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Kaikei

Kaikei (ćż«æ…¶) Ă©tait un busshi (sculpteur bouddhique dans le Japon ancien, comme Unkei et son maĂźtre Kƍkei), actif de 1183 Ă  1223 d’aprĂšs les documents subsistants. Il Ă©tait membre de l’école Kei (Kei-ha), nommĂ©e ainsi en raison du kanshi kei (慶) figurant dans le nom de ses principaux reprĂ©sentants. Kaikei Ă©tait Ă©galement appelĂ© Anna-dabutsu ou An Amida Butsu (en rĂ©fĂ©rence au bouddha Amida), et son style se nomme An’amiyƍ (style Anami). La plupart de ses Ɠuvres ont une hauteur d’environ trois shaku et un grand nombre d’entre elles nous sont parvenues.

Jizƍ, bois peint, Kaikei
Bodhisattva, laque, or et cuivre sur bois, cristaux pour les yeux, Kaikei

De nos jours, Kaikei et peut-ĂȘtre plus encore son compagnon d’apprentissage Unkei sont considĂ©rĂ©s comme les deux plus grands maĂźtres de leur temps, qui ont profondĂ©ment dĂ©fini et influencĂ© la sculpture de Kamakura[1] - [2]. Kaikei a fait l’objet de plusieurs monographies synthĂ©tisant l’état de la recherche sur le sujet, notamment des historiens de l’art Hisashi Mƍri, Takeshi Kobayashi et Saburƍsuke Tanabe (voir bibliographie).

Contexte

Kaikei fut actif au tout dĂ©but de l’époque de Kamakura, pĂ©riode de profonde mutation au Japon, car l’aristocratie perdit tout rĂ©el pouvoir au profit des clans guerriers : c’était l’instauration du shogunat de Kamakura (bakufu). Les Ă©coles bouddhiques Ă©sotĂ©riques des siĂšcles prĂ©cĂ©dents (Tendai, Shingon) cĂ©dĂšrent Ă©galement la place Ă  un bouddhisme plus populaire et tournĂ© vers la recherche intĂ©rieure de la foi, en particulier les Ă©coles de la Terre pure (Jƍdo en japonais). En histoire de l’art, la pĂ©riode reste fortement caractĂ©risĂ©e par la sculpture de Kamakura, dernier Ăąge d’or de la sculpture japonaise, sous l’influence de l’école Kei[3]. Rompant avec l’idĂ©alisme et l’acadĂ©misme de Heian, elle proposait un style marquĂ© par le rĂ©alisme, le dynamisme, les influences de la Chine des Song et l’étude des styles anciens de la pĂ©riode Tenpyƍ, correspondant mieux au goĂ»t des samouraĂŻs, nouveaux maĂźtres du Japon, et des nouvelles Ă©coles de la Terre pure[4] - [5]. Le matĂ©riau principal alors Ă©tait le bois depuis plusieurs siĂšcles, sculptĂ© avec la mĂ©thode dite yosegi-zukuri (bois assemblĂ©), qui consistait Ă  composer une statue en assemblant les diverses piĂšces qui la composaient, sculptĂ©es sĂ©parĂ©ment[4] - [6].

C’est Ă  Nara que l’école Kei se dĂ©veloppa, prenant grandement part aux rĂ©novations des temples dĂ©truits par les Taira en 1180 durant la guerre de Genpei[6], et sa crĂ©ation est communĂ©ment attribuĂ©e Ă  Kƍkei, le maĂźtre de Kaikei[7]. Ainsi, l’art de Kaikei se situe au dĂ©but de la sculpture de Kamakura[8].

Biographie

Triade d'Amida, laque et feuille d'or sur bois, Kaikei

Kaikei Ă©tait tout comme Unkei un apprenti du sculpteur Kƍkei, et il se familiarisa jeune avec le naturalisme de l’école Kei. Il rivalisait en talent avec Unkei, si bien que les spĂ©cialistes supposent souvent une forme de rivalitĂ© entre les deux artistes[9] - [10]. Avec les autres membres de l’école, il participa aux restaurations des grands temples de Nara dĂ©truits durant la guerre de Genpei. Il Ɠuvra tout particuliĂšrement au Tƍdai-ji oĂč il sculpta un des rois cĂ©lestes (Shi Tennƍ) et le Kannon du Daibutsu-den (aujourd’hui perdus), les deux gardiens de la porte intĂ©rieure avec Jƍkaku (ChĆ«-mon, perdus) et participa Ă  l’élaboration d’un des deux Niƍ de la grande porte sud (Nandaimon), exemple caractĂ©ristique du style rĂ©aliste Kei[11].

