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L'Ours et les Deux Compagnons

L'Ours et les Deux Compagnons est la vingtième fable du livre V de Jean de La Fontaine situé dans le premier recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1668.

Dessin de Gustave Doré, édition de 1868 des Fables de La Fontaine
L'Ours et les Deux Compagnons
Image illustrative de l’article L'Ours et les Deux Compagnons
Gravure de Pierre-Étienne Moitte d'après Jean-Baptiste Oudry, édition Desaint & Saillant, 1755-1759

Auteur Jean de La Fontaine
Pays Drapeau de la France France
Genre Fable
Éditeur Claude Barbin
Lieu de parution Paris
Date de parution 1668
Chronologie


Texte

L'OURS ET LES DEUX COMPAGNONS

[Ésope[1] + Abstémius + Philippe de Commynes]

Image d’Épinal, estampe de E. Phosti (1895)
Illustration de Benjamin Rabier (1906)


           Deux Compagnons, pressés d'argent,
              À  leur voisin fourreur vendirent
              La peau d'un Ours encor vivant,

Mais qu'ils tueraient bientĂ´t, du moins Ă  ce qu'ils dirent.

C'Ă©tait le roi des ours, au compte de ces gens.

Le marchand Ă  sa peau devait faire fortune ;

Elle garantirait des froids les plus cuisants ;

On en pourrait fourrer plutĂ´t deux robes qu'une.

Dindenaut (1) prisait moins ses moutons qu'eux leur Ours :

Leur, Ă  leur compte (2), et non Ă  celui de la bĂŞte.

S'offrant de la livrer au plus tard dans deux jours,

Ils conviennent de prix, et se mettent en quĂŞte,

Trouvent l'Ours qui s'avance, et vient vers eux au trot.

Voilà mes gens frappés comme d'un coup de foudre.

Le marché ne tint pas ; il fallut le résoudre (3) :

D'intérêts (4) contre l'Ours, on n'en dit pas un mot.

L'un des deux Compagnons grimpe au faîte d'un arbre ;

                    L'autre, plus froid que n'est un marbre,

Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent , (5)

                    Ayant quelque part ouĂŻ dire
                    Que l'Ours s'acharne peu souvent

Sur un corps qui ne vit, ne meut, ni ne respire.

Seigneur Ours, comme un sot, donna dans ce panneau.

Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie,

                    Et  de peur de supercherie

Le tourne, le retourne, approche son museau,

                    Flaire aux passages de l'haleine.

" C'est, dit-il, un cadavre : Ă´tons-nous, car il sent. "

Ă€ ces mots, l'Ours s'en va dans la forĂŞt prochaine.

L'un de nos deux marchands de son arbre descend,

Court Ă  son compagnon, lui dit que c'est merveille

Qu'il n'ait eu seulement que la peur pour tout mal.

" Eh bien, ajouta-t-il, la peau de l'Animal ?

                    Mais que t'a-t-il dit Ă  l'oreille ?
                    Car il s'approchait de bien près,
                    Te retournant avec sa serre.
                     - Il m'a dit qu'il ne faut jamais

Vendre la peau de l'ours qu'on ne l'ait mis par terre. "


Vocabulaire

(1) dans Rabelais (Quart Livre, chapitre V-VIII) Dindenaut est un marchand de moutons qui fait l'éloge de ses bêtes à Panurge pour les lui vendre plus cher. Panurge se vengera en lui achetant un mouton qu'il jette à la mer : aussitôt les autres suivent et le marchand lui-même est entraîné par eux et se noie.

(2) d'après leur calcul

(3) rompre, résilier

(4) Quant aux dommages et intérêts pour la résiliation du marché

(5) retient son souffle

Illustration musicale

Notes et références

  1. (fr + grk) Ésope (trad. Émile Chambry), « LES VOYAGEURS ET L'OURS », sur archive.org,

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