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La Jeunesse de Théophile

La Jeunesse de Théophile est un roman[1] de Marcel Jouhandeau (1888-1979) publié à la NRF en 1921.

La Jeunesse de Théophile
Image illustrative de l’article La Jeunesse de Théophile

Auteur Marcel Jouhandeau
Pays Drapeau de la France France
Genre Roman
Éditeur La Nouvelle Revue française
Date de parution 1921

Titre et avant-propos

Le titre complet est La Jeunesse de Théophile. Histoire ironique et mystique. Un avant-propos de l'écrivain Paul Morand figure dans l'édition de 1948 ; il s'agit de la reprise d'un article paru dans La Nouvelle Revue française le .

Résumé

La Jeunesse de Théophile est l'hallucinante initiation religieuse et mystique (à travers trois étapes : les idoles - la raison - la perfection) d'un jeune garçon dont on ne sait s'il l'a vécue ou en partie rêvée[2]. Marcel Jouhandeau évoque le monde des croyances et des traditions d'avant 1914, leur effusion onirique dans l'esprit d'un enfant d'une bourgade ruralo-bourgeoise de la Creuse (Guéret)... ou de nulle part. Car la trame du récit touche à l'universel : comment aimer Dieu (Théo-phile) tout en côtoyant l'hypocrisie des dévots, mais aussi la tentation et le péché ?

Personnages

Guéret, la place du marché, que de fois traversée par Jouhandeau dans sa jeunesse.
La famille
  • ThĂ©ophile Brinchanteau.
  • Papa et maman Brinchanteau : parents de ThĂ©ophile ; le père est boucher, la mère (Marie) a voulu ĂŞtre religieuse ; peu mentionnĂ©s.
  • Balsamine : jeune sĹ“ur de ThĂ©ophile ; apparaĂ®t peu (p. 4, 40, 88, 122, 137, 142, 146-147, 156, 215).
  • Tante Ursule : tante maternelle de ThĂ©ophile, choisit son prĂ©nom et s'occupe de lui ; sa mort (p. 61-66).
  • Rose : nourrice du petit ThĂ©ophile.
  • Grand-mère Briochet : mère de maman Brinchanteau et de tante Ursule ; ancienne boulangère ; sa mort (p. 156-158).
  • Oncle Briochet : frère de la mère de ThĂ©ophile et de tante Ursule (p. 55).
Les ĂŞtres singuliers
  • Madame de Quincanmille : douairière (p. 48-49).
  • « L'Idiot » : adolescent qui court les rues (p. 85-86).
  • Madame Verneuil : simple paysanne qui ne se soucie pas du jugement des autres (p. 86).
  • Le père Nadeau : petit vieux de soixante ans qui n'entre dans la ville qu'Ă  la nuit et rassemble « des extrĂ©mitĂ©s du monde tous les fantĂ´mes de son imagination » (p. 87).
  • Mademoiselle Marie Duranton qui promène sa mère surnommĂ©e « la Chèvre » (p. 89).
  • La femme du plombier : « Ă©norme, elle Ă©tait plus qu'un ĂŞtre encore humain » (p. 133).
  • Madame de Villemirail (p. 171-173).
  • La marquise des Ursins (p. 174-175).
Les amis
  • FĂ©lix : un camarade « vulgaire » de ThĂ©ophile (p. 73).
  • ThĂ©odule : ami de ThĂ©ophile (p. 111).
Les initiatrices
  • Tante Ursule (p. 15-75).
  • Jeanne, ancienne carmĂ©lite (p. 79-164).
  • Madame Alban (p. 167-230).

Écriture

La férocité de certaines descriptions sociales - développées plus tard par l'auteur (Chaminadour) - est déjà présente dans La jeunesse de Théophile. Elle n'est pas subordonnée à un naturalisme même pessimiste, plutôt à un "réalisme magique"[3] voire à un "réalisme mystique"[4].

Analyse

Marcel Jouhandeau, années 1930.

Le genre littéraire de La Jeunesse de Théophile s'apparente à l'autopsychographie[5]. Une autobiographie traversée par le questionnement mystique et le sens du péché, dans le monde à la fois émerveillé et angoissé de l'enfance. Claude Mauriac qualifie Jouhandeau "d'homme hanté de Dieu"[6].

