Kokedama
Les kokedama (èç), des « sphĂšres de mousse » sur lesquelles s'Ă©panouissent une plante, sont apparus au Japon au dĂ©but des annĂ©es 1990.
Dans les grandes villes japonaises, on trouve des fleuristes spécialisés dans les kokedama ou des espaces consacrés au kokedama dans certains grands magasins.
Description
Cette mise en situation trĂšs particuliĂšre des plantes met celles-ci en valeur et la mousse donne un aspect trĂšs naturel Ă la conception. Le kokedama trouve son origine dans le mariage de plusieurs techniques ancestrales existantes au Japon. On peut en citer trois principales :
- nearai (æ čæŽă) : association de plantes sauvages placĂ©es sur un dĂŽme de terreau de petite taille (10 Ă 15 cm) posĂ© dans une poterie traditionnelle ;
- kusamono : association de plantes de saison implantĂ©es dans une poterie artisanale laquelle est posĂ©e sur un jiita (ć°æż) (tranche de bois trĂšs ancien laquĂ©e). Les kusamono sont dits plantes d'accompagnement car placĂ©s Ă cĂŽtĂ© d'un bonsaĂŻ pour indiquer la saison ;
- bonsaï : arbre contraint à rester de petite taille et planté dans une poterie traditionnelle.
Le bonsaĂŻ vĂ©hicule lâimage stĂ©rĂ©otypĂ©e dâune personne dâĂąge mĂ»r, en retraite, qui consacre une grande partie de son temps Ă sâoccuper minutieusement de ses chers arbres nains. Cette image d'Ăpinal a Ă©voluĂ©, grĂące Ă ce que lâon appelle le modern bonsaĂŻ. Il reste que les techniques mises en Ćuvre et le temps qu'il faut consacrer pour entretenir un bonsaĂŻ les rĂ©servent aux amateurs avertis. De ce constat est nĂ© le kokedama. CrĂ©er un kokedama est un vĂ©ritable plaisir et son entretien est rĂ©duit puisqu'il faut simplement le baigner et le vaporiser rĂ©guliĂšrement. Les Japonais crĂ©ent leur kokedama Ă partir de plantes qu'ils vont chercher dans la forĂȘt ou en montagne.
Le bonsaĂŻ traditionnel demande Ă©galement un lieu d'exposition spĂ©cifique dit tokonoma. Durant la pĂ©riode Muromachi (1333-1573) existait une place dans les habitations chez la classe supĂ©rieure oĂč Ă©tait placĂ©e une table basse portant des encens ou des fleurs au-dessus de laquelle un dessin bouddhiste avait Ă©tĂ© placĂ©. Cet emplacement a Ă©voluĂ© en alcĂŽve avec un plan Ă©levĂ© pour remplacer la table. Puis le caractĂšre religieux a disparu. Cette alcĂŽve est toujours utilisĂ©e dans les maisons traditionnelles, en tant que place idĂ©ale pour admirer un changement de saison en accrochant un kakemono et en posant des compositions ikebana ou un bonsaĂŻ devant. Le kakemono Ă©voque un lieu (forĂȘt, riviĂšre, cascade, riziĂšre, etc.).
Aussi, si lâon ne dispose pas du traditionnel tokonoma, on peut tout simplement utiliser le kokedama comme composition vĂ©gĂ©tale dĂ©corative.
Ce plaisir de création et de décoration, associé à sa facilité d'entretien et cette proximité avec la nature correspond plus aux aspirations des nouvelles générations et a suscité un véritable engouement au Japon.
Techniques
Il existe diverses techniques, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients.
Technique dite traditionnelle
Le substrat Ă utiliser est Ă base d'une argile noire rĂ©coltĂ©e au fond des riziĂšres et dâakadama (蔀ç, argile rouge granuleuse). On ajoute divers composants comme de la terre du mont Fuji (ćŻćŁ«ç , Fuji-zuna). Chaque Ă©cole possĂšde ses secrets. Les proportions des diffĂ©rents constituants varient beaucoup en fonction des exigences de la plante. Le port de gants fins est conseillĂ© pour Ă©viter d'avoir des mains noircies. Le mĂ©lange obtenu doit ĂȘtre pĂ©tri longuement avec prĂ©caution pour Ă©viter de broyer lâakadama. On obtient une pĂąte plastique. On peut alors la façonner en boule.
