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La France contre les robots

La France contre les robots est un essai de Georges Bernanos publié en 1947. Il s'agit d'un recueil de différents textes formant une violente critique de la société industrielle. Bernanos y estime que le machinisme limite la liberté des hommes, et perturbe jusqu'à leur mode de pensée[1]. Pour lui, la civilisation française est incompatible avec une certaine idolâtrie anglo-saxonne pour le monde de la technique.

La France contre les robots
Auteur Georges Bernanos
Pays Drapeau de la France France
Genre Essai
Éditeur Comité de la France Libre du Brésil
Lieu de parution Rio de Janeiro
Date de parution 1947

Il y conteste l'idée selon laquelle la libre entreprise conduirait automatiquement au bonheur de l'humanité, car, selon lui, « il y aura toujours plus à gagner à satisfaire les vices de l'homme que ses besoins ».

Il y prédit aussi une révolte des élans généreux de la jeunesse contre une société trop matérialiste où ceux-ci ne peuvent s'exprimer.

Genèse

ExilĂ© au BrĂ©sil depuis 1938, Georges Bernanos y suit la seconde guerre mondiale durant tout son dĂ©roulement, plongĂ© dans la solitude. Ayant la sensation de revivre la première guerre mondiale, il anticipe les lendemains du conflit et commence d'ores et dĂ©jĂ  Ă  redouter l'ère des techniciens qu'il juge inĂ©vitable. S'il a dĂ©jĂ  exprimĂ© son aversion envers l'Allemagne d'Hitler, il dĂ©montre Ă©galement sa mĂ©fiance envers les États-Unis d'AmĂ©rique de Roosevelt, et leur puissance matĂ©rielle aux fins hĂ©gĂ©moniques[2]. Afin de toucher ses compatriotes et de prĂ©server l'honneur de sa nation dans son pays hĂ´te, il Ă©crit dans la presse et mènera des confĂ©rences Ă  moult reprises. Après un retour Ă  Rio de Janeiro, il Ă©tablit de proches liens avec le ComitĂ© Central de la France Libre, qui relaie ses idĂ©es dans les journaux internationaux de la France Libre. En mars 1944, il dĂ©clare aux membres qu'il finit la rĂ©daction d'un manuscrit, qu'il compte nommer « Hymne Ă  la libertĂ© Â», et qu'il propose au ComitĂ© Central. Ce dernier reverse les bĂ©nĂ©fices Ă  Georges Bernanos, afin qu'il puisse financer son retour en France, qu'il rĂ©alisera en juin 1945. Ce n'est qu'en 1946, sous l'impulsion du gĂ©nĂ©ral Guillain de BĂ©nouville, que sera lancĂ© le chantier d'une Ă©dition française[3].

Extraits

  • « Ceux qui m'ont dĂ©jĂ  fait l'honneur de me lire savent que je n'ai pas l'habitude de dĂ©signer sous le nom d'imbĂ©ciles les ignorants ou les simples. Bien au contraire. L'expĂ©rience m'a depuis longtemps dĂ©montrĂ© que l'imbĂ©cile n'est jamais simple, et très rarement ignorant. L'intellectuel devrait donc nous ĂŞtre, par dĂ©finition, suspect ? Certainement. Je dis l'intellectuel, l'homme qui se donne lui-mĂŞme ce titre, en raison des connaissances et des diplĂ´mes qu'il possède. Je ne parle Ă©videmment pas du savant, de l'artiste ou de l'Ă©crivain dont la vocation est de crĂ©er — pour lesquels l'intelligence n'est pas une profession, mais une vocation. »
  • « Un monde dominĂ© par la Force est un monde abominable, mais le monde dominĂ© par le Nombre est ignoble. La Force fait tĂ´t ou tard surgir des rĂ©voltĂ©s, elle engendre l'esprit de RĂ©volte, elle fait des hĂ©ros et des Martyrs. La tyrannie abjecte du Nombre est une infection lente qui n'a jamais provoquĂ© de fièvre. Le Nombre crĂ©e une sociĂ©tĂ© Ă  son image, une sociĂ©tĂ© d'ĂŞtres non pas Ă©gaux, mais pareils, seulement reconnaissables Ă  leurs empreintes digitales. »
  • « Lorsqu'on pense aux moyens chaque fois plus puissants dont dispose le système, un esprit ne peut Ă©videmment rester libre qu'au prix d'un effort continuel. Qui de nous peut se vanter de poursuivre cet effort jusqu'au bout ? Qui de nous est sĂ»r, non seulement de rĂ©sister Ă  tous les slogans, mais aussi Ă  la tentation d'opposer un slogan Ă  un autre ? »
  • « On peut ĂŞtre ambitieux de la gloire, de la puissance, on ne saurait ĂŞtre ambitieux de l'argent. « Qu'importe ! se disaient alors les imbĂ©ciles, nous savons bien que la cupiditĂ© n'est pas une vertu, mais le monde n'a pas besoin de vertu, il rĂ©clame du confort, et la cupiditĂ© sans frein des marchands finira, grâce au jeu de la concurrence, par lui fournir ce confort Ă  bas prix, Ă  un prix toujours plus bas ». C'est lĂ  une de ces Ă©vidences imbĂ©ciles qui assurent l'imbĂ©cile sĂ©curitĂ© des imbĂ©ciles. Ces malheureux auraient Ă©tĂ© bien incapables de prĂ©voir que rien n'arrĂŞterait les cupiditĂ©s dĂ©chaĂ®nĂ©es, qu'elles finiraient par se disputer la clientèle Ă  coup de canon : « Achète ou meurs ! » Ils ne prĂ©voyaient pas davantage que le jour ne tarderait pas Ă  venir oĂą la baisse des prix, fĂ»t-ce ceux des objets indispensables Ă  la vie, serait considĂ©rĂ©e comme un mal majeur — pour la raison trop simple qu'un monde nĂ© de la spĂ©culation ne peut s'organiser que pour la spĂ©culation. La première, ou plutĂ´t l'unique nĂ©cessitĂ© de ce monde, c'est de fournir Ă  la spĂ©culation les Ă©lĂ©ments indispensables. Oh ! sans doute il est malheureusement vrai que, en dĂ©truisant aujourd'hui les spĂ©culateurs, on risquerait d'atteindre du mĂŞme coup des millions de pauvres diables qui en vivent Ă  leur insu, qui ne peuvent vivre d'autre chose, puisque la spĂ©culation a tout envahi. Mais quoi ! le cancer devenu inopĂ©rable parce qu'il tient Ă  un organe essentiel par toutes ses fibres hideuses n'en est pas moins un cancer. »

Éditions récentes

  • La France contre les robots. Suivi de textes inĂ©dits. Plon, 1970
  • La France contre les robots. PrĂ©face de Pierre-Louis Basse ; notes et postface de Albert BĂ©guin. Le Castor Astral, 2009. RĂ©Ă©ditions : 2015 et 2017
  • La France contre les robots - RĂ©volution Industrielle et Technologique. AOJB, 2019
  • La France contre les robots. FV Editions, 2019

Postérité

Jean-Marie Straub a adapté une partie du texte dans un court-métrage réalisé en 2020[4].

Notes et références

  1. Cette préoccupation est également exprimée par Bertrand Russell dans ses Essais sceptiques.
  2. Georges Bernanos, Lettre aux Anglais
  3. Postface d'Albert BĂ©guin dans l'Ă©dition du Castor Astral
  4. « La France contre les robots », sur Cinémathèque française, .

Voir aussi

Articles connexes

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