Khanat de Nakhitchevan
Le khanat de Nakhitchevan (en persan ۟ۧÙۧŰȘ Ù۟ۏÙۧÙ) est un petit Ătat qui sâest constituĂ© dans le sud-est de lâArmĂ©nie historique sous la suzerainetĂ© iranienne. Il devient indĂ©pendant en 1747 sous la dynastie locale des Kangarlou. Il est incorporĂ© comme Ătat vassal dans lâEmpire russe aprĂšs le traitĂ© de Turkmanchai en 1828 avant dâĂȘtre annexĂ© par lui en 1834.
Entités précédentes :
Entités suivantes :
Origine
AprĂšs avoir fait partie des antiques royaumes armĂ©niens artaxiade et arsacide, le territoire du futur khanat de Nakhitchevan est Ă lâĂ©poque mĂ©diĂ©vale disputĂ© entre les Arçrouni du Vaspourakan et lâ« ArmĂźnĂźya » arabe. SubmergĂ©e par lâinvasion des Seldjoukides, la rĂ©gion est incluse entre 1135 et 1225 dans le royaume fondĂ© par lâatabeg Shams al-Din Eldiguz (mort en 1175). Elle subit ensuite la domination des Mongols et de leurs successeurs directs les Ilkhanides musulmans (1231-1340), celle de lâĂ©phĂ©mĂšre empire des Timourides (1382-1405) et de ses successeurs turcomans, les Qara Qoyunlu de 1405-1468 puis les Aq Qoyunlu de 1468-1501, avant dâĂȘtre incluse une premiĂšre fois dans lâempire des SĂ©fĂ©vides en 1502, et ensuite, aprĂšs de longues luttes indĂ©cises, dans lâEmpire ottoman Ă partir de 1588/1589 jusquâau dĂ©but du XVIIe siĂšcle[1].
Suzeraineté iranienne
AprĂšs avoir pris Erevan en juin 1604, Chah Abbas confie le Nakhitchevan Ă Maqsud Sultan Kangerlou. Dans les annĂ©es suivantes, lorsque la rĂ©gion est menacĂ©e par la contre-offensive des armĂ©es ottomanes, ce dernier reçoit lâordre de dĂ©placer la population entiĂšre de la province : Turcomans envoyĂ©s au Mazandaran, Juifs et les ArmĂ©niens de Djoulfa, dont 20 000 jugĂ©s peu sĂ»rs, sont transplantĂ©s dans des conditions trĂšs dures vers la rĂ©gion dâIspahan, dans une localitĂ© crĂ©Ă©e spĂ©cialement Ă cet effet et nommĂ©e La Nouvelle-Djoulfa, qui est mĂȘme dotĂ©e dâun Ă©vĂȘchĂ©[2].
DĂšs 1620, le Nakhitchevan revient dĂ©finitivement dans lâEmpire sĂ©fĂ©vide, sauf pendant la pĂ©riode 1635/1636, jusquâau dĂ©but du XVIIIe siĂšcle. La rĂ©gion est laissĂ©e exsangue et dĂ©peuplĂ©e par la politique de la « terre brĂ»lĂ©e » appliquĂ©e successivement par les SĂ©fĂ©vides et les Ottomans[3]. Pendant cette pĂ©riode se succĂšdent Ă Nakhitchevan des gouverneurs quasi hĂ©rĂ©ditaires du clan Kangerlou dont Ali Qouli Khan Kangerlou qui gouverne vers 1660 une partie de la KakhĂ©tie conjointement avec le vice-roi Ali Mourteza Khan du Karabagh[4].
AprÚs la chute de la dynastie iranienne, le Natkhitchevan est de nouveau occupé de 1724 à 1736 par les Ottomans. La victoire du futur Nùdir Chùh sur ces derniers rétablit une ultime fois la suzeraineté iranienne.
Khanat des Kangarlou
Mettant Ă profit la nouvelle pĂ©riode dâanarchie dans laquelle sombre lâIran aprĂšs le meurtre de NĂądir ChĂąh, le khan turcoman Heydar Qouli Khan du clan des Kangerlou ou Kangerli se proclame indĂ©pendant en 1747 et gouverne jusquâĂ sa mort en 1787.
Son fils et successeur, Kalb Ali Khan Heydar Oglu (1787-1823), doit se soumettre temporairement Ă Ibrahim Khalil Khan du Karabagh[5]. En 1795 il est aveuglĂ© et dĂ©posĂ© par Agha Mohammad Shah qui le soupçonne d'entente avec les Russes, lors de son expĂ©dition contre la GĂ©orgie. Il retrouve son trĂŽne Ă la mort du Chah en 1797[6]. Lors de la guerre russo-persane de 1804-1813, en 1808, les forces russes occupent le Nakhitchevan, qui retourne cependant dans lâorbite de lâIran en 1813 aprĂšs le traitĂ© de Golestan. En 1823, son fils, Ehsan Khan Kangarlou, qui entretient de bonnes relations avec lâIran des Kadjars, devient Ă son tour khan de Nakhitchevan.