La plante est enlevĂ©e de son pot et ses racines sont dĂ©barrassĂ©es de la terre avec prĂ©caution. On utilise un dĂ©mĂȘleur (morceau de bambou en forme de lame). Les racines trop importantes peuvent ĂȘtre taillĂ©es (jusqu'Ă 1/3). Le vĂ©gĂ©tal est prĂȘt Ă ĂȘtre « transplantĂ© ». On rassemble alors lĂ©gĂšrement les racines. On applique le mĂ©lange sur les racines en Ă©vitant de casser les radicelles qui sont trĂšs fragiles. On ajoute du mĂ©lange jusqu'Ă obtenir une sphĂšre. La taille de la sphĂšre est question d'esthĂ©tisme. Elle est couramment de six Ă dix centimĂštres.
La derniÚre étape consiste à habiller la sphÚre de mousse. On prend un morceau de mousse plate et l'on recouvre la sphÚre. Il est souvent nécessaire d'utiliser plusieurs morceaux. La mousse est fixée à l'aide d'un fil enroulé autour de la sphÚre de maniÚre irréguliÚre selon des méridiens imaginaires. En fonction des écoles de kokedama, le fil est soit en aluminium (0,5 mm), soit en coton noir, soit en coton vert ou soit en nylon.
Une fois fini, la mousse peut ĂȘtre taillĂ©e pour donner un aspect plus lisse. Puis, le kokedama est plongĂ© dans l'eau pendant environ dix minutes. Cela permet de le laver (de l'argile noire et des petits dĂ©bris vĂ©gĂ©taux en particulier) et de tasser la terre autour des racines. L'eau doit ĂȘtre Ă tempĂ©rature ambiante, voire tiĂšde. Elle doit ĂȘtre faiblement minĂ©ralisĂ©e (moins de 250 g/l de rĂ©sidus minĂ©raux, sinon il y aura des dĂ©pĂŽts de concrĂ©tions minĂ©rales sur le mousse) et sans chlore (fatal pour les mousses).
Technique de la sphaigne non compressée
Dans cette technique, on utilise de la sphaigne (sphagnum) séchée réhumidifiée qui remplace le mélange de la technique traditionnelle. On enveloppe les racines jusqu'à faire une sphÚre. Cette sphÚre est ensuite enveloppée de mousse. Cette technique est utilisée pour les plantes aimant les substrats humides : juncus spiralis, acorus gramineus, ophiopogon, etc.
Technique de la sphaigne compressée
Pour cela, on utilise une sphÚre déjà formée composée de sphaigne colorée et compressée. Ce type de sphÚre est introuvable en Europe. Il en existe de plusieurs diamÚtres et plusieurs coloris. Un emplacement au centre permet de placer la plante avec une partie de son terreau. Ces kokedama sont souvent personnalisés avec des yeux, un nez et une bouche.
Technique simplifiée
Le seul matériau utilisé est l'argile noire. On n'enlÚve pas la terre des racines de la plante. On en enlÚve un peu afin de former une sphÚre avec le substrat d'origine de la plante. Puis on applique une couche (0,5 cm environ) de cette argile noire. On enveloppe alors cette sphÚre de mousse.
L'intĂ©rĂȘt est que la plante reste dans son substrat d'origine et l'inconvĂ©nient est que l'on obtient un kokedama dont la rĂ©tention en eau est trĂšs faible. Il demande plus de vigilance pour garder une humiditĂ© suffisante.
Matériaux
La mousse
Au Japon, il y a plus de 2 300 espÚces de bryophytes (mousses) alors que sous nos climats, on en rencontre environ 1 300. Une centaine d'espÚces sont réguliÚrement utilisées pour les jardins, murs végétaux, verdissement de talus, bonsaïs et kokedama. Pour les kokedama , trois espÚces de bryophytes sont employées :
- Rhacomitrium canescen : suna-goke, pour une utilisation au soleil ;
- Hypnum plumaeforme : hai-goke, pour une utilisation Ă mi-ombre ;
- Thuidium : shinobu-goke, pour une utilisation Ă lâombre.
