L'École du micro d'argent
L'École du Micro d'Argent est le troisième album studio du groupe de rap français IAM, sorti le sur les labels EMI, Delabel et Virgin.
Conception
Le groupe a rencontré plusieurs difficultés dans l’élaboration de L’École du micro d’argent[a 1]. Nick Sansano, déjà présent pour Ombre est lumière, est aux manettes pour la première version enregistrée et mixée à New York[2]. Seulement le groupe n’est pas satisfait du résultat[2] - [3]. Imhotep, dans Beatmakers S1 (1/10) : Imhotep pour IAM (2017), rappelle que « on avait eu tendance dans la première version de l’École du micro d’argent à refaire le même son qu’Ombre est lumière [...] Il a fallu qu’on se remette en question, et au niveau de la compo, même de l’écriture ils ont réécrit une bonne partie des titres après ça ». Au retour de New York, et après avoir réussi à convaincre Delabel, ils sont donc retournés en studio afin de l'améliorer[4]. C’est Prince Charles Alexander (en) qui s’occupe de reprendre l’album à Paris[a 2] - [3]. Selon Olivier Cachin, « il a épuré le son pour lui donner un côté plus percutant, moins orchestré[6] ». Certains textes sont repris par Akhenaton et Shurik’n, alors que Freeman (il n’était pas du déplacement à New York, ce qui est un point de tension au niveau du groupe là aussi) prend place pour la première fois officiellement comme rappeur[7].
Analyse et description
Il s’ouvre avec le morceau-titre de l’album L’École du micro d’argent[a 3].
La journaliste Laure Narlian indique en 1997 dans un article du magazine Les Inrockuptibles que l'album affiche un « minimalisme sombre et dérangé, où l'humour côtoie le gouffre »[3]. Elle note également que le succès du titre Je danse le Mia, deuxième single le plus vendu en France en 1994 et qui a fait connaître le groupe sous une certaine image de « rigolos sympathiques » auprès d'un public plus large que les amateurs de hip-hop, n'a pas fait adopter au groupe un travail qui aurait prolongé ce titre ; IAM ne donne pas dans une auto-caricature et continue dans sa propre ligne. La journaliste souligne un disque au ton grave, avec une grande qualité notamment dans l'écriture et les performances des rappeurs[3]. Les membres du groupe indiquent que cette gravité est liée notamment à leur état d'esprit lors de la composition, lié à une actualité rude, notamment en termes d'évolution de la scène politique, ainsi qu'à une volonté d'aller vers des titres orientés vers le réalisme[3]. Le groupe note en interview l'importance de ses engagements, notamment sociaux et opposés au racisme et au fascisme. Ses membres indiquent aussi en 1997 que la mythologie chinoise a une influence sur ce troisième album, après les mythologies égyptiennes et arabes pour les deux précédents[3].
Accueil critique
Cet album est considéré comme un des meilleurs du rap français. L'album a souvent été cité comme une exception parmi ceux qui n'aiment pas IAM ou le rap français en général. La chanson de 9 minutes Demain, c'est loin, qui clôt l'album, est un classique du rap français. Plusieurs autres morceaux ont aussi un succès considérable : Nés sous la même étoile, L'Empire du côté obscur (référence à Star Wars dont la nouvelle trilogie venait d'être annoncée, sans un seul sample officiel malgré les apparences), ou encore Petit frère.
À sa sortie, en 1997, Laure Narlian (Les Inrockuptibles) évoque un « disque au ton résolument grave, doté d'une production très sobre mais dont la qualité, en termes d'écriture et de célérité verbale, dépasse toutes les attentes[3] ».
Il a remporté le prix du meilleur album de l'année lors de l'édition 1998 des Victoires de la musique.
En 2012, Olivier Cachin, dans son top 10 des meilleurs albums, le considère comme « leur indépassable monument élevé à la gloire des mots, des sons, d’un hip-hop qui sait assumer sa schizophrénie rue/intellect. L’ambition est américaine, la production impeccable [11]. ».
