AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

L'Empire des sens

L'Empire des sens (æ„›ăźă‚łăƒȘăƒŒăƒ€, Ai no korÄ«da, litt. « la corrida de l'amour ») est un film franco-japonais rĂ©alisĂ© par Nagisa ƌshima, sorti en 1976.

L'Empire des sens

Titre original æ„›ăźă‚łăƒȘăƒŒăƒ€
Ai no corrīda
RĂ©alisation Nagisa ƌshima
ScĂ©nario Nagisa ƌshima
Musique Minoru Miki (en)
Acteurs principaux

Eiko Matsuda
Tatsuya Fuji
Aoi Nakajima
Yasuko Matsui

Sociétés de production Argos Films
Oshima Productions
Pays de production Drapeau du Japon Japon
Drapeau de la France France
Genre Drame Ă©rotique
Durée 102 minutes
108 minutes 29 secondes (version longue)
Sortie 1976

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Synopsis

1936, dans les quartiers bourgeois de Tokyo. Sada Abe, ancienne prostituée devenue domestique, aime épier les ébats amoureux de ses maßtres et soulager de temps à autre les vieillards vicieux. Son patron Kichizo, bien que marié, va bientÎt manifester son attirance pour elle et va l'entraßner dans une escalade érotique qui ne connaßtra plus de bornes.

Kichizo a désormais deux maisons : celle qu'il partage avec son épouse et celle qu'il partage avec Sada. Les rapports amoureux et sexuels entre Sada et Kichizo sont désormais épicés par des relations annexes, qui sont pour eux autant de célébrations initiatiques. Progressivement, ils vont avoir de plus en plus de mal à se passer l'un de l'autre, et Sada va de moins en moins tolérer l'idée qu'il puisse y avoir une autre femme dans la vie de son compagnon.

Kichizo demande finalement Ă  Sada, pendant un de leurs rapports sexuels, de l'Ă©trangler sans s'arrĂȘter, quitte Ă  le tuer. Sada accepte, l'Ă©trangle jusqu'Ă  ce qu'il meure, avant de l'Ă©masculer, dans un geste ultime de mortification ; puis elle Ă©crit sur la poitrine de Kichizo, avec le sang de ce dernier : « Sada et Kichi, maintenant unis ».

Fiche technique

  • Titre original : æ„›ăźă‚łăƒȘăƒŒăƒ€ (Ai no korÄ«da)
  • Titre français : L'Empire des sens
  • RĂ©alisation : Nagisa ƌshima
  • ScĂ©nario : Nagisa ƌshima
  • Musique : Minoru Miki (en) et chants traditionnels japonais.
  • Photographie : Hideo Itƍ
  • Montage : Keiichi Uraoka (ja)
  • SociĂ©tĂ©s de production : Argos Films (France) et Oshima Productions (Japon)
  • Co-Production : Anatole Dauman et Le rĂ©alisateur japonais Koji Wakamatsu
  • Pays d'origine : Drapeau de la France France et Drapeau du Japon Japon
  • Langue originale : japonais
  • Format : couleur (Eastmancolor) - 1,66:1 - son mono - 35 mm
  • Genre : drame Ă©rotique
  • DurĂ©e : 102 minutes / 108 minutes 29 secondes (version longue)
  • Dates de sortie :
  • Film interdit aux moins de 16 ans lors de sa sortie en salles en France. Le film n'est pas classĂ© comme Ă©tant pornographique bien qu'il contienne des actes sexuels non simulĂ©s et que le sexe des acteurs apparaisse Ă  l'Ă©cran.

Distribution

Autour du film

Le film est inspirĂ© d'un fait divers authentique. Dans le Japon militariste de 1936, un couple dĂ©fraya la chronique en vivant une passion charnelle extrĂȘme. Sada Abe, ancienne geisha devenue prostituĂ©e puis servante, et son amant Kichizƍ Ishida s'entraĂźnĂšrent mutuellement dans une spirale Ă©rotique qui les coupa progressivement du monde extĂ©rieur. Sada finit par tuer Ishida en l'Ă©tranglant pour stimuler son Ă©rection. Elle est retrouvĂ©e errant depuis deux jours dans les rues avec le sexe d'Ishida qu'elle avait tranchĂ©[3].

