest of the year[3]). Un jeune homme, Porphyro, très Ă©pris de la jeune fille, brĂ»lant d'un dĂ©sir rougeoyant, comme le porphyre de son nom[4], se trouve en chemin, priant tous les saints de lui permettre de la voir (all saints to give him sight of Madeline) (vers 78). C’est avec prĂ©caution qu’il se rapproche des appartements ; d’humble extraction, il n’est pas autorisĂ© Ă  pĂ©nĂ©trer dans les lieux. Une vieille femme, Angela, vient Ă  sa rencontre : elle le reconnaĂ®t et lui intime de rebrousser chemin, car tous les convives rassemblĂ©s l'ont maudit, lui et sa famille. Porphyro plaide sa cause, et la nourrice accepte de le conduire jusqu’à la chambre, l’enferme dans un cabinet d’oĂą il pourra contempler Madeline sans ĂŞtre vu[3]. Ce n'est pas sans apprĂ©hension qu'Angela se dĂ©voue ainsi, car si jamais Porphyro n'Ă©pouse pas la demoiselle du château, elle sera Ă  jamais damnĂ©e.

Madeline s’en revient Ă  minuit ; elle s’est abstenue de partager les mets offerts Ă  la rĂ©ception, et maintenant, elle s’agenouille pour ses prières. Puis elle enlève ses parures, se dĂ©shabille et, sans regarder derrière elle comme l’oblige la tradition, elle se glisse entre les draps et se prĂ©pare au sommeil. Porphyro apparaĂ®t, les bras chargĂ©s de mets dĂ©licieux. En vain, il essaie de la rĂ©veiller ; il prend son luth et perle quelques notes : Madeline ouvre les yeux et en elle, le rĂŞve et la rĂ©alitĂ© se mĂŞlent, mais bientĂ´t consciente que c'est Porphyro en personne qui est devant elle, ses premières paroles sont de consolation. Elle lui pardonne sa supercherie tant son cĹ“ur bat pour lui, mais s'il la quitte dans l'instant, il laissera « une tourterelle Ă  l'abandon, perdue et les ailes coupĂ©es[N 1] ». BientĂ´t cependant, Madeline se refuse Ă  cĂ©der au regret (fade and pine) (vers 309) et se laisse volontiers convaincre de le suivre jusqu’aux landes, lĂ -bas dans le sud (southern moors[3]). Ils se glissent vers la sortie, enjambant les fĂŞtards ivres-morts, et s'enfoncent dans la nuit[3].

Cette nuit-là, le baron et ses guerriers passent une nuit peuplée de cauchemars ; Angela meurt et le bedeau dort sur son tas de cendres froides (among his ashes cold (vers 378)[3]).

RĂ©sonance

Dans la nouvelle de Rudyard Kipling TSF (Wireless, 1902), le narrateur assiste Ă  une reconstitution du poème par un homme en transe qui, en vertu des ressemblances de sa situation Ă  celle de Keats (il s'agit de Shaynor, assistant apothicaire tuberculeux), se sent en phase avec le poète (tuned to) et revit dans la pièce voisine un moment de fièvre crĂ©atrice oĂą John Keats composait un cĂ©lèbre poème Ă  Fanny Brawne.

Bibliographie

Traductions

  • (fr + en) Albert Laffay (Albert Laffay, traduction, prĂ©face et notes), Keats, Selected Poems, Poèmes choisis, Paris, Aubier-Flammarion, coll. « Bilingue Aubier », , 375 p. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • John Keats (trad. de l'anglais par Alain Suied), Les Odes : Suivi de Dame sans Merci et La Vigile de la Sainte-Agnès, Orbey, Éditions Arfuyen, coll. « Neige », , 142 p., 22,5 (ISBN 978-2-84590-137-7). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article

Ouvrage at articles

  • (en) Jack Stillinger, Complete Poems [« Ĺ’uvres poĂ©tiques complètes »], Cambridge, Massachusetts, Belknap Press of Harvard University Press, (ISBN 0-674-15430-4)
  • Marc PorĂ©e (Christian La Cassagère, Ă©diteur scientifique), « Keats,au miroir des mots », dans Keats ou le sortilège des mots, Lyon, Presses universitaires de Lyon (PUL), coll. « CERAN (Centre du Romantisme anglais) », , 255 p. (ISBN 9782729707347)
  • (en) Stuart M. Sperry (Karl Kroeber Ă©diteur scientifique), « Romance as Wish Fulfillment: The Eve of St. Agnes » [« Le poème d'amour : vĹ“u pieu »], Romantic Poetry: Recent Revisionary Criticism, New Brunswick NJ, Rutgers University Press,‎ , p. 373-385 (ISBN 978-0813520100, lire en ligne, consultĂ© le ).

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. « A dove forlorn and lost / With sick unpruned wing »

Références

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