Julien Valnet, dans M.A.R.S. Histoires et légendes du hip-hop du marseillais (2013), estime qu’il est « très certainement le meilleur album de rap français de tous le temps avec Paris sous les bombes de NTM »[12].
En 2017, le journal Libération — pour qui l’album est « une référence majeure, unanimement considérée comme l’un des meilleurs albums de rap français - si ce n’est le meilleur » —, publie un long dossier pour les vingt ans de l’album (20 ans après, IAM ouvre son «Micro d’argent»).
Demain, c’est loin
Demain, c'est loin est le morceau qui clôture l'album, il a une durée de 9 minutes et ne comporte ni couplet ni refrain[4]. Akhénaton indiquait en 1997 que la volonté du groupe pour les titres de l'album était de les traiter à l'instar de « mini-documentaires »[3] - [4].
En 2009, l'Abcdr du son classe ce titre premier de son classement des 100 classiques du rap français[13]. Dans Rap français : une exploration en 100 albums (2016) Mehdi Maizi indique que ce morceau est « vu par beaucoup comme le morceau ultime »[14]. Plus de vingt ans après sa sortie, Mouloud Achour déclare, en présence du groupe, dans l’émission de télévision Clique (IAM : Hier c'est loin, 2019) qu’« Y’en a toujours un sur lequel on se met d’accord, c’est Demain, c'est loin ».
Ventes et certifications
Certifié disque de platine en décembre 1997[15], l’album se vend très bien. Dans M.A.R.S, histoires et légendes du hip-hop marseillais (2013), Julien Valnet souligne « L'École du micro d'argent est disque de diamant. Selon les sources, les chiffres de ventes oscillent entre 1,2 et 1,5 million de ventes »[16].
Au Canada, l'album est certifié disque d'or, le 31 mai 1999, pour 50 000 exemplaires vendus[17].
Liste des pistes
Remarque : sur une seconde édition de l'album parue en 1998, Libère mon imagination est remplacée par Independenza.
Samples utilisés
- NĂ©s sous la mĂŞme Ă©toile : Murder in the First (Christopher Young)
- Elle donne son corps avant son nom : I Hate I Walked Away (Syl Johnson)
- Chez le mac : Bills (The Counts)
- Un bon son brut pour les truands : Passacaglia (Yusef Lateef)
- Petit frère : C.R.E.A.M. (Wu-Tang Clan)
- La phrase d'introduction de L'empire du côté obscur est tirée d'une version audio du roman Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne sortie dans la collection Le Petit Ménestrel, dont la musique est composée par Maurice Jarre, et à laquelle participe Jean Gabin
- La saga : Memphis in June (Ramsey Lewis)
- L'enfer : Dirty Harry - End Titles (Lalo Schifrin) (extrait du film de Don Siegel L'Inspecteur Harry)
RĂ©Ă©ditions
Seize ans après la sortie de l'album, le , sort la réédition de L'École du micro d'argent. Deux nouvelles versions de l'album sont alors mis en vente : une version limitée et une version digipack.
L'édition limitée réunit 4 CD : l'album original et 3 CD contenant 43 titres bonus (faces B, raretés, remixes et versions instrumentales) dont une version originale inédite de Dangereux et une version démo de Demain, c'est loin. Cette édition est conditionnée dans un format beau livre de 80 pages, dans lequel on retrouve toutes les paroles des chansons, de nombreuses photos rares du groupe, et une nouvelle interview du groupe recueillie en évoquant la genèse de l'album[18].
L'édition digipack réuni 3 CD : l'album original et 2 CD contenant 25 titres bonus.
Une réédition vinyle (triple vinyle) sort le . La réédition est signée Warner / Parlophone[19].
Elle fait suite à une forte demande des fans et surtout à une réédition pirate allemande au début de l'année 2015 qui imite grossièrement le visuel pour la pochette de l'album et dont le son est de qualité très médiocre.
Classements
Célébrations
En 2017, le groupe IAM a effectué une tournée en France célébrant les vingt ans de cet album[4].