Lors de sa sortie en salle au Japon, en 1976, L'Empire des sens provoqua un vrai scandale en raison de son caractÚre pornographique. Il fut ainsi censuré dans son pays d'origine : scÚnes coupées, zones de flou sur les parties intimes, comme il est d'usage au Japon.

MalgrĂ© quelques ennuis, et grĂące Ă  la coproduction française, assurĂ©e par Anatole Dauman, le film fut diffusĂ© dans le monde entier et connut un grand succĂšs. L'Empire des sens fut prĂ©sentĂ© au festival de Cannes 1976, lors de la Quinzaine des rĂ©alisateurs. NĂ©anmoins, en , la police perquisitionne dans les locaux de la maison d'Ă©dition San'ichi shobo et au domicile du cinĂ©aste. Le livre L'Empire des Sens, comprenant le scĂ©nario du film et plusieurs photos de plateau, est saisi. En vertu de l'article 175 du code pĂ©nal japonais, l'Ă©diteur Takemura Ajime et Nagisa ƌshima sont accusĂ©s d'obscĂ©nitĂ© et poursuivis par le Parquet. Leur procĂšs commence en , et trois ans plus tard, aprĂšs vingt-trois audiences, un jugement favorable aux deux accusĂ©s est rendu[4].

Bien plus qu'un simple divertissement osĂ©, le film interroge les limites de l'Ă©rotisme, les relations entre raison et passions, les sens du mot « sens » lui-mĂȘme, et peut ĂȘtre vu comme une illustration de la phrase de Georges Bataille : « De l'Ă©rotisme, il est possible de dire qu'il est l'approbation de la vie jusque dans la mort. »[5] Mais si Bataille y voit une cĂ©lĂ©bration ultime de la vie, la soumission aux sens, Ă  travers l'Ă©rotisme et l'hĂ©donisme, peut aussi ĂȘtre perçue comme une dĂ©viance, perverse et morbide, qui isole et coupe du monde, une impasse. Toujours est-il que cette voie mĂšne l'hĂ©roĂŻne Ă  une forme de bonheur, mĂȘme si cela implique la mort de l'homme qu'elle aime et la folie pour elle-mĂȘme. Le rĂ©alisateur japonais se garde bien de tout jugement moral quant Ă  cet amour fou et finalement meurtrier, prĂ©cisant ainsi : « AssociĂ© Ă  Sada, le mot de meurtriĂšre me choque comme il Ă©tonnerait tout Japonais. Si, au dĂ©part, Sada et Kichi semblent n'ĂȘtre que des libertins, ils s'acheminent nĂ©anmoins vers une forme de sanctification »[6].

La traduction du titre japonais en français fait référence à l'essai de Roland Barthes intitulé L'Empire des signes, publié en 1970. Il y est dit au sujet de la sexualité au Japon :

« Au Japon — dans ce pays que j'appelle le Japon — la sexualitĂ© est dans le sexe et non ailleurs ; aux États-Unis, c'est le contraire : le sexe est partout, sauf dans la sexualitĂ©[7]. »

Mais le titre original en japonais (Ai no korÄ«da, littĂ©ralement « Corrida d'amour ») correspond davantage au propos de ƌshima, qui considĂšre qu'entre l'amour, la passion physique, la jouissance nĂ©e du plaisir sexuel et la mort, il y a « un lien indissoluble. Dans l'extase de l'amour, ne s'Ă©crie-t-on pas : “Je meurs ?” » ; et il ajoute, rejetant ainsi toute Ă©quivoque quant au sordide ou macabre de son esthĂ©tique : « Je rĂȘve depuis toujours de confondre rĂȘve et rĂ©alitĂ©. »[8] C'est dans ce sens qu'il dĂ©fendit le film dans son plaidoyer, au moment de son procĂšs Ă  Tokyo en 1978, insistant avant tout sur la dimension amoureuse de cette histoire :