AprĂšs avoir maĂźtrisĂ© la technique de l’école Kei, Kaikei explora de nombreux autres styles de sculpture Ă  la fin du XIIe siĂšcle, notamment l’art Song. Dans cette recherche artistique, il essayait de former un art personnel et individuel qui rĂ©pondait le mieux Ă  son caractĂšre[12]. Le style qui en rĂ©sulta, « extraordinairement beau et Ă©lĂ©gant »[12], est nommĂ© An’amiyƍ, Anna-miyƍ ou Anami, en rĂ©fĂ©rence au bouddha Amitābha (Amida en japonais), car Kaikei Ă©tait un fervent croyant de l’école amidiste Jƍdo shĆ«, un proche du moine Chƍgen[13] - [11], et devint d’ailleurs moine plus tard[14]. Novateur et unique, son art suscita aux alentours des annĂ©es 1200-1210 de nombreux chefs-d’Ɠuvre comme le Jizƍ et le Hachiman au Tƍdai-ji[15], et influença ensuite divers artistes. Durant cette pĂ©riode, il ouvrit Ă©galement son propre atelier de sculpture Ă  Nara, bien que continuant Ă  travailler pour l'Ă©cole Kei[16].

Dans les derniĂšres annĂ©es de sa vie, Kaikei se consacra presque exclusivement aux reprĂ©sentations d’Amida, mais semble perdre un peu de sa force d’expression ; selon H. Mƍri, le style An’amiyƍ Ă©tait certainement trĂšs beau, frappant par son originalitĂ© au dĂ©but, mais manquant peut-ĂȘtre d’intensitĂ© pour s’imposer dans le temps[17].

Il reçut les titres de hokkyƍ en 1203, puis de hƍgen (second titre honorifique pour les busshi) en 1210, qui tĂ©moignent du grand succĂšs qu’il rencontra de son vivant[18], en partie grĂące Ă  la popularitĂ© et la simplicitĂ© des sujets qu’il sculptait[11] - [19]. Environ une vingtaine d’Ɠuvres lui Ă©tant attribuĂ©es subsistent de nos jours[14].

Parmi ses principaux Ă©lĂšves figuraient Gyƍkai, Eikai et Chƍkai[20].

Styles Kei et An’amiyƍ

Agyƍ (Niƍ du Tƍdai-ji), bois, Kaikei et Ă©cole Kei
Hachiman sous l’apparence d’un moine, bois peint, Kaikei

Bien que maĂźtrisant les arts rĂ©alistes de l’école Kei, Kaikei Ă©tait de nature plus paisible que d’autres sculpteurs de l’école comme Unkei, et son style An’amiyƍ, qui s’appuie sur le rĂ©alisme, reflĂšte ce caractĂšre. Ses statues de plus petite taille expriment la grĂące, l’élĂ©gance, la dignitĂ©, la sĂ©rĂ©nitĂ©, la beautĂ© intellectuelle[12] - [13] - [6] ; comme l’écrit H. Mƍri, il s’agit d’un style « fĂ©minin » en opposition au style « viril Â» d’Unkei[18]. L’artiste, « sensible Ă  la perfection brute des formes », s’attachait avec minutie aux divers petits dĂ©tails de ses Ɠuvres[6].

Son style trĂšs personnel s’accompagnait d’un changement profond dans l’iconographie amidiste par rapport Ă  ses contemporains, Kaikei traitant le sujet au moyen de petites statues debout, fines, formant le mudrā raigƍin ; l’époque de Kamakura a en effet Ă©tĂ© marquĂ©e par une popularisation du bouddhisme de la Terre pure grĂące Ă  l’influence dĂ©terminante de moines comme Hƍnen ainsi que des guerriers, nouveaux maĂźtres du Japon[21].

Un exemple caractĂ©ristique de son art est la reprĂ©sentation de Hachiman sous l’apparence d’un moine (trĂ©sor national, sanctuaire Hachiman au Tƍdai-ji). Le kami shinto est reprĂ©sentĂ© assis sur un piĂ©destal en forme de fleur de lotus, une main levĂ©e tenant un sceptre (shakuzƍ), et la robe est richement dĂ©corĂ©e de motifs floraux Ă  la peinture dorĂ©e (kindei)[22] - [6]. L’artiste s’intĂ©resse Ă  reprĂ©senter la divinitĂ© sous une forme essentiellement humaine, oĂč la forte prĂ©sence idĂ©alisĂ©e du dieu guerrier est « subordonnĂ©e au calme et Ă  l’élĂ©gance Ă©thĂ©rĂ©e du moine »[23] - [13]. Le Jizƍ (Kƍkei-dƍ au Tƍdai-ji) montre quant Ă  lui une expression de grĂące, soulignĂ©e par le torse fin et le modelĂ© brillant et minutieux de la robe[24] - [11].