Mais tout l'univers de l'enfant est hanté de Dieu. Pour André Blanchet, "La Jeunesse de Théophile nous apprend que son auteur fut un premier communiant ébloui pour toujours par l'or des chasubles, des chapes, de l'ostensoir. Toutes les maisons du village se nichaient comme autant d'absidioles au sein d'une cathédrale énorme dont l'église était le tabernacle. Rien n'échappait au sacré. Au-dessus du lit, le crucifix jugeait les actes et jusqu'aux pensées de l'enfant. Sortait-il dans la rue, il croyait entendre l'Éternel appeler chacun par son nom, et chacun répondait «Présent !» Puisque tout déjà était patent au regard de Dieu, l'indiscrétion était impossible"[7].

Critique

La publication de La Jeunesse de Théophile a suscité des réactions différentes. Celles-ci ont surtout concerné l'aspect technique du roman sans pénétrer le subtil composé d'ironie et de mystique comme l'indiquait pourtant le sous-titre de l'œuvre.

  • Paul Morand rend compte de La Jeunesse de ThĂ©ophile dès sa parution, sans guère se prononcer sur le fond : "Le livre de Marcel Jouhandeau parcourt toute une gamme, depuis les sains et crus bariolages du dĂ©but jusqu'aux nuances les plus faisandĂ©es. L'auteur s'y meut avec aisance, bien qu'il penche par instants vers une prĂ©ciositĂ© d'images qui, appliquĂ©es Ă  des scènes de vie simple, produisent toujours un douloureux effet. Mais son dĂ©licieux livre, d'un mĂ©rite certain, doit ĂŞtre choisi, lu et agrĂ©Ă©."[8]
  • Dans l'HumanitĂ© du , Marcel Martinet livre une critique plus informĂ©e : "On a trop peu parlĂ© de ce livre, paru depuis plusieurs mois dĂ©jĂ . C'est un livre remarquable, et l'auteur est quelqu'un. ThĂ©ophile est un enfant de petite bourgeoisie commerçante de province : Ă  la fois n'importe quel enfant, et un ĂŞtre singulier, refermĂ© sur lui-mĂŞme et s'y cachant d'âpres extases ; cet aspect Ă©trange s'accentue en raison du milieu clĂ©rical oĂą il vit et oĂą il est la proie d'une curieuse matrone Ă©rotico-mystique. La valeur et l'intĂ©rĂŞt de l'ouvrage, qualitĂ©s et dĂ©fauts, viennent d'une grande harmonie entre le sujet et la manière dont il est traitĂ© : construction pour ainsi dire algĂ©brique et analyse minutieuse du dĂ©tail, correspondant Ă  l'ardeur sèche et dĂ©fiante de cette âme d'enfant ; parfois une sorte d'effusion contrainte et des Ă©bauches de sourires pincĂ©s ; le style est pareillement surveillĂ©, et comme dessinĂ© et coloriĂ© avec une prĂ©cision d'enlumineur"[9].
  • AndrĂ© ThĂ©rive formule plusieurs objections relatives au style mais aussi au contour du personnage : "Marcel Jouhandeau (...) a de l'esprit et le souci de la singularitĂ©, sans parler de son observance scrupuleuse de cette mode qui exige une sobriĂ©tĂ© prĂ©cieuse et elliptique, des juxtapositions de phrases menues, Ă  la syntaxe pauvre. La Jeunesse de ThĂ©ophile serait peut-ĂŞtre un livre agrĂ©able si prĂ©cisĂ©ment cette mode n'y rĂ©gnait avec despotisme, servie par une affectation qu'il est permis de trouver juvĂ©nile." Quant Ă  la figure de ThĂ©ophile, AndrĂ© ThĂ©rive l'estime trop Ă©nigmatique, sinon fantomatique : "Cette Ĺ“uvre, qui a pour sujet une vie d'enfant et de jeune homme, contient du reste mille jolis dĂ©tails, sans une seule ligne gĂ©nĂ©rale : telle est l'effet du propos de l'auteur. Il n'y a au cours du rĂ©cit qu'impressions curieuses, sensations fugitives, et tous les modes de la passivitĂ© ; mais d'âme nullement. (...) En l'espèce, il y a un petit roman vĂ©ritable dans l'histoire incohĂ©rente de ThĂ©ophile : ce sont ses amours de jeune clerc avec une certaine Mme Alban, quinquagĂ©naire hydropique et mystique : or nous n'y comprenons guère davantage qu'Ă  ses aventures de bĂ©bĂ©, lesquelles au moins n'ont pas besoin d'ĂŞtre comprises. C'est que le personnage n'existe pas en tant qu'homme, ni ceux qui gravitent autour de lui. Je dĂ©fie qu'on trouve dans cette histoire, Ă  demi polissonne, le moindre sentiment naturel, le moindre conflit de passions et de scrupules (...)"[10].
  • En 1937, Pierre Vacquin (1902-1958) estime que toute l'Ĺ“uvre de Jouhandeau procède des premières lignes de La Jeunesse de ThĂ©ophile : "S'il est vrai que les sensations premières dont s'imprègne l'esprit de l'enfant marquent profondĂ©ment l'homme pour la vie entière et d'autant plus profondĂ©ment que son appareil sensoriel est plus perfectionnĂ© donc plus dĂ©licat, toute l'Ĺ“uvre de Marcel Jouhandeau est issue de ces quelques lignes oĂą nous trouvons la source de ce climat particulier, qui unit La Jeunesse de ThĂ©ophile Ă  son dernier livre Le Saladier d'un lien subtil, tĂ©nu comme un fil de lune, permanent dans ses mĂ©andres et ses propres diffĂ©rences et qui nous permet de suivre Ă  la trace les manifestations de son incontestable, bien qu'inquiĂ©tant, gĂ©nie"[11].

