Kakasbos
Kakasbos (en grec ancien ÎαÎșαÏÎČÎżÏ, retrouvĂ© seulement sous la forme dative ÎαÎșαÏÎČÏ) est une divinitĂ© anatolienne antique. IdentifiĂ© Ă HĂ©raclĂšs au plus tard au dĂ©but de lâĂ©poque impĂ©riale romaine, il a Ă©tĂ© exclusivement vĂ©nĂ©rĂ© dans le sud de lâAsie mineure, plus prĂ©cisĂ©ment en Lycie et en Pisidie. Dieu cavalier Ă la massue, Kakasbos semble reliĂ© Ă la protection contre les dangers sauvages, mais cela reste discutĂ© dans la communautĂ© historienne.
Mythologie
Le rĂ©cit mythologique entourant Kakasbos est malheureusement inconnu, car aucun texte rĂ©vĂ©lant cet aspect de son culte nâa Ă©tĂ© mis au jour jusquâĂ maintenant. La probabilitĂ© dâune telle dĂ©couverte reste mince, car les Lyciens nâont produit que trĂšs peu de textes (dans leur langue lycienne natale ou dans toute autre langue), et encore moins dont la teneur nâest pas administrative ou funĂ©raire. Par ailleurs, les Grecs et les Romains ne semblent sâĂȘtre que peu intĂ©ressĂ©s aux cultes autochtones lyciens et pisidiens, car seul un nombre infime de textes font mention de telles divinitĂ©s (Maseis ou Tarchunt, par exemple).
Culte
Ătendue
Le culte de Kakasbos Ă©tait circonscrit au sud de lâAsie mineure, en Lycie et en Pisidie. En effet, la quasi-totalitĂ© des traces laissĂ©es par son culte ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es dans une rĂ©gion situĂ©e entre les villes modernes de Fethiye (lâantique Telmessos) et Nebiler (Ă une dizaine de kilomĂštres au sud-ouest de Korkuteli). Certaines des stĂšles qui lui sont dĂ©diĂ©es ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es dans dâautres citĂ©s dâAsie Mineure (Milet ou Halicarnasse, par exemple) ou Ă Rhodes, mais il nâexiste aucun doute quant Ă leur origine lycienne ou pisidienne.

Traces
Kakasbos recevait un culte qui nous semble intimement reliĂ© Ă celui dâHĂ©raclĂšs. Les traces laissĂ©es par la dĂ©votion au dieu anatolien sont, en effet, absolument Ă©quivalentes Ă celles laissĂ©es par les fidĂšles dâHĂ©raclĂšs cavalier. Seule une inscription indiquant de maniĂšre explicite le nom de la divinitĂ© permet donc de distinguer de maniĂšre certaine Ă qui un ex-voto spĂ©cifique Ă©tait dĂ©diĂ©[1].
PrĂšs de Yuvalak, Ă proximitĂ© de Tefenni, un sanctuaire regroupant plusieurs dizaines de reliefs rupestres Ă lâeffigie de Kakasbos et dâHĂ©racles a Ă©tĂ© retrouvĂ©. Malheureusement, la plupart des sculptures sont fortement Ă©rodĂ©es, ce qui ne donne que peu dâĂ©lĂ©ment alimentant la comprĂ©hension du dieu, ou du site lui-mĂȘme. En outre, la dizaine dâinscriptions accompagnant certains reliefs a subi de lourds dĂ©gĂąts, qui ne laissent que quatre ou cinq messages lisibles, trop peu pour pouvoir mener une analyse solide.
Dâautres sources sont cependant plus loquaces. 121 stĂšles ornĂ©es dâun relief et inscrites en grec ancien ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es dans le nord de la Lycie et dans le sud de la Pisidie. Les inscriptions, trĂšs courtes, sont de nature dĂ©dicatoire et adoptent, Ă quelques variations prĂšs[2], la formule suivante : « Untel, fils dâuntel, [a rempli] Ă Kakasbos/HĂ©raclĂšs sa priĂšre. » Elles nous apprennent que les dĂ©dicaces sont faites majoritairement par des gens portant un nom grec, mais aussi par dâautres dont lâanthroponyme est indigĂšne (lycien ou pisidien). On retrouve de plus quelques noms latins, trop peu cependant pour conclure Ă une rĂ©elle influence latine. Toutes les combinaisons, dâun cĂŽtĂ©, de lâorigine du nom du dĂ©dicateur, et de lâautre, du dĂ©dicataire sont rencontrĂ©es; aucun clivage ethnique nâest donc apparent. Les reliefs, quant Ă eux, sont assez bien conservĂ©s pour la plupart : certains dĂ©tails du visage de la divinitĂ©, de son Ă©quipement ou de sa monture apparaissent toujours.