Notes et références
Notes
- « La création de l’album fut épique. Nous avons traversé des moments de tâtonnements et d’abattement, de remises en questions souvent douloureuses, mais aussi d’euphorie collective[1]. »
- Akhneton : « on a refait 80% de l’album en 24 jours avec Prince Charles après avoir passé six mois dessus[5]! ».
- Imhotep déclare au sujet de ce morceaux : « c’est un concept emblématique de ce qu’on fait nous [...] Si je devais faire écouter un morceau à quelqu’un qui ne connaît pas du tout ce qu’on fait, je ferais écouter celui là [8]. »
Références
- Akhenaton 2010, p. 348.
- Valnet 2013, p. 117.
- Narlian, 1997, IAM - Sagacité.
- Narlian 2017.
- Cachin 2013, p. 129.
- Le Point, Quand IAM redoublait Ă "L'Ă©cole du micro d'argent".
- Cachin 2013, p. 119.
- Beatmakers S1 (1/10) : Imhotep pour IAM
- (en)« L'École du Micro D'Argent Review », AllMusic (consulté le )
- (fr)« Chronique de L'École du Micro D'Argent », sur kaiserben.com/ (consulté le )
- Olivier Cachin, « Rap français : le top 10 des meilleurs albums », sur Les Inrockuctubles, .
- Valnet 2013, p. 116.
- « Les 100 classiques du rap français », sur abcdr du son, .
- Maizi 2016, p. 70.
- SNEP, « L'École du micro d'argent », sur SNEP, (consulté le )
- Valnet 2013, p. 116-117.
- (en-US) « Gold/Platinum », sur Music Canada (consulté le )
- BNF 43673435 (EAN 5099940909424)
- « L’école du micro d’argent de IAM enfin réédité en vinyle », sur Vinyle Actu (consulté le )
- (fr)« IAM - L'École du micro d'argent (France) », sur lescharts.com (consulté le )
- (be)« IAM - L'École du micro d'argent (Belgique francophone) », sur ultratop.be (consulté le )
Annexes
Ouvrages
- Akhenaton (avec Eric Mandel), La Face B, Seuil, Don Quichotte, , 462 p. (ISBN 978-2-35949-002-2), L’École du micro d’argent, p. 347-366.
- Olivier Cachin, Les 100 albums légendaires du rap, Consart, (ISBN 9782940464388), « IAM, L’École du micro d’argent, 1997, Delabel », p. 128-129.
- Mehdi Maizi, Rap français : une exploration en 100 albums, Le mot et le reste, (ISBN 978-2-36054-205-5), p. 70-71.
- Julien Valnet (préf. Olivier Cachin, ill. Jean Pierre Maero), M.A.R.S. Histoires et légendes du hip-hop marseillais, Éditions Wildproject, (ISBN 978-2-918490-25-8, OCLC 1067249408, BNF 43681450), L’École du micro d’argent, p. 116-120.
Articles
- AFP, « Quand IAM redoublait à "L'école du micro d'argent" », sur Le Point,
- Stéphanie Binet, « IAM retourne à l’« école du micro d’argent » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne)
- Laure Narlian, « IAM - Sagacité », sur Les Inrockuptibles, (consulté le )
- Laure Narlian, « IAM : 5 choses que vous ignoriez (peut-être) sur l'album culte "L'école du micro d'argent" », sur Franceinfo,
Autres ressources
- David Commeillas et Samuel Hirsch, « Beatmakers S1 (1/10) : Imhotep pour IAM », sur www.arteradio.com, (consulté le ) — 1/10 : « Dix producteurs Français sortent de l'ombre et racontent le « making of » de leurs plus grands tubes ».
- Baptiste Bouthier et Guillaume Gendron, « 20 ans après, IAM ouvre son «Micro d’argent» », sur Libération.fr, (consulté le ) — Dossier produit par Emilie Coquard et Tom Courant, Six Plus : photos, commentaires, interviews, liens web, vidéos.