Éditions

La Jeunesse de Théophile a connu de nombreuses éditions depuis 1921 (au moins quatre cette année-là). En 1948, Gallimard ressort le titre en indiquant qu'il s'agit de la 5e édition[12]. En 1998, il est accueilli dans la collection L'Imaginaire.

Bibliographie

Notes et références

  1. Jouhandeau refusait la notion de roman, il se disait "chroniqueur", attaché à "la réalité, à la vie telle qu'elle se présente devant moi". Cf. "Les Jouhandeau", émission de la Radio Télévision suisse romande, 17 janvier 1963 ; réalisateur : Maurice Huelin.
  2. Cette imbrication n'est pas réservée à La Jeunesse de Théophile : « L'oœuvre fictionnelle de Marcel Jouhandeau est marquée par une ambiguïté essentielle, consistant en l'effacement des frontières entre fiction et réalité, entre imagination et fait réel », Geert Missotten, « L'écriture et la vie dans l'instant : Marcel Jouhandeau et Don Giovanni », Revue belge de philologie et d'histoire, 1998, vol. 3, no 76, p. 745.
  3. Jacques Ruffié, "Jouhandeau et les mythes", Sur Marcel Jouhandeau. Analyses littéraires, témoignages, anecdotes, Presses universitaires de Limoges, 1992, p. 106.
  4. Edmond Jaloux, "L'évolution du roman français", dans Prévost (J.), éd., Problèmes du roman, Lyon, Confluences, 1943, p. 25-35.
  5. Jean Gaulmier, "Philippe Lejeune, Le pacte autobiographique, 1975", Revue d'histoire littéraire de la France, novembre 1977, p. 1041.
  6. Claude Mauriac, "Algèbre des valeurs morales par Marcel Jouhandeau", La Revue hebdomadaire : romans, histoire, voyages, novembre 1935, p. 112.
  7. André Blanchet (1899-1973), "L'imposteur ou l'apothéose de Marcel Jouhandeau", Études, revue jésuite, juillet 1950, p. 91.
  8. La Nouvelle Revue française, 1er septembre 1921, p. 357-358.
  9. Marcel Martinet, "La vie intellectuelle. Les livres", L'Humanité, 4 décembre 1921.
  10. André Thérive, La Revue critique des idées et des livres, octobre 1921, t. 33, no 193, p. 164-175
  11. Pierre Vacquin, La Renaissance de l'art français et des industries de luxe, janvier 1937, p. 57.
  12. « BnF Catalogue général », sur bnf.fr, (consulté le ).

Liens externes


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