Par ailleurs, dâautres stĂšles sans inscription, plus dâune centaine, ont Ă©galement Ă©tĂ© trouvĂ©es en Lycie-Pisidie. Elles offrent un complĂ©ment utile aux stĂšles inscrites, mais nâapportent pas dâĂ©lĂ©ment nouveau Ă la comprĂ©hension.
Enfin, dâautres sources ont Ă©tĂ© reliĂ©es Ă Kakasbos. Des monnaies arborant un dieu cavalier portant une arme qui sâapparente Ă une massue ont Ă©tĂ© mises au jour, mais aucune nâidentifie explicitement HĂ©raclĂšs ou Kakasbos. Le nom du dieu anatolien semble se trouver sur une gemme gnostique, mais lâinscription est unique et ne peut pas ĂȘtre reliĂ©e avec soliditĂ© Ă Kakasbos. Enfin, des figurines de ce qui semble ĂȘtre un cavalier Ă la massue non identifiĂ© ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es dans un temple, Ă Sagalassos. Cependant, il a Ă©tĂ© maintes fois suggĂ©rĂ© quâelles ne reprĂ©sentaient probablement pas Kakasbos, et que le temple nâĂ©tait pas non plus dĂ©diĂ© au dieu cavalier micrasiatique.
Bibliographie
- G.E. Bean, « Notes and Inscriptions from Cibyratis and Caralitis », ABSA, 51 (1956), p. 136-156.
- G.E. Bean. « Inscriptions in the Antalya Museum », Belleten, 22 (1958), p. 21-91.
- G.E. Bean, « Notes and Inscriptions from Pisidia. Part I », Anat. St., vol. 9 (1959), p. 67-117.
- G.E. Bean, « Notes and Inscriptions from Pisidia. Part II », Anat. St., vol. 10 (1960), p. 43-82.
- G.E. Bean, Journeys in Northern Lycia 1965-1967. Vienne, Kommissionsverlag der Ăsterreicher Akademie der Wissenschaften, 1971, 36 p. Coll. « ErgĂ€nzungsbĂ€nde zu den Tituli Asiae Minoris », 4.
- BibliothĂšque de lâĂcole Ă©vangĂ©lique de Smyrne, ÎÎżÏ ÏÎ”ÎŻÎżÎœ ÎșαÎč ÎÎčÎČλÎčοΞΟÎșη ÏÎ·Ï ÎÏ Î±ÎłÎłÎ”Î»ÎčÎșÎźÏ ÎŁÏÎżÎ»ÎźÏ ÎŁÎŒÏÏΜηÏ, vol. 2. Smyrne, Typois Nikolaou A. Damianou, 1876, 221 p.
- A. Conze et MusĂ©e Royal de Berlin (Königliche Museen zu Berlin), Beschreibung der antiken Skulpturen mit Ausschluss der Pergamenischen FundstĂŒcke. Berlin, Verlag von W. Spemann, 1891, p. 256, no 689.
- T. Corsten (dir.), Die Inscriften von Kibyra, Vol. 1. Bonn, R. Habelt, 2002, 381 p.
- Inci Delemen, Anatolian Rider-Gods: A Study of Stone Finds from the Regions of Lycia, Pisidia, Isauria, Lycaonia, Phrygia, Lydia, Caria in the Late Roman Period. Bonn, R. Habelt, 1999, 228 p. Coll. « Asia Minor Studien », 35.
- W. Drexler, « Kakasbos », dans W. H. Roscher, AusfĂŒhrliches Lexikon der griechischen und römischen Mythologie, vol. 2, tome 1. Leipzig, B. G. Teubner, 1890, 1776 p.
- Mathieu Drouin. « Les cultes dâHĂ©raklĂšs et de Kakasbos en Lycie-Pisidie Ă lâĂ©poque impĂ©riale romaine â Ătude des stĂšles dĂ©diĂ©es aux dieux cavaliers Ă la massue ». MĂ©moire de MaĂźtrise, UniversitĂ© Laval, QuĂ©bec, 2014, XXXIV-201 p. Disponible au http://theses.ulaval.ca/archimede/meta/30806.
- P. Frei, « Die Götterkulte Lykiens in der Kaiserzeit », ANRW, 18.3 (1990), p. 1729-1864.
- D. French « Isinda and Lagbe », dans D. French, Studies in the History and Topography of Lycia and Pisidia. Londres, British Institute at Ankara, 1994, 119 p.
- J. Gagé, « Deux dieux cavaliers », MEFRA, 43 (1926), p. 103-123.
