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L'Indifférent

L'Indifférent est une huile sur panneau de bois peinte par Antoine Watteau en 1717. Elle est conservée au musée du Louvre.

L'Indifférent
L'Indifférent.
Artiste
Date
Vers 1717
Technique
Huile sur panneau de bois
Dimensions (H Ă— L)
25 Ă— 19 cm
Mouvement
Propriétaire
No d’inventaire
MI 1122
Localisation

Description du tableau

Ce tableau, entré au Louvre avec la collection Louis La Caze, en 1869, mesure 26 cm de haut, 20 de large et 3 mm d'épaisseur. Le tableau est peint sur panneau de chêne parqueté de cinq traverses horizontales et trois traverses verticales. Le jeune homme représenté porte un habit en satin bleu très clair, des bas roses et des souliers jaune-rose, une cape rouge doublée de bleu sur le bras droit, un chapeau bleu avec un nœud rose, un nœud semblable se trouve aussi sur l'épaule gauche. Fond d'arbres montant vers la gauche, ciel de soleil couchant vers la droite.

Un thème mystérieux

Le titre reste un mystère qui renvoie peut être au thème balançant entre quiétisme et libertinage d'un charmeur sans passion conservant son empire lui-même et usant des artifices de la comédie humaine, symbolisés ici par les vêtements chatoyants et le pas de danse, pour s'en mieux libérer[1].

Le thème ambigu de l'indifférence galante était dans l'air du temps de Louis XV. Vers 1732[2], quinze ans après la création du tableau, « La Vestale » Marie Sallé, chorégraphe et danseuse qui n'était qu'une adolescente de quatorze ans quand Watteau mourut, et Marie Pélissier, cantatrice dégoutée des hommes qui aurait entretenu une liaison lesbienne avec la première[2], fondaient l'Ordre des Indifférents. Les membres y étaient reçus moyennant une cotisation de dix louis ainsi qu'un serment de se soustraire à l'empire de la passion amoureuse et de briller sans se défaire de leur froideur, à l'image du cristal qu'ils portaient en insigne[1]. Cette société, encore active en 1738[1], organisait des soupers hebdomadaires auxquels les Chevaliers Indifférents qui s'y présentaient, reconnaissables au cordon de l'ordre et la médaille attachée à celui-ci, contribuaient d'un louis[2].

Comme en témoigne la chanson célébrant l'ordre, l'indifférence est opposée tant aux émois des amours communes qu'à l'inversion quand elle est masculine.

Des chevaliers indifférents,
Quel est le nouvel ordre ?
Qui, dans celui des soupirants,
Peut causer du désordre ?
Quoi ? Sœur Sallé, sœur Pélissier
(Les deux faisaient la paire),
Voudraient-elles s’associer
Pour réformer Cythère ?
Mais Ă  tort nous les condamnons !
Juge-t-on par la forme ?
Ne craignons pas que ces Marions
Embrassent la RĂ©forme !
Cet ordre est celui de Pascal
Qui, d’une humeur peu fière,
Se trouve dans un gîte égal
Ou devant ou derrière.
Sur l'air de la Joconde
chanson de l'Ordre des Indifférents[2].

L'affaire du vol de L'Indifférent

Le tableau, alors estimĂ© Ă  plus de sept millions de francs, a Ă©tĂ© volĂ© le dimanche dans la salle Schlichting du musĂ©e du Louvre vers 15 h 50. Ce vol fit grand bruit car il s'agissait du premier Ă  toucher le musĂ©e du Louvre depuis celui de la Joconde, 28 ans auparavant[3].

Deux mois plus tard, le 14 aout 1939, M. Jacques Jaujard, sous-directeur du musĂ©e du Louvre, reçut un appel du juge d'instruction Marchat chargĂ© de l'affaire : un dĂ©nommĂ© Bogousslavsky Serge, alias « Bog Â», avait rapportĂ© le tableau et avouait l'avoir volĂ© pour le restaurer. Cette restitution fut très mĂ©diatique puisque Bog avait prĂ©venu les journalistes, indiquant l'heure et le lieu de ses aveux. Par ailleurs, Bog souhaitait faire paraitre un manifeste intitulĂ© « Comment j'ai empruntĂ© L’IndiffĂ©rent Â», ce qu'il ne fit finalement pas. Serge Bogousslavsky fut finalement condamnĂ© en appel Ă  une peine de quatre ans de prison, trois cents francs d'amende et cinq ans d'interdiction de sĂ©jour. Serge Bogousslavsky s'est ensuite exilĂ© en Suisse avec son Ă©pouse et son fils, Julien Bogousslavsky, qui deviendra un neurologue rĂ©putĂ©, coupable d'un dĂ©tournement de fonds publics pour satisfaire sa passion des livres anciens[4].

Citations dans la littérature

« Non, non ce n'est pas qu'il soit indifférent, ce messager de nacre, cet avant-courrier de l'Aurore, disons plutôt qu'il balance entre l'essor et la marche, et ce n'est pas que déjà il danse, mais l'un de ses bras étendu et l'autre avec ampleur déployant l'aile lyrique, il suspend un équilibre dont le poids, plus qu'à demi conjuré, ne forme que le moindre élément. Il est en position de départ et d'entrée, il écoute, il attend le moment juste, il le cherche dans nos yeux, de la pointe frémissante de ses doigts, à l'extrémité de ce bras étendu il compte, et l'autre bras volatil avec l'ample cape se prépare à seconder le jarret. Moitié faon et moitié oiseau, moitié sensibilité et moitié discours, moitié aplomb et moitié déjà la détente ! Sylphe, prestige, et la plume vertigineuse qui se prépare au paragraphe ! L'archet a déjà commencé cette longue tenue sur la corde, et toute la raison d'être du personnage est dans l'élan mesuré qu'il se prépare à prendre, effacé, anéanti dans son propre tourbillon. Ainsi le poète ambigu, inventeur de sa propre prosodie, dont on ne sait s'il vole ou s'il marche, son pied, ou cette aile quand il le veut déployée, à aucun élément étranger, que ce soit la terre, ou l'air, ou le feu, ou cette eau pour y nager que l'on appelle éther ! »

— Paul Claudel, L’œil écoute (1946).

L'indifférent (étude)

Le tableau est cité dans le roman Fantômette et la Maison hantée, au chapitre VIII (page 102) de la première édition (1971), au sujet des visiteurs qui, après le vol, viennent spécialement au musée du Louvre pour contempler l'emplacement vide du tableau.

Notes et références

  1. Jean Weisgerber, Les Masques fragiles : esthétique et formes de la littérature rococo., p. 77-78, L'Âge d'Homme, Paris, janvier 1991.
  2. Castries, Recueil de chansons anecdotes, satyriques et historiques, avec des notes curieuses et instructives, t. XIII, p. 377-378, Paris, 1732 (MS 3985), Bibliothèque Mazarine, Paris.
  3. Documentée aux Archives des musées nationaux à Paris, dossier P15.
  4. Karin MĂĽller, Quand l'art est pris pour cible., Editions Prisma,

Liens externes

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