Annexion par lâEmpire russe
Pendant la guerre russo-persane de 1826-1828, le gĂ©nĂ©ral en chef des armĂ©es iraniennes, le prince hĂ©ritier Abbas Mirza, donne le commandement de la forteresse dâAbbas Abad, construite en 1810 sur la rive droite de lâAraxe, et qui, avec une garnison de 2 700 hommes, Ă©tait la piĂšce essentielle de la dĂ©fense du khanat de Nakhichevan, Ă son beau-frĂšre Mohammad AmÄ«n Khan Develu QÄjÄr, avec comme second Ehsan Khan Kangerlou[7].
Le commandant gĂ©nĂ©ral Ivan FĂ©dorovitch Paskievitch, chef des armĂ©es russes, avant d'avoir fait la conquĂȘte dâErevan, occupe sans opposition le khanat de Nakhitchevan dont la capitale est prise le sans rĂ©action dâAbbas Mirza qui se trouve Ă Tabriz. Les Russes mettent le siĂšge devant Abbas Abad le . Ehsan Khan nĂ©gocie rapidement sa reddition avec le commandant russe et livre la forteresse dĂšs le [8].
Aux termes du traitĂ© de Turkmanchai signĂ© le , le khanat de Nakhitchevan, comme celui dâErevan, est annexĂ© par lâEmpire russe. Ehsan Khan est dĂ©posĂ© mais il obtient une pension et le titre de major gĂ©nĂ©ral dans lâarmĂ©e russe. Il est remplacĂ© par son parent Karim Khan Kangerlou comme vassal.
En 1834, les Russes dĂ©posent aussi ce dernier et proclament lâannexion du khanat qui est inclus comme Erevan dans lâĂ©phĂ©mĂšre « province armĂ©nienne » (Armianskaia Oblast, 1834-1840). Cette derniĂšre entitĂ© est successivement incluse dans le « gouvernement de GĂ©orgie-ImĂ©rĂ©thie » (Gruziia-Imeretiia, 1840-1845) puis dans la « vice-royautĂ© du Caucase » (Kavkazskoe Namestnichestvo) jusquâĂ la crĂ©ation en 1849 dâun « gouvernement d'Erevan » incluant le Nakhitchevan[9].
La famille des khans de Nakhitchevan s'est intĂ©grĂ©e dans lâaristocratie russe et deux fils et un petit-fils dâEhsan Khan, Ismail khan (1819-1909) et Kalb Ali khan (1824-1883) ainsi que son fils Husseyn Khan (1863-1919), effectuent des carriĂšres comme gĂ©nĂ©raux russes.
Notes et références
- (en) Robert H. Hewsen, Armenia: a Historical Atlas, University of Chicago Press, Chicago, 2001, p. 149.
- (en) P. Oberling, « Kangarlu », dans EncyclopÊdia Iranica (lire en ligne).
- Antoine Constant, LâAzerbaĂŻdajan, Karthala, Paris, 2002 (ISBN 2845861443), p. 167.
- Marie-Félicité Brosset, Histoire de la Géorgie, Histoire moderne, Saint-Pétersbourg, 1851, livraison I, additions V, p. 505.
- Antoine Constant, op. cit., p. 163.
- (en) Georges A. Bournoutian, Russia and the Armenians of Transcaucasia 1797-1889, Mazda Publishers, 1998 (ISBN 1568590687), p. 49
- (en) Kamran Ekbal, « ÊżAbbÄsÄbÄd », dans EncyclopĂŠdia Iranica (lire en ligne).
- (en) John Frederick Baddeley, The Russian conquest of the Caucasus, Longmans Green & Co, 1908, réédition Curzon Press, 1999 (ISBN 0700706348), p. 165-172.
- Antoine Constant, op. cit., p. 191-192.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- (en) Georges A. Bournoutian, Russia and the Armenians of Transcaucasia 1797-1889, Mazda Publishers, 1998 (ISBN 1568590687).
- (en) John Frederick Baddeley, The Russian conquest of the Caucasus, Longmans Green & Co, 1908, réédition Curzon Press, 1999 (ISBN 0700706348).
- Antoine Constant, LâAzerbaĂŻdjan, Karthala, 2002 (ISBN 2845861443).