- R. Heberdey et E. Kalinka, Bericht ĂŒber zwei Reisen im sĂŒdwestlichen Kleinasien, ausgefĂŒhrt im Auftrage der Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften. Vienne, C. Gerold's Sohn, 1897, 56 p. Coll. « Kaiserliche Akademie der Wissenschaften, Philosophisch-historische Klasse, Denkschriften », 45, 1.
- G.H.R. Horsley, The Greek and Latin Inscriptions in the Burdur Archaeological Museum. Londres, The British Institute at Ankara, 2007, 321 p. Coll. « Regional Epigraphic Catalogues of Asia Minor », V.
- G.H.R. Horsley, The Rider God Steles at Burdur Museum in Turkey, Compte-rendu dâune conference donnĂ©e Ă la New England University, 1999, 60 p.
- B. Iplikçioglu et alii, Epigraphische Forschungen in Termessos und seinem Territorium II. Vienne, Verlag der Ăsterreichischen Akademie der Wissenschaften, 1991, 45 p.
- B. Iplikçioglu et alii, « Kuzey Likya'dan Yeni Yazıtlar », Arastırma Sonuçları Toplantısı, vol. 9 (1992), p. 183-192.
- S. KĂŒtĂŒk, « Kakasbos ve KĂŒltĂŒ », TĂŒrk Tarih Kongresi, 9, (1986), p. 405-413.
- E. Loewy, « Unediertes aus Rhodos », AEMĂ, 7 (1883), p. 107-139.
- F. von Luschan et E.A.H. Petersen, Reisen in Lykien, Milyas und Kibyratis - Reisen im sĂŒdwestlichen Kleinasien, Vol. II. Vienne, Gerold, 1889, 248 p.
- A. Maiuri, « Viaggo de esplorazione in Caria, Parte III », ASAA, vol. 4-5 (1921-1922), p. 461-488.
- M. Mazoyer et O. Casabonne (dir.), Studia anatolica et varia â MĂ©langes offerts au professeur RenĂ© Lebrun. Paris, LâHarmattan, 2004, 362 p.
- B.H. McLean, Greek and Latin Inscriptions in the Konya Archaeoligical Museum. Londres, British Institute of Archaeology at Ankara, 2002, 134 p.
- H. Metzger, Catalogue des monuments votifs du Musée d'Adalia. Paris, E. de Boccard, 1952, 74 p.
- N.P. Milner, An Epigraphical Survey in the Kibyra-Olbasa Region conducted by A.S. Hall. Londres, British Institute of Archaeology at Ankara, 1998, XIX-127 p.
- H.A. Ormerod et E.S.G. Robinson, « Inscriptions from Lycia », JHS 34 (1914), p. 1-35.
- B. Pace « Inscrizone di Pednelissos », ASAA, 3 (1916/1920), p. 149-159.
- B. Pace, « La zona costiera da Adalia a Side », ASAA, 3 (1916/1920), p. 29-71.
- R. Paribeni, et P. Romanelli, « Studi e ricerche archeologiche nell' Anatolia meridionale », Monumenti Antichi, 23 (1914), p. 5-277.
- E. Raimond, « Quelques cultes des confins de la Lycie », dans M. Mazoyer et O. Casabonne, Studia anatolica et varia, p. 293-314.
- Louis Robert, « Documents dâAsie Mineure », BCH, 107-1 (1983), p. 497-599.
- Louis Robert, « Pierres errantes, muséographie et onomastique », Berytus Archaeological Studies, 16 (1966), p. 5-40.
- Louis Robert, « Un dieu anatolien : Kakasbos », Hellenica, 3 (1946), p. 38-73.
Notes et références
- MalgrĂ© ce quâa avancĂ© I. Delemen, la nuditĂ© nâest pas absolument exclusive Ă HĂ©raclĂšs. En effet, G.H.R. Horsley et M. Drouin ont identifiĂ© une stĂšle qui illustre un dieu cavalier Ă la massue complĂštement dĂ©nudĂ©, mais qui est adressĂ©e Ă Kakasbos, bien que le texte soit difficile Ă lire.
- Les variations touchent essentiellement lâordre des mots (qui nâimporte que peu en grec ancien), lâajout occasionnel de lâĂ©pithĂšte ÎΔÏ, « au dieu [K. ou H.] » (qui ne modifie en rien le message), et lâabsence trĂšs ponctuelle de formule dĂ©dicatoire. Les stĂšles qui contiennent cette derniĂšre particularitĂ© ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©es par G.H.R. Horsley comme pouvant ĂȘtre des Ă©pitaphes. Cependant, M. Drouin nâa pas trouvĂ© assez dâĂ©lĂ©ments corroborant cette hypothĂšse pour la considĂ©rer comme plausible.