- Racomitrium canescens.
- Hypnum plumaeforme.
- Thuidium.
En France, on trouve Rhacomitrium canescen, Hypnum plumaeforme et des Thuidium. Distinguer les différentes espÚces est trÚs délicat. Pour les prélever dans la nature, il est indispensable de demander au propriétaire son autorisation. Cette cueillette se fera avec beaucoup de parcimonie car les mousses poussent trÚs lentement et ont un rÎle important tant dans la stabilité des sols, l'hygrométrie des micro-climats (zones spécifiques de quelques mÚtres carrés) et comme abris pour la micro-faune. Il est préférable de demander de la mousse à une jardinerie.
Une fois rĂ©alisĂ©, les kokedama sont dĂ©posĂ©s sur des supports le plus souvent plats en argile, ardoise, bois, pierre, etc. Les kokedama peuvent ĂȘtre Ă©galement mis en suspension.
Choix des végétaux
Le choix des végétaux est trÚs large. Il est préférable d'employer des végétaux d'intérieur plus faciles à surveiller et pour lesquels la littérature est abondante si des difficultés surgissent.
Entretien
Il est important dâapporter un environnement favorable (lumiĂšre, absence de courant d'air, tempĂ©rature, hygromĂ©trie, etc.) propice au kokedama en fonction de la plante utilisĂ©e. Le kokedama supporte mal les rayons du soleil direct et lâair conditionnĂ©, donc il faut Ă©viter ce genre de situation. En ce qui concerne lâarrosage, il est Ă adapter selon la saison et l'hygromĂ©trie.
En fait, un kokedama se baigne. On immerge la sphĂšre environ toutes les semaines d'octobre Ă avril et tous les deux ou trois jours de mai Ă septembre, voire plus. On ressort le kokedama au bout d'une dizaine de minutes dĂšs quâil nây a plus de bulles dâair qui remontent. L'eau doit ĂȘtre Ă tempĂ©rature ambiante, faiblement minĂ©ralisĂ©e et sans chlore.
Au Japon, en fonction de la mousse utilisĂ©e, il faut pulvĂ©riser de l'eau sur la mousse. En Ă©tĂ©, il faut le faire deux fois par jour, matin et soir, au moment oĂč la chaleur se fait moins sentir, et en hiver, une fois par jour, Ă midi, au meilleur moment de la journĂ©e. La mousse est Ă©tonnamment rĂ©sistante. MĂȘme si on a lâimpression quâelle est morte, dessĂ©chĂ©e, on peut la faire revivre.
Si la plante nâest pas en forme, la littĂ©rature donnera des conseils. Il est possible de diluer de lâengrais dans de lâeau et en mettre dans lâeau de trempage. Attention, il est nĂ©cessaire de diluer par dix par rapport aux indications de dosage, sinon cela risque de nuire Ă la plante et surtout Ă la mousse.
Voir aussi
Bibliographie
- Willis Bentz, Esprit Bonsaï : Plantes sauvages en pot, l'art du kusamono, , hors série no 4.
- Adrien BĂ©nard et Marie-Pierre Baudoin, L'Art du kokedama, Rustica, , 96 p. (ISBN 978-2815305396).
- (en) Lisa Tajima, Pop Bonsai: Fun with arranging small trees and plants, KĆdansha International.
- (ja) IsaburĆ Nishiyama, Mijika-na yasĆ o hachiue ni (èș«èżăăȘéèăéąæ€ăă«), NĆsangyoson bunka kyĆkai, .
- (ja) Koke engei kotsu no kotsu (èćèžăłăăźăłă), NĆsangyoson bunka kyĆkai, .
- (ja) Otona no modern bonsai (性äșșăźăąăăłçæ œ), Ei shuppansha, .
- (ja) Mini bonsai to kokedama (ăăçæ œăšèç), NHK shuppan kyĆkai, .