« on se doit de remarquer qu'elle [Abe Sada] dĂ©signe elle-mĂȘme ses rapports avec Ishida KichizĂŽ du mot d'“amour”. Pour Abe Sada, les rapports qu'elle avait avec Ishida ne consistaient pas uniquement Ă  satisfaire ses propres dĂ©sirs sexuels, c'Ă©tait indubitablement et sans Ă©quivoque de “l'amour” et l'affaire Abe Sada fut une affaire “d'amour”. Mais les journalistes de l'Ă©poque en parlĂšrent comme s'il se fĂ»t agi de luxure ou d'une affaire “à sensation”[9]. »

Critiques

L’Empire des sens a donnĂ© lieu Ă  un des moments d’anthologie des dĂ©bats cinĂ©matographiques entre Georges Charensol et Jean-Louis Bory dans l'Ă©mission Le Masque et la Plume, Ă  propos de la distinction entre Ă©rotisme et pornographie.

Georges Charensol juge que le film se situe plus dans la tĂȘte des intĂ©ressĂ©s que dans leur rapport physique, et soutient que c'est le propre de l’érotisme : les sens y parlent aux cerveaux plus qu’aux sexes ; il ajoute au passage que l’érotisme touche ici Ă  la folie et Ă  la mort.

Jean-Louis Bory, pour qui le film est clairement porno, refuse quant Ă  lui de distinguer « sexuel, Ă©rotique et porno », arguant que le porno est juste destinĂ© « aux misĂ©reux sexuels de la rue Saint-Denis », et que lorsqu’« on baise sur du Mozart dans des lumiĂšres Ă  la Georges de La Tour », cela devient de l’érotisme ; pourtant, « la paire de fesses est la mĂȘme. »

Ce dĂ©saccord n’empĂȘche pas l’un comme l’autre d’ĂȘtre envoĂ»tĂ©s par le film[10].

Distinctions

IcĂŽne signalant une information Sauf indication contraire ou complĂ©mentaire, les informations mentionnĂ©es dans cette section peuvent ĂȘtre confirmĂ©es par la base de donnĂ©es IMDb.

Notes et références

  1. (ja) L'Empire des sens sur la Japanese Movie Database
  2. « Les films japonais sortis en France en salle », sur www.denkikan.fr (version du 22 octobre 2020 sur Internet Archive)
  3. Philippe Pons, Pierre-François Souyri, L'esprit de plaisir — Une histoire de la sexualitĂ© et de l'Ă©rotisme au Japon (17e-20e siĂšcle), Payot, 2020, 527 p. (ISBN 978-2228926904), p. 369-371
  4. Voir le livret du DVD, édition Argos Films, Arte vidéo, 2003, p. 4.
  5. Georges Bataille, L'Érotisme, ƒuvres complĂštes, tome X, Paris, Gallimard, 1987, p. 17. ƌshima prĂ©cise toutefois que son film n'est pas du tout une illustration de « thĂšses » et qu'il ne s'est pas directement inspirĂ© de Bataille ou de Sade, sans toutefois les ignorer : « Je suis trop paresseux pour les avoir relus avant d'Ă©crire mon scĂ©nario », interview dans Écrits 1956-1978. Dissolution et jaillissement, trad. du japonais par Jean-Paul Le Pape, Gallimard, coll. « Cahiers du cinĂ©ma », 1980, repris dans le livret du DVD, Ă©dition Argos Films, Arte vidĂ©o, 2003, p. 11.
  6. Interview de Nagisa ƌshima, dans Écrits 1956-1978. Dissolution et jaillissement, repris dans le livret du DVD, Ă©dition Argos Films, Arte vidĂ©o, 2003, p. 11.
  7. Roland Barthes, L'Empire des signes, Paris, Skira, 1970, p. 43.
  8. Interview de Nagisa ƌshima, dans Écrits 1956-1978. Dissolution et jaillissement, repris dans le livret du DVD, Ă©dition Argos Films, Arte vidĂ©o, 2003, p. 11 et 15.
  9. Extraits du plaidoyer prononcĂ© par Nagisa ƌshima en 1978, lors de son procĂšs Ă  Tokyo, repris dans le livret du DVD, Ă©dition Argos Films, Arte vidĂ©o, 2003, p. 5.
  10. « Échange entre Georges Charensol et Jean-Louis Bory dans "Le masque et la plume" », sur ina.fr (consultĂ© le ).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.