Parmi ses premiĂšres Ɠuvres encore trĂšs proches du style Kei demeurent la triade d’Amida au Jƍdo-ji et les deux Niƍ (ou Kongƍ-rikishi, nommĂ©s Ungyƍ et Agyƍ) du Tƍdai-ji. Ces derniers, parmi les exemples les plus reprĂ©sentatifs de l’école de nos jours, se caractĂ©risent par le dynamismes et l’impression de mouvements, avec le corps fin, les muscles saillants, le drapĂ© fluide et le visage farouche[23]. RĂ©alisĂ©s en environ deux mois, ils ont dĂ» requĂ©rir la participation de nombreux assistants. La tradition attribue la direction de chaque Niƍ Ă  Unkei (pour Ungyƍ) et Kaikei (pour Agyƍ) ; si les travaux rĂ©cents remettent Ă©ventuellement en question leur rĂŽle exact, la participation de Kaikei Ă  la rĂ©alisation du Agyƍ reste certaine[25].

ƒuvres principales

Annexes

Liens externes

Bibliographie

  • (en) Yoshiko Kainuma, Kaikei and early Kamakura Buddhism : a study of the An’amiyo Amida form, universitĂ© de Californie Ă  Los Angeles, (thĂšse)
  • Jonathan Edward Kidder (trad. Madeleine-paul David), Sculptures japonaises, Tokyo, Bijutsu Shuppan-Sha, Office du Livre, coll. « La BibliothĂšque de l’Amateur », , 336 p.
  • (ja) Takeshi Kobayashi, ć·§ćŒ ćź‰é˜żćŒ„é™€ä»ćż«æ…¶ (Kƍshƍ An’amidabutsu Kaikei), Tenri, Yƍtokusha,‎ , 93 p.
  • (en) Penelope E. Mason et Donald Dinwiddie, History of Japanese art, Pearson-Prentice Hall, , 432 p. (ISBN 978-0-13-117601-0)
  • (en) Hisashi Mƍri, Sculpture of the Kamakura period, vol. 11, Weatherhill, coll. « Heibonsha Survey of Japanese Art », , 174 p. (ISBN 978-0-8348-1017-4)
  • (ja) Hisashi Mƍri, ä»ćž«ćż«æ…¶è«– (Busshi Kaikei ron), Tokyo, Yoshikawa Kƍbunkan,‎ , 278 p.
  • Christine Shimizu, L’art japonais, Flammarion, coll. « Tout l’art », , 448 p. (ISBN 978-2-08-013701-2)
  • (en) Robert Treat Paine et Alexander Soper, The Art and Architecture of Japan, Penguin Books Ltd., , 3e Ă©d., 524 p.
  • (ja) Saburƍsuke Tanabe, é‹æ…¶ăšćż«æ…¶ (Unkei to Kaikei), Tokyo, Shibundƍ, coll. « Nihon no bijutsu »,‎ , 93 p.
  • Peter Charles Swann (trad. Marie TadiĂ©), Japon : de l’époque Jƍmon Ă  l’époque des Tokugawa, Paris, Albin Michel, coll. « L’art dans le monde », , 239 p.

Références

  1. Mƍri 1974, p. 98, 107
  2. Kainuma 1994, p. 15-16
  3. Mason et Dinwiddie 2005, p. 169
  4. Shimizu 2001, p. 164-165
  5. Swann 1967, p. 106-108
  6. (en) Hiromichi Soejima, « Japan, Sculpture, Kamakura Period », dans Jane Turner, The dictionary of Art, vol. 17, Grove’s Dictionaries, (ISBN 9781884446009), p. 121-126
  7. Shimizu 2001, p. 171
  8. Kainuma 1994, p. 48-51
  9. Mƍri 1974, p. 98
  10. Kainuma 1994, p. 51
  11. (en) Hiromichi Soejima, « Kaikei », Oxford Art Online, universitĂ© d’Oxford (consultĂ© le )
  12. Mƍri 1974, p. 101-102
  13. Mason et Dinwiddie 2005, p. 190-192
  14. (en) « Kaikei », EncyclopÊdia Britannica en ligne (consulté le )
  15. Kainuma 1994, p. 56-57, 71-72
  16. Kainuma 1994, p. 57-58
  17. Mƍri 1974, p. 105-106
  18. Mƍri 1974, p. 107
  19. Kainuma 1994, p. 2
  20. Mƍri 1974, foldout 2
  21. Kainuma 1994, p. 10-11
  22. Shimizu 2001, p. 174
  23. (en) Yutaka Mino, John M. Rosenfield, William H. Coaldrake, Samuel C. Morse et Christine M. E. Guth, The Great Eastern Temple : treasures of Japanese Buddhist art from Tƍdai-ji, The Art Institute of Chicago et Indiana University Press, (ISBN 978-0-253-20390-8), p. 59-62
  24. Mƍri 1974, p. 104
  25. Kainuma 1994, p. 54-56


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